Table Of ContentLe morphème etc. chez Stendhal: du fait de langue au
trait de style
Claire Deslauriers
To cite this version:
Claire Deslauriers. Le morphème etc. chez Stendhal: du fait de langue au trait de style. Littératures.
Université de Lyon, 2016. Français. NNT: 2016LYSEN013. tel-01371647
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Submitted on 26 Sep 2016
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Numéro National de Thèse : 2016LYSEN013 
 
 
THESE de DOCTORAT DE L’UNIVERSITE DE LYON 
opérée par 
l’École Normale Supérieure de Lyon 
 
 
Ecole Doctorale N° 484  
Lettres, Langues, Linguistique et Arts 
 
Spécialité de doctorat : Stylistique 
Discipline : Langue et littératures françaises 
 
 
Soutenue publiquement le 05/07/2016, par : 
Claire DESLAURIERS 
 
 
Le morphème etc. chez Stendhal,  
du fait de langue au trait de style 
 
 
 
 
 
 
 
Devant le jury composé de : 
 
 
M. Bordas, Éric    Professeur  École Normale Supérieure de Lyon    Directeur de thèse 
M. Dürrenmatt, Jacques    Professeur  Université Paris-Sorbonne      Rapporteur 
Mme Meynard, Cécile   Professeur Université d’Angers        Rapporteure 
Mme Parmentier, Marie   Maître de Conférences à l’Université de Poitiers  Examinatrice 
M. Siouffi, Gilles     Professeur  Université Paris-Sorbonne     Examinateur
2
REMERCIEMENTS 
 
 
En  premier  lieu,  je remercie  Monsieur Éric  Bordas, qui  a dirigé  cette 
thèse,  pour  les  pistes  de  recherches  et  les  nombreuses  indications qu’il  m’a 
apportées,  la  confiance  qu’il  m’a  témoignée,  les  conseils  qu’il  m’a  donnés. 
J’aimerais également lui dire à quel point j’ai apprécié son enthousiasme pour 
mon sujet de recherche. Enfin, je lui suis extrêmement reconnaissante de sa 
patience et de son soutien. 
Je remercie Madame Cécile Meynard et Madame Marie Parmentier, ainsi 
que  Monsieur Jacques  Dürrenmatt  et  Monsieur  Gilles  Siouffi qui  m’ont  fait 
l'honneur de participer au jury de soutenance. 
Mes plus profonds remerciements vont à Yasmine Daâs qui m’a consacré 
beaucoup  de  temps,  m’a  beaucoup  appris  et  m’a  vivement  encouragée.  Son 
incroyable énergie m’a permis de mener à bien ce travail. 
Je  souhaite  remercier  également  Sarah  Gaucher  pour  l’aide  précieuse 
qu’elle m’a apportée et Laetitia Faivre pour ses conseils en linguistique. J’ai une 
pensée particulière pour Julian de Rivas et pour Domitille Caillat qui m’ont 
apporté leur aide, ainsi que pour tous mes amis doctorants, docteurs et collègues 
qui ont partagé mes interrogations. 
Je remercie en particulier mes parents de m’avoir soutenue tout au long de 
mes années de recherche. 
A  Pavel,  mon  mari,  je  désire  exprimer  toute  ma  gratitude  pour  ses 
encouragements  inconditionnels,  qui  m’ont  été  essentiels  durant  ces  années, 
m’apportant courage et sérenité. 
   
3
INTRODUCTION 
 
 
 
 
 
 
 
   
5
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Introduction 
 
 
1.  Etc., cet étrange objet linguistique 
Fréquemment employé, à l’écrit comme à l’oral et dans tous les sociolectes, etc. est un 
objet linguistique très particulier. On le trouve à la suite d’une citation, d’un discours rapporté 
ou du début d’un refrain déjà noté dans le cotexte. Il représente alors une interruption du texte 
premier et réfère à ce qui en constitue la suite. Mais il sert aussi fréquemment à mettre fin à 
une énumération tout en la présentant comme incomplète.  
Aucune étude systématique, dans le domaine de la linguistique française, n’a porté 
spécifiquement sur le etc. La définition même de cet objet pose problème : en latin, c’est une 
locution formée de deux mots, et et cetera. Mais en français, nous parlerons de morphème car 
aucun  des  deux  mots  de  la  locution  latine  n’est  présent  tel  quel  dans  notre  langue.  Le 
coordonnant n’est pas prononcé de la même façon en latin [ɛt] et en français [e]. Il est suivi du 
terme  cetera  qui  n’est  pas  entré  dans  le  système  de  langue  français.  La  plupart  des 
dictionnaires classent le etc. dans la catégorie « locution adverbiale1 ». Outre que et cetera n’a 
rien d’adverbial, ni en latin ni en français, il ne s’agit ni d’une locution ni d’un lexème car les 
deux mots ne sont agglomérés qu’à l’écrit et seulement dans la graphie etc. Mais c’est un 
morphème2,  terme  désignant  « le  plus  petit  élément  significatif  individualisé  dans  un 
énoncé3 », malgré ses huit phonèmes, liés aux deux lexèmes latins. 
Les deux emplois principaux de cet objet linguistique sont très présents dans les 
discours  populaires  contemporains.  Une  des  occurrences  les  plus  connues  souligne 
l’interruption d’un texte familier à de nombreux locuteurs français. Elle se situe dans le titre 
d’une chanson de Serge Gainsbourg, « Aux armes, et cætera », qui ne conserve du refrain de 
La Marseillaise que les deux premiers mots suivis de etc. Autant que le rythme syncopé, la 
mélodie reggae et  l’interprétation chorale de femmes non francophones, le  « et  cætera » 
                                                 
1 Le TLF (Trésor de la Langue Française), par exemple, présente une entrée « ET CÆTERA, ET CETERA, ET CŒTERA, 
ETC. »  suivie  de  l’indication  « loc.  adv. »  abrégeant  les  termes  « locution  adverbiale ». 
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/affart.exe?19;s=3308975115;?b=0. Le dictionnaire Larousse mentionne à l’entrée 
« et cetera » : « et cetera ou et caetera : locution adverbiale ». 
2 Selon Martinet : « Les morphèmes renvoient à une catégorie grammaticale exprimant le nombre, le temps, le genre, le 
mode, l’aspect ou les connexions logiques ». Martinet (1970 : 20). Etc. serait donc un « morphème indépendant » comme 
« les articles, les adjectifs, les pronoms toniques, les adverbes, les prépositions ou les conjonctions ». 
3 « Morphemes are the smallest individually meaningfull elements in the utterances of a language ». Cette définition est 
donnée par Charles Francis Hockett (1958 : 123). 
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Introduction 
constitue  un  élément  fondamental  d’une  réécriture  provocatrice  assumée.  Pourtant 
l’interruption marque paradoxalement une fidélité absolue4, littérale, au texte initial5. En effet, 
dans le manuscrit original de Rouget de Lisle, après le deuxième couplet, le refrain est abrégé 
ainsi : « Aux armes, citoyens ! &câ 6». Il a inspiré son titre à la chanson de Gainsbourg qui a 
suscité des réactions violentes, invitant à s’interroger les effets du morphème etc.  
S’il est  fréquent  dans tous les types de discours populaires, il est  aussi  un outil 
pragmatique exploité par les publicitaires qui jouent de la pratique de l’énumération présentée 
comme incomplète. Au mois de décembre 2012, les publicités de la marque de vêtements 
Comptoir  des  cotonniers  se  composaient  d’une  photographie  et  du  slogan  :  « Madame, 
Mademoiselle, etc. ». La marque ne proposant que des vêtements féminins, il n’était pas 
question de renvoyer au troisième appellatif usuellement relié aux deux premiers : Monsieur. 
Le prolongement de l’énumération sous-entendu par le etc. permet de briser l’alternative entre 
les deux appellatifs socialement marqués renvoyant à des individus de sexe féminin. Le 
récepteur du slogan est alors invité à réfléchir sur l’alternative imposée aux femmes, alors 
même  que  le  terme  Mademoiselle  est  en  passe  de  disparaître  officiellement7.  Si  le  etc. 
souligne la référence à un débat actuel, il permet aussi de maintenir une distance ironique en 
faisant sourire. 
Ces deux exemples témoignent des multiples possibilités interprétatives du morphème 
etc. Ils montrent aussi que les deux emplois principaux, à la suite d’un discours cité ou d’une 
énumération,  peuvent  aussi  être  combinés.  Les  implications  sémantico-référentielles  du 
morphème en font un observable linguistique important qui influe sur le contenu illocutoire 
du message, quel qu’il soit. 
                                                 
4  Gainsbourg  revendique  d’ailleurs  une  reprise  de  la  « lettre »  du  texte :  « Je  suis  un  insoumis,  qui  a  redonné  à 
La Marseillaise son sens initial », déclare-t-il le 4 janvier 1980, à Strasbourg. Le chanteur avait été contraint d’annuler le 
concert après plusieurs alertes à la bombe. Il monte cependant sur scène et fait cette déclaration, avant d’entonner a 
cappella (ses musiciens jamaïcains sont partis) la version originale de La Marseillaise. Voir la vidéo de l’émission 
« Samedi et demi », le 5 janvier 1980, diffusée par « France 3 Régions Strasbourg », sur le site des archives de l’INA 
(Institut National de l’Audiovisuel) : http://www.ina.fr/video/CAB8000061901. 
5  « Gainsbourg follows the original lyrics to the letter (Rouget de Lisle marked ‘et caetera’ on the manuscript instead of 
writing out the chorus) : Gainsbourg suit les paroles originales à la lettre (Rouget de Lisle nota “et cætera” sur le manuscrit 
au lieu de recopier le refrain.) », Edwin C. Hill (2003 : 115-126).  
6 Voir les pages du manuscrit original acheté par Gainsbourg en 1981 sur le site de l’assemblée nationale : 
http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/dossier-historique-la-marseillaise/les-paroles-de-la-
marseillaise 
7 Le Conseil d’État s’apprêtait à valider la suppression de ce terme dans les documents et formulaires administratifs. Suite à 
ce débat et par une décision du 26 décembre 2012, le Conseil d’État a validé la circulaire du Premier ministre du 21 février 
2012 préconisant la suppression du terme « Mademoiselle » dans les formulaires administratifs. Voir : Conseil d’Etat, 26 
décembre 2012, « Libérez les mademoiselles », requête n°358226, publié au recueil Lebon.  
 8
Introduction 
La  pluralité  des  graphies  constatées  témoigne  également  de  l’originalité  du 
morphème : si le manuscrit de la Marseillaise comportait la graphie « &câ », la première 
édition du texte présente une abréviation différente. Les premiers mots du refrain sont suivis 
de l’abréviation &Co : « Aux armes, citoyens ! &Co ». Les graphies abrégées, &c.â, &Co, &c. 
ont aujourd’hui disparu au profit de la graphie etc. et le coordonnant n’est plus guère noté &, 
dit esperluète. Mais lorsque le morphème est noté sans abréviation, en conformité avec sa 
prononciation, trois transcriptions entrent en concurrence : et cetera, et caetera, et cœtera. Il 
est rare qu’un morphème d’usage courant possède trois écritures différentes. Si les normes 
orthographiques autorisent, pour certains termes, deux graphies concurrentes, la possibilité 
pour un lecteur d’en rencontrer trois est tout à fait inhabituelle et pèse sur l’effet produit par 
ce morphème. Les diphtongues « æ » et « œ » accentuent l’étrangeté du terme et sa perception 
comme un xénisme alors que le latin classique ne présente pas d’usage attesté de telles 
diphtongues pour le mot cetera. De plus, elles accroissent la distance entre la prononciation 
[ɛtsetera]  et  la  graphie :  les  diphtongues  [ae]  et  [oe]  n’existent  pas  en  français  car  leur 
réalisation phonétique est simplement [e]. Les réfections graphiques tardives ne correspondent 
à aucune réalité ni de la langue latine ni de la langue française. Elles n’apportent aucun 
changement phonétique et ne respectent pas la graphie latine mais créent un effet savant.  
2. Etc. comme objet littéraire 
Les précédentes occurrences sont issues d’une chanson et d’une publicité : il aurait 
aussi été possible et pertinent d’interroger les usages du morphème dans la langue parlée ou 
dans le langage journalistique, administratif… Cependant, c’est sur un corpus exclusivement 
littéraire que porteront les analyses des emplois de etc. Son usage dans un discours qui est 
représentation  révèle  un  certain  rapport  aux  autres  discours.  Ce  choix  permet  d’aller  à 
l’encontre de l’idée selon laquelle etc. serait « a-littéraire », ce qui repose sur une vision 
sacralisée du discours littéraire postulant qu’il forme un tout, une unité irréductible. L’unité 
parfaite et close de l’œuvre ainsi conçue exclut les expressions telles que etc. parce qu’elles 
ont l’inconvénient de représenter une interruption, une abréviation voire une dévalorisation de 
ce qui les précède. En effet, perçu comme un signe de désinvolture ou de négligence, etc. 
apparaît parfois comme un élément déroutant dans un discours présenté comme soigné : le 
langage universitaire, celui de la recherche, a tendance à décourager, surtout à l’écrit, l’emploi 
de ce morphème, soupçonné de nuire à l’exhaustivité du propos. L’effet d’ellipse semble 
suggérer la désinvolture ou l’impuissance du scripteur. D’autre part, une certaine vision de 
l’écrivain  impliquerait  l’évitement  de  ce  marqueur  d’interruption,  signe  à  la  fois  d’une 
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Description:mélodie reggae et l'interprétation chorale de femmes non francophones, le « et .. reprise dans l'édition originale du Rouge et le Noir, à la fin de la première . Yves Ansel et Philippe Berthier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la