Table Of ContentValeur de la gouvernance d’entreprise et gouvernance
des valeurs de l’entreprise
Recherche sur les effets des codes de gouvernance et les stratégies de
communication en matière de gouvernance
Recherche réalisée avec le soutien de la Mission de recherche Droit et Justice
(Convention de recherche n° 215.01.05.14.)
RAPPORT FINAL
(Septembre 2017)
Responsables scientifiques du projet
Jean-Christophe Duhamel
Docteur en droit, Ingénieur de recherche, Faculté de Droit - Lille 2
Réda Sefsaf
Maître de conférences, Faculté Finance, Banque, Comptabilité – Lille 2
Responsables scientifiques du projet et auteurs du présent rapport :
Jean-Christophe Duhamel
Docteur en droit, Ingénieur de recherche
Faculté de Droit – Université Lille 2
Centre de Recherche Droits et Perspectives du Droit (CRDP, EA n°4487)
Réda Sefsaf
Maître de conférences
Faculté Finance, Banque, Comptabilité – Lille 2
Lille School Management Research Center (LSMRC, EA n° 4112)
Note : Réda Sefsaf a rédigé spécifiquement le chapitre 2 de la 1ère partie (« La valeur de la gouvernance
d’entreprise en sciences de gestion »), ainsi que le II du chapitre 2 de la 2ème partie (« Analyse
économétrique ») ; les autres éléments de l’étude ont été rédigés par Jean-Christophe Duhamel. Les
auteurs demeurent bien entendu responsables et solidaires de l’intégralité du contenu du présent
rapport.
Membres de l’équipe de recherche :
Ammar Sharkatli, professeur à l’EDHEC Business School, docteur en droit privé.
Lydia Cambier, Martin Kruczkowski, Eve Tisne, étudiants en Master 2 « Droit des contrats et du
recouvrement des créances », Lille 2.
Le présent document constitue le rapport scientifique d’une recherche réalisée avec le soutien du
GIP Mission de recherche Droit et Justice (convention n° 215.01.05.14.). Son contenu n’engage que
la responsabilité de ses auteurs. Toute reproduction, même partielle, est subordonnée à l’accord de
la Mission.
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Remerciements :
Les responsables scientifiques du projet tiennent à remercier la Mission de recherche Droit et Justice
pour son soutien scientifique, et Victoria Vanneau, responsable du suivi scientifique, pour sa
bienveillance et la relecture tout aussi attentive que précieuse du présent rapport.
Doivent également être salués pour leur collaboration Ammar Sharkatli, Lydia Cambier, Martin
Kruczkowski et Eve Tisne, ces « petites mains » au rôle si important, sans lesquelles cette recherche
n’aurait pu être menée.
Nos chaleureuses gratitudes vont également aux personnes ayant accepté de nous recevoir et de nous
consacrer une partie de leur temps, dans le cadre d’entretiens ayant donné lieu à des échanges
souvent passionnés, et toujours passionnants :
- Pour l’Association de Défense des Actionnaires Minoritaires (ADAM), Mme Colette Neuville,
présidente ;
- Pour l’Association Nationale des Actionnaires de France (ANAF), M. Gérard Gérardin, président ;
- Pour l’Association Nationale des Sociétés par Actions (ANSA), M. Christian Schricke, délégué
général, Mme Isabelle Trémeau, secrétaire générale, et M. Régis Foy, secrétaire du comité
juridique ;
- Pour l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), Division de la régulation des sociétés cotées,
Direction de la régulation et des affaires internationales, M. François-Régis Benois, directeur,
M. François Gilbert et Mme Maryline Dutreuil Boulignac ;
- Pour Deminor, M. Bernard Thuysbaert, managing director, et Mme Stéphanie Kervyn de
Meerendré, senior legal consultant ;
- Pour le Haut Comité de Gouvernement d’entreprise (HCGE), M. Pascal Durand-Barthez, secrétaire
général ;
- Pour l’Institut Français des Administrateurs (IFA), M. Antoine Metzger, délégué général ;
- Pour Labrador, M. Laurent Rouyrès, président, et Mme Eva Bastide Leroy, secrétaire générale
groupe.
Les auteurs tiennent également à remercier :
- M. le professeur Frédéric Lobez, vice-président recherche de l’Université Lille 2, pour avoir
permis la fertile rencontre entre Jean-Christophe Duhamel et Réda Sefsaf ;
- M. le professeur Eric De Bodt, directeur du laboratoire LSMRC (Lille 2 School Management
Research Center), qui a mis à disposition les outils de recherche (bases de données et logiciel
statistique) ayant permis de rendre une partie de ce travail réalisable ;
- M. le professeur Denis Voinot, directeur de l’équipe de recherche René Demogue et co-
responsable de l’axe transversal « Droit et Finance » du CRDP de Lille 2, qui a rendu possible
la collaboration au projet des étudiants du Master 2 « Droit des contrats et du recouvrement
des créances ».
Jean-Christophe Duhamel remercie son épouse pour ses relectures réconfortantes, ses
encouragements et sa patience durant ces nombreuses, trop nombreuses, semaines d’indisponibilité.
Enfin, nos pensées reconnaissantes vont à tous ceux qui auront accompagné et soutenu, de près ou
de loin, ce projet.
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Sommaire
1ère partie : Analyse de la valeur de la gouvernance d’entreprise...................................... 17
Chapitre 1 : La valeur juridique des normes de gouvernance d’entreprise ................................... 19
I : Le renforcement de la légitimité des auteurs des codes de gouvernance : un symbole à atteindre ? .......... 25
II : Promouvoir l’obligatoriété des codes de gouvernance : un mouvement tangible ....................................... 38
Conclusion du chapitre 1 : .................................................................................................................... 89
Chapitre 2 : La valeur de la gouvernance d’entreprise en sciences de gestion .............................. 91
I : Cadre théorique et efficacité des modèles de gouvernance ......................................................................... 93
II : Mécanismes spécifiques de gouvernance et valeur d’entreprise ............................................................... 112
Conclusion du chapitre 2 : .................................................................................................................. 131
Conclusion de la 1ère partie : ....................................................................................................... 133
2ème partie : L’hypothèse d’une gouvernance des valeurs de l’entreprise ......................... 135
Chapitre 1 : La pertinence de l’hypothèse soumise à une démarche qualitative .........................137
I : L’hypothèse soumise à questionnaire ......................................................................................................... 139
II : L’hypothèse soumise à entretiens .............................................................................................................. 146
Conclusion du chapitre 1 : .................................................................................................................. 167
Chapitre 2 : La validité de l’hypothèse testée par une démarche économétrique .......................169
I : Mise en place de la phase économétrique .................................................................................................. 170
II : Analyse économétrique.............................................................................................................................. 202
Conclusion du chapitre 2 : .................................................................................................................. 225
Conclusion de la 2ème partie : ...................................................................................................... 227
Conclusion générale : ................................................................................................................ 233
Bibliographie ............................................................................................................................235
ANNEXES ..................................................................................................................................251
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Introduction
La gouvernance d’entreprise est un domaine de recherche largement exploré par le droit et les
sciences de gestion, même si on ne s’entend guère, en général, sur sa définition. Concept dont la
polysémie est fréquemment relevée1, de nombreuses études renvoient à la définition pionnière posée
par le Cadbury Report paru en 1992 ; la gouvernance d’entreprise serait « la façon dont la société est
dirigée et contrôlée2 ». Pour autant, tout un chacun perçoit que depuis qu’existent des entreprises,
spécifiquement organisées sous forme sociétaire, existe la nécessité d’en assurer la direction et le
contrôle… On peut même considérer que tel est l’objet essentiel du droit des sociétés. Si le mouvement
de la gouvernance d’entreprise a émergé à partir de la fin des années 80, alors qu’il existait des sociétés
depuis des siècles, c’est bien parce qu’il a entendu apporter un supplément d’âme au domaine de la
direction et du contrôle des sociétés. La définition du Cadbury Report serait donc trop généraliste pour
être opératoire.
De sorte à tenter de cerner le concept de gouvernance, nous avons pu, au gré de travaux antérieurs3,
opérer la distinction entre sa dimension analytique et sa dimension normative. Il importe, pour la
bonne compréhension de la démarche de recherche de la présente étude, d’insister dès à présent sur
cette distinction :
La gouvernance d’entreprise, en tant que concept analytique, est neutre, à l’image de la
définition qui lui est apportée par le Cadbury Report. Partant, « la » bonne gouvernance
d’entreprise n’existerait pas ; seules existeraient « des » pratiques de direction et de contrôle
de la société, lesquelles, lorsqu’elles amènent de la performance, de la compétence, de la
transparence, lorsqu’elles mettent fin à des situations de conflits d’intérêt ou encore
respectent les intérêts des différentes parties prenantes de l’entreprise, pourraient chacune
traduire « une » bonne gouvernance. Cette conceptualisation analytique de la gouvernance
permet une grande souplesse dans la direction et le contrôle des sociétés, et implique de
rejeter l’aspect « One size fits all », « prêt-à-porter », de la gestion de l’entreprise qui ne peut
être réduite à des pratiques stéréotypées. Mais il faut alors accepter la large indétermination
de la notion même de gouvernance et la variabilité de son contenu ; pour paraphraser le doyen
Carbonnier : « A chacun sa gouvernance » !
La gouvernance d’entreprise, en tant que concept normatif, n’est pas neutre. Elle représente
la somme des bonnes pratiques, considérées comme telles par un référentiel prédéterminé,
dépourvues de force contraignante, et a fortiori, de dispositif de sanction en cas de non-
application. Ces bonnes pratiques sont le plus fréquemment présentées dans des « codes de
gouvernance » ou des « codes de gouvernement d’entreprise ». Ces codes contiennent des
recommandations dont le degré de précision et de technicité est variable, mais qui traitent
pour l’essentiel des deux grandes déclinaisons de la gouvernance que sont l’indépendance du
contrôle des dirigeants et la transparence de la structure sociétaire. Ils émanent d’acteurs
aussi bien privés que d’autorités à caractère public, et ont vocation à concerner le monde des
1 Baron (C.), « Débats autour d’un concept polysémique », Droit et société 2003, pp. 329-349 ; Paye (O.), « La
Gouvernance : d’une notion polysémique à un concept politologique », Etudes Internationales 2005, n° 1, pp. 13-
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2 Committee on the Financial Aspects of Corporate Governance, The Financial Aspects of Corporate Governance,
December 1992, point 2.5.
3 B. Fasterling, J.-C. Duhamel, « Le Comply or explain : la transparence conformiste en droit des sociétés », Revue
Internationale de Droit Economique 2009/2, t. XXIII, 2, pp. 129-157, not. n° 6, p. 134 et s.
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sociétés cotées, fréquemment entaché dans l’histoire récente de scandales liés à un déficit de
contrôle de l’action des dirigeants, à l’opacité des résultats de l’entreprise ou encore à des
niveaux de rémunération estimés peu justifiables. Ainsi, ils abordent des thèmes qu’on
pourrait qualifier d’incontournables : l’indépendance des administrateurs, la présence de
comités spécialisés tel que le comité d’audit, la lutte contre les conflits d’intérêts ou encore
les modalités d’attribution de la rémunération des dirigeants exécutifs. Si chaque code est
propre à un pays déterminé, les préconisations qu’il renferme restent relativement
standardisées à l’échelle internationale. Au travers de tels référentiels, est ainsi rendue
accessible « la » bonne gouvernance, qui offre aux sociétés cotées un mode de gestion et de
contrôle stéréotypé, prêt-à-porter.
Le droit positif, et cela ne saurait véritablement surprendre, témoigne d’une faveur à la gouvernance
en tant que concept normatif, et ce au travers de la technique dite du « comply or explain », « se
conformer ou s’expliquer ». Ce mécanisme consiste à obliger chaque année les sociétés dont les
actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, à délivrer des déclarations de
gouvernance, lesquelles consistent à prendre appui sur un code de gouvernance, et à expliquer les
raisons qui ont amené à ne pas appliquer certaines recommandations qu’il contient. L’obligation de
prendre position à l’égard d’un référentiel de gouvernance préétabli érige de facto ce dernier au rang
de « modèle » de bonnes pratiques, modèle vis-à-vis duquel il convient de se positionner. Toutefois,
l’alternative laissée aux sociétés de se justifier en cas de non application de certaines
recommandations leur permet de choisir et d’exposer des pratiques singulières, ce qui n’annihile donc
pas toute dimension analytique à la gouvernance… Le comply or explain se positionne par conséquent
à un point de bascule entre une approche normative et une approche analytique, même si les
recommandations décrites dans les codes sont conçues comme « les » pratiques de référence
potentiellement applicables à toute société. Cette alchimie que réalise la technique du comply or
explain, entre souplesse et contrainte, explique pour une large part sa notoriété4.
Les entreprises cotées sur un marché réglementé doivent en effet, depuis 2008 en France5, se livrer
chaque année à cet exercice de communication sur leur rattachement et leur conformité à un code de
gouvernance. Aux termes des nouveaux articles L. 225-37-4, 8°, et par renvoi, L. 225-68, al. 6 du Code
de commerce tels que créés par l’ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 20176 :
4 Le comply or explain a fait des émules dans d’autres domaines que celui de la gouvernance, à l’image de la
responsabilité sociale et environnementale des grandes entreprises. Certes, l’effet de contrainte n’y joue pas de
manière aussi nette, car l’option retenue s’assimile davantage au principe « if you comply, then explain » :
« Lorsqu’une société se conforme volontairement à un référentiel national ou international en matière sociale ou
environnementale, le rapport [environnemental] peut le mentionner en indiquant les préconisations de ce
référentiel qui ont été retenues et les modalités de consultation de ce dernier » (art. R. 225-105, al. 4 c. com.). Sur
la question, Blin-Franchomme (M.-P.), « Prendre la RSE au sérieux ? L’obligation légale d’information sociale,
environnementale et sur le développement durable en droit des sociétés », Journal des sociétés 2012, n° 100, pp.
44-54.
5 Loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit des sociétés au droit
communautaire.
6 La rédaction du dispositif légal du comply or explain est restée stable en droit français durant environ dix ans,
les anciens articles L. 225-37, al. 7 et L. 225-68, al. 8 du Code de commerce n’ayant pas fait l’objet de modification
du 3 juillet 2008 au 14 juillet 2017. L’ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 a modifié la numérotation et la
rédaction de ce dispositif, sans en changer toutefois le régime, sauf sur un point selon nous : la déclaration de
gouvernance émane dorénavant du conseil, en ce qu’elle est intégrée au nouveau rapport sur le gouvernement
d’entreprise prévu à l’art. L. 225-37, al. 6 c. com., et non plus du président du conseil d’administration. Pour
mémoire et comparaison, voici l’ancienne rédaction du dispositif légal du comply or explain français :
« Lorsqu’une société se réfère volontairement à un code de gouvernement d’entreprise élaboré par les
organisations représentatives des entreprises, le rapport [du président du conseil joint au rapport annuel de
gestion du conseil] précise également les dispositions qui ont été écartées et les raisons pour lesquelles elles l’ont
été. Se trouve de surcroît précisé le lieu où ce code peut être consulté. Si une société ne se réfère pas à un tel code
de gouvernement d’entreprise, ce rapport indique les règles retenues en complément des exigences requises par
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Description:Pour l'Association de Défense des Actionnaires Minoritaires (ADAM), Mme Colette Neuville, présidente .. adopted by the European Commission in 2006 enjoys wide acceptance by the corporate as well the . Gouvernement d'Entreprise (HCGE), l'Institut Français des Administrateurs (IFA), Labrador et.