Table Of ContentStéphane Verger
Une tombe à char oubliée dans l'ancienne collection Poinchy de
Richebourg
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 108, N°2. 1996. pp. 641-691.
Résumé
Stéphane Verger, Une tombe à char oubliée dans l'ancienne collection Poinchy de Richebourg, p. 641-691.
L'examen d'un manuscrit rédigé par le collectionneur champenois A. Nicaise et des restes de la collection A. Poinchy de
Richebourg, conservés au Musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, a permis de reconstituer le mobilier d'une
tombe à char découverte avant 1890 dans les environs de Châlon-en-Champagne. Il comportait un équipement guerrier,
aujourd'hui disparu, de La Tène A ancienne (vers 475-425 avant J.-C), un mors de construction complexe et deux grands
disques de harnais en fer à décor ajouré.
L'étude du mors a conduit à reconnaître un type de harnachement réservé aux chevaux montés, particulièrement fréquent en
Champagne au Ve siècle. Les deux disques ajourés constituent les meilleurs témoins de la très
(v. au verso) grande qualité atteinte par les artisans du début du second Âge du fer dans la fabrication des objets en tôle de fer.
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Verger Stéphane. Une tombe à char oubliée dans l'ancienne collection Poinchy de Richebourg. In: Mélanges de l'Ecole
française de Rome. Antiquité T. 108, N°2. 1996. pp. 641-691.
doi : 10.3406/mefr.1996.1957
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1996_num_108_2_1957
STÉPHANE VERGER
UNE TOMBE À CHAR OUBLIÉE
DANS L'ANCIENNE COLLECTION POINCHY
DE RICHEBOURG
Pour Alain Duval
Les archives du Musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-
Laye1 conservent une note manuscrite rédigée en 1890 par Auguste Nicaise
et consacrée au mobilier d'une tombe à char découverte par Albert Poinchy
de Richebourg. Il s'agit du manuscrit n° 8086, classé actuellement dans la
boîte 14 des archives du musée. En voici le texte :
«Note sur un char gaulois découvert près de Lisieux (Calvados)
Les fouilles pratiquées dans les cimetières gaulois du département de la
Marne ont déjà donné plus de 50 sépultures avec char dont 7 ou 8 seulement
étaient inviolées.
Le département de l'Aisne a révélé deux ou trois de ces sépultures.
Quelques chars gaulois ont été aussi découverts dans l'ouest et dans le midi.
Mais la Normandie n'a pas encore, que nous sachions, donné de découv
ertes de chars.
Il paraît donc intéressant de signaler la trouvaille d'un char gaulois près
de Lisieux.
Ce gisement renfermait notamment
1) Une lance en fer de 20 cent environ de longueur
2) Deux petites lances (armes de jet) aussi en fer
3) Un poignard à large lame et à longue soie, encore dans son fourreau;
le tout en fer.
Un poignard de même type a été rencontré dans le cimetière gaulois des
Varilles, commune de Bouy (Marne)
4) Un rasoir en fer se terminant en pointe par le haut, tandis que l'e
xtrémité inférieure est curviligne. Ce rasoir est en forme de lame de couteau
recourbée, le tranchant à la partie convexe.
Il diffère par sa forme de ceux découverts dans le département de la
Marne, qui sont semi circulaires et sans pointe.
1 Je tiens à remercier tous ceux qui, au Musée des antiquités nationales, m'ont
guidé dans le dédale des collections et des réserves et m'ont ouvert sans restrictions
les riches archives manuscrites.
MEFRA - 108 - 1996 - 2, p. 641-691. 42
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5) Un mors de cheval en fer, à branche montante, comme celui découv
ertau x Varilles et que j'ai reproduit dans L'époque gauloise pi. 4 fig. 6
Celui de Lisieux est plus petit et plus léger.
C'est le second mors gaulois à branche montante découvert jusqu'au
jourd'hui, ceux déjà connus se terminant à chaque extrémité par un large
anneau, qui les classe dans le type appelé mors de filet ou de bridon.
6) Un morceau de fer portant des rainures et ayant fait partie du plan
cher ou du revêtement métallique du char.
Il est identiquement semblable aux nombreux fragments du revêtement
métallique que j'ai signalés dans la sépulture à char de Sept Saulx (L'époque
gauloise, planche 4, figure 5 et 7).
Cette répétition est intéressante car elle indique que le revêtement métal
lique du char de Sept Saulx ne présentait point un caractère unique et qu'un
certain nombre de chars gaulois étaient sans doute pourvus de ce genre de
blindage.
7) Deux grandes phalères en fer de forme ronde, ornées sur leur plat de
cercles concentriques en saillie formées par un cordon de fer empâté dans la
fonte et offrant ainsi le même procédé de fabrication que le revêtement du char.
Au centre de ces phalères on remarque un umbo, consistant en une
cupule surélevée en forme de vase, cupule portant au centre un cabochon ou
bouton saillant.
La sépulture à char de Sept Saulx montre deux cupules de même forme
surmontant les phalères composées de lambrequins en fer et bronze, mais
elles sont en bronze et le cabochon central est en émail rouge (Époque gau
loise pi. 1 fig. 1)
8) Une longue chaîne en bronze formée de petits anneaux.
9) Quatre pendeloques en bronze rencontrées déjà en bronze et aussi en
fer dans les gisements de la Marne.
Elles ressemblent aux aiguillettes ornant certains uniformes militaires
modernes.
10) Un crochet de suspension en bronze, avec l'anneau usé en un point
par le frottement, et qui servaient tous deux à suspendre le poignard décrit
plus haut.
La partie surmontant le crochet s'évase en forme de lyre, type déjà ren
contré dans la Marne.
Tels sont les principaux objets de cette découverte dont l'ensemble fait
maintenant partie de la collection de M. de Richebourg à Châlons sur Marne.
Ce gisement n'a pas donné de torque.
L'automne dernier, M. de Richebourg a découvert sur le territoire de la
Veuve (Marne), dans la partie sud ouest avoisinant le territoire de Recy, un
cimetière gaulois qui lui a déjà donné 80 sépultures, dont un grand nombre
étaient violées.
Cependant, les découvertes qu'y a faites M. de Richebourg sont fort inté
ressantes. Il y a trouvé poignard, épées, torques, bracelets, fibules et notam
mentd e beaux vases peints et incisés, ou avec des ornements faits au peigne.
À citer dans ce genre un vase dont la décoration reproduit avec soin un travail
de vannerie.
Auguste Nicaise
Chalons/Marne 29 janvier 1890»
une tombe à char oubliée 643
De la découverte à la redécouverte
Auguste Nicaise était un collectionneur et «antiquaire» champenois de
Châlons-sur-Marne. Il s'est illustré dans l'archéologie celtique marnienne
en publiant, en 1884, L'époque gauloise dans le département de la Marne,
fascicule dans lequel il présente d'importants ensembles, comme la nécro
poled es Varilles à Bouy et la tombe à char de Sept-Saulx. Il ne fouillait pas
lui-même, mais était en contact avec des fouilleurs qui lui vendaient la
récolte de leurs investigations et le renseignaient sur les sites qu'ils explor
aient. Comme Léon Morel et Edouard Fourdrignier, il a contribué à faire
connaître les études marniennes dans les milieux académiques parisiens.
Depuis 1872, il entretenait une correspondance scientifique avec Alexandre
Bertrand, le directeur du musée de Saint-Germain2. Après 1884, il lui
envoya des mémoires détaillés3, qui furent autant de mises à jour de ses
publications précédentes4 et parfois furent reproduits dans le Bulletin de la
société des antiquaires de France5.
Entre 1888 et 1890, Albert Poinchy de Richebourg devint un de ses
principaux informateurs. Ce capitaine du deuxième régiment de hussards,
en garnison à Châlons-sur-Marne, était plus proche du terrain : même s'il
ne fouillait pas lui-même, il avait des relations directes avec les fouilleurs et
assistait au dégagement des sépultures. Son ouvrier favori était un certain
Champagne, de La Cheppe, qui découvrait les sites et en commençait sou
vent seul l'exploration. Poinchy de Richebourg tenait des carnets de
fouilles (aujourd'hui disparus) mais ne publiait pas les résultats de ses
recherches. Pendant plusieurs années, il laissa ce soin à A. Nicaise. Ainsi,
en 1888, c'est celui-ci qui signala à Alexandre Bertrand la nécropole des
Govats à Bussy-le-Chateau, dont l'exploration fut menée conjointement par
Champagne et Poinchy de Richebourg6.
2 Sa première lettre est datée du 11 novembre 1872.
3 Témoignage sur la découverte de la tombe à char de la Gorge Meillet à Somme-
Tourbe, dicté en juin 1888; Note sur une sépulture à char découverte aux Varilles,
commune de Bouy (Marne) en 1888. Ces deux documents manuscrits sont conservés
dans la correspondance Nicaise au Musée des antiquités nationales.
"Ainsi, par exemple, lorsque A. Nicaise remarque que la tombe à char masc
uline «des environs de Lisieux» ne contenait pas de torque, il ne fait que confirmer
les conclusions de son étude sur Le port féminin du torque dans certaines tribus de
l'est de la Gaule publiée en 1886 dans les Matériaux pour l'histoire primitive et na
turelle de l'homme, p. 308 à 313.
5 A. Nicaise, Cimetière gaulois des Govats à Bussy-le-Château (Marne), dans Bull
etin de la Société nationale des antiquaires de France, 50, 1889, p. 87 à 89.
6 À propos de cette nécropole, A. Poinchy de Richebourg précise lui-même la s
ituation à Alexandre Bertrand, dans une lettre du 14 février 1888 : «Tous les objets
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On peut douter du bien-fondé de l'indication donnée par A. Nicaise
quant à la provenance de la tombe qu'il présente. Certes, il n'est pas incon
cevable de rencontrer une tombe à char de La Tène A dans le Calvados. Les
fouilles récentes menées dans la nécropole d'Etterville révèlent de nomb
reuses similitudes entre les sépultures normandes et champenoises au
Hallstatt D et à La Tène A7. Toutefois, plusieurs éléments indiquent que
l'ensemble révélé par A. Nicaise est en fait le mobilier d'une tombe à char
champenoise, probablement découverte dans la Marne. D'une part, A.
Poinchy de Richebourg ne semble avoir conduit des fouilles que dans ce
département8. D'autre part, l'inventaire du Musée des antiquités nationales
précise que les objets décrits par A. Nicaise proviennent des environs du
Camp de Châlons (voir ci-dessous).
À l'automne 1889, soit à peine quelques mois avant qu'A. Nicaise ne
rédige sa notice, A. Poinchy de Richebourg a mené des recherches dans la
nécropole des Vignettes, sur la commune de Juvigny, à 5 km environ au
nord-ouest de Châlons-en-Champagne (fig. 1). Les résultats de ces travaux
sont connus par la fin du texte d'A. Nicaise présenté ci-dessus et par une
lettre d'A. Poinchy de Richebourg adressée à A. Bertrand9.
que Monsieur Nicaise vous signale sont entre mes mains : c'est moi qui lui en ai don
nél es croquis. Les tombes qui les renfermaient ont été à peu près toutes ouvertes
sous mes yeux».
7 A. Hérard et A. Verney, La nécropole d'Etterville (Calvados), dans Association
française pour l'étude de l'Age du fer, Bulletin intérieur, 14, 1996, p. 55 à 57.
8 A. Vatan, Histoire de l'archéologie gauloise dans le département de la Marne, des
origines à 1914, Mémoire de l'École pratique des hautes études, Paris, 1988, p. 306.
9Lettre à A. Bertrand du 7 décembre 1889 : «J'ai été assez heureux pour découv
rirun cimetière, absolument inconnu des fouilleurs, et pour l'exploiter tout seul pen
dant 8 jours sans que le bruit s'en répande. Au bout de ce laps de temps, la mèche était
éventée, mais il restait peu à faire, vu le peu d'étendue du cimetière.
J'ai fouillé avec soin 64 tombes qui à peu près toutes m'ont donné quelque chose.
La céramique est remarquable. Presque tous les vases sont ornementés, soit de traits
de spatule, imitant les principales dispositions de la vannerie, croisée en courbe, soit
de peintures en relief, ou dans des rainures. Le plus souvent les vases étaient au
nombre de 5 ou 6, les plus grands en contenant de tout petits parfois apodes.
Le bronze n'était pas abondant : 2 colliers et 12 bracelets plus ou moins ornés, et
une fibule très mesquine. Puis une espèce de petite trousse bizarre, formée d'une
pince à épiler, et d'un instrument ayant eu un manche, et se terminant par une sorte
de pied-de-biche, très légèrement ouvert d'un côté et largement fendu de l'autre [c'est-
à-dire un scalptorium] : les pièces en bronze réunies par un anneau.
Le fer était bien représenté : j'ai trouvé tout l'attirail habituel : épée à bouterolle,
manipule de bouclier, une quinzaine de grandes et petites lances, quantité de cou
teaux et enfin un large poignard dans sa gaine terminée par une bouterolle en forme
UNE TOMBE À CHAR OUBLIÉE 645
Fig. 1 - Plan de situation de la nécropole des Vignettes à Juvigny, au nord-ouest de
Châlons-en-Champagne. À proximité, les nécropoles laténiennes de l'Épinette et des
Fosses, à La Veuve, et celle du Mont de Vraux, à la limite entre les communes de
Vraux et Juvigny.
La même nécropole a été explorée par la suite par E. Schmit, qui y a
fouillé plusieurs dizaines de sépultures laténiennes10. Parmi elles, on peut
mentionner deux tombes à char (les fosses 7 et 46), pillées, qui contenaient
encore quelques restes de céramiques, d'ossements et de pièces de char et
de bouton. Plusieurs grandes fibules en fer, flèches, etc..
Un seul anneau en verre sans grand intérêt».
10 Fonds E. Schmit aux Archives départementales de la Marne, F94.
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d'armement. Rien n'empêche donc de supposer que la sépulture décrite par
A. Nicaise ait été trouvée dans le cimetière des Vignettes et soit l'une des
deux tombes à char réouvertes par E. Schmit (plutôt la n° 7). Mais ce ne
sont là que des hypothèses.
Certains objets décrits par A. Nicaise ont pu être identifiés au Musée
des antiquités nationales. Une partie de la collection A. Poinchy de Riche-
bourg a été donnée au musée en 1934. Elle est enregistrée sous les n° 77071
à 77094". Les pièces provenant de la tombe à char portent les n° 77078,
77080 et 77081. Voici le texte du registre d'inventaire :
«Don de M. Albert Poinchy de Richebourg
77078. Eléments de deux grandes phalères en fer, avec deux anneaux de
fixation, diam. env. O.22; camp de Châlons.
77079. Quinze fers de lances ou javelots; camp de Châlons.
77080. Six boucles de ceintures en fer ou bronze. Débris divers.
77081. Annelets, appliques, chaînes, bronze et fer».
Les rangements successifs intervenus dans les réserves depuis la fin
du XIXe siècle n'ont fait que disperser toujours plus les objets de la
tombe, qui est elle-même rapidement tombée dans l'oubli. Une longue
recherche a permis de retrouver toutes les pièces inventoriées. Les unes
étaient exposées dans une vitrine consacrée aux chars laténiens de
Champagne (n° 9; inv. 77081). D'autres étaient rangées dans le tiroir des
objets de provenance indéterminée dans les réserves d'Âge du fer cham
penois (n° 5 et 8; inv. 77080). Les dernières (n° 6 et 7; inv. 77078) remp
lissaient une petite boîte soigneusement entreposée dans la réserve de
protohistoire armoricaine (sans doute en raison de la provenance indi
quée par A. Nicaise). Le reste n'a pas été identifié (n° 1 à 4 et 10; non
répertoriés dans l'inventaire du M.A.N.). Après une première observation,
l'ensemble a été radiographié, puis nettoyé et restauré au laboratoire
U.T.I.CA. de Saint-Denis en 1993 12.
11 Le lot conservé au Musée des antiquités nationales comprend seulement une
petite partie de ce que devait être la collection Poinchy de Richebourg à la fin du
XIXe siècle. On y trouve, outre les objets étudiés ici, plusieurs dizaines de vases laté
niens provenant de cimetières des environs du Camp de Châlons (n° 77071 à 77077;
un exemplaire provient du cimetière des Govats à Bussy-le-Chateau : n° 77075) et
des objets de provenances diverses (parfois extra-européenne) probablement achetés
à des marchands d'art (n° 77082 à 77094).
12 Le travail y a été effectué par I. Queixalos et C. Relier, qui m'ont amicalement
fait part de toutes leurs observations.
UNE TOMBE À CHAR OUBLIÉE 647
Un porteur de poignard de La Tène A ancienne
L'équipement personnel du défunt comportait un poignard dans son
fourreau en fer (n° 3 du texte d'A. Nicaise) accompagné de sa ceinture de
suspension dont deux pièces métalliques ont été reconnues par le fouil-
leur : l'agrafe de fermeture et un anneau de suspension (n° 10 du texte d'A.
Nicaise). L'armement offensif était complété par une lance (n° 1 du texte
d'A. Nicaise) et deux javelots en fer (n° 2 du texte d'A. Nicaise). Le néces
saire de toilette comprenait un rasoir en fer (n° 4 du texte d'A. Nicaise).
Aucune pièce de vêtement ou de parure n'est mentionnée.
Tous ces objets personnels ont disparu. Soit ils n'ont pas été remis au
Musée de Saint-Germain en même temps que le reste du mobilier de la
tombe; soit ils n'ont pas été répertoriés et figurent parmi les nombreux
objets de provenance champenoise indéterminée qui ne portent pas de
numéro d'inventaire. Dans ce cas, il faut abandonner tout espoir d'identi
fielers armes et ustensiles en fer de la tombe. L'agrafe de ceinture en
bronze ne semble pas être conservée au Musée des antiquités nationales.
L'inventaire des plaques de ceinture ajourées de La Tène ancienne en
Champagne, effectué récemment par S. Leconte13, montre qu'aucun exemp
laire ne peut correspondre à l'objet de la collection Poinchy de Riche-
bourg décrit par A. Nicaise14.
La description est toutefois suffisamment claire pour que l'on puisse
proposer quelques commentaires et déterminer avec précision la datation
de l'ensemble15.
Les poignards en fer «à large lame et longue soie, dans un fourreau en
fer», sont caractéristiques de la phase ancienne de La Tène A16. Dans plu
sieurs ensembles fiables et bien documentés, ils sont associés à des vases
en céramique datés de cette phase (tombe 21 de la nécropole de Caranda17,
13 S. Leconte, Les agrafes de ceinture ajourées de La Tène ancienne en Gaule, dans
Antiquités nationales, 25, 1993, p. 51 à 79 [cité Leconte 1993].
14Seul, le n° 11 de l'inventaire de S. Leconte est répertorié comme sans prove
nance et sans numéro d'inventaire : Leconte 1993, p. 57. P. Jacosthal l'a figuré dans
Early Celtic Art sous le numéro 355 g. Il précise que l'objet porte le numéro d'invent
aire21 552. Il n'appartenait donc pas à la collection Poinchy de Richebourg. P. Ja-
cobsthal, Early Celtic Art, Oxford, 1944, p. 198, pi. 169 [cité Jacobsthal 1944].
15 Le système chronologique retenu par la suite est celui qui est résumé dans : S.
Verger, De Vix à Weiskirchen, la transformation des rites funéraires aristocratiques en
Gaule du Nord et de l'Est au Ve siècle avant J.-C, dans MEFRA, 107, 1995, 1, p. 335 à
458, tableau 1 [cité Verger 1995].
16 Une étude précise de ce type d'armes a été effectuée par A. Rapin et est en
cours de publication.
17M. Jacq-Le Rouzic, Les nécropoles de La Tène l dans l'Aisne d'après les fouilles
648 STÉPHANE VERGER
tombe 6b de la nécropole du Moulin à Vert-Toulon18, tombe 136 du Mont
Troté à Manre19). Dans d'autres sépultures, ils ont été mis au jour avec des
vases classés par J.-P. Démoule dans sa phase Aisne-Marne IIB20, qui
correspond à une période médiane de La Tène A (tombe 64 de Pernant21
par exemple).
L'agrafe de ceinture est constituée d'un «crochet de suspension en
bronze. La partie surmontant le crochet s'évase en forme de lyre, type déjà
rencontré dans la Marne». En 1890, le mot «lyre» ne désignait pas encore
le motif connu sous ce nom dans les études d'art celtique (c'est-à-dire une
paire d'esses verticales affrontées). Il s'agissait probablement plutôt de la
fleur de lotus schématisée, telle qu'elle est représentée sur de nombreux
crochets de ceinture ajourés de Champagne à La Tène A. La description
d'A. Nicaise ne permet pas de préciser si les pétales de la fleur de lotus
étaient pleins (type IA de S. Leconte22) ou évidés (type II23). Ces petites
agrafes à fleur de lotus sont généralement associées à un poignard (Bussy-
le-Château, la Croix Meunière, M.A.N. inv. 3328124; Pernant, tombe 64), à
une épée (Acy-Romance, tombe 1825; Bussy-le-Château, M.A.N. inv.
2026626; Saint- Jean-sur-Tourbe, Châtillon27; Marson28) ou à des anneaux de
suspension d'une arme (Bussy-le-Château, M.A.N. inv. 3327729; Cuperly30).
Elles font donc partie de l'équipement masculin. Elles apparaissent dans
des contextes datables de l'extrême fin du Hallstatt D (à Civaux, Croix de
Laps, dans les Deux-Sèvres, un exemplaire est associé à des fibules à long
d'E. Piette et de F. Moreau, Mémoire de l'École du Louvre, Paris, 1968, pi. 59 [cité Jacq-
Le Rouzic 1968]
18J.-J. Charpy et P. Roualet, Les Celtes en Champagne, catalogue de l'exposition
du musée d'Épernay, Épernay, 1991, p. 83 à 84, n° 81.
19J.-G. Rozoy, Les Celtes en Champagne. Les Ardennes au second Âge du fer : le
Mont Troté, les Rouliers, Charleville-Mézières, 1986, pi. 64.
20 J.-P. Démoule, D'un Âge à l'autre : temps, style et société dans la transition
Hallstatt I La Tène, dans La civilisation de Hallstatt, bilan d'une rencontre, Liège, 1987,
Liège, 1989, p. 141 à 172, fig. 2.
21 G. Lobjois, La nécropole de Pernant (Aisne), dans Celticum, 18, 1969, p. 106 à
110, fig. 90 à 93. L'art celtique en Gaule, Paris, 1983-1984, p. 42.
22 Leconte 1993, p. 54 à 59, pi. I à III.
23 Leconte 1993, p. 61 à 62, pi. IV à V.
24 Leconte 1993, n° 4, p. 56.
25 Leconte 1993, n° 8, p. 56.
26 Leconte 1993, n° 26, p. 61.
27 Leconte 1993, n° 15 du catalogue.
28 L. Morel, La Champagne souterraine, matériaux et documents , Paris, 1898. Le
conte 1993, n° 23, p. 61.
29 Leconte 1993, n° 12, p. 57.
30 Leconte 1993, n° 13, p. 58.
UNE TOMBE À CHAR OUBLIÉE 649
ressort et pied relevé31)» sont particulièrement fréquentes à La Tène A
ancienne et se retrouvent enfin dans des contextes de la phase Aisne-Marne
IIB de J.-P. Démoule (tombe 64 de Pernant par exemple).
Dans les tombes les mieux connues, les agrafes de ceinture sont
accompagnées de plusieurs anneaux de suspension en fer ou en bronze.
Dans l'ensemble présenté ici, un seul est mentionné. Ce n'est pas un cas
unique : la tombe 4 de la nécropole du Mont de Vannes à Vrigny, fouillée
récemment et bien documentée, a fourni un poignard en fer, une agrafe de
ceinture ajourée en bronze et un seul anneau en fer, mis au jour près de la
ceinture, sur le côté droit du corps32.
L'association d'une pointe de lance (de 20 cm de long) et de deux
pointes de javelot en fer est bien connue dans les nécropoles champenoises
de La Tène A. Plusieurs tombes à poignard en ont fourni des exemples
(tombe 6 bis du Moulin à Vert-Toulon).
La panoplie masculine de la tombe à char Poinchy de Richebourg est
caractéristique des premières tombes à char laténiennes de Champagne.
L'association d'un poignard avec une ou plusieurs lances est attestée dans
cinq tombes à char et une tombe à harnachement contemporaines (Bou-
ranton33; Chassemy, tombe 1334; Sogny-aux-Moulins, le Moulin, tombe
23635; Arcy-Sainte-Restitue36; Epoye, la Congé, tombe inférieure37; Vraux,
31 J. Gomez de Soto, Le passage du premier au deuxième Âge du fer en France du
Centre-Ouest dans l'optique des relations Est-Ouest, dans La civilisation de Hallstatt,
bilan d'une rencontre, Liège, 1987, Liège, 1989, p. 173 à 181, fig. 3. Leconte 1993, n° 7,
p. 56.
32 D. Chossenot, R. Neiss et J.-M. Sauget., Fouille de sauvetage d'une nécropole de
La Tène I à Vrigny {Marne), dans L'Âge du fer en France septentrionale, dans Mémoire
de la Société archéologique champenoise, 2, 1981, p. 131 à 150, notamment p. 141, fig.
6, d et f.
33 G. Verbrugghe et A. Villes, Bouranton (Aube), lieu-dit «Michaulot», sépulture à
char du début de La Tène I, dans Fastes des Celtes anciens, Troyes - Nogent-sur-Seine,
1995, p. 41 à 54, notamment p. 53.
34Verger 1995, fig. 10.
35 P.-M. Favret, Cimetière gaulois de Mairy-Sogny, dans Bulletin de la société ar
chéologique champenoise, 1913, p. 13 à 18 et 109 à 120 [cité Favret 1913]. Album Bé-
rard, conservé aux musées municipaux de Châlons-en-Champagne et Épernay. S.
Verger, Les tombes à char de La Tène ancienne en Champagne et les rites funéraires
aristocratiques en Gaule de l'est au Ve siècle avant J.-C, Doctorat de l'Université de
Bourgogne, Dijon, 1994, p. 279, fig. 182 [cité Verger 1994].
36Jacq-Le Rouzic 1968, p. 160 à 163, pi. 38. Verger 1994, p. 74 à 76, fig. 3 à 4.
37 C. Bosteaux-Paris., Résultats des fouilles aux environs de Reims, dans AFAS,
21, 1892, p. 613 à 614. Verger 1994, p. 183 à 184.