Table Of ContentUn nouveau Symphyle (Myriapoda) de Colombie
et considérations sur les appendices régénérés
Lysiane JUBERTHIE-JUPEAU
Laboratoire Souterrain du CNRS, 09200 Moulis (France)
Pierre RÉVEILLET
Laboratoire de Zoologie (Arthropodes), Muséum national d’Histoire naturelle,
61 rue de Buffon, F-75231 Paris cedex 05 (France)
Juberthie-Jupeau L. & Réveillet P. 1997. — Un nouveau Symphyle (Myriapoda) de
Colombie et considérations sur les appendices régénérés. Zoosystema 19 (4) : 613-622.
RÉSUMÉ
Hanseniella colombiana n.sp. possède, comme H. ivorensis Juberthie-Jupeau
et Kehe, 1978, une paire de macrochètes aux tcrgitcs II, III, IV, VI, Vil et
IX. Hile diffère de H. ivorensis par les caractères des antennes, des pattes et
des Filières, mais présente comme cette dernière des caractères sexuels secon¬
daires portés par le mâle. Ce sont les deux seules espèces dont les sclérites
MOTS CLÉS
coxaux antérieurs portent des soies très larges tronquées à l’extrémité, sur les
Hanseniella colombiana n.sp,,
Myriapoda, segments 5 et 6 chez H. ivorensis et sur les segments 4, 5 et 6 chez H. colom¬
Symphyla, biana. L’origine des deux espèces à partir d’une souche commune américaine
Ananas,
est discutée. Le nombre d’appendices régénérés, anormalement élevé chez les
Colombie,
régénération. exemplaires examinés, laisse supposer la présence d'un prédateur actif.
ABSTRACT
H. colombiana n.sp. exhibits, like H. ivorensis Juberthie-Jupeau et Kehe,
1978, one pair of macrochetae on tergitae II, III, IV, VI, VU and IX. It dif-
fers from H. ivorensis by the characters of antennae, legs and spinnerets, but
KEYWORDS
like this one, the male exhibits secondary sexual characters. These two species
Hanseniella colombiana n.sp.,
Myriapoda, hâve wide hairs rruncated at the top on segments 5 and 6 in H. ivorensis, seg¬
Symphyla, ments 4, 5 and 6 in H. colombiana. The origin of these species from a com-
Ananas,
mon stock is discussed. The ver)- high number of regenerated appendages
Colombia,
régénération. leads to suppose the présence of an active predator.
ZOOSYSTEMA • 1997 • 19(4) 613
Juberthie-Jupeau L. & Réveillet P.
INTRODUCTION Antennes (Fig. 2C, F)
Elles comptent vingt-huit articles au maximum.
Les Symphyles sonr des ennemis bien connus des Tous, à partir du troisième, portent dorsalement
cultures dans lesquelles, malgré leur petite taille, un petit organe en candélabre au niveau duquel,
ils causent des dégâts considérables. Les spéci¬ à partir du cinquième article, quelques sensilles
mens étudiés ici ont été récoltés en Colombie, cylindriques apparaissent. La deuxième couronne
dans une plantation d’ananas, Ce sont les pre¬ de soies apparaît à partir des articles 6, 8, 9 ou
miers, à notre connaissance, signalés dans cet 10, face dorsale, et entre les article 7 et II, face
État. Ils appartiennent tous à la même espèce ec ventrale. Us soies de la première couronne sont
présentent un taux anormalement élevé de pattes toutes identiques. L’article distal présente trois
régénérées, reconnaissables au caractère hypo- organes en candélabre : un grand et deux beau¬
typique de la régénération (Juberthie-Jupeau coup plus petits.
1963). Ce matériel nous a été adressé par
MM. G. A. Leon-Martinez et M. J. L. Sarah que
Tergites (Fig. 1 B)
nous remercions vivement.
Le premier tergite, très étroit, ne présente que
deux soies submédianes. Les tergites IL III, IV,
Abréviations VI, VTI et IX portent une paire de macrochètes
ad adulte au niveau de leur plus grande largeur. La lon¬
P1 pattes de la première paire gueur des macrochètes des tergites 11 et III est
Pn pattes de la ne paire 1,5 à 1,6 fois supérieure à la largeur de l’article
Tl 1er tergite proximal antennaire. Les soies marginales sont de
Tn ne tergite longueurs inégales, les plus longues atteignant
deux fois la longueur des plus courtes ; elles sont
à peine plus épaisses que les soies de revêtement.
Leui nombre, entre les macrochètes, varie de 19
Hanseniella colombiana n.sp. à 23 au tergite II et de 24 à 33 au teigne III.
MATÉRIEL EXAMINÉ. — Colombie. Vailc de Canca,
Palmira, exploitation la Zapata ; altitude 900 m; tem¬ Pattes (Fig. 1 F-I)
pérature moyenne du sol 22 °C ; sol argileux ; culture
Les PI n’ont que trois articles. L’article distal,
d'ananas, variété « Maurana » ; 20-1-1991, 8 d <?,
quatre fois plus long que sa plus grande largeur,
12 9 2 adultes, A. Unis coll.
porte deux griffes très inégales et une soie prétar-
Matériel-type. — Holotype d, allotype 9, déposés sale plus longue que la plus courte des griffes. À
au MNHN, Collection Myriapodes (préparations la PI 2, le tarse, quatre fois aussi long que large,
microscopiques).
est relativement mince ; la griffe antérieure est
forte et porte quelques stries sublongitudinales ;
Description du mâle
la griffe postérieure est plus courte que l'antérieu¬
Longueur du corps : 3,5 mm environ ; longueur
re et plus aiquée. Des sacs eoxaux sonr présents
des filières : 0,3 mm environ.
de la P3 à la P9 et des styles de la P2 à la P12.
Tête(Fig. 1 A)
Aussi longue que large. L’apodème médio-tergal, Sclérites eoxaux antérieurs (Fig. 2A, B)
peu visible, présente vers l’arrière un renflement Chez le mâle le plus âgé de la collection exami¬
ovoïde assez étroit. Les soies de revêtement sont née (au moins troisième stade adulte : mâle ayant
très nombreuses, fines, pointues et sensiblement subi au moins deux exuviations après le stade
toutes de la même longueur, à l'exception de d'apparition de la douzième paire de partes), les
celles de la rangée post-antennaire dont les trois sclérites eoxaux antérieurs sont subtriangulaires,
antérieures sont nettement plus longues que les ceux des segments 5 et 6 sont ovalaires, Ces deux
autres. Les organes temporaux sont ovalaires. paires de sclérites portent un nombre très élevé
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Juberthie-Jupeau L. & Réveillée P.
de soies, bien supérieur à celui des autres seg¬ nombre est légèrement inférieur à celui du mâle.
ments (Tableau 1). Ces soies, ainsi que celles du Par ailleurs, toutes les soies de la femelle sont
segment 4, à l'exception de la soie antéro-latérale pointues, aucune n’est sécrétrice.
qui est pointue, sont arrondies à l’extrémité, iso- Les sclérites antérieurs des segments 4, 5 et 6 du
diamétriques et creusées d’un canal ouvert à mâle, dont les deux derniers sont très développés,
l’apex. Elles émettent une sécrétion qui se coagule et qui portent tous des soies sécrétrices, si rares
à l’extérieur. Ce sont donc des soies sécrétrices. chez les Symphyles, constituent des caractères
sexuels secondaires.
Tableau 1. — Nombre moyen de soies sur chacun des sclérites
coxaux antérieurs des segments 3 à 12 chez un adulte au
Afi-tnités
moins au stade ad.3.
H. cnlombhina n.sp. appartient au groupe des
Hanseniella, pourvues de macrochètes aux ter¬
Segments 3 4 5 6 7 8 9 101112
X 10,5 17,5 32 32,5 17 14,5 13,5 12 11,5 5 gites 11, III, IV, VI, Vil et IX, et qui renferme
une vingtaine d’espèces et présente une très vaste
répartition (Amérique du Sud, Afrique, îles
Filières (Fig. 1D) Mascareignes, Inde, Java, Sumatra, Australie).
Presque quatre lois aussi longues que leur largeur Cette espèce présente, comme H. ivorensis
maximum, elles sont régulièrement effilées et Juberthie-Jupeau et Kehe, 1978, un caractère
portent des soies moyennement nombreuses, un sexuel secondaire porté par le mâle, mais elle en
peu plus longues à l’apex qu'à la base. L’aire ter¬ diffère par d’autres caractères. Les soies anten-
minale, lisse, se prolonge par deux soies dont naires sont toutes sensiblement de longueur
l’une atteint trois fois la longueur de l'autre. identique chez H. colombiana, tandis que chez les
mâles de H. ivorensis, deux soies latéro-internes
Description de la femelle des articles basaux sont nettement plus courtes
La taille de la femelle est identique à celle du que les autres et deux soies dorsales sont
mâle. Les caractères de la tète, des antennes, des coniques, courres et légèrement striées. À la PI,
tergites, des patres er des filières sonr les mêmes le tarse est relativement plus court chez
que chez ce dernier (Fig, 1 ). H. colombiana n.sp. que chez H. ivorensis et les
Les sclérites coxaux antérieurs des segments 4, 5 filières, plus minces, portent des soies plus
et 6 ont une forme grossièrement triangulaire, longues à l’apex qu’à la base et non toutes de la
une taille et une chétotaxie tout à fait habituelles même longueur. Chez //. ivorensis, les sclérites
et diffèrent ainsi de ceux du mâle (Fig. 2C, D). antérieurs des seuls segments 5 et 6 sont porteurs
Le nombre moyen des soies des sclérites anté¬ de soies en forme de fines écailles tront]uées à
rieurs des différents segments figure dans le l'extrémité. Chez H. colombiana n.sp. ce sont les
tableau 2. sclérites antérieurs des segments 4, 5 et 6 qui
portent des soies élargies, arrondies à l’extrémité,
creusées d’un canal et manilestement sécrétrices.
Tableau 2. — Nombre moyen de soies sur chacun des sclérites
coxaux antérieurs des segments 3 à 12 chez les douze femelles
étudiées.
Apparition des caractères sexuels
SECONDAIRES
Segments 3456 7 8 9 10 11 12
Les mâles étudiés ici peuvent être répartis entre
X 9 13,7 14 14,7 14,1 12,2 12,2 11,1 9,5 6,1
trois classes d’âge en se référant à leurs caractères
sexuels secondaires.
Les sclérites antérieurs des segments 5 et 6 de la Adultes au premier stade (4 6 6 )
femelle portent un nombre de soies très inférieur Les animaux viennent de subir l’exuviation qui
à celui des mâles puisqu’il n’atteint pas la moitié leur a conféré leur nombre définitif de paires de
de ce dernier. Sur les sclérites du segment 4, ce pactes. Les sclérites antérieurs des segments 5 et 6
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Nouveau Symphyle de Colombie
sont légèrement plus développés que les autres et celui des adultes au deuxième stade, mais supé-
ovalaires, mais ne portent encore que des soies rieur à celui des femelles. Ce nombre figure dans
pointues dont le nombre moyen est inférieur à le tableau 3.
Fig. 2. — Hanseniella colombiana.. A, 3, sclérites antérieurs des segments 4, 5, 6 ; 8, 3, soies des sclérites du segment 5 ; C, 9,
sclérites des segments 4. 5, 6 ; D, 9, soies des sclérites du segment 5. o. g. 3, orifice génital mâle ; o. g. 9, orifice génital femelle.
Échelles : El (A, C), 100 pm ; E2 (B, D), 20 pm.
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Juberthie-Jupeau L. & Réveillct P.
Tableau 3. — Nombre moyen de soies sur chacun des sclérites Régénération des appendices
antérieurs des segments 3 à 12 chez quatre mâles du premier
Le grand nombre d individus porteurs de pattes
stade adulte.
ayant été amputées depuis un temps plus ou
Segments 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 moins long avant leur capture nous conduit à
X 8,1 13,1 22,6 21,8 14,2 14,3 11,6 10,2 9 4,8 analyser les particularités du phénomène de la
régénération qui ne sont pas les mêmes selon les
appendices concernés.
Adultes au deuxième stade (3 6 â )
Ces individus ont subi une exuviation après celle
Régénération des antennes
qui a donné le stade à douze paires de pattes. Les
Michelbacher (1938) signale chez Scutigerella
sclérites antérieurs des segments 5 et 6 sont volu¬
imrnacidata Newport, 1845, que ces appendices se
mineux et ovalaires, et portent des soies pratique¬
brisent facilement et sont régénérés au cours des
ment aussi nombreuses que ceux du mâle plus
mues suivant l'amputation. Les données anato¬
âgé (Tableau 4). Sur les sclérites du segment 4,
miques de Tiegs (1945) font apparaître que la
les soies sont pointues et non sécrétrices, sur ceux
croissance et la régénération se font à partir de
des segments 5 et 6, elles sont sécrétrices.
l’article basal. L’un de nous (Juberthic-Jupeau
1964) a montré expérimentalement, chez S. pagesi
Jupeau, 1954, que la régénération d'une antenne
Tableau 4. — Nombre moyen de soies sur chacun des sclérites se fait elïèctivement à partir de cet article. La sec¬
antérieurs des segments 3 à 12 chez les mâles au deuxième
tion de l’antenne en deçit du premier article ne
stade adulte.
permet aucune régénération, l'animal étant défini¬
Segments 3 4 56 7 8 9 10 1112 tivement privé d’antennes en dépit de mues posté¬
X 9,2 16,2 30 31 14,6 14,6 13,1 12,5 11,2 5,8 rieures à l’intervention. La section d’une antenne
au-delà du premier article permet, en revanche,
une régénération rapide, le nombre d’articles
apparaissant à la mue suivante étant bien supérieur
Adulte âgé (1 â )
à celui qui serait normalement apparu
Cet animal est au moins au troisième stade adulte,
Le phénomène de régénération, qui se produit
c’est-à-dire quil a subi au moins deux exuvia¬
après section accidentelle ou expérimentale d’une
tions après celle qui a vu apparaître les pattes de
antenne, explique que chez un individu I antenne
la douzième paire. 11 possède des sclérites anté¬
droite et l’antenne gauche n’aient parfois pas le
rieurs très élargis sur les segments 3 ec 6 et des
même nombre d’articles, et qu'après quelques
soies sécrétrices sur ceux des segments 4, 5 et 6,
mues il n’y ait plus de preuves tangibles de
particulièrement nombreuses sur les deux der¬
l’amputation d’une antenne.
niers (Tableau l). Il a été décrit ci-dessus.
De ce fait, nous ne prenons pas en compte
Les caractères sexuels secondaires du mâle de
l’étude des antennes sur notre matériel de Co¬
H. colombiana n.sp. apparaissent donc, au plus
lombie, d'autant plus que bon nombre de ces
tard, dès que l'animal possède sa constitution
appendices ont été brisés au cours de manipula¬
segmentaire définitive qui lui confère quinze seg¬
tions post-mortem.
ments et douze paires de pattes. À ce stade, ces
caractères se manifestent par le changement de
forme des sclérites des segments 5 et 6 qui Régénération des pattes
deviennent ovalaires et portent des soies poin¬ La seule régénération connue de ces appendices
tues. Ils se renforcent au cours des deux mues est une régénération hypotypique laissant des
suivantes par l’apparition de soies sécrétrices qui traces permanentes (Juberthte-Jupeau 1963).
se développent à partit de soies pointues ; celles Savos (1958) signale, chez des individus de
des segments 5 et 6 subissent cette transforma¬ Scutigerella immaadata ayant perdu quelques
tion à la faveur d’une première exuviation, celles pattes, une absence totale de régénération même
du segment 4, lors de l’exuviation suivante. après plus de deux années d’observations au
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Nouveau Symphyle de Colombie
cours desquelles quinze à dix-sepr exuviations cas) ; tarses malingres avec griffes parfois aty¬
ont été effectuées. piques à l’extrémité d’un télopodite dont les
L’un de nous (Juberthïe-Jupeau 1963) a montré autres articles sont normaux (quatre cas) ; pattes
expérimentalement l’importance du niveau comptant un article de moins que les pattes nor¬
d'amputation dans la régénération chez S. pagesi. males, certaines avec griffes atypiques (six cas). Ce
Rappelons d’abord que, chez les Symphyles, au- sont tes pattes les plus antérieures (Pl et P2) et les
delà du manchon coxal, le rélopodite des Pl plus postérieures (Pli et P12) qui ont subi les
compte trois articles (trochanter, fémur et tibio- amputations les plus nombreuses et les plus
tarse), celui des autres pattes quatre articles (tro¬ importantes. Nous avons noté également qu’une
chanter, fémur, tibia, tarse) et se termine par un femelle présente une large échancrure du bord
prétarse portant les deux griffes. postéro-latcral d’un tergite qui correspond à
Lorsque l'amputation d’une patte (Pl ou sui¬ l'arrachement d’une partie de ce tergite. L’animal
vantes) est pratiquée au niveau du plan d autoto¬ a subi au moins une exuviation après cet accident.
mie situé entre le manchon coxal et le rélopodite,
il apparaît à l'exuviation suivante un moignon de
régénération garni de soies, qui ne se transforme DISCUSSION
jamais en appendice, même après une dizaine de
mues. Lorsque l’amputation est pratiquée, soit au Malgré les travaux de Artems (1897, 1902),
niveau de l’articulation trochantéro-fémorale, Silvestri (1899), Hansen ( 1903), Juberthie-
soit dans la région distale du trochanter, un tarse Jupeau (1962a) et Schelter (1992, 1993), les
apparaît dans cous les cas, qui se développe et sc Symphyles d’Amérique du Sud sont encore peu
différencie en trois mues consécutives chez les connus. Ils comptent actuellement six genres
larves, en cinq chez les adultes. Au cours de ces repartis entre vingt-deux espèces, dont quinze
mues, les deux griffes apparaissent et l’article sont signalées des régions tropicales. Dans le
acquiert une raille et une pilosité normales. Les genre Hameniella, relativement bien représenté
articles manquants n’apparaissent jamais en dépit avec neuf espèces, seule H. colombiana n.sp. pos¬
du nombre d'exuviations que peuvent effectuer sède un caractère sexuel secondaire. C’est la
ultérieurement les animaux. Lorsque seul le tarse seconde espèce du genre à présenter un tel carac¬
est amputé, il régénère. tère porté par les mâles. En revanche, plusieurs
espèces de Scutigerella. en possèdent, porté, à une
Régénération chez H. colombiana n.sp. exception près, par la femelle dont le trochanter
Les Symphyles porteurs d’appendices régénérés des patres de Ja première paire acquiert une ou
sont très exceptionnellement capturés dans la deux soies djfférentes de celles qui occupent le
nature ; la littérature n en Élit pas état et, person¬ même emplacement chez le mâle : il en est ainsi
nellement, nous n en avons observe que quelques chez 5. pagesi (Jupeau, 1954 ; Juberthie-Jupeau
cas rarissimes, aussi tenons-nous à signaler ceux 1963), 5. lineatus (Edwards, 1959), ,5’. tusca
que nous avons observes dans la petite collection (Juberthie-Jupeau, 1962b), S. carpatica
en provenance de Palmira. Sur vingt individus (Juberthie-Jupeau et Tabacaru, 1968), 5. ickinos-
examinés, douze ont des pattes en voie de régéné¬ tylus (Scheller, 1968) et S. lescorum (Schellcr,
ration ou ayant manifestemeni partiellement 1972). Chez une seule espèce, S. bordonii
régénéré. Chez ces douze individus : quatre Pl, (Juberthie-Jupeau, 1975), c’est le mâle qui est
une P2. deux PS, une P6, deux P7, une P9, une porteur d'un caractère sexuel secondaire, très
P10, cinq Pli et quatre P12 (au total vingt et apparent, constitué par un grand nombre de
une panes) ont subi manifestement une amputa¬ larges écailles qui occupent la place de soies nor¬
tion depuis un temps plus ou moins long. La malement pointues sur la lace antéro-venrrale des
régénération apparaît à des stades différents : cal tarses des quatre dernières paires de pattes. Chez
de cicatrisation à l’extrémité d'un tibia (un cas) ; H. colombiana n.sp., comme chez H. ivorensis,
bourgeon de régénération sans articulation et sans c’est également le mâle qui porte les caractères
griffes, certaines avec trois soies subapicales (huit sexuels secondaires. Chez les deux espèces, d une
ZOOSYSTEMA • 1997 • 19(4) 619
Juberthie-Jupeau L. & Réveillet P.
part, les sclérites des segments 5 et 6 sont ova¬ Côte d’or de Guinée (d’après une communication
laires et beaucoup plus développés que les autres personnelle de J. Barrau). L’espèce africaine
et, d’autre part, des soies sécrétrices apparaissent H. ivorensis, signalée dans les plantations d'ana¬
sur ces sclérites chez H. ivorensis et aussi sur ceux nas, et l’espèce colombienne, connue, à ce jour,
du segment 4 chez H. colombiana. Dans l’un et de la seule exploitation La Zapata, présentent de
l’autre cas, ce caractère se met en place à la faveur grandes similitudes quant aux soies glandulaires
de plusieurs exuviations (au moins trois chez des sclérites des mâles. Ce sont les seules espèces
H. colombium! n.sp.). Le deuxième stade adulte connues possédant ce caractère, ce qui pourrait
de H. colombiana n.sp,, qui ne porte des soies conduire à penser qu'il existe un lien de parenté
sécrétrices que sur les sclérites des segments 5 et 6, entre elles. Encore faudrait-il évaluer les diffé¬
représente une étape transitoire dans le dévelop¬ rences signalées au niveau des antennes, des
pement du mâle : en ce qui concerne ce carac¬ pattes et des filières. Par ailleurs, 1 origine du
tère, le deuxième stade adulte de H. colombiana phylum des Symphyles pouvant être estimée à
n.sp. est identique au stade définitif de H. ivo¬ plusieurs centaines de millions d'années, et les
rensis chez lequel il n’apparaît jamais de soies exemples de répartitions a fri ca n o -brésil ie n n es
sécrétrices sur le segment génital (segment 4). étant nombreuses dans les groupes de la faune du
Ainsi que le considèrent Py et al (1984), toutes sol, le rôle de l’homme du XVIe siècle dans
les Broméliacées sont originaires d'Amérique, et l’introduction en Afrique des ancêtres de H. ivo¬
même, semble-t-il, d’Amérique du Sud, 3 rensis semble être une hypothèse des plus fragiles.
l’exception de deux espèces : Pitcairnia feliciana En ce qui concerne les observations laites sur la
découverte en Guinée er Tillandsia usneoides qui présence des régénérats, il faut noter le grand
serait originaire d’Afrique occidentale d’après nombre des amputations subies par les animaux,
Collins (1948). Les résultats des études et des amputations après lesquelles certains ont effectué
prospections de différents auteurs (Bertoni plusieurs mues. Le nombre observé, bien que très
1919 ; Baker & Collins 1939 ; Camargo 1943 ; anormalement élevé, sous-estime à coup sût le
Collins 1948) ont montré une large distribution nombre réel. En effet, l’amputation des antennes
des espèces d’ananas à l’état spontané certaine¬ (appendices extrêmement fragiles) et celle des
ment plus étendue que leur zone d’origine tarses ne sont plus décelables après plusieurs
(Pickersgill 1976). D’après Py et al. (1984), mues, seules les amputations pratiquées au-delà
compte tenu des aires de répartition de l’ananas, du plan d'autotomie et en deçà du tarse laissent
Leal & Antoni (1980) en sont arrivés à délimiter des traces durables. La présence d’un prédateur,
des zones comprenant un même nombre ou au moins d’un attaquant efficace, dans le bio¬
d'espèces spontanées et, au vu du plus grand tope des Symplyles, paraît très vraisemblable. Au
nombre d’espèces rencontrées, situent la zone nombre des prédateurs ont surtout été signalés
d’origine de l'ananas, de chaque côté de l’Équa¬ des Chilopodes (Menge 1851 ; Filinger 1928,
teur, entre 10° de latitude nord et 10° de latitude 1931 , Wymore 1931 ; Waterhouse 1969), un
sud, et entre 53° et 75“ de longitude ouest. La Acarien (Wymore 1931) et quelques insectes : un
Colombie apparaît au cœur de cette zone. Japyx (Pages 1967) et les larves er les adultes de
L’introduction îles plants d’ananas sut le conti¬ deux Coléoptères (lllingworch 1927). La
nent africain s’est vraisemblablement faite avec recherche des espèces syntopiques permettrait
celle de la faune vivant à leurs dépens, en l’occu¬ sans doute de cibler l'adversaire et d’apporter une
rence avec de petites populations de Symphyles. preuve expérimentale du préjudice qu'il peur
Elle est certainement ancienne, datant vraisem¬ causer à la population de Symphyles. Selon
blablement du XVIe siècle car, d une part, l.eroy l’importance de ce préjudice, l’opportunité d’une
(1947) signale que des Portugais en ont intro¬ lutte biologique pourrait être envisagée. Les
duit, entre autres, à Madagascar, et, d'autre part, dégâts causés par les Symphyles dans certaines
leur présence est signalée au tout début du plantations d’ananas sont considérables, les
XVIIe siècle, en 1605, par P. De Marees dans sa conditions de culture (température, humidité, sol
Description et récit bistorial du riche royaume de la aéré) favorisant particulièrement leur développe-
620 ZOOSYSTEMA • 1997 • 19(4)
Nouveau Symphyle de Colombie
ment (Kehe 1988). La présence d’un prédateur des Symphyles de l’Argentine et du Brésil. Biologie
en forte concentration pourrait, dans certains de l Amérique Australe 1 : 63-82.
— 1962b. — Description d’une espèce nouvelle de
cas, ralentir leur pulullement.
Symphyle d Italie : SattigoelLi tusen n. sp. Bulletin
au Muséum national d'Hislnire naturelle, série 2, 34
(4) : 276-279.
Remerciements — 1963- — Recherches sur la reproduction et la mue
chez les Symphyle». Archives de Zoologie expérimen¬
Nous remercions tout particulièrement de leur
tale et générale 102 : 1-172.
aide et des renseignements qu'ils ont pu nous
— 1964. — Recherche du stimulus déclenchant la
donner : M. le Professeur Jacques Barrau mue lors de 1 ablation des antennes chez les
(Laboratoire d'Erbnobiologie du Muséum natio¬ Symphyles (Myriapodes). Comptes rendus
nal d’Histoire naturelle, Paris), M. Anselme d Académie des Sciences, Paris 259 : 658-659.
— 1975. — Mise en évidence d un caractère sexuel
Vilardebo (IRFA, Montpellier), Mme Chantal
secondaire porté par le mâle d une espèce nouvelle
Loison-Cabot (IRFA, GERDAT, Montpellier) et
de Symphyle d Italie. Revue d'Ecologie et de Biologie
Mme Monique Cazals (Laboratoire souterrain, du Sol 12, 4 : 733-742.
Moulis). Juberrhie-Jupeau L. & Kehe M. 1978. —
Dimorphisme sexuel chez un Symphyle nouveau de
Côte uTvoire H anse niella ivo rettsis n,sp. Revue
d’Ecologic et de Biologie du .Sol 15 ; 529- 536.
RÉFÉRENCES
Juberthie-Jupeau 1 . fié Tabacaru I 1968. — Sym¬
phyles de Roumanie. Bulletin du Muséum national
Attems J. 1897- — Myriopoden, in Ergebnisse der d'Histairc naturelle, série 2, 40, 3, 196 : 500-517.
Hamburger Magalhaensischen Sammelreise. Jupeau L. 1954. - Symphyles du Sud-Ouesc de la
Naturhistorischen Muséum zu Hamburg 2 (2): 1-8. France avec description d’une espèce nouvelle.
— 1902. — Myriapodes, in Expédition antarctique Bulletin du Muséum national d'Histoire naturelle 12,
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