Travailler en situation de communication médiatisée

452 Pages·2017·8.92 MB·French

Travailler en situation de communication médiatisée:
dispositifs techniques d’accessibilité et dynamiques de
(re)formulation des pratiques professionnelles
Melanie Henault-Tessier
To cite this version:
Melanie Henault-Tessier. Travailler en situation de communication médiatisée: dispositifs techniques
d’accessibilité et dynamiques de (re)formulation des pratiques professionnelles. Sociologie. Université
Grenoble Alpes, 2015. Français. ￿NNT: 2015GREAH020￿. ￿tel-01446712￿
HAL Id: tel-01446712
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THÈSE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES
Spécialité : Sociologie mention sociologie industrielle
Arrêté ministériel : 7 août 2006

Présentée par
Mélanie HENAULT-TESSIER

Thèse dirigée par Dominique VINCK

préparée au sein du Laboratoire PACTE
dans l'École Doctorale Sciences de l’Homme, du Politique et
du Territoire

Travailler en situation de
communication médiatisée
Dispositifs techniques d’accessibilité et
dynamiques de (re)formulation des
pratiques professionnelles

Thèse soutenue publiquement le 4 septembre 2015,
devant le jury composé de :
Monsieur Christian LICOPPE
Professeur, Télécom ParisTech, Paris, Président, Rapporteur
Madame Lorenza MONDADA
Professeure, Université de Bâle, Bâle, Rapporteure
Madame Myriam WINANCE
Chargée de recherche, INSERM, Paris, Membre
Monsieur Dominique VINCK
Professeur, Université de Grenoble, Grenoble, Membre
Madame Sophie DALLE-NAZEBI
Chargée de recherche, Websourd R&D, Toulouse, Membre

RESUME
La création d’un centre d’appel d’urgence pour les sourds et malentendants a nécessité la
conception et la mise en place d’un dispositif sociotechnique ad hoc respectant la diversité
de leurs pratiques de communication. Ancrée dans ce projet technique mené afin de rendre
accessible une institution organisée autour de l’interaction téléphonique, cette recherche fut
ainsi l’occasion de conduire une réflexion croisée sur les dispositifs techniques de
communication appréhendés comme outil de travail et outil d’accessibilité. À partir de
matériaux issus d’une enquête ethnographique réalisée dans les centres d’appel d’urgence
que nous faisons dialoguer avec des traces de l’activité de conception, nous interrogeons,
dans un même élan, le rôle que tiennent ces dispositifs dans l’écologie des situations et la
manière dont ils inscrivent et actualisent, au sein d’un site de travail, la dynamique
contemporaine de prise en compte environnementale du handicap. Au travers de ces
questionnements deux grandes thématiques sont explorées : le travail en situation de
communication médiatisée et le processus de reformulation des pratiques professionnelles
engagé par la conception et la mise en service d’un dispositif technique dit d’accessibilité.
Pour ce faire, nous nous appuyons sur des travaux de recherche inscrits dans la théorie de
l’action située et en sociologie des sciences et des techniques que nous articulons à la
littérature scientifique portant sur le handicap et, plus spécifiquement, sur la surdité.
Détaillant finement les multiples cours d’action en nous attachant notamment à
rematérialiser les pratiques interactionnelles, nous démontrons en quoi les dispositifs
techniques de communication participent d’une armature invisible qui fait système et
contribue à organiser et pérenniser les pratiques ; armature que nous appréhendons à travers
la notion d’infrastructure communicationnelle. Ainsi, nous proposons cette dernière notion
comme outil conceptuel pour appréhender l’introduction de nouveaux dispositifs dans les
organisations et pour accompagner une réflexion sur l’accessibilité-en-pratiques.
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ABSTRACT
Creating an emergency call centre dedicated to deaf and hard of hearing users has required
the design and implementation of a specific socio-technical system in order to take into
account the diversity of their communication practices. Our research is grounded on such
technical project specifically oriented towards the accessibility to an organization acting
mainly through telephonic interactions and therefrom emerged for us the opportunity to
conduct a cross-reflection on socio-technical devices apprehended as a working tool and an
accessibility tool. Based on elements obtained through an ethnographic study conducted in
emergency call centres which has given empirical material that we are bringing into
discussion with traces of the process of the product design, we are questioning the place and
status of communication devices in the local environment. Along with this questioning, we
are also observing how, in the workplace, communication devices practically achieve
accessibility within the social model of disability. Two main themes are therefore explored:
the organization of work activities in situations of mediated communication and the process,
engaged by the design and implementation of an accessibility device, by which
conventional practices are reformulated. To do so, we draw on conceptual tools and works
from Situated action theory and Sociology of science and technology. We also mobilize
Disability and Deaf Studies literature. Through a refined description of the multiple courses
of action and a subtle attention to the materiality of interactional practices, we demonstrate
that communication technical devices are a piece of an heterogeneous assembly, that make
sense in situation, and act as an invisible scaffolding that organize and stabilize
communication practices. We propose to designate this form of stabilization under the name
of communicational infrastructure and to use it as a conceptual tool for approaching the
introduction of new communication devices in organizations and to support a reflection on
accessibility-in-practices.

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« Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l’évident, le
commun, l’ordinaire, l’infra-ordinaire, le bruit de fond, l’habituel, comment en rendre compte,
comment l’interroger, comment le décrire ? […] Interroger ce qui semble tellement aller de soi
que nous en avons oublié l’origine. »
Georges Perec, L’infra-ordinaire, 1989

« On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait,
ou vous défait. »
Nicolas Bouvier, L’usage du monde, 1963
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REMERCIEMENTS
« Avec les maigres mots frileux de mes héritages
avec la pauvreté natale de ma pensée rocheuse »
Gaston Miron, L’homme rapaillé, 1970
Le chemin parcouru jusqu’à ces lignes fut l’occasion d’une rencontre avec un réseau
échevelé – j’aime cette expression que j’emprunte à B. Latour – à partir duquel il a fallu
choisir et tisser des liens. Ce travail, beaucoup de personnes l’ont donc traversé y ajoutant
des éléments, me faisant faire des détours, me montrant d’autres routes ou me ramenant
vers le chemin initial. Plus particulièrement, j’ai pu compter sur le soutien continu et l’aide
précieuse de quatre d’entre elles que je souhaite remercier avec une attention singulière.
Elles apparaîtront alignées et classées par l’effet de l’écrit mais il est ici, comme dans le
reste de la thèse, question d’entremêlement et c’est ensemble que leur soutien, leur aide et
leurs conseils me permirent d’arriver aux termes de ce travail.
Je remercie Dominique Vinck, mon directeur de thèse, m’ayant conseillée alors que se
dessinaient à peine les prémices de cette recherche de suivre les fils rouges et d’ouvrir les
boîtes noires, me laissant quelque peu déroutée devant tant de couleurs et d’objets
invisibles. Libre de mes essais et erreurs, par la suite judicieusement commentés, j’ai appris
à tirer sur les fils et ouvrir les boîtes. Mieux encore, à les apprécier. Héritage inestimable.
Sophie Dalle-Nazébi que je remercie pour son soutien inconditionnel et minutieux, qui a
finement encadré la progression de cette analyse au sein de Websourd, entreprise partenaire
de cette étude. Grâce à elle, et surtout avec elle, j’ai découvert toute la richesse du terrain du
handicap et plus spécifiquement celui de la surdité dont la passionnante histoire permet
d’aborder des problématiques aussi vastes et riches que le traitement sociopolitique de la
différence culturelle et linguistique ou la redéfinition de la notion d’intégration. En somme,
un monde sur lequel se pencher pour le reste d’une vie.
Je ne remercierai jamais assez mes deux compères dans cette aventure, mon petit poisson et
le phare breton, qui ont su garder le cap sur une mer agitée et fait preuve, pour l’un, de toute
sa patience nouvellement acquise, pour l’autre, d’une force d’équilibre capitale.
Il y a également toutes les personnes sans qui ce travail n’aurait jamais pu prendre forme.
Elles sont nombreuses et leur rôle essentiel. Je leur exprime toute ma gratitude. De manière
générale, je remercie chaleureusement toutes celles qui, chez Websourd, ont soutenu mon
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embauche et encouragé cette recherche. Celles aussi qui m’ont permis de préserver des
conditions de travail et de rédaction favorables. Tous mes collègues, ensuite, qui ont fait
l’unicité de cette expérience. Avec eux, j’ai découvert de proche en proche la langue des
signes et la vitalité de la culture sourde ainsi que le quotidien d’une équipe de recherche.
J’ai une pensée spéciale pour mes collègues du pôle, ceux qui sont passés et ceux qui sont
restés.
Je remercie également toutes les équipes et les directions des centres de secours d’urgence
visités. Au SAMU, chez les pompiers et aux services de la police, au cours de mes
200 heures d’observation, j’y ai chaque fois été accueillie avec ouverture, gentillesse et
bienveillance. Patiemment aussi, malgré mes questions, mes carnets de notes, mon
enregistreur, mon appareil photo et la caméra. Je remercie donc tous les PARM,
stationnaires et agents rencontrés de m’avoir laissée envahir leur espace de travail. Je les
remercie également de tout le temps passé à m’expliquer leurs manières de faire comme
d’habitude.
Tous les partenaires du projet REACH112 doivent aussi être remerciés de leur contribution
à cette analyse qui s’est jouée au fil de l’eau à travers les nombreux échanges et débats. Plus
spécialement encore, les agents du nouveau centre d’appel d’urgence pour les sourds et
malentendants dont l’étroite participation à ce projet a nourri plus qu’ils ne l’imaginent cette
analyse. Ils ont été portés au centre de ce travail, ce qui n’est pas toujours une position
facile à occuper. Leurs essais, erreurs et réussites lors des expérimentations, leurs critiques
et leurs questions pertinentes ainsi que nos conversations ont contribué à donner une
nouvelle couleur à une problématique ancienne. Merci.
La liste s’allonge davantage puisqu’il faut remercier les amies et amis qui ont su se faire
discrets, me rappeler en douceur leur présence et leur soutien, et attendre le retour des beaux
jours. Ma famille aussi, pour leur amour des livres et pour m’avoir appris que la curiosité
est la plus grande des qualités. Et finalement, les écrivains, philosophes ! et poètes, de chair
et de papier, qui ajoutent du sel à la vie et servent de forteresse.
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