Sur la personnalité d’Homère ; Nous autres philologues

68 Pages·1992·14.882 MB·French

by  Molinier Christian, Fillion Guy, Nietzsche Friedrich

©Éditions Le Passeur -Cecofop, 1992
7, rue des Cadeniers à Nantes
pour la traduction française.
I.S.B.N. 2-907913-10-7
Friedrich Nietzsche
SUR LA PERSONNALITÉ
D'HOMÈRE
suivi de
NOUS AUTRES PHILOLOGUES
Traduit de l'allemand par
Guy Fi/lion
Présentation de Christian Molinier
LE PASSEUR
Cecofop

PRÉSENTATION
Jusqu'à une période récente, l'édition de Nietzsche
en France a pu laisser croire que son œuvre conunen
çait avec la Naissance de la tragédie. Cet ouvrage
était considéré conune le premier essai encore chargé
d'impeifections d'une production philosophique qui,
prenant son essor avec les Considérations inac
tuelles, culminant avec Zarathoustra et les textes
théoriques qui le suivent, aboutissait au grand
ensemble des fragments posthumes des années
1887-1888, avant de se perdre dans les billets de la
folie de janvier 1889. Et, certes, ce choix ne manquait
pas de justification. La.fortune cyclique de Nietzsche
auprès du public français, et auprès de l'Université,
pouvait justifier que l'on allât à la production la plus
connue.
On laissait donc de côté, non seulement les
œuvres philologiques (qui occupent les volumes XVII,
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XVIII et XLY. de la Grossoktavausgabe d'Alfred
Kroner, parue au début du siècle) mais aussi tout le
journal de Nietzsche, ce document si intéressant dans
lequel le jeune Friedrich se livre à un examen suivi de
lui-même et à des bilans réguliers de sa vie.
Les notes destinées à ses cours furent aussi pas
sées sous silence.
S'agissant d'un penseur qui afait de la notion de
• généalogie • une clé pour la compréhension des phé
nomènes humains, cet oubli de la généalogie de
Nietzsche lui-même a quelque chose d'étrange.
S'agissant d'un philosophe qui considère chaque
philosophie • comme l'expression de la vie de son
auteur • (Lou Andreas Salomé) et qui a conçu sa
propre vie comme le laboratoire de sa pensée, ainsi
qu'il l'explique dans Ecce Homo, cette ignorance édi
toriale de la période de formation psychologique et
intellectuelle de Nietzsche prend la figure d'un para
doxe. Ceci est d'autant plus surprenant que les prin
cipales études sur l'homme et l'œuvre, celle de
Charles Andler, puis celle de Georges Morel et, plus
récemment, celle de C. P. Janz, insistent sur l'impor
tance de cette période pour comprendre le
développement ultérieur d'une pensée, à lafois claire
et délicate à saisir, qui a d'ailleurs donné lieu à de
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nombreux contre-sens depuis l'origine jusqu'à des
essais récents.
Sans doute, la forme même des ouvrages de
Nietzsche, leur tournure parfois violente et polémique,
ainsi que leur caractère fragmentaire et contradictoire,
contribuent-ils à cette difficulté d'accès sous une
apparente et trompeusef acilité.
Il est donc précieux de pouvoir remonter à la source
pour assister à la lentef ormation de cette philosophie
complexe et subtile qui, jusque dans son expression
la plus aboutie, restera fidèle à ses intuitions ini
tiales.
Dans cette perspective, il importe de lire attentive
ment la conférence Sur la personnalité d'Homère, qui
est la leçon inaugurale du cours que Nietzsche devait
donner à Bâle à partir de 1869 et quif era l'objet d'une
publication à tirage limité sous le titre Homère et la
philologie classique.
Il s'agit, à propos du problème d'Homère, soumis à
une brillante analyse, d'une réflexion critique sur la
philologie, discipline dans laquelle, en esprit précoce
ment libre, il entend ne pas se laisser enfermer, dût-il
froisser quelques susceptibilités, dont celle de Ritschl
à qui précisément il devait d'avoir été choisi pour ce
poste.
C'est que la découverte de Schopenhauer et la ren-
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contre avec Wagner ont déjà eu lieu et que, grâce à
elles, Nietzsche est, sans le savoir tout à fait lui
même, déjà Nietzsche et qu'à l'aurore de sa carrière il
voit plus loin, infiniment plus loin, que • les Sources
grecques de Diogène Laërce •. Et c'est bien ce qu'il
déclare, avec une insolence modérée et tranquille,
aux graves messieurs venus entendre ce jeune pro
fesseur, ainsi qu'aux premières autorités de la philo
logie.
Ce dépassement de la philologie par elle-même,
qui, dans ce mouvement, la transforme en philoso
phie, est également le fil conducteur de Nous autres
philologues, publié ici en même temps que la confé
rence Sur la personnalité d'Homère parce qu'il la
complète, la prolonge et en développe les thèmes phi
losophiques.
Ce sont des notes personnelles dont le caractère
est assez suivi pour laisser penser qu'elles prépa
raient un travail destiné à la publication.
On y trouve quelques-unes des principales idées
autour desquelles s'est construite la pensée de
Nietzsche : la relativité des points de vue, la compa
raison comme moyen de comprendre et d'évaluer une
civilisation, la critique de la modernité, la relation
nécessaire du savoir et de la vie. Mais surtout,
Nietzsche se livre sur la personne du • philologue • à
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