Table Of ContentS´eminaire BOURBAKI Novembre 2004
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57e ann´ee, 2004-2005,n 938, p. 1 `a 31
ME´TRIQUES KA¨HLE´RIENNES A` COURBURE SCALAIRE
CONSTANTE : UNICITE´, STABILITE´
par Olivier BIQUARD
Une surface de Riemann compacte admet une m´etrique `a courbure constante,
unique `a l’action pr`es des automorphismes holomorphes. La recherche d’un ph´eno-
m`ene analogueendimension sup´erieureest une questioncentralede la g´eom´etrie dif-
f´erentielle complexe. Plus pr´ecis´ement, il s’agit,´etant donn´ee une vari´et´e k¨ahl´erienne
compacte, de trouver dans chaque classe de K¨ahler une m´etrique «canonique». La
notion la plus naturelle, introduite par Calabi, est celle de m´etrique extr´emale. Les
m´etriquesk¨ahl´eriennes`acourburescalaireconstantesontextr´emales,etlar´eciproque
est souvent vraie (en particulier en l’absence de champ de vecteurs holomorphe).
Laquestiondel’existencedesm´etriquesk¨ahl´eriennes`acourburescalaireconstante
est tr`es difficile, et peu de r´esultats sont connus, en dehors du cas ou` la classe cano-
nique est un multiple de la classe de K¨ahler : le probl`eme se r´eduit alors `a l’existence
d’une m´etrique K¨ahler-Einstein, pour lequel on renvoie `a l’excellent expos´e no830
de J.-P. Bourguignon et aux r´ef´erences qu’il contient. Rappelons simplement que ce
probl`eme est compl`etement r´esolu dans les cas c <0 (Aubin [2], Yau [66]) et c =0
1 1
(Yau [66, 67]), mais le cas Fano (c > 0), demeure ouvert en d´epit de nombreux
1
r´esultats, en particulier de Tian, voir notamment [56, 58, 60]. Yau [68] a conjectur´e
que l’existence d’une m´etrique K¨ahler-Einstein dans le cas Fano est li´ee `a une forme
de stabilit´e alg´ebrique de la vari´et´e, au sens de la th´eorie g´eom´etrique des invariants.
Cetteconjecturea´et´econfirm´eeparTian,quiamontr´equel’existenced’unem´etrique
K¨ahler-Einsteinimplique une notionde stabilit´e qu’il appelle K-stabilit´e [60]; ce tra-
vail l’a men´e `a formuler une «conjecture de Hitchin-Kobayashi» pour les vari´et´es,
liant stabilit´e et existence de m´etriques k¨ahl´eriennes `a courbure scalaire constante.
Les travaux de Donaldson, puis de Mabuchi, Chen et Tian, ont permis d’avancer
de mani`ere substantielle dans cette direction, et en particulier d’obtenir des r´esul-
tats g´en´eraux d’unicit´e et de stabilit´e des m´etriques k¨ahl´eriennes `a courbure scalaire
constante.
Ond´esigneraparAut(M)legroupedesautomorphismesholomorphesdelavari´et´e
complexecompacteM,etparAut0(M)lacomposanteconnexedel’identit´e.Si(M,L)
est une vari´et´e k¨ahl´erienne polaris´ee (la classe de K¨ahler est c (L)), le groupe des
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automorphismesholomorphesde LmodulolesautomorphismestriviauxC∗ seranot´e
Aut(M,L), c’est un sous-groupe de Aut(M).
Th´eor`eme 0.1 (Donaldson [19]). — Soit (M,L) une vari´et´e complexe compacte po-
laris´ee, a` groupe d’automorphismes Aut(M,L) discret. Si la classe de K¨ahler c (L)
1
admet une m´etrique k¨ahl´erienne a` courbure scalaire constante, alors :
(1) la m´etrique a` courbure scalaire constante est unique dans la classe de K¨ahler;
(2) pour k assez grand, les plongements projectifs de M dans PH0(M,Lk) sont
stables au sens de Chow-Mumford (i.e. (M,L) est asymptotiquement stable au sens
de Chow-Mumford).
La force du second ´enonc´e se mesure au fait que la stabilit´e asymptotique d’une
vari´et´e alg´ebrique polaris´ee est une propri´et´e notoirement difficile `a v´erifier.
A` noter que dans le cas K¨ahler-Einstein Fano, l’unicit´e de la m´etrique K¨ahler-
Einstein est aussi un probl`eme d´elicat, r´esolu ant´erieurement par Bando et Mabu-
chi [3].
Le th´eor`eme a ´et´e ´etendu par Mabuchi, et Chen et Tian. Ces derniers aboutissent
`a l’´enonc´e le plus g´en´eral suivant.
Th´eor`eme 0.2. — Sur une vari´et´e complexe compacte M, deux m´etriques k¨ahl´e-
riennes extr´emales dans la mˆeme classe de K¨ahler diff`erent par un automorphisme
holomorphe dans Aut0(M).
Le cas d’une vari´et´e polaris´ee, `a groupe d’automorphismes non trivial, est trait´e
par Mabuchi [39, 40, 41, 42]. Il montre en outre une forme modifi´ee de stabilit´e au
sens de Chow, tenant compte de l’action du centre de Aut0(M,L) sur H0(M,Lk),
voir section 3.1.2.
Le th´eor`eme d’unicit´e d´efinitif est montr´e par Chen et Tian[14] qui supprimentla
condition que la classe de K¨ahler soit enti`ere.
Les liens avec la K-(semi)stabilit´e, ainsi que la conjecture liant K-stabilit´e et exis-
tence de m´etriques k¨ahl´eriennes `a courbure scalaire constante, seront d´etaill´es dans
la section 3.2.
Donnonsunbrefaperc¸udelam´ethodedeDonaldson:dans[17]ilinterpr`etelepro-
bl`eme des m´etriques k¨ahl´eriennes `a courbure scalaire constante comme un analogue
de dimension infinie d’un probl`eme d’application moment de l’action hamiltonienne
d’un groupe compact G sur une vari´et´e symplectique. Le roˆle de l’espace sym´etrique
de type non compact GC/G est jou´e par l’espace des potentiels de K¨ahler, et l’uni-
cit´e r´esulterait du formalisme g´en´eral des applications moment si, dans l’espace des
potentiels de K¨ahler, deux points pouvaient toujours ˆetre joints par une g´eod´esique
[18]. Dans [19], Donaldson contourne la difficult´e par une m´ethode de quantification
consistant`a approximerl’espacedes potentiels de K¨ahlerparles espacessym´etriques
SL(N + 1)/SU(N + 1) des m´etriques de Fubini-Study sur les espaces projectifs
k k
PNk = PH0(M,Lk)∗ dans lesquels se plonge M (le roˆle de la constante de Planck
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´etantjou´epar1/k);lam´etriquek¨ahl´erienne`acourburescalaireconstantes’approxime
danschaqueprojectifparune m´etrique«´equilibr´ee»,dontl’existenceest´equivalente
`a la stabilit´e au sens de Chow (Zhang [70], Luo [36]).
Cet expos´e a pour but d’expliquer la m´ethode utilis´ee par Donaldson, dont les
principes sont utilis´es aussi par Mabuchi. En revanche, Chen et Tian reviennent au
programmeinitialentravaillantdirectementsur l’espacede dimensioninfinie des po-
tentiels de K¨ahler, ce qui explique qu’ils n’ont plus besoin d’une polarisation; la d´e-
monstrationpassepardesr´esultatsnouveauxder´egularit´edesolutionsd’une´equation
deMonge-Amp`erecomplexehomog`ene,quenousn’aborderonspasdansces´eminaire.
Dans la premi`ere section, nous exposons quelques g´en´eralit´es sur les m´etriques
k¨ahl´eriennes, avant de passer au sch´ema formel posant le probl`eme sous forme sym-
plectique.Danslasecondesection,nousdonnonslad´emonstrationproprementditedu
th´eor`eme, via la construction des m´etriques ´equilibr´ees. Enfin, dans la troisi`eme sec-
tion,nouseffleuronsdiversesnotionsdestabilit´edesvari´et´esalg´ebriques,laconjecture
sur le lien avec l’existence de m´etriques k¨ahl´eriennes `a courbure scalaire constante,
ainsi que certains d´eveloppements tr`es r´ecents.
Remerciements.Je remercie PaulGauduchonpour sa pr´ecise relecturedu manuscrit.
1. GE´OME´TRIE KA¨HLE´RIENNE ET COURBURE SCALAIRE
1.1. Pr´eliminaires
Ici, nous introduisons les m´etriques extr´emales. Outre les articles fondateurs de
Calabi [8, 9], d’excellentes r´ef´erences sur le sujet sont [4, 26, 62].
1.1.1. M´etriques extr´emales. — Soit M2n une vari´et´e complexe, dont on notera la
structure complexe J. Une forme de K¨ahler est une (1,1)-forme ferm´ee, telle que
la formule g(X,Y) = ω(X,JY) d´efinisse une m´etrique riemannienne. La connexion
de Levi-Civita induit une connexion sur le fibr´e canonique K = ΛnΩ1 , dont la
M M
courbure s’´ecrit iρ pour une (1,1)-forme r´eelle ferm´ee ρ appel´ee forme de Ricci.
ω ω
Elleestreli´eeautenseurdeRiccivialastructurecomplexe:ρ (X,Y)=Ric(JX,Y).
ω
La forme ρ /2π repr´esentela classede cohomologiec (M), et la courburescalairede
ω 1
la m´etrique g est
s =2Λρ
ω ω
ou` Λ est l’op´erateur de contraction par la forme de K¨ahler(1).
(1)Lanormalisationdelacourburescalaireeng´eom´etriek¨ahl´erienne fluctue suivantlesauteurs, on
trouvesouventlechoix 1sω quisimplifiecertainesformules;onapr´ef´er´eicis’entenirstrictementa`
4
lad´efinition provenant delag´eom´etrieriemannienne. Celapeut expliquer,pour certaines formules,
ladivergenceentreces´eminaireetcertainsdesarticlescit´es.
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4 O. BIQUARD
Pourfixerlesnotations,si,dansdescoordonn´eesholomorpheslocales(zj),laforme
de K¨ahler s’´ecrit
i
ω = g dzj ∧dzk,
2 jk
alors on obtient les formules
∂2
ρ =−i∂∂logdet(g ), s =−4g`m logdet(g ).
ω jk ω ∂z`∂zm jk
La forme volume est dµ = ωn, le volume total V = dµ ne d´epend que de
ω n! M ω
la classe de cohomologie Ω = [ω], et la moyenne s de laRcourbure scalaire est ainsi
ω
d´etermin´ee par la topologie :
1 1 ωn−1 c (M)Ωn−1
1
s = s dµ = 2ρ ∧ =4πn .
ω V Z ω ω V Z ω (n−1)! Ωn
M M
Les identit´es k¨ahl´eriennes, impliquant l’op´erateur dC = J−1dJ sur les formes dif-
f´erentielles, permettent de retrouver l’identit´e de Bianchi :
1
d∗ρ =[Λ,dC]ρ =−dCΛρ =− dCs .
ω ω ω ω
2
L’´equation«s constante» estdonc´equivalente`a «ρ harmonique»; enparticulier,
ω ω
si c (M) est proportionnelle `a la classe de K¨ahler (dont le repr´esentant harmonique
1
est justement ω), l’´equation est ´equivalente `a demander que ρ soit proportionnelle
ω
`a ω, c’est-`a-dire que ω soit K¨ahler-Einstein.
La fonctionnelle de Calabi [8] est d´efinie sur l’espace des formes de K¨ahler dans la
classe de cohomologie fix´ee Ω∈H2(M,R), par
C(ω)=Z s2ωdµω.
M
LespointscritiquesdeC,appel´esm´etriquesextr´emales,sontcaract´eris´esparlacondi-
tion que le champ de vecteurs K = ]ds (ou` ] :Ω1 → T est la dualit´e symplectique,
ω
d´efinie par (]α)yω =α) soit holomorphe. Notant
(1) D =2∂]∂
l’op´erateur de Lichnerowicz, l’´equation s’´ecrit donc Dsω = 0. Elle est bien entendu
v´erifi´ee si s est constante.
ω
1.1.2. Le groupe d’automorphismes. — Un roˆle important est jou´e ici par le groupe
des automorphismes de M ou de (M,L). Supposons donc donn´ee sur le fibr´e holo-
morphe en droites complexes L une m´etrique hermitienne, `a courbure F = −iω.
L
Notons ´egalement ξ le champ de vecteurs tautologique sur L. Un champ de vecteurs
complexe sur L se d´ecompose en
v =v+fξ,
ou` v esthorizontalpourlaconnexionbdeLe,etf estunefonction`a valeurscomplexes.
On v´erifie facilement que v est holomorphe aux conditions suivantes :
e
b
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(1) v est le remont´e horizontal d’un champ de vecteurs holomorphe v sur M;
(2) la fonction f satisfait ]∂f =v (et donc Df =0).
e
On en d´eduit imm´ediatement :
Lemme 1.1. — L’alg`ebre de Lie du groupe Aut(M,L) est isomorphe a` l’espace des
solutions f ∈C∞(M,C) de l’´equation Df =0.
0
Uneautremani`ered’´enoncerlelemmeestdedirequel’alg`ebredeLiedeAut(M,L)
s’identifie auxchamps de vecteursholomorphes,hamiltoniens-complexes(de laforme
]∂f pour f une fonction complexe).
Le groupe d’automorphismes est une source importante d’obstructions `a l’exis-
tence de m´etriques k¨ahl´eriennes `a courbure scalaire constante. La plus ancienne est
l’obstruction de Matsushima-Lichnerowicz [43, 34] : si M admet une m´etrique k¨ah-
l´erienne a` courbure scalaire constante, alors l’alg`ebre de Lie des champs de vecteurs
holomorphes sur M est r´eductive. Plus pr´ecis´ement, cette alg`ebre se d´ecompose en
a⊕h, ou` a est une alg`ebre de Lie complexe ab´elienne (constitu´ee des champs de vec-
teursparall`eles),eths’identifieauxsolutionscomplexesdel’´equationDf =0(voirle
lemme1.1danslecaspolaris´e);lessolutionsr´eellesengendrentlegrouped’isom´etries
de M.
Un autre invariant provenant du groupe d’automorphismes est le caract`ere de Fu-
taki, qui sera introduit section 1.3.4.
1.1.3. Exemple : les surfaces complexes r´egl´ees. — Nous n’aborderons pas ici les
exemples provenantdu probl`eme des m´etriques K¨ahler-Einstein(voir [5]).
Burnset De Bartolomeis[7]furentsans doute les premiers`a d´etecter unlien entre
stabilit´e alg´ebrique et existence de m´etriques k¨ahl´eriennes `a courbure scalaire nulle :
sur une surfacecomplexe r´egl´eeS =PE,ou` E estun fibr´e holomorphede rang2 sur
une surfacede Riemann Σ,`a genresup´erieurou´egal`a 2,ils ont montr´eque S admet
unem´etriquek¨ahl´erienne`acourburescalairenullesietseulementsiE provientd’une
repr´esentation du π (Σ) dans PU , c’est-`a-dire, par le th´eor`eme de Narasimhan et
1 2
Seshadri,est (poly-)stable. La m´etrique k¨ahl´erienne `a courbure scalairenulle dans ce
cas est localement sym´etrique (quotient du produit du disque hyperbolique et de la
droite projective P1).
Cer´esultata´et´e´etenduparLeBrun,enutilisantlath´eoriedeSeiberg-Witten,aux
m´etriques k¨ahl´eriennes `a courbure scalaire constante n´egative sur les surfaces r´egl´ees
[32].
Le probl`eme de construction de m´etriques k¨ahl´eriennes `a courbure scalaire
constante est tr`es difficile (´equation d’ordre 4 sur le potentiel de K¨ahler), et tr`es peu
de r´esultats sontconnus.Une exceptionnotable existe en dimension4 : les m´etriques
k¨ahl´eriennes `a courbure scalaire nulle, invariantes sous l’action d’un cercle, se d´e-
crivent explicitement en termes de fonctions harmoniques sur l’espace hyperbolique
r´eel de dimension 3 (ansatz hyperbolique de LeBrun [31]). Parmi les applications de
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6 O. BIQUARD
cet ansatz, citons les ´eclatements de surfaces r´egl´ees admettant l’action holomorphe
d’un cercle [33] : les ´eclatements peuvent ˆetre cod´es en termes d’une structure
parabolique sur E (au sens de Mehta et Seshadri), et LeBrun et Singer montrent
que l’existence d’une m´etrique k¨ahl´erienne `a courbure scalaire nulle sur ces surfaces
r´egl´ees ´eclat´ees (S1-invariantes) est ´equivalente `a la stabilit´e du fibr´e parabolique
associ´e.Une questionint´eressanteestlag´en´eralisation´eventuelle`atouteslessurfaces
r´egl´ees (mˆeme sans sym´etrie).
Enfin,toujoursendimension4,lesm´etriquesk¨ahl´eriennes`acourburescalairenulle
peuvent ˆetre obtenues par une m´ethode twistorielle, qui permet de faire des recolle-
ments, voir par exemple [30]. Plus r´ecemment est apparue une m´ethode de d´esingu-
larisation [49], s’appuyant sur la construction de m´etriques k¨ahl´eriennes `a courbure
scalaire nulle sur les d´esingularisations de certains quotients de C2 par des groupes
finis [11] : par exemple, on peut construire une m´etrique k¨ahl´erienne `a courbure sca-
laire nulle sur une surface obtenue `a partir de P2 en ´eclatant 10 points—le nombre
minimal de points n´ecessaire.
1.2. Br`eve revue du quotient k¨ahl´erien
On fait ici un tr`es bref rappel sur la th´eorie des invariants et le quotient symplec-
tique, consulter [24, section 6.5] et [45].
1.2.1. R´eduction symplectique. — Soit (X,$) une vari´et´e symplectique, et G un
groupe d’alg`ebre de Lie g. Soit une action hamiltonienne de G sur (X,$), c’est-
`a-dire qu’il existe une application µ : X → g∗, ´equivariante pour l’action de G, et
satisfaisant pour tout ξ ∈g,
dhµ,ξi=v y$
ξ
ou` vξ estle champde vecteurssurX induitparl’actioninfinit´esimaledeξ.Une telle
application est appel´ee application moment, elle est unique `a l’addition pr`es d’un
´el´ement de (g∗)G.
Si 0 est une valeur r´eguli`ere de µ, le th´eor`eme de Marsden-Weinstein indique que
le quotient µ−1(0)/G (appel´e quotient symplectique de X par G) admet une forme
symplectique, qui, tir´ee en arri`ere sur µ−1(0), co¨ıncide avec $.
Supposonsquelaformesymplectiqueproviennedelacourbured’unfibr´eendroites
complexes L sur X, donc $ = iFL ∈ 2πc1(L). Le choix d’une application moment
permet de remonter l’action de G `a L, en faisant agir infinit´esimalement ξ ∈g par
d
v =v +hµ(x),ξi
ξ ξ
dθ
ou` vξ est le remont´e horizontaldbe vξesur L grˆace `a la connexion.
SienoutreX estk¨ahl´erienneetGestcompact(pr´eservantunproduitscalairesurg
e
permettant de l’identifier avec g∗), alors le quotient symplectique est aussi k¨ahl´erien.
Ilaenoutredesliensprofondsavecl’actioncomplexifi´eedeGC surX.L’actiondeG
sur L se complexifie aussi,eton obtientdes orbites de GC dans L au-dessusd’orbites
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dans X. Soit Z la fonction G-invariante sur L, introduite par Kempf et Ness [29], et
d´efinie par Z(z) = −log|z|2. La fonction Z est un potentiel pour la forme π∗ω, ou`
π est la projection π :L−{section nulle}→M, c’est-`a-dire i∂∂Z =π∗ω. Fixons un
point base p ∈ L, au-dessus d’un point x ∈ X, et ξ ∈ g : un calcul facile fournit les
formules
d
Z(eitξp)=hµ(eitξx),ξi,
dt
d2
Z(eitξp)=|v (eitξx)|2.
dt2 ξ
On voit donc que
– µ(x)=0 si et seulement si Z admet un point critique en p;
– Z est une fonction convexe, en le sens suivant : compte tenu du choix de p, la
fonction Z se tire en arri`ere en une fonction sur l’espace sym´etrique Q =GC/G, que
nous appelleronsencoreZ; comme dans toutespacesym´etrique,les g´eod´esiquessont
donn´ees par l’action infinit´esimale de ig, donc la seconde identit´e indique que Z est
convexe sur Q.
On d´eduit imm´ediatement le r´esultat classique d’unicit´e : dans X, une GC-orbite
coupe µ−1(0) en au plus une G-orbite. En outre, en notant G le groupe d’isotropie,
x
on a l’isomorphisme des groupes discrets GC/(GC)0 =G /G0.
x x x x
L’existence est li´ee `a la stabilit´e de la mani`ere suivante : il y a ´equivalence entre
(1) il existe un unique g ∈GC modulo G tel que µ(gx)=0;
(2) la fonctionnelle Z sur GC/G, correspondant`a x, est propre;
(3) l’orbite complexe GCp dans L est ferm´ee, et le groupe d’isotropie G est fini.
x
Latroisi`emeconditionestlaconditionquexsoitunpointstable,ausensdelath´eorie
g´eom´etriquedes invariants(ondit parfoisproprement stable), etla secondecondition
peut ˆetre vue comme une condition de stabilit´e analytique.
La condition sur le groupe d’isotropie est parfois supprim´ee, et on parle alors de
point faiblement stable, ou polystable. L’existence d’un z´ero de µ dans l’orbite com-
plexe reste alors assur´ee,mais l’unicit´e de g ne l’est que modulo (GC)0.
x
Enfin, la semistabilit´e est d´efinie en demandant que l’orbite complexe GCp ne
contienne pas 0 dans son adh´erence.
1.2.2. La correspondance de Hitchin-Kobayashi. — Si cette th´eorie du quotient k¨ah-
l´erien est bien ´etablie en dimension finie, tel n’est pas le cas en dimension infinie.
Cependant, en dimension infinie existe un probl`eme qui sert de paradigmepour celui
desm´etriquesk¨ahl´eriennes`acourburescalaireconstante.Soitunevari´et´ek¨ahl´erienne
compacte (M2n,ω), et E un fibr´e holomorphe sur X, de rang r (pour simplifier, on
supposera deg (E) = c (E)[ω]n−1 = 0). Le probl`eme est de trouver une m´etrique
ω 1
hermitienne h sur E, de courbure F , satisfaisant l’´equation de Hermite-Einstein :
h
ΛF =0.
h
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8 O. BIQUARD
La conjecture, pos´ee par Hitchin et Kobayashi, fut r´esolue par Donaldson [16], et
Uhlenbeck et Yau [64] : si E est ind´ecomposable, l’existence d’une telle m´etrique est
´equivalente `a la stabilit´e du fibr´e E, `a savoir,pour tout sous-faisceaustrict E0 de E,
on a deg (E0)<0. Si E est d´ecomposable, la bonne condition est la polystabilit´e de
ω
E, `a savoir,E est somme directe de sous-fibr´es stables de degr´e nul.
Ce probl`eme s’interpr`ete en termes d’application moment de la mani`ere suivante.
Au lieu de faire varier la m´etrique, on fixe une m´etrique hermitienne h sur E, et
0
on consid`ere l’espace X des op´erateurs ∂ sur E, ou de mani`ere ´equivalente, des
connexions unitaires A. Il s’agit d’un espace affine, de direction l’espace des sections
dufibr´eΩ0,1⊗End(E);lanormeL2 le munitd’une structurek¨ahl´erienne(plate).Le
groupe de jauge G est d´efini comme le groupe des transformations unitaires du fibr´e
E (il s’agitdonc des sections d’un fibr´e sur M de fibre U(r)). Son complexifi´eGC est
legroupedestransformationscomplexesdeE,ilagitsurX parg(∂E)=g◦∂E◦g−1,
et sa partie unitaire G en pr´eserve la structure k¨ahl´erienne.
Le probl`eme de Hermite-Einsteins’interpr`eteen termes de l’actionde GC sur X :
eneffet, la m´etrique h=g∗h g surE estd’Hermite-Einsteinsiet seulementsila m´e-
0
triqueh estHermite-Einsteinsurg(E).Notonsquelaparam´etrisationdesm´etriques
0
h par g∗h g n’est rien d’autre que l’identification de l’espace Q = GC/G `a l’espace
0
des m´etriques hermitiennes sur E.
Un calcul facile montre que A → ΛF est une application moment pour l’action
A
de G sur X. L’unicit´e de la m´etrique d’Hermite-Einstein peut ˆetre d´eduite du for-
malisme g´en´eral de l’application moment, avec la fonctionnelle Z sur Q d´efinie plus
haut qui n’est autre que la fonctionnelle de Donaldson. L’existence de la m´etrique
d’Hermite-Einsteinestbeaucoupplus difficile, maisla relationentre la propret´ede la
fonctionnelle de Donaldson et la stabilit´e du fibr´e est au cœur de la d´emonstration,
voir par exemple dans [55].
1.3. Le point de vue symplectique
Revenons au probl`eme des m´etriques k¨ahl´eriennes `a courbure scalaire constante.
Jusqu’`a la fin de cette section, nous d´ecrivons le point de vue symplectique adopt´e
par Donaldson [17, 18].
1.3.1. La courbure scalaire comme application moment. — Le caract`ere symplec-
tique du probl`eme se voit en changeant de point de vue : au lieu de fixer la struc-
ture complexe de la vari´et´e et de faire varier la forme de K¨ahler, on fixe une va-
ri´et´e symplectique compacte (M2n,ω), et on consid`ere l’ensemble J des structures
presque-complexes J compatibles `a ω, c’est-`a-dire satisfaisant ω(JX,JY)=ω(X,Y)
et g(X,Y)=ω(X,JY) est une m´etrique riemannienne.
On peut voir J comme l’espace des sections d’un fibr´e sur M de fibre l’espace
hermitiensym´etriqueSp(2n)/U(n).LastructurecomplexedeSp(2n)/U(n),etsam´e-
triquecoupl´ee`alaformevolumedµω deM,donnentformellement`aJ unestructure
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(938) ME´TRIQUES KA¨HLE´RIENNES A` COURBURE SCALAIRE CONSTANTE 9
de vari´et´e k¨ahl´erienne de dimension infinie, dont on notera la forme de K¨ahler $.
Plus pr´ecis´ement, une structure presque-complexe ´etant fix´ee, on d´ecrit les autres
structures presque-complexes par leur espace Ω1,0, param´etr´e comme le graphe d’un
φ ∈ Hom(Ω1,0,Ω0,1) = Ω0,1 ⊗T1,0. La compatibilit´e `a ω s’´ecrit alors φyω = 0, ou`
l’op´erationydoitˆetrecomprisecommelacompositiondelacontractionetduproduit
ext´erieur :
(Ω0,1⊗T1,0)⊗Ω1,1 −→Ω0,1⊗Ω0,1 −→Ω0,2.
LegroupeGdes symplectomorphismeshamiltoniensde M agitsur J parφ(J)=
φ∗Jφ−∗1. Cette action pr´eserve la structure k¨ahl´erienne. L’alg`ebre de Lie g s’identifie
`a l’espace C∞(M) des fonctions d’int´egrale nulle, une telle fonction H d´efinissant le
0
champ de vecteurs hamiltonien X =]dH sur M.
H
Enfin, la d´efinition de la courbure scalaire peut ˆetre ´etendue `a ce cadre presque-
complexe: l’op´erateur∂ :Ω1,0M →Ω1,1M s’´etendenune connexionhermitienne sur
Ω1,0M (connexion de Chern), et donc sur le fibr´e canonique K . Sa courbure s’´ecrit
M
iρ , d’ou` on d´eduit la courbure scalaire s =2Λρ .
J J J
La courbure scalaire d´efinit un ´el´ement de g∗ par l’application
H −→ s Hdµ .
J ω
Z
M
Lemme 1.2 (Donaldson). — L’application J → 1s estuneapplicationmomentpour
4 J
l’action de G sur J. En particulier, le lieu d’annulation de l’application moment est
exactement l’espace des structures presque-complexes a` courbure scalaire constante.
D´emonstration. — Le tenseur de Nijenhuis N ∈Ω0,2⊗T1,0 de la structure presque-
2
complexe J est d´efini par ∂ f = Ny∂f pour toute fonction f. Il intervient dans le
calcul de l’action infinit´esimale d’un champ de vecteurs X sur J :
(2) LXJ =∂X1,0−X0,1yN
ou` le r´esultat est vu comme une section de Ω0,1⊗T1,0.
Fixons une fonction H ∈g=C∞(M). Le lemme signifie qu’on a sur J l’´egalit´e
0
dhsJ,Hi=4(LXHJ)y$,
c’est-`a-dire,pour toute variation infinit´esimale φ∈TJJ,
(3) d s(φ)Hωn =4 Re i(∂]∂H −(]∂H)yN),φ ωn.
J
Z Z
M M (cid:10) (cid:11)
On renvoie `a [17] pour les d´etails du calcul de la diff´erentielle de la courbure scalaire
dans ce contexte.
SOCIE´TE´MATHE´MATIQUEDEFRANCE2006
10 O. BIQUARD
1.3.2. Complexification. — Le groupe de symplectomorphismes G n’admet pas de
complexification. Cependant, J ´etant une vari´et´e complexe, l’action infinit´esimale
deg peutˆetrecomplexifi´ee.LafonctioniH ∈iC0∞(M)agiradoncsurJ parJLXHJ.
LadistributiondeJ,engendr´eeenJ parlesLXHJ etJLXHJ,estinvolutive,etses
feuilles maximales jouent le roˆle des orbites du groupe complexe manquant.
Pr´ecisons cette discussion quand on se restreint aux structures complexes int´e-
grables J ⊂J. Si J est int´egrable, alors par (2), on a
int
(4) JLXHJ =∂(iXH1,0)=LJXHJ,
donc l’action complexifi´ee infinit´esimale agit par diff´eomorphismes (infinit´esimaux)
sur J. Un point de vue ´equivalent consiste `a fixer J et `a modifier plutˆot la forme de
K¨ahler ω par −LJXHω =−ddCH.
Introduisons `a pr´esent l’espace des formes de K¨ahler dans la mˆeme classe que ω :
K ={ωϕ =ω+ddCϕ, ωϕ >0}.
Par le lemme de Moser, on peut choisir, pour chaque ωϕ ∈ K , un diff´eomorphisme
F , d´ependant de mani`ere r´eguli`ere de ϕ, tel que F∗ω = ω. On montre alors que
ϕ ϕ ϕ
la feuille maximale de la distribution involutive de J passant par J est l’image de
l’application(2)
K ×G−→J, (ωϕ,σ)−→σ∗Fϕ∗J.
C
Il apparaˆıt clairement que, J ∈ J ´etant fix´e, le roˆle de l’espace sym´etrique G /G
int
est jou´e par l’espace des formes de K¨ahler K .
Remarque 1.3. — Le calcul de la variation de la courbure scalaire s par rapport
ωϕ
`a ϕ (voir par exemple [26]), est essentiellement ´equivalent au calcul montrant que
s est une application moment, le lien entre les deux points de vue ´etant donn´e
J
par l’application d’un diff´eomorphisme infinit´esimal, grˆace `a (4). Plus pr´ecis´ement,
l’action infinit´esimale de −JX sur J (ω restant fixe) m`ene `a une variation de J par
ϕ
φ = −i∂X1,0 = −iDϕ (D l’op´erateur de Lichnerowicz d´efini en (1)), et, par (3), `a
ϕ 2
une variation de sJ par −2Re(iD∗φ) = −D∗Dϕ; puis on revient `a J en faisant agir
le champ de vecteurs JXϕ, d’ou` une contribution suppl´ementaire LJXϕs=hds,dϕi,
ce qui donne la variation compl`ete, pour une variation ω˙ =ddCϕ :
(5) s˙ =−D∗Dϕ+hds,dϕi.
(2)L’image,tellequenouslad´ecrivons,n’estbiend´efiniequepourH1(M,R)=0.
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Description:Table of Contents Seminaire Bourbaki Volume 47 page 1 2004-2005 [doi UNKNOWN] Biquard, Olivier -- Metriques kaehleriennes a courbure scalaire constante : unicite, stabilite Seminaire Bourbaki Volume 47 page 33 2004-2005 [doi UNKNOWN] Buff, Xavier -- La mesure d equilibre d un endomorphisme de PkC Se