Table Of ContentThèse de doctorat de l’Université Paris-Est
Sociologie
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École doctorale Ville, Transports et Territoires
Laboratoire Ville Mobilité Transport
Julie CHRÉTIEN
Rôle de la mobilité dans la maîtrise d’un quotidien complexe
Pratiques spatiales, choix modal et rapport au temps des Franciliens
Thèse dirigée par Frédéric de Coninck et Marie-Hélène Massot
Soutenue publiquement le 21 mars 2017
Jury :
Jean-Yves Authier Professeur des Universités, Université Lumière Lyon 2, Examinateur
Yves Crozet Professeur Émérite, Sciences Po Lyon, Rapporteur
Carole Després Professeure Titulaire, Université de Laval, Rapporteure
Frédéric de Coninck Professeur des Universités, École des Ponts, Directeur de thèse
Marie-Hélène Massot Professeure des Universités, École d’Urbanisme de Paris, Directrice de thèse
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À l’ABBA et au FC PAEC
"Well..." Harry said, trying to figure out how to describe that particular
bit of Muggle science. "Suppose you come into work and see your
colleague kicking his desk. You think, 'what an angry person he must be'.
Your colleague is thinking about how someone bumped him into a wall
on the way to work and then shouted at him. Anyone would be angry at
that, he thinks. When we look at others we see personality traits that
explain their behaviour, but when we look at ourselves we see
circumstances that explain our behaviour. People's stories make internal
sense to them, from the inside, but we don't see people's histories trailing
behind them in the air. We only see them in one situation, and we don't
see what they would be like in a different situation. So the fundamental
attribution error is that we explain by permanent, enduring traits what
would be better explained by circumstance and context."
Eliezer Yudkowsky : Book 1: Harry James Potter-Evans-Verres and the
Methods of Rationality, version en ligne1 éditée par Bogdan Butnaru,
page 30.
1 https://cdn.rawgit.com/rjl20/hpmor/0c10d2e8b6bd68e88fd2fc6e6b233140917e7314/out/hpmor-1.pdf
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Merci à mes directeurs de thèse, Frédéric et Marie-Hélène. Je mesure la chance de
les avoir eus comme encadrants durant ces quatre années de travail. Je leur suis
extrêmement reconnaissante pour la pertinence de leurs conseils, la liberté qu’ils ont
su me laisser, leur disponibilité quand j’avais besoin de soutien et leur bonne humeur.
Merci aux personnes, que je ne peux naturellement citer ici, qui se sont prêtées au jeu
de l’entretien en acceptant de me raconter une semaine de leur vie et plus encore.
Merci à mes relecteurs de fond : Emre, Florent, Leslie, Mariane, Marianne,
Sandrine W. et Virginie B. La valeur de leurs commentaires et l’effort de rigueur
qu’ils m’ont imposé ont contribué à la qualité de cette thèse. Merci aux petites mains
qui ont lutté contre ma tendance à oublier des mots et à mettre des s là où il n’en faut
pas : Anne, Armelle, Benoit, Bob, Cécile, Clémence, Emeline, Florent, Louis,
Marion, Tugdual, Vincent et Virginie T.C.
Merci à toutes les personnes qui m’ont permis de vivre dans un environnement
épanouissement ces dernières années. Si je me suis rendue presque quotidiennement
cinq ans durant dans les bureaux du LVMT ce n’est ni par obligation de présence ni
pour les performances du logiciel de traitement de texte que j’y trouvais, mais pour la
présence de mes collègues, qui justifiait amplement l’heure de trajet pour m’y rendre.
Par ce qu’ils m’ont apporté tant sur le plan professionnel qu’humain, ils ont
brillamment prouvé que le collectif dans la recherche n’est pas juste une case à
cocher dans un bingo de concepts foireux, même au sein des disciplines réputées
pour leur travail en solitaire. Au-delà du laboratoire, ce sont les liens que j’ai pu
tisser au sein de l’ensemble plus vaste qu’est le campus Descartes qui me l’ont
quotidiennement rappelé. Je tiens à remercier spécifiquement mes co-bureaux
successifs : Benoit, Jeff, Vincent et Julie dont la présence dans les locaux (et au-
dehors) a toujours été synonyme de joie.
Merci à mes parents, mon frère et ma sœur, pour leur amour et le peu de fois où ils
m’ont demandé quand je finirais ma thèse.
Merci à mes colocataires passés et présents : Laura Mae, Nicolas, Florent et Augustin
pour le soutien moral au quotidien et la nourriture en période de stress.
Merci au FC PAEC de m’avoir si souvent aidée, à travers le plaisir collectif pris dans
les victoires (et les défaites), à relativiser l’importance de cette thèse.
Merci enfin aux amis ne rentrant dans aucunes de ces cases et qui ont pourtant été à
mes côtés pendant la durée de ce projet.
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Sommaire
Introduction générale.................................................................................................9
Partie I Qualifier les pratiques de mobilité lorsque le quotidien se complexifie.45
Introduction à la partie I.........................................................................................45
Chapitre 1 Questions de méthode......................................................................47
Chapitre 2 Des pratiques modales corrélées au rapport au temps.....................73
Chapitre 3 Une réflexivité sur les modes de transport liée aux lieux plus qu’au
temps................................................................................................................137
Chapitre 4 Modalités d’arbitrage entre temps et espace..................................181
Conclusion de la partie I......................................................................................213
Chapitre 5 Transition théorique : une approche de l’agir par l’analyse des situations
.........................................................................................................................217
Partie II Analyser les conditions d’un rapport au temps hypermoderne par les
situations temporelles complexes.................................................................239
Introduction à la partie II......................................................................................239
Chapitre 6 Outils pour l’analyse des situations...............................................241
Chapitre 7 Le chaînage et la proximité : socle d’un rapport au temps
hypermoderne..................................................................................................263
Chapitre 8 Un « effet quartier » : l’impact du territoire sur le rapport au temps
.........................................................................................................................355
Conclusion de la partie II.....................................................................................456
Conclusion générale................................................................................................459
Bibliographie.............................................................................................................473
Annexes.....................................................................................................................491
Index des tableaux.....................................................................................................537
Index des illustrations...............................................................................................541
Table des matières.....................................................................................................545
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Introduction générale
« With the advent of cheap newspapers and superior means of locomotion, tavern life has lost
much of its charm. […] The dreamy quiet old days are over and gone forever ;
for men now live, think, and work at express speed. »2
Smith, William. Morley: Ancient and Modern.
London, Longmans, Green, and Co., 1886, p.75.
Introduction
La sensation que tout va de plus en plus vite, que l’on n’a pas le temps de faire les
choses correctement, que l’on est soumis à une pression dans notre travail et que,
même durant notre temps libre, nous avons l’obligation de faire de plus en plus de
choses, est un lieu commun vieux de 130 ans (au moins !). Or à l’époque déjà, le lien
était fait entre l’évolution des modes de transport et ce que les gens percevaient
comme un rythme de vie plus élevé que par le passé. La croissance rapide des
vitesses de déplacement accessibles aux individus – d’abord par le biais du train puis
par celui de l’automobile – a modifié radicalement notre rapport à l’espace, sous la
forme d’une démultiplication des destinations accessibles. D’un point de vue positif,
cet élargissement des possibilités d’action transformerait notre rapport au temps en
permettant à l’individu une plus grande liberté de choix dans la conduite de sa vie
quotidienne et une plus grande densité d’action. D’un point de vue négatif, ce même
élargissement représenterait une injonction à multiplier les activités, engendrant du
stress parmi ceux qui s’y soumettent, de l’exclusion au sein des populations qui ne
peuvent s’y conformer et une perte de liberté pour les individus.
2 « Avec l’avènement des journaux bon marché et de meilleurs modes de locomotion, la vie des pubs a perdu beaucoup de
son charme. […] Les jours tranquilles et rêveurs de l’ancien temps ont disparu pour toujours ; car les hommes vivent,
pensent et travaillent désormais à une vitesse extrême. » (Traduction personnelle)
10 Introduction générale
Dans les pays développés, on peut considérer que la croissance des vitesses du
quotidien s’est terminée lorsque la voiture a atteint son taux de saturation au sein de
la population, il y a une vingtaine d’années. Le pouvoir révolutionnaire des outils de
franchissement de l’espace résiderait aujourd’hui parmi les technologies de
l’information et de la communication (TIC) qui, quoique vieilles d’un siècle, sont
encore en évolution constante.
Pourtant dans l’actualité, l’idée demeure d’un lien de causalité entre l’abaissement
des barrières au franchissement de l’espace et un usage du temps, dans le meilleur
des cas, plus riche et dans le pire des cas, plus oppressant. En particulier, cette
question se pose à l’échelle des politiques en matière de mobilité urbaine, qui sont
destinées à avoir un impact quotidien sur les individus. Les projets d’infrastructures
de transports rapides locaux ont pour objectif d’améliorer l’accessibilité à la ville et
l’autonomie des citoyens grâce à des économies de temps de trajet. Les hautes
vitesses sont alors présentées comme des garantes de notre liberté dans le temps et
dans l’espace. À l’inverse, les personnes qui en appellent à un ralentissement des
rythmes sociaux valorisent la marche, les modes dits « doux » et les réductions de
vitesse des voitures en centre-ville. Par ailleurs, les représentations imputant aux
modes de transport des effets sur notre rapport au temps ne se focalisent pas
uniquement sur leurs performances en matière de rapidité. Comme en témoigne la
fameuse expression « métro-boulot-dodo », la rigidité supposée des transports en
commun est associée à la routine de la vie de ses usagers. Si la voiture a longtemps
été symbole de la liberté de l’homme moderne, ce n’est pas simplement en raison de
sa rapidité, mais aussi en raison du caractère individuel et adaptable de la mobilité
qu’elle offrait. Ainsi, qu’on les analyse sous l’angle de la vitesse ou sous celui de la
flexibilité, les modes de transport n’apparaissent pas simplement comme des moyens
de maîtriser l’espace que nous parcourons, mais comme des moyens de maîtriser la
façon dont nous vivons le temps. Intensifier son usage du temps au quotidien
supposerait l’utilisation d’un mode ou d’une combinaison de modes offrant la
possibilité de se déplacer de façon rapide et flexible3. À l’inverse, la restriction des
vitesses et le réinvestissement de modes de transport « lents » tels que la marche
permettraient certes une restriction de l’accessibilité, mais en échange d’un rapport
au temps plus apaisé. Ainsi, ces représentations infusent notre société et influencent
les décisions prises en matière d’aménagement et de politiques de transport qui
impactent la vie quotidienne des individus.
3 Par « flexible », nous entendrons qu’il permet de modifier l’origine, la destination et l’heure de départ en fonction des
besoins de l’individu.
Description:Professeure des Universités, École d'Urbanisme de Paris, Directrice de thèse You think, 'what an angry person he must be'. Your colleague is thinking about how someone bumped him into a wall on the way to work and then shouted at him. Anyone would be angry at that, he thinks. When we look at