Raconter les politiques conflictuelles en Afrique - Regards croisés

366 Pages·2021·5.359 MB·French

by  Collectif

iimmpp__jjiissuu mmiissccooiiuu ddiiaarrrraa__rraaccoonntteerr lleess ppoolliittiiqquueess eenn aaffrriiqquuee..iinndddd 11 2244//0022//22002211 1166::4411
iimmpp__jjiissuu mmiissccooiiuu ddiiaarrrraa__rraaccoonntteerr lleess ppoolliittiiqquueess eenn aaffrriiqquuee..iinndddd 22 2244//0022//22002211 1166::4411
RACONTER LES POLITIQUES
CONFLICTUELLES EN AFRIQUE
iimmpp__jjiissuu mmiissccooiiuu ddiiaarrrraa__rraaccoonntteerr lleess ppoolliittiiqquueess eenn aaffrriiqquuee..iinndddd 33 2244//0022//22002211 1166::4411
iimmpp__jjiissuu mmiissccooiiuu ddiiaarrrraa__rraaccoonntteerr lleess ppoolliittiiqquueess eenn aaffrriiqquuee..iinndddd 44 2244//0022//22002211 1166::4411
Sous la direction de
SIMONA JIȘA
SERGIU MIȘCOIU
MODIBO DIARRA
RACONTER
LES POLITIQUES
CONFLICTUELLES
EN AFRIQUE
Regards croisés
LES ÉDITIONS DU CERF
iimmpp__jjiissuu mmiissccooiiuu ddiiaarrrraa__rraaccoonntteerr lleess ppoolliittiiqquueess eenn aaffrriiqquuee..iinndddd 55 2244//0022//22002211 1166::4411
© Les Éditions du Cerf, 2021
www.editionsducerf.fr
24, rue des Tanneries
75013 Paris
ISBN 978-2-204-14542-8
iimmpp__jjiissuu mmiissccooiiuu ddiiaarrrraa__rraaccoonntteerr lleess ppoolliittiiqquueess eenn aaffrriiqquuee..iinndddd 66 2244//0022//22002211 1166::4411
Sergiu Micoiu
INTRODUCTION
DU RÉCIT DES CONFLITS
AU CONFLIT DES RÉCITS :
RACONTER LES POLITIQUES
CONFLICTUELLES EN AFRIQUE
Le constat selon lequel la relation entre la littérature
et la politique est particulièrement complexe a fortiori
dans le cas des sociétés postcoloniales africaines est
devenu presque banal, au moins depuis un quart de
siècle. De nombreux chercheurs se sont penchés, à
travers le temps, sur les imbrications variées entre la
politique et la littérature, en approchant le sujet d’une
manière mono-, multi- ou même transdisciplinaire 1.
Qui plus est, d’aucuns ont remarqué le caractère
mutuellement constitutif du champ littéraire et du
champ politique en Afrique : les littératures africaines
ont vu le jour bien avant les indépendances, mais on
assiste à un foisonnement de récits critiques sur les
1. Nous avons essayé d’analyser justement, d’une manière
transdisciplinaire, ces rapports dans Simona Jia, Sergiu Micoiu
et Buata B. Malela (dir.), Littérature et politique en Afrique
francophone. Approche transdisciplinaire, Paris, Éd. du Cerf, coll.
« Patrimoines », 2018.
iimmpp__jjiissuu mmiissccooiiuu ddiiaarrrraa__rraaccoonntteerr lleess ppoolliittiiqquueess eenn aaffrriiqquuee..iinndddd 77 2244//0022//22002211 1166::4411
8 | SERGIU MIȘCOIU
confl its politiques avec l’accession des États africains
à la souveraineté. Dans une première phase, ces lit-
tératures ont nourri, accompagné, stimulé et même
exalté la constitution des nouveaux États-nations.
Inversement, préoccupés de donner un contenu
identitaire-culturel à leurs entités nationales – qui
étaient, dans la plupart des cas, multiethniques et
multiconfessionnelles – les « pères-fondateurs » ont
encouragé le développement des littératures qu’ils
voulaient « nationales », voire « patriotiques », mais
qui, ultérieurement, ont souvent été plutôt critiques
par rapport aux régimes installés dans les pays res-
pectifs. De toute façon, quelle que fut leur attitude
à l’égard des réalités postcoloniales et des nouvelles
élites dirigeantes, les écrivains et les poètes africains
ont trouvé dans la sphère du politique non pas seule-
ment leurs sujets d’inspiration, mais aussi leurs objets
privilégiés de travail littéraire.
Dans la pléiade des thématiques politiques
abordées par les écrivains africains, les confl its
– omniprésents sur le continent noir depuis les
indépendances des années 1960 – occupent une
place importante. D’abord, parce que la plupart des
pays africains ont été et sont encore déchirés par des
confl its parfois particulièrement longs et sanglants,
des confl its qui ont eu un profond impact social et
auxquels les élites intellectuelles, dont les écrivains,
ont diffi cilement pu échapper par d’autres moyens
que par l’exil interne ou, plus souvent, extérieur. Et
puis, parce que, de par leur nature spectaculaire, les
confl its ont toujours été des sujets captivants, sus-
ceptibles d’attiser l’imaginaire et le talent littéraire et
iimmpp__jjiissuu mmiissccooiiuu ddiiaarrrraa__rraaccoonntteerr lleess ppoolliittiiqquueess eenn aaffrriiqquuee..iinndddd 88 2244//0022//22002211 1166::4411
INTRODUCTION | 9
d’intéresser une vaste plage de lecteurs appartenant à
des milieux culturels et sociaux diff érents.
Si les raisons pour lesquelles les confl its africains se
prêtent à être racontés ont abondamment été cernées,
la nature ontologiquement ambiguë de la relation
entre le récit du confl it et le confl it raconté a été moins
problématisée. Il convient de se pencher sur celle-ci
avant de passer à l’exploration des contributions ras-
semblées dans le présent volume collectif justement
parce que l’une de nos ambitions a été d’apporter une
série de clarifi cations conceptuelles à travers les études
de cas afi n d’illustrer la tension inhérente qui marque
toute ambition de séparer étanchement, afi n d’illus-
trer la tension inhérente, histoire et histoire littéraire,
action et réfl exion, récit fi ctionnel et réalité vécue.
Il faudrait d’abord observer, dans la lignée des
théoriciens du discours, le caractère mutuellement
constitutif du récit et du social 1. D’un côté, le récit
est l’acte à travers lequel on restitue aux autres la
réalité telle qu’on la perçoit directement ou indi-
rectement. Vu sous cet angle, le récit est déterminé
par le social en ce sens qu’il ne peut pas exister en
dehors de l’existence du fait social dont il doit capter
l’essence, la temporalité, la forme et toute une série
d’autres attributs plus ou moins évidents. Mais, de
l’autre côté, à travers la juxtaposition et l’articulation
des mots, la combinaison d’expressions et de for-
mules propres au langage élaboré, le récit réécrit la
1. Voir notamment Ernesto Laclau, « L’articulation du
sens et les limites de la métaphore », dans Archives de Philosophie,
vol. 70, n° 4, 2007, pp. 599-624.
iimmpp__jjiissuu mmiissccooiiuu ddiiaarrrraa__rraaccoonntteerr lleess ppoolliittiiqquueess eenn aaffrriiqquuee..iinndddd 99 2244//0022//22002211 1166::4411
10 | SERGIU MIȘCOIU
réalité qu’il est sensé décrire et, de ce fait, la réinvente
non pas seulement pour ses lecteurs, mais, dans une
mesure considérable, pour ses acteurs aussi. S’il est
incontestable que tel ou tel fait social a bien eu lieu,
il est aussi hors de doute qu’en les désignant et en
les racontant de telle ou telle manière, lesdits faits
changent de signifi cation et risquent d’évoluer vers
un déroulement ultérieur diff érent. Autrement dit,
raconter un fait social c’est lui off rir la possibilité de
se transformer en un autre, susceptible d’être saisi
par un récit diff érent, qui pourrait engendrer à son
tour une autre dynamique factuelle et ainsi de suite 1.
Appliqué au récit du confl it, ce constat est d’autant
plus pertinent que les confl its sont essentiellement des
faits sociaux non pas seulement interprétables, mais
sujets à des défi nitions et des descriptions analytiques
diverses, voire opposées. En tant que faits sociaux
racontables, les confl its pourraient être considérés
comme étant des concepts an-exacts 2, au sens où, à
force d’avoir été défi nis et redéfi nis, ils échappent à
tout eff ort visant leur « défi nition défi nitive » et, en
même temps, tout en étant dénommés en tant que
1. Pour une analyse plus détaillée de l’impact du récit sur la
réalité et ses possibles applications à l’étude du politique et de la
politique, voir Sergiu Micoiu, Au pouvoir par le « Peuple » ! Le
populisme saisi par la théorie du discours, Paris, Éd. L’Harmattan,
2012, pp. 51-60.
2. Cette notion a été proposée par Deleuze et Guattari pour
surprendre les termes « essentiellement et non pas accidentelle-
ment inexacts » et qui échappent aux oppositions binaires exact-
inexact. Voir Gilles Deleuze, Félix Guattari, Mille Plateaux.
Capitalisme et schizophrénie (1980), Paris, Éd. de Minuit, 1998,
notamment p. 31 et pp. 454-455.
iimmpp__jjiissuu mmiissccooiiuu ddiiaarrrraa__rraaccoonntteerr lleess ppoolliittiiqquueess eenn aaffrriiqquuee..iinndddd 1100 2244//0022//22002211 1166::4411