Table Of ContentSOURCES CΗRΕΊΊΕΝΝΕS
Fondαteur8,' Η. de Lubαc, 8.j., εΙ ·t J. Dαnitlou, 8.j.
DirecIeur,' G. Monde8ert, 8.j.
Νο 226
ORIGENE
PHILOCALIE 21·27
SUR LIB.RE ARBITRE
ΙΕ
INTRODUGTION, ΤΕΧΤΕ, TRADUGTION ΕΤ NOTES
PAR
~ric JUNOD
Ouvrαge publie αvec /e concour8
du Gentre NαIionαl de Ια RecherclIe Scientif/que
LES EDITIONS DU CERF, 29 BD LATOUR-MAUBOURG, PARIS
1976
Α VERTISSEMENT
Εη publiant comme elle le fait ici I'ΜίΙίοη des
chapitres 21-27 de la Philocalie, la collection « Sources
Chretiennes» n'entend pas rompre avec la regle de ne
procurer que des reuvres completes. Mais, par le fait qu'elle
est constituee de textes tires dΌuvrages entiers que nous
avons deja publies ou que nous publierons bientot, la
Philocαlie nous posait un probleme particulier. Fallait-il
reproduire :Ί. grands frais des textes dej:Ί. presents ou sur
le ροίηΙ d'entrer dans la collection?
Εη traitant dans ce volume des cllapitres 21-27 d'une
maniere continue, οη a voulu presenter dans sa totalite
la derniere partie de ΙΌuvrage, etant entendu que les
chapitres precedents feront ΙΌbjet d'une ou plusieurs
publications ulterieures. Mais οη a exclu du chapitre 21
le texte grec et sa traduction, car οη les trouvera dans
I'ΜίΙίοη qui se prepal'e du De Principiis, et οη a fait de
meme pour le chapitre 24, en renvoyant au Livre νπ de
la Prepαrαtion Euαngelique d'Eusebe, recemment paru
sous le n° 215. Pour le chapitre 22, tout entier tire du
livre V du Gontre Gelse, οη renvoie le lecteur :Ί. SG 147,
paru en 1969. Toutefois, οη n'a pas cru pouvoir enlever
au chapitre 23 les quelque 90 lignes du Gontre Gelse qu'il
contient : c'eut Ηό mutiler un chapitre et pl'iver sans
raison suffisante le developpement d'un de ses elements
© Les Bditions du Cerf, 1976
importants. Οη en a donne au reste une traduction et
ΙΒΒΝ 2 204 Ο1Ρ16 2
8 . AVERTISSEMENT
uη apparat critique qui ηβ ΒοηΙ pas la reproductioη pure
βΙ ΒίωρΙβ de SG 132.
Nous ρβηΒοηΒ que Ιβ lecteur, quelque regret qu'il puisse
βη avoir sur le plan de la commodite, nous saura gre d'avoir
allege de la sorte les charges financieres qu'il partage avec
PREFACE
ηous.
« Sources Chretienηes »
Les textes contenus dans ce volume comptent parmi les
plus beaux et les plus importants qu'Origene ait consacres
aux rapports eηtre l'ecoηomie divine et la liberte humairte.
a
Βίβη que composes des moments differeηts de sa νίβ,
ils reveleηt aussi une remarquable υnίΜ de methode et
de peηsee.
Qu'il s'agisse de combattre le fatalisme astrologique
et toute forme de determinisme, de definir les vrais biens
βΙ les moyens de les realiser, ου encore d'expliquer le
mysterieux eηdurcissement de Pharaon, Origene, a chaque
ίοίΒ, procede de la meme fagon et poursuit υn meme but.
Tout d'abord il rassemble les donnees du probleme, ρυίΒ
ίΙ reuηit υn dossier scripturaire et definit l'interpretatioη
requise par ces textes bibliques, pour s'engager enfin dans
la lente et tenace recherche d'une solution qui nβ porte
a a a
atteinte nί la bontc et la dignite de Dieu, nί la liberte
de l'homme.
Ces pages de ΙΆΙeχandrίn auraient merite une traductioη
plus f1uide et νίνβ. Celle que je propose laisse souvent
apparaitre l'embarras dans lequel m'ont plonge les longues
phrases d'un auteur plus soucieux de teηir sa pensee
que de faire de la rhetorique. Puisse-t-elle cependant
communiquer au lecteur une part, meme modeste, de
a
l'immense interet que j'ai trouve les lire βΙ les etudier.
Presente sous υnβ forme legerement differente comme these
de doctorat de 3e cycle devant la Faculte des Lettres βΙ
a
Sciences Humaines de l'Universite de Paris, ce travail est
10 PREFACE
bien des egards le resultat d'une collaboraLion. Il n'aurait
pas ete entrepris sans les encouragements et la confiance de
mon directeur' de tlιese, Madame Μ. Harl, professeur a la
Sorbonne. Βοη senlinaire de grec posL-classique ln'a stimule
en meme temps qu'il m'a fait cοnnaΊtre des camarades INTRODUCTION
d'etudes dont l'amitie et la competence lne furent d'une
grande aide. Alain Segonds n'a pas rnenage sa peine pouι'
corrig'er et ameliorer ces traductions : elles lui doivent
Ι. LA PHILOCALIE
d'etre moins imparfaites. Pierre Husson m'a fait maintes
suggestions : comme j'aurais aime lui soumettre ce livre
aujourd'hui! Je dis aussi ma profonde gratitude a Monsieur Α. - Remarques genera1es1
Η. Chadwick, professeur a l'Universite d'Oxford, ainsi
qu'a Monsieuι' Pierl'e Nautin, directeur d'etudes a l'Ecole La Pltilocαlie est une anthologie de textes d'Origene,
pratique des Hautes Etudes. Apres avoir lu atιentivement composee (en commun 1) par Basile de Cesaree et Gregoire
ce travail, Μ. Ρ. Nautin lll'a propose amicalemenl nombre de Nazianze. Elle contient 27 chapitres formes d'un ou
de modifications qui s'imposaient. de plusieurs fragments. Chacun de ces chapitres est prececte
Enfin j'ai plaisir a l'emerciel' la Commission de Recherche d'un titre (< l{ephalaion ») indiquant le probleme traite,
de l'Universite de Geneve de son soutien en meme temps puis l'reuvre et la partie de l'reuvre dΌiι. est extraite la
que les membres de la direction et du secretariat de citation.
« Sources Chretiennes» qui οηΙ accueilli cette etude et en Α deux exceptions pres2, tous les textes copies sont
οηΙ prepare l'impression avec tant dΌbligeance. d'Origene. Environ deux cinquiemes de ΙΌuvrage pro
Je dedie cet ouvrage a la memoire de mon fils Pascal. viennent du ConlI'e Celse, υη cinquieme du De principiis,
βΙ le reste comprend surtout des fragments de CommenlαiI'es
(et de Scholies), ainsi que la Lellre α Gregoire et de minces
fragments dΉοmelίes.
Οη distingue nettelnent trois parties dans la Philocαlie.
La premiel'e (ch. 1-14) est exclusivement consacree a
l'hermeneutique. La deuxieme (ch. 15-20) a υη caractere
1. Nous resumons dans ce paragraphe deux etudes auxquelles
Ιε lecteur pourra 5θ rMerer pour trouver pl'ecisions εΙ rMerences :
• Remarques sur la composition de la Philocalίe dΌrigene pal'
Basile de Cesaree εΙ Gregoire de Nazianze., in Revue dΉίsΙοίre el
de Philosophie religieuses, 52, 1972, ρ. 149-156 et • Particularites
de la Philocalίeo, in Origeniαnα (Quαderni di «Velerα CllristiαnoT'um ο,
12), Bari 1975, ρ. 181-197.
2. Philoc. 23, 22 et Plliloc. 24. Voir plus lοϊη ρ. 25-33 et 66-71.
12 LA PIIJI,()CAT,TF, LA PHILOCALIE 13
apologetique et doit son unite au fait que tous les textes1 quantite comme par leur interet theologique) d'ceuvres
sont puises dans le Contre Celse; elle aborde des aspects perdues ου transmises seulement dans une version latine.
a
du christianisme qui ne pouvaient manquer de choquer des D'autre part, l'anthologie contribue l'etablissement du
esprits grecs (la pauvrete du style de l'Ecriture, le corps texte du Contre Celse et elle constitue un terme de rMerence
de Jesus, le manque de culture des cllretiens, etc.). La pour l'appreciation des versions latines de Rufin et de
troisieme traite a la ίοίΒ de la liberte de l'homme et du JerOme.
Dieu juste et bon dont l'economie vise toujours a eduquer
et guerir l'homme pour son bien. Οη verra qu'elle rassemble
quelques-uns des plus beaux textes qu'Origene ait ecrits Β. - Les manuscrits
sur ce sujet.
a
Parce qu'elle met θη valeur les points forts et surs de Grace l'excellente reputation de Basile et de Gregoire,
a
sa theologie, la Philocαlie est certainement une apologie la Philocαlie a traverse les siecles l'abri de la censure qui
d'Origene. Mais l'importance qu'elle accorde au probleme s'est exercee sur les ceuvres d'Origene. Entre le χθ et le
hermeneutique et la place qu'elle laisse a des citations du XVIIe siecle, ce ne sont pas moins de soixante manuscrits
Contre Celse permettent de croire qu'elle repondait egale qui la recopierent en tout ou θη partie1• Le classement des
ment a deux autres objectifs : guider les chretiens dans manuscrits a ete accompli simultanement par Ρ. Koetschau2
leur lecture de la Bible et rMuter les attaques que des et J. Α. Robinson3, independamment l'un de l'autre.
milieux grecs contemporains langaient contre la ίοί Comme leurs conclusions concordent sur l'essentiel et
chretienne. qu'elles ont recueilli l'accord des philologues allemands
RMigee a une date inconnue (mais qui doit se situer contemporains, οη peut les tenir pour assurees et se
entre 364 et 378), cette antll010gie a du sans doute etre dispenser de repeter ici la claire introduction de Robinson
a
largement diffusee en Cappadoce. Toutefois, ηουΒ ne Ιυί son edition4• Il suffit de rappeler que les manuscrits se
connaissons qu'un seul lecteur, Theodore de Tyane. C'est divisent θη deux familles issues d'un meme archetype5•
d'ailleurs de l'exemplaire que lui envoya Gregoire de
Nazianze2 que derive l'archetype de tous les manuscrits
1. Ρ. KOETSCHAU (Die Textαberlieferung der Bacher des Origenes
de la Philocαlie3• gegen Gelsus, τυ 6, 1, 1889, ρ. 83-85) θη denombre 54, ρυίβ οη repere
Inspiree par .υη sentiment de respect et d'affection pour 6 autres ηυ'Η signale dans Βοη introduction a l'ΜίΗοη grecque du
Origene, la Philocαlie est composee avec un soin et une Gontre Gelse ( GGS 2, ρ. LXVII, n. 4).
fidelite remarquables qui ίοηΙ d'elle υηθ piece maitresse 23.. D«Tieh eT ePxhtiαlboerclaileίfae rοuΙn gO,r iρg.e n7 8. , Β.ί η Journal of Philology, 18, 1889,
des etudes origeniennes. Basile et Gregoire accomplissent
a ρ. 36-68.
leur tθ.che de copiste avec scrupule. Grace leur travail, 4. Cf. J. ROBINSON, The ΡΙιί/οσαΙία of Origen, Cambridge 1893,
nous connaissons des fragments importants (par leur ρ. XIII-XXVIII.
5. Celui-ci derive directement ου indirectement de l'exemplaire
θηνΟΥό a TModore de Tyane. Cet exemplaire etait accompagne
1. Α 1'exception de Philoc. 15, 19 dont la provenance est inconnue. d'une Lettre (115) de Gregoire, que ΙΌη retrouve θη tete de la plupart
2. Cf. Letlre 115. des manuscrits de la Philocalie, notamment du Marc. gr. 4'1 et du
3. Cr. infra, ρ. 13, ll. 5. ΡαΙιπ.2'10.
14 LA PHILOCALIE LA PHILOCALIE 15
Le meilleur manuscrit, le Marc. gr. 47 (χιθ s.), appartient antiorigenien1 contenu dans le MaI'c. 47 et le Patm. 2702.
a la premiere famille. Deux autres, le Patm. 270 (Χθ s.) Ce texte aurait deplu au scribe de a qui aurait choisi de
et le Paris. Suppl. gr. 615 (ΧΙΙΙθ s.), appartenant a la seconde le rέduire a l'essentiel, et a υη essentiel serein Ι Il aurait
a
famille, sont indispensables l'etablissement du textea. alors compose le prologue court3, que Ι'οη trouve dans
νοίcί comment s'ordonnent les principaux manuscrits nombre de manuscrits de la seconde famille4•
partir de l'archetype :
Εη Cθ qui concerne le codex γ, Βοη existence est prouvee
par le fait que tous les manuscrits de la seconde famille δ
presentent au ch. 27 υη texte en desordre. Koetschau
suppose que le relieur du codex γ a inverse les feuilles 2
Υιιιθ et 7 de Βοη quaterniono. Il est piquant de constater que
personne, avant Robinson, ηθ s'est apergu de l'inversion,
β pas meme J. Tarin qui a donne au ΧΥιιθ siecle la pl'emiere
edition de la Philocalie7•
χθ
MaI'c .. 47(=Β) Ι. Robinson, ρ. Ι, Ι5 -4, 8.
χιιθ ι:ιι ,, , cleocm2te.p uoLrss'e.a eu1 t1pelauerur rB dsaiegs inlcaeel ee ΙntΟ oΓGΙt arimengimoeirereens,ts aeqnlulLee , epΒίsr otl alod Pgeuhveiel noucmaeel itme ΙεaυηiΙn tagea nΙrΌadrneίt g ί8υηθηeΒ
χιιιθ Ραι'. s. 615 (=C). texte suspect, puisque des hθretiques Υ οηΙ vraisemblablement ajoute
--,~.\ ,' . pdaesss argemeasι 'hqeuteesr oddeo xleesu.r ΕcΙr,u . dΑeυ ΒfΒaίit ,Β θl ep rMoaprocs.e -4t7-i lΡ Γdθ'iΒnθdηΙiqθu Βeοrυ tνoθuηsΙ lεeηs
marge les mots αΙρετικά et ψεκτά, ainsi que des remarques plus
developpees, certaines de seconde main (ΧΙΙΙθ Β.), generalement
ΧΥθ hostiles a OI·igene. Sitot apres εε prologue, le scribe είΙο la Lettre
de GR:EGOIRE a Theodore et presente Ιε εοηΙεηυ de la Pllilocalie,
choix d'reuvres de ~ I'impie Origene • (ρ. 4, 8). Le Patm. 270 rapporte
egalement εθ prologue, mais Ιο manuscrit, θη mauvais etat, η'θη
Ce tableau est la copie de celui de Robinsonl, sauf sur
donne ρΙυβ que les dernieres lignes. Curieusement οη constate que
υη point. Pour Robinson, β et γ ont directement copie α. les notes marginales, annoncees dans le prologue, ΒοηΙ absenies ΙουΙ
Cette legere modification s'explique par la reponse que comme la phr'ase qui fait allusion a 1'« impie • Origene. Le scribe du
Patm. n'a pas νουΙυ βθ montrer anssi antiorigenien que βοη modeIe.
ηουΒ donnons au probleme des prologues. Nous presumons 3. Robinson, ρ. Ι, Ι-6.
θη effet que le scribe2 de β est l'auteur du long prologue 4. Cf. Ρ. KOETSCHAU, recension de Ι'Μ. Robinson, ίη Theologische
Literaturzeitung, Ι894, ρ. 22-23.
5. Α l'θΧθθρΙίοη du Paris. gr. 940 qui a dll recopier pour le ch. 27
ιιη mannscrit de la premiere famille, εΙ Robinson, inLr., ρ. ΧΧΙΙ.
1. Ρ. XXVI-XXVII. 6. Ιη Theol. Lit., Ι894, ρ. 22.
2. C. Η. TURNER suppose que εθ pourrait Hre Photius : _ Τωο 7. Origenis Phίlocalia, Paris Ι624. Cette ΜίΙίοη βθ fonde snr Ιε
ΝοΙεΒ οπ tlze Philocalia ., ίη ZNW, Ι911, ρ. 234-236. Paris. gI·. 458 (ΧΥιθ).
16 LA PHILOCALIE LA PHILOCALIE 17
υη morceau de la Prepαrαtion evαngelique dΈusebe et υη
extrait de la tradition manuscrite directe du Contre Celse,
C. - Caracteristiques de notre θdition ainsi qu'au ch. 25 avec des fragments cateniques1. Il eut
ete absurde de negliger ces temoins exterieurs. Ν ous Υ
L'edition de J. Α. Robinson, qui peut d'ailleurs s'honorer avons donc recouru, mais d'une fagon selective. Seules 1es
d'etre 1a premiere ΜίΙίοη critique de textes dΌrίgene, est legons originales et corrigeant avec pertinence une version
υη travail scientifique de premiere valeur. Les legons evidemment dMectueuse ου fautive dans les manuscrits
retenues par 1e savant ang1ais s'imposent dans 1a quasi de la Philocαlie ont ete retenues pour l'etablissement du
tota1ite des cas. D'autre part, nous avons apprecie 1a texte. Οη trouvera dans l'apparat critique d'autres 1egons
rarete (mais aussi ΙΌΡΡοrtunίte Ι) des conjectures et des 0I'igina1es interessantes et souvent convaincantes, mais ηοη
a
corrections. Il faut, de maniere generale, se soumettre indispensab1es l'intelligence du texte, ainsi que 1es 1egons
a
devant 1es difficultes et les imperfections formelles du grec qui nous ont aide choisir entre les trois manuscrits quand
dΌrίgene. ils sont en desaccΌrd. Cette edition vise donc premierement
Notre ΜίΙίοη des ch. 23, 25, 26 et 27 est appuyee sur la a reproduire 1e texte de la Philocαlie. Elle n'utilise des
1ecture des trois manuscrits de base : le Pαtm. 270 (= Α), temoignages exterieurs que dans 1e cas οΙΙ ils s'imposent
1e Mαrc. gr. 47 (= Β) et 1e Pαris. Suppl. gr. 615 (= C)1. Elle absolument.
n'apporte que de rares et mineures retouches au texte de
Robinson. Sa seu1e veritab1e nouveaute consiste a presenter 1. Voir infrα, chap. ιν et νι.
υη apparat critique exhaustif pour les trois manuscrits.
Elle repond ainsi au νωυ des phi101ogues allemands.
Ceux-ci regretterent que Robinson, parce qu'il publiait
a
son texte dans une edition destinee υη public elargi,
a
ait ete contraint dΌffrίr υη apparat limite l'essentiel et
par consequent arbitraire2•
Le but de cette edition est-il de reproduire 1e texte de
la Philocαlie ου d'atteindre, dans 1a mesure du possib1e,
le texte meme dΌrίgene? La question s'est posee chaque
fois que des fragments transmis par la Philocαlie 1e sont
aussi par une autre tradition. C'est le cas au ch. 23 avec
1. Les deux premiers οηΙ ΗιΙ lus sur microfilms.
2. ΑίηΒί Ε. PREUSCHEN : $ Auf jeden Fall ware θΒ unbedingt
notwendig, dass neben diese Handausgabe noch θίηθ kritische
Ausgabe mit vollstandigem Apparat tritt, indem zum mindesten
νοη ABC sammtliche Varianten verzeichnet stehen. Jede Auswahl
ίβΙ subjektίv .... (ίη Deutsche Literαturzeitung, 11, 1894, ρ. 323).
LE CHAPITRE 21 19
Β. - Resume et place dans la Philocalie
Le ({ lcephalaion » annonce : ({ Du libre arbitre ; solution
ΙΙ. LE CHAPITRE 21 et interpretation des paroles de l'Ecriture qui paraissent
le supprimer. Extrait du tome 3 du De Principiis1 ».
Οη distinguera trois parties dans cet expose :
Α. - Le texte
1) Du libre arbilre (§ 1-5). Les etres se repartissent en
quatre categories : les substances inertes, les vegetaux, les
Ce long chapitre - il tient 25 pages dans l'όdition
a animaux doues d'une ame et, au sommet de la hierarchie,
Robinson1 - est tout entier consacre la citation de les animaux raίsόnnabΙes (les hommes). Ces derniers ont
De p"incipiis ΠΙ, 12. Pour autant que nous puissions en
une raison, en plus de l'imagination et de l'instinct. S'ils
juger d'apres la version de Rufin et les fragments traduits
a sont incapables d'agir sur certaines circonstances exte
par Jerome dans sa Leltre 124 Avitus, les philocalistes
rieures, ils peuvent en revanche donner leur assentiment
paraissent avoir cite integralement leur source; ils οηΙ
a ou ηοη aux ({ representations ». Εη d'autres termes, ils ont
toutefois censure un developpement, la fin du § 22, sur
en toutes choses la faculte de choisir entre le bien et le
la possibilite (Iu'ont les ames de devenir meilleures ou pires
mal. Origene allegue plusieurs textes de l'Ecriture prouvant
dans les siecles infinis et eternels3• la realite du libre arbitre, condition de l'activite morale.
Εη attendant la parution prochaine d'une traduction
frangaise du De principiis, οη consultera pour cet extrait 2) De l'endurcissemenl du cι:eur de Pharaon (§ 6-13).
la traduction italienne et les notes de Μ. Simonetti4• Il est Origene va passer en revue les paroles de Ι 'Ecriture parais
en effet exclu de proposer ici une analyse, meme succincte, sant supprimer le libre arbitre, dans le but de rallier les
d'un texte qui est ηοη seulement l'expose dΌrίgene le ({ simples » qui subissent l'jnfluence des doctrines gnostiques.
plus complet et le plus dense sur le libre arbitre, mais Il commence par Εχ. 4,21 (cf. Rom. 9, 18) : ({ Μοί, j'endur
a
aussi, selon Simonetti 5, le plus systematique et le plus cirai le cι:eur de Pharaon », et consacre ce probleme des
profond de toute l'antiquite cllretienne. developpements d'une longueur exceptionnelle. Cet endur
cissement ne peut etre explique par la doctrine gnostique
des natures. Dieu agit toujours avec justice et pour le
bien de l'homme ; mais Pharaon choisit de rester insensible
1. Robίnson, ρ. 152,1 -177, 17. aux nombreux avertissements que Dieu lui donne; il
2. Dans l'θdίΙίon Koestchau, ρ. 195-244. manifeste ainsi sa propre durete, sans que Dieu en soit la
3. cf. G. BARDY, Recherches sur l'hisloire du lexle e! des versions
cause. Au reste, le pire des chatiments est d'etre abandonne
Ιαlines du De principiis dΌrίgene, Paris 1923, ρ. 43, et Μ. SIMONETTI, a
Ι Principi di Origene, Turin 1968, ρ. 18 et 404, n. 145. par Dieu. Or celui-ci ne livre pas Pharaon lui-meme, mais
4. cf. ορ. cil., ρ. 364-405 ainsi qUθ l'intI'oduction ρ. 77 Β.
5. Cf. ορ. cil., ρ. 364, n. 1. 1. Robinson, ρ. 152, 1·3.
20
ίΙ veut le guerir en Ιυί donnant le degout du mal. Enfin,
Pharaon ne fut pas detruit lorsqu'il ίυΙ englouti. Origene
laisse entendre que son ame peut encore obtenir la remission
de ses peches apres ce chatiment1.
3) Des autres textes scripturaires paraissant suppI'imer le
libre arbitre (§ 14-23). Origene cite et commente dans une ΠΙ LE CHAPITRE 22
perspective antignostique ΕΖ. 11,19 θ. ; Μαωι. 13, 10 θ. ;
Rom. 9, 16 ; ΡΙιίι. 2, 13 et Rom. 9, 18 s. Il reprend l'idee
du ch3.timent educatif et medicinal. La nouveaute de cette Α. - Le texte
partie reside surtout dans l'exegese du Ps. 126 (127), 1 et
de Ι Cor. 3,6-7 : le bien est le resultat d'une cooperation Il est emprunte au livre ν du Contre Celse : les
philocalistes recopient C. Cels. ν, 25-32 et inserent au
entre Dieu et l'homme ; θί Dieu Υ joue le premier role,
milieu de cette citation, de fagon fort pertinente1, deux
la responsabilite de l'homme est cependant pleinement
engagee (§ 18). Οη remarquera aussi l'explication de extraits de C. Cels. ν, 352. Οη tl'Ouvera une traduction
frangaise, accompagnee de notes, du contenu de ce chapitre
l' eIection de J acob et du rej et d'Esaίi a partir de la preexis
tence des ames. L'attitude de Dieu se fonderait sur leur dans l'ΜίΙίοη de Μ. Borret du Contre Celse3•
comportement avant que leur ame ait ete unie au corps
(§ 21). Origene conclut en rappelant qu'a tout moment les
hommes peuvent devenir meilleurs ου pires. Β. - Resume et place dans la Philocalie
Il est evident que les philocalistes ne pouvaient trouver
meilleure introduction a la troisieme partie de leur antho La citation est introduite par ce « l{ephalaion » : « Quelle
logie. Α l'exception de la prescience, cette citation traite est la dispersion sur terre des ames rationnelles ου humaines
tous les problemes fondamentaux contenus dans les revelee d'une maniere cachee par la construction de la
chapitres suivants, particulierement les ch. 26 et 27 : tour et par la confusion des langues qui s'y rattache.
affirmation du libre arbitre de l'homme et de la Providence Οίι il est aussi question des nombreux seigneurs repartis
du Dieu juste et bon, doctrine des ch3.timents educatifs sur les disperses selon leur condition. Extrait du tome 5 du
et medicinaux, rejet de la doctrine des natures, exegese Contre Celse »4.
des principaux textes utilises par les gnostiques pour
appuyer cette doctrine et etablir l'existence du demiurge, 1. Sur ce procθde, voir infrα, ρ. 25.
collaboration entre l'homme et Dieu en vue du bien. 2. Le chapitre (Robinson, ρ. 177, 24 -187, 3) est compose ainsi :
Les ροίηΙθ propres a ce texte sont la justification philoso § 1-4 = G. Gels. ν, 25-28 (Koetschau, ρ. 25, 29 -29, 12); § 5 =
phique de la liberte humaine (§ 1-4) et la reference a la G. Gels. ν, 35 (ρ. 38, 9 -39, 4 et 39, 7-13) ; § 6-11 = G. Gels. ν, 28-32
(ρ. 29, 13 -34, 20).
preexistence des ames a propos de Jacob et d'Esaίi (§ 21). 3. Gonlre Gelse, t. ΠΙ, (livres V et VI) SG 147, Paris 1969, ίη ν, 25,
ligne 1 -ν, 28, ligne 15; ν, 35, lignes 1-23 et 27-33 ; ν, 28, ligne 16-
ν, 32, ligne 31.
1. Cf. infrα, ρ. 118-119. 4. Robinson, ρ. 177, 18-23.
22 LA PHII,OCAIΛE LE CHAPITRE 22 23
Selon Celse, les Juifs, comme tous les autres peuples, eloignes de l'Orient, cllacnn selon sa mesure propre. Des
οηΙ des coutumes particulieres qu'ils respectent. Il semble anges plus ου moins severes les οηΙ conduits dans des
θη effet qu'a ΙΌrίgίne les differentes parties de la terre regions plus ου moins rigourcnses ponr les chatier de leur
aient ete attribuees a differentes puissances tutelaires qui audace (§ 9).
les administrent. Chaque nation agit correctement θη Βθ Les Juifs sont restes a l'Orient et οηΙ conserve la langue
conformant aux lοίΒ etablies par les puissances qui la originelle parce qu'ils sont la part du Seignenr. ΡυίΒ ils
gouvernent. Faudrait-il θη conclure, demande Origene, que οηΙ peche, de sorte que Dien a dll les abandonner an
ΜοϊΒθ aurait collabore avec ces puissances lorsqu'il a pouvoir d'autres nations (les ΑΒΒΥΓίθηΒ, les Babyloniens).
institue la Loi (§ 1)? Ce chatiment modere ηθ les a pas empeches de mnltiplier
ΕΙ qui donc a distribue les parties de la terre aux leurs fantes, Βί bien qn'ils οηΙ finalement ete disperses dans
puissances? Zeus? Εη ce cas, Zeus aurait lui-meme voulu les differentes parties de la terre (§ 10).
que les Juifs regoivent la Ιοί mοsaϊque. Ου bien la repar Mais le Christ est νθηιι rassembler ΙΟΙΙΒ les hommes sans
ΙίΙίοη Βθ serait-elle faite au hasard? Proposition absurde peche (d'ou qu'ils νίθηηθηΙ). Apres les avoir affrancllis des
qui equivaudrait a nier la souveraine providence divine puissances et de lθΙΙΓΒ lοίΒ, ίl leur a donne υηθ Ιοί et ιιη
(§ 2). genre de νίθ nouveau (§ 11).
Enfin, comment admettre quΌn agit correctement θη Il semble bien, d'apres le « kephalaion », qne les philo
suivant les lοίΒ prescrites par ces puissances, alors que les calistes aient surtont retenn ce texte ponr la verite cachee
lοίΒ des Scythes, des Perses et d'autres nations contiennent qu'il devoile a propos de l'episode de la tonr de Babel et
des prescriptions impies? La piete, la religion, la justice de la dispersion des ΡθιιρΙθΒ. Cette verite est fidele a « la
et les vertus ηθ sont pas des valenrs relatives (§ 3-4). logique dn systeme origeniste, qui νθυΙ que ΙουΙ etat ΒοίΙ
D'ailleurs, Βί ΙΌbeίssance anx traditions particnlieres le resultat d'ιιn merite anterienr1 ». Chaque nation est plus
constituait ιιη principe absoln, les philosophes qui ΒΌρρο οιι moins ριιηίθ, selon qn'elle a plus ου moins peche. C'est
sent an cnlte des images devraient-ils tout de meme Βθ exactement de la meme fagon qn'Origene expliqne le sort
sonmettre anx traditions qui lenr enjoignent d'adorer des de Panl (cf. Philoc. 25) οιι a l'jnverse de Pharaon (cf.
statnes? Un tel comportement ruinerait leur philosophie. Philoc. 21 et 27), d'Εsaϋ (cf. Ρ/ιilοc. 21) et de Jndas
De meme les chretiens trahiraient l'enseignement du Logos (cf. Philoc. 23). Οη retrouve aussi dans le texte de ce
s'ils veneraient les images (§ 5). chapitre ιιηθ allnsion a la patience divine : Dieu avertit
a
Cette rMutation des opinions de Celse, basee snr le sens plusienrs reprises les Jnifs par des chatiments de plus θη
commnn, serait snffisante. Mais la ΙΜΟΓίθ des pnissances plus rigonreux, avant de les disperser ; mais cette dispersion
tntelaires a ιιηθ dimension secrete θΙ mystiqne. Εη effet, n'est pas irremediable. Christ est venu reconstitner l'ιιnίte
l'episode de la tonr de Babel, de la confnsion des langues perdne. De sorte que Βί chacnn s'est plns οιι moins eloigne
et de la dispersion des ΡθιιρΙθΒ snr la face de la terre contient de l'Orient, il finira par se degouter de sa fante et par
υηθ verite cachee, meme s'il Βθ presente comme υηθ rej oindre le Christ.
histoire (§ 6-8).
Egares par leur pretention de construire ιιηθ cite
materielle qni rejoigne l'immateriel, les ΡθιιρΙθΒΙΒθ sont 1. J. DANIELOU, Origene, ρ. 233.