Numerus clausus: Pourquoi la France va manquer de medecins

296 Pages·2011·2.881 MB·French

by  Daniel Wallach (auth.)

Numerus clausus
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Daniel Wallach
Numerus
clausus
Pourquoi la France va
manquer de médecins
Daniel Wallach
Médecin des Hôpitaux de Paris
ISBN 978-2-8178-0205-3 Springer Paris Berlin Heidelberg New York
© Springer-Verlag France, 2011
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Maquette de couverture : Jean-François Montmarché
Mise en page: Graficoul’Eure
Sommaire
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII
Présentation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX
Organisation des études et pratique de la médecine
avant 1971 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Le Numerus clausus, ou la planification
de la pénurie médicale, 1971-2009 . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Formation des généralistes, formation des spécialistes.
De la dualité internat/certificats d’études spécialisées
aux épreuves classantes nationales. . . . . . . . . . . . . . . . . 143
Hiérarchie et pouvoir dans les hôpitaux . . . . . . . . . . . . 209
Conclusion, réflexions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 275
Table des matières. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283
V
Préface
Le Numerus clausus est né en 1971. Le Quotidien du Médecin aussi est né en
1971, et rend compte fidèlement, depuis donc quarante ans, de l’actualité
médicale, notamment de l’actualité professionnelle.
Cette actualité est extrêmement abondante, et lorsque Daniel Wallach a
voulu la passer en revue sans risque d’oublier un événement important, c’est
tout naturellement qu’il a fait appel à nos archives. Le livre que vous allez lire
a donc comme particularité une source bibliographique unique : le Quotidien
du Médecin, du 30 janvier 1971 au 18 décembre 2009. Soit 8681 numéros, que
Daniel Wallach a tous examinés, pour raconter l’histoire de cet extraordinaire
accident de la démographie médicale qu’aura été le Numerus clausus. Car si
aujourd’hui tout le monde s’accorde à penser qu’il fut une erreur, la quasi-una-
nimité qui a accompagné cette erreur interpelle tous les partenaires de la pro-
fession. Les gouvernants, de droite comme de gauche, les économistes, adeptes
du secteur public comme du secteur privé, les syndicats médicaux, tous ont
approuvé pendant de nombreuses années une politique de restriction du nom-
bre d’étudiants en médecine qui a abouti à priver la France d’aujourd’hui d’en-
viron 50 000 médecins.
Le Numerus clausus a été institué au début des études pour diminuer le
nombre de médecins. À la fin des études, un autre instrument de régulation a
été mis en place, dans le but de diminuer le nombre de spécialistes. La trans-
formation de l’internat des hôpitaux en épreuves classantes nationales est éga-
lement une belle histoire, qui constitue la deuxième partie du livre de Daniel
Wallach.
Daniel Wallach, que je connais depuis le début de nos études en faculté, n’a
pas subi personnellement le Numerus clausus. Mais il a connu une autre par-
ticularité de notre système médical, cette gouvernance hospitalo-universitaire
qu’on appelle souvent le mandarinat. Ici les évolutions ont été beaucoup moins
spectaculaires, et la seule tentative de changement, la départementalisation des
années 1980, a échoué. L’histoire de cet échec constitue l’essentiel de la troi-
sième partie du livre.
L’histoire est la science du changement et le changement est constant. En
2010, on a (enfin) pris conscience des conséquences du Numerus claususet on
songe à le supprimer. La loi HPST devrait modifier significativement la gou-
vernance hospitalière, mais il est trop tôt pour savoir de quelle manière.
VII
VIII Numerus clausus
L’histoire des discussions, des argumentations, des décisions autour du
Numerus clausus, de la formation des spécialistes, et de la gouvernance hospi-
talière en France depuis 1971 est riche d’enseignements. Daniel Wallach dédie
son livre aux non-médecins qui nous manquent. Je ne sais pas ce qu’ils pense-
ront de cette histoire. Personnellement, je souhaiterais le dédier aux décideurs
d’aujourd’hui. Décideurs gouvernementaux, administratifs, sociaux, universi-
taires, syndicaux, ils ont tous beaucoup à apprendre des réflexions et des déci-
sions de leurs prédécesseurs.
Docteur Gérard Kouchner,
Directeur de la publication du Quotidien du Médecin
Présentation
J’ai étudié la médecine à Paris de 1965 à 1972. Depuis 1972, je l’exerce toujours
à Paris, je l’enseigne, et je continue de l’étudier. Cette vie professionnelle m’a
satisfait. En effet, je place la profession médicale et les valeurs médicales en
haut de l’échelle des valeurs culturelles, sociales et humaines. Cette opinion est
assez banale. Lorsqu’on interroge les Français sur leur perception des profes-
sions, l’estime qu’ils éprouvent pour ceux qui les exercent, et le souhait qu’ils
peuvent avoir de voir leurs enfants les exercer, la médecine vient toujours lar-
gement en tête. C’est probablement la même chose dans tous les pays du
monde. C’est pourquoi j’ai été choqué quand, en 1971, on a instauré un obsta-
cle à l’accès aux études de médecine, qui déjà n’étaient pas faciles. Et j’ai été
constamment choqué, de 1971 à 2000 environ, de voir les pouvoirs publics,
approuvés en cela par l’essentiel des professionnels concernés dont les syndi-
cats représentant les médecins, aggraver avec régularité cet obstacle.
J’ai eu l’occasion de m’intéresser à l’histoire de la médecine. Un jour, je lisais
un texte sur les médecins parisiens à la fin duXIXesiècle. La médecine à cette
époque était assez éloignée de celle que nous connaissons, et notamment il y
avait peu de médecins, environ dix fois moins qu’actuellement. Et pourtant,
une des préoccupations essentielles était la pléthore médicale, l’engorgement
de la profession médicale. On discutait des moyens de dissuader les jeunes gens
d’entreprendre des études de médecine. Il s’agissait notamment, mais pas uni-
quement, d’empêcher les jeunes filles d’étudier la médecine, et également
d’empêcher les étrangers de venir étudier et pratiquer en France. Ainsi, l’idée
d’une pléthore médicale contre laquelle il convient de prendre des mesures
n’est pas nouvelle.
Mais la limitation officielle mise en place en 1971, et appelée depuis
«Numerus clausus», a été à la fois nouvelle et particulièrement suivie. Dans les
années 1960, la France formait environ 8000 médecins par an. En 2010, c’est
toujours le chiffre considéré comme normal. Mais entre 1971 et 2000, le nom-
bre d’étudiants en médecine a été autoritairement diminué jusqu’à atteindre
environ 3500 étudiants par an pendant plusieurs années. Ainsi, c’est environ
50 000 jeunes filles et jeunes gens que l’on a privés de la possibilité de devenir
médecins. Les conséquences de cette privation sont considérables. La plus évi-
dente, sur laquelle il existe une littérature considérable, est la limitation de l’of-
fre de soins, à savoir de la disponibilité en médecins, généralistes comme
spécialistes. Une autre conséquence, moins décrite, est la dimension morale de
cette limitation : 50000 jeunes gens ont été privés de la possibilité d’étudier la
IX
X Numerus clausus
médecine en France à la fin duXXesiècle. C’est-à-dire d’accéder à une profes-
sion et à une culture que tout le monde s’accorde à placer en haut de l’échelle
des valeurs humaines.
Il m’a semblé intéressant d’étudier l’histoire de ce qu’on appelle le Numerus
claususdes études médicales depuis 1971, et c’est le but de ce livre. En exami-
nant la limitation mise en place à l’entrée des études, il m’est vite apparu que
les réflexions qui la gouvernent ne sont pas indépendantes des réflexions sur la
plupart des aspects des études et de la profession médicales. Ainsi, après avoir
raconté l’histoire du Numerus clausus, je raconterai celle de la limitation de
l’accès aux études de spécialité qui a été mise en place au début des années 1980
et constitue une sorte de second Numerus clausus. Je relaterai enfin l’histoire
des tentatives qui ont été faites, des années post-68 à la loi HPST de 2009 en
passant par les lois de départementalisation, pour modifier les structures de
pouvoir dans les hôpitaux.
Ces trois histoires ne sont pas les seules péripéties intéressantes de la période
1971-2009. L’évolution de la tarification hospitalière, les négociations perma-
nentes autour des conventions qui règlent les rapports financiers entre les
médecins libéraux et les caisses d’assurance maladie, l’évolution du métier de
médecin généraliste, sont des chapitres tout aussi passionnants de l’histoire
contemporaine de la profession médicale en France. Mais le domaine est
immense et on ne peut tout traiter en un seul ouvrage.
Méthode, limites
Étudier près de quarante années des politiques de santé expose à deux écueils.
D’abord, trop privilégier une vision personnelle de cette période ; je crains de
n’avoir pas trop évité cet écueil, et on pourrait considérer ce livre comme
constitué essentiellement de réflexions personnelles. D’autre part se perdre
dans des textes et commentaires dépassant les possibilités de lecture d’une
seule personne, et risquer d’oublier des événements et réflexions intéressants.
Pour éviter cet écueil, j’ai choisi de limiter mes sources bibliographiques à une
seule publication: le Quotidien du Médecin, qui est justement né au début de
1971. On voit donc d’emblée que les critères d’une recherche historique
contemporaine sont très loin d’être remplis. Mon choix du Quotidien du
Médecinest dû au fait que ce journal rapporte fidèlement tous les événements
de la vie professionnelle médicale, et donne la parole à tous les acteurs de cette
vie professionnelle. Bien entendu, le Quotidien du Médecin et ses rédacteurs
ont leurs propres opinions, et sans doute privilégient-ils certaines tendances au
détriment d’autres, mais ils privilégient surtout une vision médicale de la vie
professionnelle. En lisant tous les numéros parus depuis 1971, j’ai pu prendre
connaissance de tous les faits survenus, des décisions qui les ont provoqués, des
commentaires qu’ils ont suscités. Pour mon objectif qui est de raconter l’his-
toire des idées autour du Numerus clausus, la limitation à une seule source, et
à une source journalistique de surcroît, a de nombreux avantages, et guère
d’inconvénients. Au chapitre des inconvénients on doit citer l’absence de pré-
cision, le risque d’erreur, de démenti qui m’aurait échappé. Mais ce n’est pas
Présentation XI
vraiment important. Prenons l’exemple d’une loi, texte officiel et précis s’il en
est. D’abord, le gouvernement en a le projet, soumet ce projet à concertation.
Plusieurs partenaires l’examinent, le discutent, l’approuvent, le critiquent. Par
exemple, s’il s’agit d’une loi réformant les études médicales, et il y en a eu beau-
coup, les doyens donnent leur avis. Ainsi que les syndicats d’enseignants, les
syndicats d’étudiants, d’internes. Les syndicats de médecins, l’Ordre des méde-
cins, des personnalités à titre individuel, la Caisse nationale d’assurance mala-
die, tous ont aussi leur avis, en général reflétant leur orientation
socio-politique, avis parfois original, jamais identique aux autres. Les partis
politiques, les syndicats non médicaux aussi peuvent s’exprimer. Puis le projet
de loi est examiné par des instances officielles, qui le commentent, le modifient
parfois. Enfin par le conseil des ministres. À chaque étape, de nouvelles modi-
fications sont apportées. Ensuite le projet est voté, et amendé, parfois large-
ment, par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat. Il devient une loi, mais tout
n’est pas fini. Il faut attendre des décrets d’application, et évidemment exami-
ner les circonstances qui font que la loi est appliquée ou non, qu’elle a des
conséquences importantes ou non. Tout cela pour dire qu’entre le premier
exposé du projet de loi et ses conséquences pratiques, il y a un monde. Un
monde qui m’intéresse, car c’est celui des idées exprimées sur les études et la
pratique de la médecine. Et donc s’il arrivait qu’une information du Quotidien
du Médecinprésente ponctuellement des lacunes, ce n’est pas très important en
regard des dizaines de commentaires qui pourront être émis sur le même sujet
et qui m’intéressent.
Lorsqu’il s’agit non pas d’une loi, mais de décisions, de projets divers, d’opi-
nions de personnalités, les imprécisions sont encore plus grandes. C’est aussi
pour cette raison que j’ai renoncé à l’idée de référencer précisément toutes les
informations que j’utiliserai. Mes références sont, on l’a compris, des numéros
duQuotidien du Médecin. Je voudrais donc ici remercier bien sincèrement les
nombreux journalistes qui ont rédigé les informations professionnelles du
Quotidien du Médecindepuis 1971. Il va sans dire qu’on ne saurait leur impli-
quer la moindre de mes erreurs, dont je suis seul responsable. Je voudrais aussi
rendre hommage à Mmele docteur Marie-Claude Tesson-Millet, qui a créé ce
journal et l’a dirigé pendant près de trente ans.
En définitive, le titre de ce livre pourrait être :
Numerus clausus
une lecture subjective duQuotidien du Médecin, 1971-2009