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n018, mai 1999 I.....
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Nouvelles créations
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ieCho/oye africaines
ntre de son
10 un dossier spécial
veillent le théâtre
Masa/Fespaco
16
34 ET LES CRITIQUES PAR OLIVIER BARLET DE :
36 Demain je brûle .7
,Dimi 37 Mektoub .78
eka 39 Dakan 79
any,SolYeda 40 Chikin8izniss .8
r .4 Noces de lune 80
Lettinggo 81
.4 Saikati the Enkabaani 81
LaJumelle 82
Femmes... et femmes 83
LallaHobby 83
Waalo Fendo 84
Sucre Amer 84
Courtsmétrages et documentaires ...85
L'émergence de l'intime
Actualité
Agenda 110
Tous les événements culturels de
mai
Murmures 122
Les nouvelles des cultures africaines Couverture: Compagnie Les 7Koûss,
de par le monde @Thomas Dom
2 ~ Africultures / Mai 1999
Editorial:
Alorsque
tonnent les o
Peinture rupestre
Afrique du Sud "Co
armes...
+-
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«ilparaît que bientôt
l'Afrique et leprogrès
vontpeut-être se marier
c'est pourquoi sans relâche
àlarecherche d'un témoin
tonnent lesarmes»
Idris Youssouf Elmi
Nostalgies ou Le joug du Verbe
(L'Harmattan, 1998).
Masa et Fespaco en enfilade: 15 travail de tous. Surtout ne pas ap-
jours épuisants et passionnants de pliquer une pensée soit disant uni-
découvertes et d'interrogations. verselle à des créations qui tentent
Sentir, réagir, rencontrer, échan- justement de définir leur indépen-
ger... Comment rendre compte de dance. Car c'est sans doute là le
la richesse du vu, du vécu, du dé- maître mot de ces nouvelles créa-
battu ? tions africaines: les budgets seré-
Notre voix est subjective et cri- duisent, les décors se simplifient,
tique. Il nous a semblé important, les énergies se groupent pour s'é-
en marge du travail documentaire manciper du regard extérieur et se
fait par d'autres organismes, d'ap- concentrer sur l'humain. C'est l'in-
porter ce qui tend à se faire rare time dès lors qui prend le dessus,
dans les écrits: une critique qui que cherchent à saisir de nouvelles
cesse de dire" c'est bien - c'est écritures. Car rien n'échappe à la
mal" mais qui exprime, entre le mondialisation rampante de la
ressenti etl'analyse, lepourquoi de pensée unique et aux dérives mo-
l'adhésion ou de la distance. Une dernes de l'autodestruction par la
critique engagée et parfaitement haine ouladrogue, etsurtout pas la
subjective: notre engagement pour sphère duprivé. Nous ne cesserons
un outil de débat qui cherche les de le répéter: les créations ac-
enjeux, qui dégage les nécessités, tuelles sont des aides à la résistan-
qui donne envie d'en connaître ce.Elles évoluent aveclanécessité.
plus. L'Afrique puise dans son Histoire
Nous nenous faisons pas que des et sa culture comme dans ses
amis: ce n'est pas notre rôle. Par drames modernes de quoi éclairer
contre, nous voulons respecter le la quête de la planète entière et,
Africultures / Mai 1999 ~ 3
par-delà les annes qui tonnent si
fort en ce moment, la recentrer sur
l'humain. C'est cette mondialisa-
tion-là que nous espérons et pour
laquelle nous nous battons. 0
~
Olivier Barlet
4 ~ Africultures / Mai 1999
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J'ai dû passer un coup de fil Poury aller, ilfaut selever debon- 1)
pour me rendre à l'évidence. ne heure afin d'éviter les embou-
Quand on habite ici même, il teillages, les sautes d'humeur, pour
faut se lever de bonne heure. Au être sûr depouvoir s'inscrire etde-
téléphone, unejournaliste m'a ren- mander une accréditation. Oui, je
voyé à quelqu'un d'autre qui m'a ne l'oublie pas, le MASA est un
dit: c'est maintenant que tu te ré- marché fermé. Je ne suis ni ache-
veilles? teur ni vendeur. Je n'intéresse per-
Oui,je me suisréveillée trop tard, sonne. Je veux voir, voir des spec-
comme d'habitude. Nous sommes tacles, prendre part auxdébats, ren-
àdeux semaines duMASA. Lelen- contrer des gens, parler avec eux
demain, je traverse la ville moite d'art et de culture ou de lapluie et
qui vaque à ses occupations habi- du beau temps. Un marché, à mon
tuelles. Le boulevard lagunaire est sens,c'est aussi cela: un endroit où
encombré. Ilva être trois heures de l'on vient partager desparoles, des
l'après-midi. Je remonte la rue qui passions, desmots etdesmaux, des
longe la cathédrale Saint-Paul, bonheurs aussi. Mais leMASA est-
construite il y a une vingtaine ilun marché ouvert ?
d'années par les soins d'un archi- Cette ville ne ressemble à aucune
tecte bien connu, surlesitedel'an- autre, je le sais. Perchée sur les
cienne prison civile, en face du Pa- bords delalagune Ebrié, ellevit au
lais dejustice, près destours admi- rythme des contrastes entre les tra-
nistratives, àl'entrée duPlateau, le ditions villageoises et l'urbanité la
quartier des affaires mais aussi des plus poussée Elle étend ses tenta-
ministères, du Palais présidentiel, cules àperte devue surlescollines,
de l'Assemblée nationale, de tous danslesbas-fonds, danslaforêtqui
les lieux importants où il faut se tend àdisparaître.
rendre de très bonne heure pour Jene saisplus comment s'appelle
prendre part àlavie delaville, àla cette rue oùje me gare, en face du
vie tout court... siège du MASA. C'est l'une des
Le siège du MASA est ici, non rares rues oùlesmanguiers demon
loin du Centre International du enfance existent encore. Ailleurs,
Commerce d'Abidjan (CCIA). ils ont été massacrés sans pitié.
Africultures / Mai 1999 ~ 5
Il est trois heures et, dans les Ilparaît que çaporte chance. Voi-
arbres géants, les chauves-souris re!
somnolent, latête enbas. Detemps A cette heure-là, au Plateau, le
àautre, elles attirent l'attention des travail reprend. Tout le monde
passants: ellesn'ont pas l'habitude s'occupe de ses affaires. Le gar-
de garder le silence. Toutes les dien me dévisage avec des yeux
nuits, elles donnent un concert au ensommeillés. Il ne voit pas le
moment où le silence s'installe, où mouchoir jetable avec lequel
le souffle du quartier seralentit. j'enlève une boule indésirable de
Ce quartier doit leplus clair de sa mes cheveux. Ils sont propres. Je
vie àla chaleur du soleil où semê- continue mon chemin qui n'est pas
lent les trépidations des voitures, encore celui du bonheur: je
les colères, les peines et les joies manque tous ceux queje dois pou-
des milliers de travailleurs qui lui voir rencontrer. Il n'y a personne
donnent une âme la journée et pour me dire oùje dois m'inscrire.
l'abandonnent le soir venu. Ils se Je rebrousse chemin.
mettent en route vers les quartiers Quelques jours plus tard, je re-
populaires, les bidonvilles ou les viens. Christine, qui depuis des
villas cinq étoiles. années s'occupe d'une troupe bien
Il est trois heures au moment où connue dans lepays, est avec moi.
y
je franchis le portail de l'ancienne a-t-il un programme? Pas enco-
maison coloniale restaurée qui sert re. Soyezpas sipressées! Dèsven-
de siège au MASA. Une chauve- dredi, les badges seront prêts, les
sourism'accueille avant quelegar- programmes aussi. Cette fois-ci, il
dien ne me demande oùje vais et y a quand même un peu plus de
qui je viens voir. Elle libère en monde. La chance nous sourit. Au
douceur une boule d'excréments rez-de-chaussée decettebâtisse co-
quelehasard dépose dansmes che- loniale qui n'en a plus l'air, nous
veux. croisonsleDirecteurduMASA.Il
Souleymane Koly présente le Jban et Rokiya Traoré (à droite) programmés au village
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Ki-Yi et explique qu'ils ne peuvent danser sur la scène en béton. Olivier Barlet
6 ~ Africultures / Mai 1999
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se demande ce que nous faisons amoureux des arts vivants. Com-
dans ses murs. Il se doute bien de ment franchir laporte duvillage du
ce que nous venons y faire. Mille MASA ?Ilnereste que lescouloirs
autres visites au siège du MASA de l'Hôtel Ivoire. Il ne reste que le
avant et après le 20 février seront hall du Centre Culturel Français et
nécessaires pour avoir un badge... leMASA off, lafêtepopulaire tous
J'y pense souvent. Dans quelle lessoirs,quin'a rien àvoir avecles
catégorie classe-t-on un écrivain? spectacles officiels. Il reste bien
Ni artiste, nijournaliste, nimetteur sûr, aux plus démunis, la Sorbon-
en scène, ni cinéaste, ni musicien. ne, l'une des rares places libres où
Inclassable. Exclu d'office duMA- lespectacle est vivant etsedéroule
SA. J'en fais l'expérience au mo- tous lesjours ouvrables entre midi
ment même oùje cherche lebadge ettrois heures, en face de cejardin
introuvable pendant des jours et où se loge, pour quelques jours, ce
desjours. lieu dénommé "village duMASA".
Les spectacles ont commencé, les La Sorbonne a son recteur, homme
rencontres professionnelles aussi. célèbre emprisonné dans lesannées
Comment voir un spectacle à 90 à cause de son franc parler. La
l'Ivoire ou au Centre Culturel Sorbonne est le lieu de tous les sa-
Français? Il faut payer chaque en- voirs, de toutes les misères, de
trée bien sûr! Le prix du ticket est toutes les obédiences religieuses.
un moyen efficace de sélection J'espère que ceux qui ont pu accé-
entre riches d'ici et d'ailleurs et der au village du MASA ont fait
pauvres d'ici: saltimbanques, aussi le détour par la Sorbonne, la
poètes, artistes de tous bords et place libre, situéejuste en face. La
Africultures / Mai 1999 ~ 7
place où tous les espoirs sont per- rues de la ville, lejeudi 18février.
mis, où toutes les colères sont dé- Connaissez-vous le MASA ?
versées, où toutes les illusions se J'espère que les organisateurs ont
perdent puis seretrouvent... écouté lesréponses. Est-ce unmar-
Le troisième jour, dans le hall de ché ? Un festival? Pour qui orga-
1'hôtel Ivoire, je rencontre un nise-t-on l'événement? Où l'orga-
grand écrivain ivoirien, mondiale- nise-t-on ?
ment reconnu, qui ne sait plus à Dulieu, parlons-en. Tout sepasse
quel saint se vouer. On le renvoie comme si, dans ce pays, chaque
d'un guichet àl'autre sansaccorder manifestation d'envergure devait
le moindre égard à sa personne. nécessairement se dérouler dans
Après une heure d'attente et de re- cet Hôtel super luxe dont le beau
cherches vaines on lui dit: repas- monde est sifier.Tous les soirs, les
sezdemain matin! Etils sontnom- spectacles sont programmés dans
breux, ceux d'ailleurs etceux d'ici, la grande salle du Palais des
toutes catégories confondues qui Congrès au rez-de-chaussée de
ont dû passer des heures incalcu- 1'Hôtel. Salle immense pour le
lables àfaire lepied degrue àlare- nombre de spectateurs qui se pré-
cherche d'un badge introuvable. sentent. Des acheteurs préfèrent,
Pendant ce temps, les spectacles se parfois, aller découvrir des spec-
déroulent àhuis clos. tacles non sélectionnés. Ils vont
Unjournaliste de latélé nationale communier avec la. foule qui vit
a eu la bonne idée de tendre son dans les quartiers populaires.
micro àquelques passants dans les Cette foule a peur du froid gla-
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8 ~ Africultures / Mai 1999
cial, air conditionné dans lequel se tour de l'art n'est pas pour demain.
déroule les rencontres profession- Mais dans les ateliers qui suivent
nelles, en pleine journée, au mo- les langues peuvent se délier. Dans
ment où, dehors, ilfaitenmoyenne l'atelier "danse etchorégraphie" où
35 à l'ombre. Elle n'ose pas se dé- je vais prendre place pendant toute
placer jusqu'à l'Ivoire pour la semaine, des choses essentielles I.-
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prendre part au débat. Je me de- se disent. On s'interroge sur la na- (/)
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mande si le grand public ou les ar- ture de la danse africaine. S'il y a o
tistes du pays savent qu'il y a des une nouvelle danse africaine au- 1)
forums et des ateliers où ils peu-
jourd'hui, on veut savoir les rêves,
vent apporter leurs contributions et
les idées et les pratiques qui sous-
partager leurs expériences avec
tendent cette danse. Pendant cinq
d'autres venant du SudouduNord.
jours, Zab Maboungou ou Alphon-
Les spectacles retiennent l'atten-
se Tiérou donneront le meilleur
tion de la plupart des journalistes
d'eux-mêmes. Leur passion est
qui rendent compte de l'événe-
partagée par les chorégraphes et
ment. Tout est génial ou à quelque
danseurs présents.
chose près. Comment avoir son
Vendredi 26, l'on parle de mon-
opinion par rapport à tout cela?
dialisation. Je crois avoir déjà en-
Des spectacles quej'ai vus,je n'en
tendu tous ces discours quelque
parlerai pas. Mais il faut dire un
part. Unjournaliste belge aengagé
mot de quelques points fortspassés
la conversation avec moi depuis
sous silence. Il y a ce premier fo-
hier. Il finit par me faire parler,
rum, celui du 22 février où la salle
dans lehall. Comme je lepense, le
est comble. On écoute. Ce sont des
hall faitpartie des lieux où onpeut
personnalités politiques et diplo-
se rencontrer. C'est là aussi qu'un
matiques qui parlent: Premier Mi-
VIP venant de Guadeloupe me dit:
nistre, Ministre de la Culture, Chef
de laDélégation de laCommission "On aurait dû vous demander d'in-
tervenir dans le débat sur les
Européenne en Côte d'Ivoire. Les
discours portent sur "économie et femmes". Je le regarde d'un œil
développement des arts vivants en sceptique... Il n'a pas l'air de me
Afrique". D'autres forums aux comprendre.
thèmes prometteurs ont attirés Le MASA 99 c'est aussi lepoint
moins de monde. Celui sur l'édu- de rencontre autour d'un pot, ou
cation fut dominé par l'exposé de d'un repas. Là, les langues se dé-
Were-Were Liking, compte rendu lient, des amitiés naissent ou se
de l'expérience du village Ki-Yi. consolident. On peut se parler. A
Celui sur les femmes m'a permis cœur ouvert. Enfin. C'est iciqueje
de comprendre que le dialogue retrouve le sens du marché auquel
franc entre hommes et femmes au- je crois...D
Africultures / Mai 1999 ~ 9
Un théâtre à la rencontre de son public
Avec douze compagnies invitées hâte auxquatre coins delaville. De
dans la sélection officielle et de quoi faire des emplettes drama-
nombreuses troupes venues à leur tiques abondantes etvariées, lepa-
frais au festival" off" présenter nel des propositions allant des
leurs créations dans les quartiers créations de textes d'auteurs afri-
d'Abidjan, le MASA 99 a fait la cains contemporains tels Sony La-
part belle aux expressions théâ- bou Tansi, Kossi Efoui, Tiburce
trales d'aujourd'hui. Une vraie bra- Koffi, Koulsy Lamko, Nocky Dje-
derie que cette foire du théâtre, danoum ou Koffi Kwahulé jusqu'à
avec ses spectacles tous azimuts la reconstitution ethnographique
qui s'enchaînaient à tombeau ou- comme ce rituel sacré guinéen ap-
vert. Aucune hécatombe néan- partenant aux Pkèllè, un peuple de
moins, tant du côté des spectateurs chasseurs de la région forestière,
que descréateurs. Lepublic abidja- présenté par la compagnie L6i-Nii
nais était au rendez-vous - au (et dont on peut d'ailleurs se de-
Centre Culturel Français pour la mander s'il asaplace dans unmar-
sélection officielle, mais surtout ché des arts de la scène et surtout
dans les quartiers. Aussi, malgré s'il faut parler ici de théâtre...),
les conditions extrêmes qui étaient sans oublier les marionnettes pour
données aux compagnies pour se petits et grands avec les poupées
préparer etl'absence d'équipement géantes des Articuleurs du Village
technique, le théâtre africain a fait
Ki-Yi ou les grosses grenouilles
preuve de savitalité. vertes de la compagnie tunisienne
Il y en eu de toutes les couleurs Six Cinq Un, et aussi les nom-
sur les étals scéniques dressés à la breuses prestations de " mono-
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10 ~ Africultures / Mai 1999