Table Of ContentSéquence 2
Lorenzaccio,
Alfred de Musset
Sommaire
Introduction
1. Alfred de Musset, biographie
2. Lire – Écrire : La genèse d’une œuvre
3. Écrire – Publier : Un spectacle dans un fauteuil, une œuvre au
genre mal défini
4. Publier – Lire : les interprétations des critiques et des metteurs en
scène
Annexe : sitographie
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I
ntroduction
A Édition recommandée
L’édition que vous devez vous procurer est celle des éditions GF : Musset,
Lorenzaccio, présentation par Florence Naugrette, GF Flammarion, Paris
2008.
B Objet d’étude, objectifs
et problématique
L’objet d’étude qui défi nit le cadre dans lequel nous allons étudier cette
œuvre est : Lire – Ecrire – Publier.
Ces trois termes renvoient à trois moments de l’activité littéraire qui
interfèrent entre eux, à travers la création, la lecture et la diffusion de
l’œuvre. En cernant le contexte de production d’une œuvre, on peut
affi ner l’interprétation de celle-ci et mieux saisir sa réception (comment
les lecteurs comprennent l’œuvre à différentes époques).
On peut distinguer trois étapes qui seront développées dans les chapitres
2, 3 et 4 :
lire - écrire : on s’intéresse à la genèse de l’œuvre.
écrire - publier : on étudie les conditions dans lesquelles un écrivain publie.
publier - lire : on privilégie la réception de l’œuvre.
L’œuvre choisie va donc être étudiée dans le cadre de l’objet d’étude
« lire - écrire - publier ». La première interrogation suscitée par ce choix
est le genre de l’œuvre : une pièce de théâtre. Cela redouble la question
de la réception : s’agit-il de la lecture du texte ou de sa représentation
sur scène ? La question est d’autant plus pertinente pour cette œuvre,
que Musset lui donne une forme théâtrale mais n’envisage pas que la
pièce soit représentée. Il l’a publiée dans un recueil i ntitulé Un spectacle
dans un fauteuil (le lecteur se fait spectateur par son imagination et
non devant une scène de théâtre). La pièce va pourtant connaître la
scène après la mort de son auteur, à la fi n du XIXe siècle, grâce à Sarah
Bernhardt. Depuis, son succès sur les planches ne s’est pas démenti.
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Le contexte d’écriture de l’œuvre est très important. Musset écrit
Lorenzaccio en 1834 et l’époque est riche, tant sur le plan historique
(1830 est une révolution qui amène de nombreuses désillusions après
un demi-siècle de fortes agitations politiques), que sur le plan littéraire
et culturel (on est en plein romantisme et l’écriture théâtrale est
bouleversée avec le drame romantique théorisé par Hugo).
Enfi n la genèse de l’œuvre est connue : George Sand, à partir d’une
chronique historique de la Renaissance, écrite par un historiographe
nommé Varchi, a écrit une scène historique, Une conspiration en 1537.
Elle la donne à son amant, Musset qui en reprend la trame narrative et
l’enrichit grâce à la Chronique Florentine de Varchi.
Tous ces éléments seront donc développés de manière à mieux
comprendre l’œuvre dans son contexte historique et culturel, sa
réception jusqu’à aujourd’hui et son exceptionnelle richesse.
C Conseils méthodologiques
Vous êtes en terminale littéraire, cet objet d’étude vise donc à approfondir
votre connaissance de l’œuvre littéraire. Pour commencer, vous devez
lire attentivement l’œuvre au programme. Un questionnaire vous aidera
à vérifi er la qualité de votre lecture. N’hésitez pas à avoir recours au
dictionnaire et lisez bien les notes proposées dans votre édition, elles
éclairent le texte avec beaucoup de pertinence.
L’objet d’étude invite à étudier le contexte d’écriture et de publication de
l’œuvre. Vous aurez peut-être besoin de compléter les renseignements
historiques donnés dans le cours par une révision de l’Histoire de France
depuis La Révolution. N’hésitez pas à consulter un manuel d’histoire
ou une encyclopédie pour vérifi er vos connaissances ou combler vos
lacunes. Vous ne devez pas confondre Louis-Philippe et Louis XVIII, la
révolution de 1830 et celle de 1848…
Certains ouvrages, des liens internet, des fi lms vous sont suggérés dans
l’ensemble du cours. Il vous appartient d’approfondir certains points
plus que d’autres. Votre curiosité est votre meilleure arme !
Pour vous aider à vous approprier ce cours, vous trouverez régulièrement
des exercices autocorrectifs. Certaines questions amènent des réponses
qui construisent des savoirs nécessaires pour le cours, vous trouverez
alors les réponses juste après les questions. D’autres questions visent
à réinvestir des savoirs dans des analyses de texte ou d’image. Vous
trouverez alors les réponses à la fi n du chapitre. Je ne peux que vous
conseiller de les faire avec la plus grande attention. Ils vous permettront
de vérifi er vos connaissances, d’approfondir votre lecture, d’étudier plus
fi nement le texte. En terminale, vous n’avez plus de lectures analytiques
à préparer ; vous ne devez pourtant pas en oublier de commenter
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précisément le texte au programme. Ce sont ces études de textes qui
vous fourniront les exemples nécessaires pour répondre aux questions
posées pour le baccalauréat.
Enfi n il s’agit d’une pièce de théâtre et toute une partie du cours porte
sur la représentation. Il serait donc important que vous puissiez voir une
ou plusieurs représentations de l’œuvre. (cf. annexe p.135).
D Testez votre première lecture
Exercice autocorrectif 2
Répondez aux questions de lecture suivantes, afi n de vérifi er votre
compréhension de l’œuvre écrite. Vous pouvez bien sûr avoir l’œuvre
à disposition ; prenez le temps de répondre par vous-même à chaque
question avant de consulter le corrigé.
(cid:2) Le contexte socio-politique
a) Qui gouverne Florence ? (plusieurs réponses attendues)
b) Quelles sont les différentes classes sociales représentées dans la
pièce ?
c) Qui incarne le pouvoir religieux ? (plusieurs réponses attendues)
(cid:3) Florence
Comment est présentée la ville par ses habitants ?
(par les bannis, Tebaldeo ou encore Lorenzo…)
(cid:4) Le héros
a) Comment est décrit le héros dans le premier acte ?
b) Que sait-on de sa jeunesse ?
c) Quelle est sa fonction auprès du duc ?
d) Dans les trois premiers actes, quels sont les indices qui permettent au
lecteur de deviner ses intentions profondes ?
(cid:5) L’intrigue
a) Quelles sont les trois intrigues qui sont mêlées dans la pièce ? Expli-
quez rapidement de quoi il s’agit.
b) Quels événements ont lieu au cinquième acte ? Comment interprétez-vous
le choix fait par l’auteur d’ajouter cet acte après l’assassinat du duc ?
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Corrigé de l’exercice
(cid:2) a) Alexandre de Médicis est le duc de Florence. Il est reconnu et
nommé par Maffio dans la scène d’exposition. On le surnomme le
bâtard car il est le fils d’une fille de salle et son père pourrait être
le pape Clément VII. Dans la scène 2, l’orfèvre présente la situation
politique dans une métaphore architecturale : « Mais il y a de par le
monde deux architectes mal avisés qui ont gâté l’affaire, je vous le dis
en confidence, c’est le pape et l’empereur Charles. L’empereur a com-
mencé par entrer par une assez bonne brèche dans la susdite mai-
son. Après quoi, ils ont jugé à propos de prendre une des colonnes
dont je vous parle, à savoir celle de la famille Médicis, et d’en faire un
clocher, lequel clocher a poussé comme un champignon de malheur
dans l’espace d’une nuit. Et puis, savez-vous, voisin, comme l’édifice
branlait au vent, attendu qu’il avait la tête trop lourde et une jambe
de moins, on a remplacé le pilier devenu clocher par un gros pâté
informe fait de boue et de crachat, et on a appelé cela la citadelle. Les
Allemands se sont installés dans ce maudit trou comme des rats dans
un fromage (…) ». Cette description imagée montre bien que le duc
ne représente qu’une partie du pouvoir. En réalité, se trouvent der-
rière lui, le pape Paul III qui a succédé à Clément VII et Charles Quint,
couronné empereur en 1530 par Clément VII. Les soldats de Charles
Quint appartiennent à une garnison allemande et font régner l’ordre
dans la cité. Alexandre n’est donc pas tout à fait le maître, comme il le
reconnaît lui-même à la scène 4 de l’acte I : « César et le pape ont fait
de moi un roi ». L’empereur et le plus haut représentant de la religion
catholique imposent leur politique à Florence.
b) Le grand nombre des personnages permet à Musset de représenter
plusieurs groupes de la société florentine. Les aristocrates, soit républi-
cains comme les Strozzi ou bien à la solde du duc comme Salviati, appar-
tiennent aux grandes familles florentines. On les voit dans la scène 2 de
l’acte I participer ensemble au bal donné pour un mariage chez les Nasi.
Le peuple est composé de bourgeois, de marchands qui pensent surtout
à leurs affaires, d’étudiants qui se révoltent contre le pouvoir. Enfin les
bannis forment un groupe à part. On les voit quitter Florence, chassés
par le duc. Ils parlent d’une même voix à la dernière réplique de l’acte
(« tous les bannis » est-il indiqué comme personnage).
c) Le pouvoir du pape est représenté par son commissaire aposto-
lique, Baccio Valori. Celui-ci vient à la scène 4 de l’acte I demander
au duc de remettre Lorenzo au pape. Un autre cardinal joue un rôle
de premier plan dans la pièce, le cardinal Cibo. Il se sert de sa place
de confesseur auprès de la marquise, sa belle-sœur, pour avoir une
influence sur le duc. Après l’assassinat d’Alexandre, il est le seul per-
sonnage à conserver son pouvoir et c’est de ses mains que Côme,
le successeur d’Alexandre, reçoit le pouvoir. Autant Valori pouvait
être considéré comme « le seul prêtre honnête homme » par le duc,
autant le cardinal Cibo incarne la corruption de l’Église.
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(cid:3) Florence est un personnage à part entière. Elle est souvent personni-
fiée par les Florentins, en bien ou en mal. L’orfèvre oppose un passé
heureux où « Florence était encore (il n’y a pas longtemps de cela)
une bonne maison bien bâtie » qui permettait à son peuple de vivre
en sécurité (« sans crainte d’une pierre sur la tête »). Pour Tebaldeo,
le jeune peintre, élève de Raphaël, Florence est une mère qu’il aime.
Même s’il sait que la cité est corrompue, il ne remet pas en question
l’amour qu’il porte à la mère-patrie. La marquise Cibo s’extasie encore
devant la beauté de sa ville mais déplore la situation politique : « Que
tu es belle, Florence, mais que tu es triste ! ».
Les bannis, eux, n’ont plus d’indulgence pour leur ville. Ils l’insultent,
la nommant « peste de l’Italie », « Florence la bâtarde » ou encore
« fange sans nom ». L’image de la mère est reprise mais pour lui don-
ner une connotation péjorative : « adieu, mère stérile, qui n’as plus de
lait pour tes enfants ». Lorenzo garde aussi l’image de la femme mais
oppose à la mère de Tebaldeo, la « catin » car Florence est devenue
une ville de débauchés.
(cid:4) a) Lorenzo est décrit par le duc dans la scène 4 : « ce petit corps
maigre, ce lendemain d’orgie ambulant (…) ces yeux plombés, ces
mains fl uettes et maladives ». C’est un jeune homme frêle que le
duc présente comme une femme : « une femmelette » qu’il appelle
Lorenzetta. Pour sa mère, « il n’est même plus beau », sali par la
débauche. C’est donc un portrait peu fl atteur du personnage qui est
donné dans ce premier acte.
b) Sa mère Marie évoque le passé de son fi ls à la scène 6 de l’acte I.
C’était un étudiant brillant, qui voulait plus de justice, recherchait
la vérité et lisait les Anciens en cherchant des exemples de grands
hommes à suivre.
c) Lorenzo de Médicis est le cousin d’Alexandre. Dès la scène
d’exposition, on voit comment Lorenzo se charge de trouver des
jeunes fi lles pour le plaisir du duc. Tous savent qu’il participe aux
débauches de son cousin. Sire Maurice à la scène 4 le dit clairement
au duc : « on sait qu’il dirige vos plaisirs » et le duc confi rme : « Oui,
certes, c’est mon entremetteur » mais il ajoute cette révélation au
cardinal : Lorenzo joue les espions chez les républicains. Il est donc
utile politiquement au duc : « il se fourre partout et me dit tout ».
d) Le cardinal Cibo ne croit pas à la lâcheté profonde de Lorenzo.
Même après l’évanouissement du jeune homme devant une épée, il
fait part de ses doutes au duc : « Vous croyez à cela, monseigneur ? »
(I, 4) et conclut par un « c’est bien fort. » répété deux fois qui laisse
perdurer le doute. À la scène 6 de l’acte II, le lecteur comprend que
Lorenzo a volé la cotte de maille du duc. Giomo s’interroge sur ce que
fait Lorenzo devant le puits et dans un aparté révèle ses inquiétudes,
vite dissipées : « Je voudrais retrouver cette cotte de mailles, pour
m’ôter de la tête une vieille idée qui se rouille de temps en temps. Bah !
un Lorenzaccio ! La cotte est sous quelque fauteuil ». Enfi n le portrait
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qui se dessine de Lorenzo avant son arrivée à Florence semble très
opposé à celui qui est fait par le duc du débauché lâche. On apprend
en effet que Lorenzo a décapité les statues de l’arc de Constantin, ce
qui révèle son assurance. Bindo, son oncle, à l’acte II, se souvient
de l’avoir « vu faire des armes à Rome ». Par les souvenirs de Marie,
nous savons aussi que Lorenzo était un enfant plongé dans les livres
qui se nourrissait d’exemples vertueux. Le contraste est si saisissant
avec ce qui est donné à voir du personnage qu’on est amené à penser
qu’il joue un double jeu. À l’acte III, scène 3, Lorenzo révèle enfi n à
Philippe ses projets.
(cid:5) a) Si l’intrigue principale est construite autour du projet de Lorenzo
d’assassiner le duc, deux autres intrigues viennent se mêler à cette
trame. Philippe Strozzi, chef du parti républicain, veut libérer Florence
de la tyrannie et restaurer le pouvoir des grandes familles fl orentines.
Il a derrière lui d’autres aristocrates prêts à prendre les armes. Il est
aussi secondé par ses fi ls, en particulier Pierre qui le trouve trop
timoré et voudrait agir plus vite. Enfi n la marquise Cibo voudrait
changer la conduite du duc pour que celui-ci libère Florence du joug
étranger. Elle espère infl uer sur lui en devenant sa maîtresse.
b) Au cinquième acte, l’entourage du duc apprend sa mort et trouve
en Côme de Médicis un successeur valable. Lorenzo est assassiné et
jeté dans la lagune par le peuple. Le cardinal Cibo remet à Côme le
pouvoir. Par cette fi n, Musset montre que tout recommence comme
avant et que l’acte de Lorenzo n’a servi à rien. Les républicains n’ont
rien fait, le peuple non plus et la marquise Cibo a retrouvé son mari.
Cet acte marque l’ensemble de la pièce d’un profond pessimisme
quant à l’action politique et renvoie le lecteur à une réfl exion plus
contemporaine sur le monde qui l’entoure (La France d’après 1830
pour Musset, aujourd’hui pour nous…).
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1 Alfred de Musset,
biographie
A La jeunesse
Musset naît à Paris le 11 décembre
1810, dans une famille de lettrés.
Son grand-père maternel est un
ami de Carmontelle (1717-1806),
célèbre auteur de proverbes et son
père, Victor de Musset - Pathay est
un grand spécialiste de Rousseau
dont il donne une importante édi-
tion critique. Il a un frère aîné, Paul,
qui restera proche de lui toute sa
vie. Les deux enfants participent
à la vie familiale et aux conversa-
tions de leurs parents. En 1815,
ils sont emmenés par un domes-
tique aux Tuileries pour voir passer
Napoléon. Le souvenir du grand
homme restera vivace, sans tou-
tefois pousser Musset à un enga-
gement politique. Les parents de
Musset s’intéressent peu à la reli-
gion. Ils privilégient une éducation
héritée des Lumières, emmènent
leurs enfants à la campagne l’été,
suivant l’exemple de Rousseau.
© akg–images.
En 1819, Musset entre au collège Henri IV. C’est un élève brillant. Ses
condisciples sont le futur baron Haussmann, Ferdinand, le fils de Louis-
Philippe et Paul Foucher dont la sœur Adèle est fiancée à Hugo. Paul
Foucher devient son ami intime. Ensemble ils lisent avec frénésie tous
les livres qu’ils peuvent trouver et suivent les débuts du romantisme.
Le jeune Musset se fait remarquer par son allure très distinguée, un
dandy avant l’heure. Haussmann le décrit ainsi : « C’était un très joli gar-
çon ; blondin, comme nous ; moins vigoureux ; mais, aussi, de taille élan-
cée ; très recherché dans sa tenue ; plein d’afféterie dans ses manières.
On l’appelait : « Mademoiselle de Musset » ! ».
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À seize ans et demi, Musset devient bachelier avec un premier prix en
dissertation de philosophie. Il commence puis abandonne tour à tour
des études de droit puis de médecine. Il se voit plutôt en artiste, aime
dessiner (talent dont Delacroix témoigne) mais choisit finalement la lit-
térature. Il écrit lui-même : « [A] dix-huit ans j’hésitais encore sur l’état
que j’embrasserais, lorsque le hasard me lia avec quelques jeunes gens
qui s’occupaient de littérature ».
B Les débuts littéraires
Grâce à Paul Foucher, Musset est introduit dans le cercle de Victor
Hugo et assiste aux réunions du Cénacle. Il y rencontre Sainte-Beuve,
Delacroix, Mérimée, Alfred de Vigny. Il participe aussi aux réunions orga-
nisées par Charles Nodier dans son salon de l’Arsenal. Bien que n’ayant
produit encore aucune œuvre, le jeune Musset n’hésite pas à traiter avec
désinvolture tout ce petit monde littéraire. Nullement impressionné, il
ironise même sur le rituel des promenades au clair de lune organisées
par Hugo dans Mardoche (écrit en 1828)
C’est donc avec une grande liberté que Musset commence sa carrière
littéraire.
Sa première grande œuvre est un recueil de vers intitulé Contes d’Es-
pagne et d’Italie qu’il écrivit en 1828-29 et qu’il publia en 1830. L’iro-
nie y est présente, le ton est libre. Certains critiques lui reprochent des
fautes de langue, des irrégularités dans la versification… « M. de Mus-
set accumule en outre les solécismes, voire les barbarismes les plus
grossiers » trouve-t-on dans un article de l’Universel. Ces critiques ne
semblent pas toucher Musset. Il obtient un certain succès et continue à
écrire. En 1830, La revue de Paris publie Les Secrètes pensées de Rafaël,
œuvre dans laquelle il livre une réflexion sur la place de l’artiste, puis
Les Vœux stériles.
La même année Musset écrit une pièce de théâtre, La Nuit vénitienne ou
Les Noces de Laurette. La première a lieu à l’Odéon et se solde par un
échec cuisant. La pièce est retirée après sa deuxième représentation.
Musset décide alors de ne plus écrire pour la scène.
1830, c’est aussi la révolution de Juillet. Pourtant la situation politique
n’influe pas directement sur les œuvres de Musset. Les parents de Mus-
set sont favorables à l’accession au pouvoir de Louis-Philippe et voient
d’un bon œil Charles X quitter le pouvoir. Les deux frères Musset auraient
peut-être participé aux Trois Glorieuses. On peut penser qu’Alfred de
Musset a pu se laisser guider par sa curiosité plus que par son engage-
ment. Il n’est certainement pas enthousiaste devant l’avènement de ce
nouveau roi.
C’est une période où Musset sort beaucoup, fréquente la jeunesse dorée
dans les salons et les cafés. Dans cette vie de débauche, il rencontre un
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ami qu’il conservera toute sa vie : Alfred Tattet, héritier qui vit de ses
rentes. Cette vie festive ne l’empêche pas d’écrire. Pour gagner sa vie, il
collabore au journal Le Temps, pour lequel il rédige une critique théâtrale
puis une chronique intitulée La Revue fantastique. Dans cette chronique,
il invente deux personnages « l’un, vertueux et sensible comme Werther,
promènerait autour de lui des regards innocents ; l’autre, damné comme
Valmont, aurait cet œil dont l’éclair est comparable à une flèche aiguë ».
On voit déjà se dessiner un trait de caractère de Musset qu’on retrouve
dans ses personnages : une figure à deux faces, l’une vertueuse et sen-
sible, l’autre cynique et cruelle.
Sa vie de libertin lui inspire quelques textes licencieux, comme Suzon,
long poème inspiré de Sade et publié en 1831, ou encore Gamiani ou
deux nuits d’excès, un court roman érotique qui est resté anonyme et non
publié en France.
C Musset écrivain
En 1832, le père de Musset meurt du choléra (une épidémie très impor-
tante avait fait plus de vingt mille morts à Paris). C’est un moment diffi-
cile pour Alfred qui était proche de son père. La situation économique de
la famille n’est plus si confortable. Musset doit vivre de sa plume s’il ne
veut pas être à charge de sa mère. Le libraire Eugène Renduel accepte
de publier un recueil de vers intitulé, Un spectacle dans un fauteuil qui
comprend un poème dédié à Tattet, deux pièces en vers : La Coupe et
les Lèvres et A quoi rêvent les jeunes filles, auxquelles il ajoute un conte
oriental, Namouna. Le volume ne se vend pas très bien mais ce n’est pas
non plus un échec. Les critiques sont diverses. Mérimée apprécie A quoi
rêvent les jeunes filles ; et Sainte-Beuve apprécie les progrès du jeune
homme. Il faut dire que l’ensemble est hétéroclite et assez déroutant.
En 1833, Musset signe avec Buloz un contrat qui lui assure la publi-
cation de ses œuvres en échange de l’exclusivité offerte à l’éditeur. Il
publie cette année-là Rolla, un poème qui raconte l’histoire de Jacques
Rolla. Celui-ci se suicide après avoir dilapidé sa fortune pendant trois
ans de fêtes et d’orgies. Un tableau a été peint par Henri Gervex d’après
le poème.
Vous trouverez sur le site du musée d’Orsay une reproduction de ce
tableau avec un commentaire qui développe les thèmes abordés
dans l’œuvre : http://www.musee-orsay.fr/fr/accueil.html puis dans
« recherche », vous tapez « Rolla » et vous choisissez la troisième propo-
sition « Rolla, Henri Gervex ».
Cette œuvre est marquée par la mélancolie de son auteur. La mort du per-
sonnage apporte une tonalité très sombre à l’évocation des fêtes. C’est
dans ce poème qu’on trouve la citation restée célèbre : « Je suis venu
trop tard dans un monde trop vieux ». Cette phrase exprime le malaise
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Description:15 déc. 2008 4. Publier – Lire : les interprétations des critiques et des metteurs en scène.
Annexe : sitographie. Lorenzaccio,. Alfred de Musset. Séquence 2.