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chille, Énée, Ulysse continuent à nous parler ;  Joël THOMAS
les bandes dessinées, les ilms, les séries télévi-
sées l’attestent. Pourquoi les mythes résistent-ils au 
temps qui passe, comme une nappe profonde qui 
continue d’irriguer notre imaginaire, par-delà les 
strates des périodes historiques ? Tout récemment, 
les  avancées  des  neurosciences  ont  permis  de 
S
A
constater que voir et imaginer activent les mêmes zones de notre cerveau.  M
LES MYTHES GRÉCO-ROMAINS  
O
À travers ses récits, le mythe peut alors se déinir comme une mise en 
H
T
miroir des dynamismes organisateurs de l’imaginaire humain : quand nous  ël  OU LA FORCE DE L’IMAGINAIRE
imaginons les héros grecs et romains, c’est nous-mêmes qui nous mettons  o
J
en jeu. Ce livre suit cette genèse et cette élaboration à travers les igures et 
les aventures héroïques, avant d’élargir notre propos vers l’esquisse d’une 
Les récits de la construction de soi et du monde
grammaire universelle des mythes.
Comprendre le mythe, c’est le faire sien, et guérir.
Joël Thomas est agrégé de Lettres classiques, professeur émérite de langue 
et littérature latines à l’Université de Perpignan-via Domitia. Spécialiste  e
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dl’eim Vaigrignialeir ee,t i l dae p ulab lipéo réésciee mamugeunst tLée’inmnaeg, inaianisrie  dqeu el’ hdoems mmeé rtohmodaoinlo. gDieusa lidtée   AINAIR u mo
(ePt rcéofmacpel edxei tPé a(uBlr Vuxeyelnlee,s ,P Laraitso, mLuess,  B2e0l0le6s)  Lete Mttryetsh, a2n0a1l5y)s.e de la Rome antique  O-ROMMAGIN de soi et d
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www.editions-academia.be 9HSMIKG*baddbe+ MYTA FO s de la 
ISBN : 978-2-8061-0331-4 ES U L récit
21 € LO s 
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Collection : « Imaginaires »
LES MYTHES GRÉCO-ROMAINS 
OU LA FORCE DE L’IMAGINAIRE
2      3 
   
COLLECTION        
« IMAGINAIRES »    
(Anciennement collection « STRUCTURES ET POUVOIRS DES IMAGINAIRES ») 
   
 
 
dirigée par 
 
Myriam WATTHEE-DELMOTTE et Paul-Augustin DEPROOST 
 
  LES MYTHES GRÉCO-ROMAINS 
Les sciences humaines soulignent aujourd’hui l’importance des imagi-
naires, c’est-à-dire du réseau interactif des représentations mentales nourri  OU LA FORCE DE L’IMAGINAIRE 
par l’héritage mythique, religieux et historique et par l’expérience vécue. 
Constamment réactivé dans les productions culturelles, ce réseau constitue   
un système dynamique qui se superpose au réel pour lui octroyer des struc-
tures signifiantes au niveau de l’interprétation individuelle et collective. Ces  Les récits de la construction 
structures sont souvent cryptées et leur pouvoir de mobilisation est d’autant 
plus fort qu’elles restent en deçà du niveau de conscience ; leur analyse per- de soi et du monde 
met de comprendre la force de conviction des images utilisées dans les stra-
tégies  politiques,  commerciales,  etc.  Contrairement  aux  représentations   
fixes, les imaginaires visent un réseau sémantique interactif : l’adaptabilité 
des structures de l’imaginaire à différents contextes explique sa puissance de   
façonnage du réel. 
 
L’objectif de cette collection est de rendre compte des travaux dévelop-
pés dans le Centre de Recherche sur l’Imaginaire de l’Université catholique  Joël THOMAS 
de Louvain (Louvain-la-Neuve) ou en lien avec lui. Elle a pour spécificité 
 
d’aborder cette problématique dans une perspective transdisciplinaire : elle 
rapproche à cet égard les champs de l’antiquité (qui interroge les sources, 
 
notamment mythiques, et en propose une typologie) et de la modernité (qui 
porte la trace des permanences et des mutations des imaginaires), et fait se  Préface de Paul-Augustin DEPROOST 
croiser les domaines de la littérature et des arts (lieux d’ancrage prioritaires 
 
des imaginaires dans des structures décodables) avec l’histoire (qui témoigne 
des  formes  d’efficacité  des  imaginaires  dans  le  réel).  Ce  champ 
 
d’investigation se trouve renforcé par l’apport de différentes disciplines en 
sciences humaines.   
Les auteurs qui publient dans la collection sont responsables de leurs 
L’Harmattan 
textes et des droits de reproduction y afférents. 
  5-7, rue de l’École Polytechnique 
F – 75005 Paris 
     
 
2017
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COLLECTION        
« IMAGINAIRES »    
(Anciennement collection « STRUCTURES ET POUVOIRS DES IMAGINAIRES ») 
   
 
 
dirigée par 
 
Myriam WATTHEE-DELMOTTE et Paul-Augustin DEPROOST 
 
  LES MYTHES GRÉCO-ROMAINS 
Les sciences humaines soulignent aujourd’hui l’importance des imagi-
naires, c’est-à-dire du réseau interactif des représentations mentales nourri  OU LA FORCE DE L’IMAGINAIRE 
par l’héritage mythique, religieux et historique et par l’expérience vécue. 
Constamment réactivé dans les productions culturelles, ce réseau constitue   
un système dynamique qui se superpose au réel pour lui octroyer des struc-
tures signifiantes au niveau de l’interprétation individuelle et collective. Ces  Les récits de la construction 
structures sont souvent cryptées et leur pouvoir de mobilisation est d’autant 
plus fort qu’elles restent en deçà du niveau de conscience ; leur analyse per- de soi et du monde 
met de comprendre la force de conviction des images utilisées dans les stra-
tégies  politiques,  commerciales,  etc.  Contrairement  aux  représentations   
fixes, les imaginaires visent un réseau sémantique interactif : l’adaptabilité 
des structures de l’imaginaire à différents contextes explique sa puissance de   
façonnage du réel. 
 
L’objectif de cette collection est de rendre compte des travaux dévelop-
pés dans le Centre de Recherche sur l’Imaginaire de l’Université catholique  Joël THOMAS 
de Louvain (Louvain-la-Neuve) ou en lien avec lui. Elle a pour spécificité 
 
d’aborder cette problématique dans une perspective transdisciplinaire : elle 
rapproche à cet égard les champs de l’antiquité (qui interroge les sources, 
 
notamment mythiques, et en propose une typologie) et de la modernité (qui 
porte la trace des permanences et des mutations des imaginaires), et fait se  Préface de Paul-Augustin DEPROOST 
croiser les domaines de la littérature et des arts (lieux d’ancrage prioritaires 
 
des imaginaires dans des structures décodables) avec l’histoire (qui témoigne 
des  formes  d’efficacité  des  imaginaires  dans  le  réel).  Ce  champ 
 
d’investigation se trouve renforcé par l’apport de différentes disciplines en 
sciences humaines.   
Les auteurs qui publient dans la collection sont responsables de leurs 
L’Harmattan 
textes et des droits de reproduction y afférents. 
  5-7, rue de l’École Polytechnique 
F – 75005 Paris 
     
 
2017
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  À Arlette et Juliette 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Illustration de couverture :  
« Le cerveau à l’épreuve du labyrinthe »  
(Source retravaillée : http://www.lapresse.ca/le-nouvelliste/actualites/201603/13/01-
4960294-conferences-a-luqtr-comment-se-porte-votre-cerveau.php) 
 
 
 
Les originaux de ce livre, prêts à la reproduction, ont été fournis  
par les directeurs de la publication 
 
 
 
 
 
ISBN : 978-2-8061-0331-4               D/2017/4910/11 
___________________________________________________________________ 
 
© Academia-L’Harmattan s.a. 
Grand’Place, 29 
B-1348 Louvain-la-Neuve 
___________________________________________________________________ 
 
Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, 
réservés pour tous pays sans l’autorisation de l’éditeur ou de ses ayants droit. 
www.editions-academia.be
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  À Arlette et Juliette 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Illustration de couverture :  
« Le cerveau à l’épreuve du labyrinthe »  
(Source retravaillée : http://www.lapresse.ca/le-nouvelliste/actualites/201603/13/01-
4960294-conferences-a-luqtr-comment-se-porte-votre-cerveau.php) 
 
 
 
Les originaux de ce livre, prêts à la reproduction, ont été fournis  
par les directeurs de la publication 
 
 
 
 
 
ISBN : 978-2-8061-0331-4               D/2017/4910/11 
___________________________________________________________________ 
 
© Academia-L’Harmattan s.a. 
Grand’Place, 29 
B-1348 Louvain-la-Neuve 
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Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, 
réservés pour tous pays sans l’autorisation de l’éditeur ou de ses ayants droit. 
www.editions-academia.be
PRÉFACE 
 
 
La force de l’imaginaire ! La formule annonce à la fois une autorité 
et une énergie, la qualité de ce qui s’impose, mobilise ou contraint. En 
l’occurrence, celle de l’imaginaire, un univers dynamique d’images ou de 
représentations, parfois viscéral et incantatoire, ancré au plus profond de 
nous-mêmes, qui nous oblige constamment à inventer l’inconnu pour 
donner du sens au connu, sans quoi l’aventure humaine se limiterait à 
n’être qu’un impératif biologique. Pour progresser ou grandir en huma-
nité, l’homme ne peut, en effet, se satisfaire du déterminisme de l’instinct 
animal ; les syllogismes n’y suffisent pas non plus. Car l’instinct n’offre 
qu’une nécessité sans conscience et les idées ne sont pas de ce monde, 
comme le reconnaissait déjà Platon ; pour vivre sa vie, l’homme, qui 
n’est ni ange ni bête, a tout simplement besoin d’images et de vision qui 
humanisent l’instinct en désir, qui donnent chair à sa pensée, et substi-
tuent à la pesante inertie de l’« ici et maintenant » la tension libératrice 
des utopies. Ces images et cette vision, les hommes les ont structurées en 
récits au cours des âges, pour en partager et en enrichir la mémoire dans 
leurs communautés ; ce sont les mythes, qui résonnent comme « le chant 
profond » de l’humanité, selon la belle expression du poète Federico 
Garcia Lorca, afin de faire advenir à la conscience ce qui n’est plus ou 
n’est pas encore et qui doit expliquer les enjeux de ce qui est. Éros et 
Aphrodite pour raconter les mystères de l’amour ; les mythes de création 
pour raconter l’étiologie des choses, des lieux ou phénomènes naturels ; 
les armes d’Achille, les rames d’Ulysse, les larmes d’Énée pour raconter 
les valeurs qui méritent le combat des héros. Sunt lacrimae rerum… 
Tandis qu’il écrivait ce livre, Joël Thomas fut certainement un 
homme heureux. Heureux de retrouver ces mythes antiques qu’il a sou-
vent étudiés séparément ou dans l’œuvre de son cher Virgile, mais pour 
les rassembler cette fois dans une réflexion inclusive qui revisite les ty-
pologies particulières et en organise les constantes à l’intérieur d’un sys-
tème mythologique intégré ; heureux aussi comme l’artisan qui boucle les 
derniers fils d’une toile patiemment tissée avant d’offrir au regard le 
chatoiement de l’ouvrage terminé. Car ce livre reprend les intuitions 
d’une longue carrière érudite consacrée à l’étude des imaginaires anciens, 
pour les nouer en une pensée globale, et par là même nouvelle et nova-
trice,  en  phase  avec  la  sagesse  du  mythe,  considéré  par  les  anciens 
comme « système du monde ». Dans son livre pionnier sur les Structures 
de l’imaginaire dans l’Énéide, Joël Thomas cherchait déjà à redonner du 
sens à la prégnance des univers symboliques et antagoniques qui consti-
PRÉFACE 
 
 
La force de l’imaginaire ! La formule annonce à la fois une autorité 
et une énergie, la qualité de ce qui s’impose, mobilise ou contraint. En 
l’occurrence, celle de l’imaginaire, un univers dynamique d’images ou de 
représentations, parfois viscéral et incantatoire, ancré au plus profond de 
nous-mêmes, qui nous oblige constamment à inventer l’inconnu pour 
donner du sens au connu, sans quoi l’aventure humaine se limiterait à 
n’être qu’un impératif biologique. Pour progresser ou grandir en huma-
nité, l’homme ne peut, en effet, se satisfaire du déterminisme de l’instinct 
animal ; les syllogismes n’y suffisent pas non plus. Car l’instinct n’offre 
qu’une nécessité sans conscience et les idées ne sont pas de ce monde, 
comme le reconnaissait déjà Platon ; pour vivre sa vie, l’homme, qui 
n’est ni ange ni bête, a tout simplement besoin d’images et de vision qui 
humanisent l’instinct en désir, qui donnent chair à sa pensée, et substi-
tuent à la pesante inertie de l’« ici et maintenant » la tension libératrice 
des utopies. Ces images et cette vision, les hommes les ont structurées en 
récits au cours des âges, pour en partager et en enrichir la mémoire dans 
leurs communautés ; ce sont les mythes, qui résonnent comme « le chant 
profond » de l’humanité, selon la belle expression du poète Federico 
Garcia Lorca, afin de faire advenir à la conscience ce qui n’est plus ou 
n’est pas encore et qui doit expliquer les enjeux de ce qui est. Éros et 
Aphrodite pour raconter les mystères de l’amour ; les mythes de création 
pour raconter l’étiologie des choses, des lieux ou phénomènes naturels ; 
les armes d’Achille, les rames d’Ulysse, les larmes d’Énée pour raconter 
les valeurs qui méritent le combat des héros. Sunt lacrimae rerum… 
Tandis qu’il écrivait ce livre, Joël Thomas fut certainement un 
homme heureux. Heureux de retrouver ces mythes antiques qu’il a sou-
vent étudiés séparément ou dans l’œuvre de son cher Virgile, mais pour 
les rassembler cette fois dans une réflexion inclusive qui revisite les ty-
pologies particulières et en organise les constantes à l’intérieur d’un sys-
tème mythologique intégré ; heureux aussi comme l’artisan qui boucle les 
derniers fils d’une toile patiemment tissée avant d’offrir au regard le 
chatoiement de l’ouvrage terminé. Car ce livre reprend les intuitions 
d’une longue carrière érudite consacrée à l’étude des imaginaires anciens, 
pour les nouer en une pensée globale, et par là même nouvelle et nova-
trice,  en  phase  avec  la  sagesse  du  mythe,  considéré  par  les  anciens 
comme « système du monde ». Dans son livre pionnier sur les Structures 
de l’imaginaire dans l’Énéide, Joël Thomas cherchait déjà à redonner du 
sens à la prégnance des univers symboliques et antagoniques qui consti-
8  LES MYTHES GRÉCO-ROMAINS    PRÉFACE  9 
   
tuent le poème virgilien, pour redécouvrir, à travers les tensions des héros  En ce sens, le mythe relève bien d’une démarche cognitive indis-
mythiques, une juste image de la complexité humaine, bien au-delà de ce  pensable à tout processus civilisateur. D’Œdipe à Orphée, du Labyrinthe 
que peuvent nous en dire tous les argumentaires abstraits. On retrouve ici  à l’Atlantide, les mythes ponctuent certes les temps immémoriaux de 
cette même intuition, élargie à une typologie générale des légendes an- l’histoire humaine, mais ils expliquent aussi les rituels d’aujourd’hui. Car 
tiques : le mythe est le moyen que se sont donné les hommes de tout  tout effort de civilisation implique nécessairement des évolutions, des 
temps pour représenter, à travers la quête initiatique des « grands an- ajustements dont l’histoire des mythes porte la trace. Un mythe n’est ja-
cêtres », leur manière d’être au monde, aux autres et à leur environne- mais à sens unique ; il est un carrefour en perpétuel chantier. En émer-
ment ; le mythe façonne les sociétés humaines en y créant des réseaux  gence explicite ou en immergence implicite, les mythes continuent effec-
symboliques  et  narratifs  qui  valident,  dans  la  mémoire  des  temps  tivement de vivre dans leurs réécritures, littéraires ou plastiques, pour 
d’origine, les valeurs fondatrices des consciences collectives.  produire les imaginaires nécessaires à la compréhension des sociétés en 
mutation ; puisque les hommes y inscrivent la mémoire de leur histoire 
La nouveauté de cette démarche a résolument sorti le mythe de la 
singulière et collective, les mythes sont doués d’une plasticité qui auto-
chasse gardée de l’histoire des religions ; il est devenu un objet de re-
rise les lectures les plus diverses, sinon les plus contradictoires. Tous les 
cherche qui intéresse plus largement l’ensemble des sciences humaines ; 
mythes évoqués par Joël Thomas dans son livre portent les marques de 
il est au cœur de la réflexion contemporaine sur les imaginaires, dans la 
ces évolutions, de ces adaptations, de ces mues, qui, loin d’effacer leur 
mesure où il fonde des systèmes de représentations mis en œuvre par les 
identité signifiante, la stimulent et l’enrichissent au gré des environne-
cultures pour donner un sens au réel. Le travail de Joël Thomas se situe 
ments nouveaux qui les convoquent. Ainsi, par exemple, pour compléter 
exactement à cet endroit, que l’on pourrait définir comme un « bon usage 
ce qu’en dit Joël Thomas, le mythe de l’âge d’or. Tantôt regretté comme 
axiologique  du  mythe »  et  dont  les  anciens,  philosophes  ou  poètes, 
un  temps  d’innocence,  tantôt  contesté  comme  un  temps  d’inertie,  ce 
avaient déjà eu l’intuition lorsqu’ils avaient commencé de relire les évé-
mythe révèle, dès ses relectures antiques, notamment lorsqu’il fut associé 
nements de leur « histoire sainte » non plus comme des objets de foi, 
à la quête des Argonautes, la difficulté d’établir un juste rapport entre 
mais comme des figures symboliques qui emportent l’adhésion là où la 
l’homme et la nature ; en maîtrisant la nature, et donc en grandissant en 
raison raisonnante ne convainc pas. Lié aux temps des commencements, à 
civilisation, l’homme a pris le risque de rompre les alliances originelles et 
l’époque où « les hommes parlaient aux dieux », le mythe raconte, ex-
d’accélérer son propre anéantissement, comme s’il était condamné à ne 
plique et révèle des vérités profondes que l’esprit humain ne peut à lui 
progresser qu’« à reculons », en s’éloignant toujours plus du bonheur 
seul  découvrir,  mais  qu’il  cherche  à  comprendre.  Il  est  le  discours 
primordial vers les âges de souffrance ; la Bible inverse la perspective en 
qu’utilise la mémoire pour garder ou construire le souvenir de ce qui est 
faisant sortir l’homme du Jardin de la Genèse pour le conduire vers la 
trop loin dans le temps — ce sont les mythes de création, de fondation ou 
Ville céleste de l’Apocalypse, à travers le thème pascal et chrétien de la 
d’eschatologie —, dans l’espace — ce sont les mythes de voyage ou des 
felix culpa. Et pour le mythe du phénix, dont il n’est pas question ici, on 
confins —, dans le cœur — quand le mythe dit les peurs, les tabous, les 
pourrait même parler d’une mise à jour massive dans la pensée chré-
bonheurs ou les malheurs que la raison s’interdit de penser. 
tienne, car le mythe païen, plutôt confidentiel dans ses attestations an-
Pour autant, les événements dont le mythe porte la mémoire ne 
tiques, a gagné en force symbolique et en épaisseur narrative lorsque les 
peuvent pas être contrôlés, sans quoi il rejoindrait la science et perdrait de 
poètes chrétiens ont chanté le destin singulier de cet oiseau à la fois pri-
sa valeur incantatoire. « Ces événements n’eurent lieu à aucun moment, 
mordial et eschatologique, mort et rené, cyclique et maître du temps, abs-
mais existent toujours ». Cette parole du philosophe Saloustios définit 
tinent et chaste. 
très précisément la qualité du discours mythique, insaisissable dans la 
Tant il est vrai que la plasticité du mythe est la condition même de 
matérialité de ce qu’il raconte, et pourtant reconnaissable dans la réalité 
sa survie. Si l’on veut conserver au mythe la marge d’enchantement qu’il 
de ce qu’il dit. Quoi de plus mythique que la légende de Romulus et 
requiert pour donner du sens aux choses, le mythe doit rester ouvert aux 
Rémus ; quoi de plus réel que la Ville qui en est issue et qui elle-même a 
interférences, sans quoi il se fige en un formulaire dogmatique qui stéri-
donné naissance à un mythe urbain fondateur d’une certaine conception 
lise la pensée et qui produit l’intégrisme ou l’idéologie. Pour légitimer 
de l’homme dans la cité. Ulysse a vécu à l’aube des temps historiques et 
son nouveau pouvoir, Auguste a donné une nouvelle interprétation à la 
il serait bien vain d’en rechercher la dépouille ; mais les territoires qu’il a 
chute de Troie, à travers la quête d’Énée chantée par Virgile, reconnais-
traversés, les monstres qu’il a affrontés, le pays où il est revenu sont ceux 
sant ainsi la flexibilité du mythe homérique ; mais il a lui-même brisé le 
que traversent, qu’affrontent et où reviennent tous les hommes lorsqu’ils 
souffle mythique lorsqu’il a interdit à Ovide de jeter la suspicion sur la 
acceptent de sortir d’eux-mêmes, lorsqu’ils rencontrent l’altérité ou qu’ils 
piété d’Énée dans ses Métamorphoses. Le héros mythique est alors de-
reconquièrent une identité perdue.
8  LES MYTHES GRÉCO-ROMAINS    PRÉFACE  9 
   
tuent le poème virgilien, pour redécouvrir, à travers les tensions des héros  En ce sens, le mythe relève bien d’une démarche cognitive indis-
mythiques, une juste image de la complexité humaine, bien au-delà de ce  pensable à tout processus civilisateur. D’Œdipe à Orphée, du Labyrinthe 
que peuvent nous en dire tous les argumentaires abstraits. On retrouve ici  à l’Atlantide, les mythes ponctuent certes les temps immémoriaux de 
cette même intuition, élargie à une typologie générale des légendes an- l’histoire humaine, mais ils expliquent aussi les rituels d’aujourd’hui. Car 
tiques : le mythe est le moyen que se sont donné les hommes de tout  tout effort de civilisation implique nécessairement des évolutions, des 
temps pour représenter, à travers la quête initiatique des « grands an- ajustements dont l’histoire des mythes porte la trace. Un mythe n’est ja-
cêtres », leur manière d’être au monde, aux autres et à leur environne- mais à sens unique ; il est un carrefour en perpétuel chantier. En émer-
ment ; le mythe façonne les sociétés humaines en y créant des réseaux  gence explicite ou en immergence implicite, les mythes continuent effec-
symboliques  et  narratifs  qui  valident,  dans  la  mémoire  des  temps  tivement de vivre dans leurs réécritures, littéraires ou plastiques, pour 
d’origine, les valeurs fondatrices des consciences collectives.  produire les imaginaires nécessaires à la compréhension des sociétés en 
mutation ; puisque les hommes y inscrivent la mémoire de leur histoire 
La nouveauté de cette démarche a résolument sorti le mythe de la 
singulière et collective, les mythes sont doués d’une plasticité qui auto-
chasse gardée de l’histoire des religions ; il est devenu un objet de re-
rise les lectures les plus diverses, sinon les plus contradictoires. Tous les 
cherche qui intéresse plus largement l’ensemble des sciences humaines ; 
mythes évoqués par Joël Thomas dans son livre portent les marques de 
il est au cœur de la réflexion contemporaine sur les imaginaires, dans la 
ces évolutions, de ces adaptations, de ces mues, qui, loin d’effacer leur 
mesure où il fonde des systèmes de représentations mis en œuvre par les 
identité signifiante, la stimulent et l’enrichissent au gré des environne-
cultures pour donner un sens au réel. Le travail de Joël Thomas se situe 
ments nouveaux qui les convoquent. Ainsi, par exemple, pour compléter 
exactement à cet endroit, que l’on pourrait définir comme un « bon usage 
ce qu’en dit Joël Thomas, le mythe de l’âge d’or. Tantôt regretté comme 
axiologique  du  mythe »  et  dont  les  anciens,  philosophes  ou  poètes, 
un  temps  d’innocence,  tantôt  contesté  comme  un  temps  d’inertie,  ce 
avaient déjà eu l’intuition lorsqu’ils avaient commencé de relire les évé-
mythe révèle, dès ses relectures antiques, notamment lorsqu’il fut associé 
nements de leur « histoire sainte » non plus comme des objets de foi, 
à la quête des Argonautes, la difficulté d’établir un juste rapport entre 
mais comme des figures symboliques qui emportent l’adhésion là où la 
l’homme et la nature ; en maîtrisant la nature, et donc en grandissant en 
raison raisonnante ne convainc pas. Lié aux temps des commencements, à 
civilisation, l’homme a pris le risque de rompre les alliances originelles et 
l’époque où « les hommes parlaient aux dieux », le mythe raconte, ex-
d’accélérer son propre anéantissement, comme s’il était condamné à ne 
plique et révèle des vérités profondes que l’esprit humain ne peut à lui 
progresser qu’« à reculons », en s’éloignant toujours plus du bonheur 
seul  découvrir,  mais  qu’il  cherche  à  comprendre.  Il  est  le  discours 
primordial vers les âges de souffrance ; la Bible inverse la perspective en 
qu’utilise la mémoire pour garder ou construire le souvenir de ce qui est 
faisant sortir l’homme du Jardin de la Genèse pour le conduire vers la 
trop loin dans le temps — ce sont les mythes de création, de fondation ou 
Ville céleste de l’Apocalypse, à travers le thème pascal et chrétien de la 
d’eschatologie —, dans l’espace — ce sont les mythes de voyage ou des 
felix culpa. Et pour le mythe du phénix, dont il n’est pas question ici, on 
confins —, dans le cœur — quand le mythe dit les peurs, les tabous, les 
pourrait même parler d’une mise à jour massive dans la pensée chré-
bonheurs ou les malheurs que la raison s’interdit de penser. 
tienne, car le mythe païen, plutôt confidentiel dans ses attestations an-
Pour autant, les événements dont le mythe porte la mémoire ne 
tiques, a gagné en force symbolique et en épaisseur narrative lorsque les 
peuvent pas être contrôlés, sans quoi il rejoindrait la science et perdrait de 
poètes chrétiens ont chanté le destin singulier de cet oiseau à la fois pri-
sa valeur incantatoire. « Ces événements n’eurent lieu à aucun moment, 
mordial et eschatologique, mort et rené, cyclique et maître du temps, abs-
mais existent toujours ». Cette parole du philosophe Saloustios définit 
tinent et chaste. 
très précisément la qualité du discours mythique, insaisissable dans la 
Tant il est vrai que la plasticité du mythe est la condition même de 
matérialité de ce qu’il raconte, et pourtant reconnaissable dans la réalité 
sa survie. Si l’on veut conserver au mythe la marge d’enchantement qu’il 
de ce qu’il dit. Quoi de plus mythique que la légende de Romulus et 
requiert pour donner du sens aux choses, le mythe doit rester ouvert aux 
Rémus ; quoi de plus réel que la Ville qui en est issue et qui elle-même a 
interférences, sans quoi il se fige en un formulaire dogmatique qui stéri-
donné naissance à un mythe urbain fondateur d’une certaine conception 
lise la pensée et qui produit l’intégrisme ou l’idéologie. Pour légitimer 
de l’homme dans la cité. Ulysse a vécu à l’aube des temps historiques et 
son nouveau pouvoir, Auguste a donné une nouvelle interprétation à la 
il serait bien vain d’en rechercher la dépouille ; mais les territoires qu’il a 
chute de Troie, à travers la quête d’Énée chantée par Virgile, reconnais-
traversés, les monstres qu’il a affrontés, le pays où il est revenu sont ceux 
sant ainsi la flexibilité du mythe homérique ; mais il a lui-même brisé le 
que traversent, qu’affrontent et où reviennent tous les hommes lorsqu’ils 
souffle mythique lorsqu’il a interdit à Ovide de jeter la suspicion sur la 
acceptent de sortir d’eux-mêmes, lorsqu’ils rencontrent l’altérité ou qu’ils 
piété d’Énée dans ses Métamorphoses. Le héros mythique est alors de-
reconquièrent une identité perdue.