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LES JOYAUX DE L'ORIENT
VI
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KALIDASA, LE RAGHUVAMCA
1- •' 1 I
LES JOYAUX DE L'ORIENT
TOME VI
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KALIDASA
LE
RAGHUVAMÇA
(LA LIGNÉE DES FILS DU SOLEIL)
POÈME EN XIX CHANTS
TRADUIT DU SANSCRIT
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13, RuE JACOB, PARIS (vr•)
1928
A SYLVAIN LÉVI
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AVANT-PROPOS
La « Lignée des Fils du Soleil n, en sanscrit le Raghuvamça
(<< Descendance de Raghu n), est, en dix-neuf chants et qua
torze cents strophes environ, un poème épique dû à Kâlidâsa,
et qui se situe par conséquent vers le ve siècle de notre ère.
L'ouvrage jouit dans l'Inde d'une fortune singulière : il a
eu l'honneur d'une quarantaine de commentaires littéraux,
il sert de base dans toutes les écoles aux explications de sans
crit, un grand riombre de ses stances sont citées dans les trai
tés de rhétorique, enfin il est compté comme le premier des
six mahâkâCJya, les six cc grands poèmes n que les canons donnent
pour modèle immuable de toute composition littéraire.
Le sujet est tiré de ces récits d'histoire mythique où l'Inde
s'est complu, faute d'histoire véritable, et parce que ce genre
satisfaisait pareillement son orgueil national, son imagination,
sans doute quelque besoin de flatterie à l'adresse de tel prince
vivant. Le poète décrit les hauts faits des Fils du Soleil, les
lkshvâku, dont le roi Raghu inaugura la puissance et dont
Râma fut le représentant le plus illustre.
Les neuf premiers chants, après un prologue lyrique, sont
consacrés aux quatre ascendants les plus proches de Râma :
Dilîpa, Raghu, Aja, Daçaratha. Les chants X à XV retracent
la vie de Râma et forment comme un abrégé rapide, mais
X A V ANT-PROPOS
fidèle, du Râmâyana'., la grande épopée qui détermine le déve
loppement postérieur de la poésie savante dans l'Inde, tant
pour le vocabulaire et le style que pour l'appareil mythique et
les procédés même de composition. Fort habilement, Kâlidâsa
mêlera la gloire de Vâlmîki à celle des princes qu'il chante.
Ces livres X à XV sont le centre du poème, soutenu par la
haute figure de Râma, en qui toutes les vertus de la race se
sont jointes et incarnées. Enfin, les quatre derniers chants
racontent avec une singulière irrégularité, tantôt succincte
ment, tantôt par de longues descriptions, l'histoire des des
cendants de Râma jusqu'à Agnivarna, et le poème se termine
brusquement - interrompu sans doute - avec la mort
d' Agnivarna, la régence de sa veuve et la naissance annoncée
d'un fils posthume.
Si précis que soit ce cadre, le poème s'y meut librement
sans revêtir jamais l'aspect de la narration d'histoire : car
Kâlidâsa choisit seulement, en fait, un nombre limité d'épi
sodes, non point pour leur importance propre, mais parce
qu'ils prêtent à des variations littéraires où, dans un décor
conventionnel, le poète peut donner libre cours à l'expression
de ces rasa, ces « sentiments » que préconise et définit avec
tant de soin la rhétorique hindoue. De là vient que, souvent,
des points importants du récit sont traités avec une déconcer
tante concision, voire au détriment de la clarté.
EL l'unité elle-même de l'épisode est sans cesse subordonnée
à l'unité de la stance, laquelle possède en propre ses fins esthé
tiques et se soumet aux nécessités internes de son bref déve
loppement. En principe, chaque stance, quoique adroitement
insérée dans la trame du récit, forme un tout indépendant et
complet, un poème en miniature, avec son imprévu, ses jeux,
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son sommet d'expression et l'image inévitable qui l'accom
pagne : encore cette image - métaphore ou comparaison qui,
sitôt déclanchée, se résout en métaphore - au lieu d'être,
comme dans l'art classique, une analogie plus ou moins pré
cise, plus ou moins nécessaire aussi, avec la chose qu'elle dé
core, et qui chemine selon ses voies propres, suit ici pas à pas
la pensée dans un parallélisme incessant poussé jusqu'à la plus
minutieuse fidélité : et là même où l'idée ne peut suffire à
étayer l'image, le poète y supplée par toutes les ressources
verbales d'un art raffiné : allitérations, assonances, jeux de
mots et, le procédé le plus typique de tous, assemblage de deux
sens différents dans une seule locution; en sorte qu'une même
strophe peut comporter' parfois deux orientations différentes
suivant la perspective sous laquelle on l'envisage.
Cependant, cette poésie qui, par certains côtés, semble le
comble de l'artifice, atteint sans peine à la véritable grandeur :
c'est par ce privilège de l'Orient où la préciosité de la forme ne
trahit que l'excès de l'imagination, où la recherche ne prend
jamais visage de procédé, où l'image est l'aspect normal de l'idée
et l'artifice même une seconde nature, laquelle s'allie fort bien
avec une évidente naïveté : qu'on lise, par exemple, au
chant VIII, les plaintes d'Aja sur Indumatî morte, ou bien, au
chant XIV, la répudiation de Sîtâ, où le poète a raccourci
avec un lyrisme contenu les longues mollesses du Râmâyana.
Kâlidâsa nous ménage en somme avec la réalité des relations
moins directes, plus subtiles, que celles où nous a habitués
l'art occidental, et sa manière pourrait s'apparenter de cc
fait à quelques tentatives de l'esprit contemporain.
De tant de prestiges, une part infime a seule pu être rendue
dans la présente traduction : si chargée que celle-ci puisse
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