Table Of ContentLe contentieux
extractif
Edité par Achille Ngwanza et Gilles Lhuilier
Préfacé par Emmanuel Jolivet
Le contentieux
extractif
Edité par Achille Ngwanza et Gilles Lhuilier
Préfacé par Emmanuel Jolivet
Le Contentieux extractif
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33-43 avenue du Président Wilson
75116 Paris
France
ICC Publication No. 770F
ISBN!:978-92-842-0358-1
REMERCIEMENTS
La Cour internationale d’arbitrage de la CCI, le Journal Africain du Droit des Affaires (JADA)
et la Fondation Maison Sciences de l’Homme (FMSH) remercient, par ordre d’importance,
les structures suivantes pour leur soutien à la réalisation du présent ouvrage!:
SCP Martial Akakpo & Associés
Dechert LLP
Freshfields Bruckhaus Deringer
FIDAL
White & Case
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LE CONTENTIEUX EXTRACTIF
4 | CHAMBRE DE COMMERCE INTERNATIONALE (ICC)
Table des matières
Emmanuel Jolivet
Préface .............................................................................................................................................7
Introduction Gilles Lhuilier
Le contentieux extractif ................................................................................................................9
Première partie
Les perturbations de l’exploitation extractive ........................................................................................28
Titre 1 Les contrats extractifs à l’épreuve des faits imprévus ..............................................................29
Chapitres 1 Honoré Le Leuch
Analyse économique et renégociation des contrats extractifs ...........................................30
2 Mamadou Konaté
Le cadre juridique de la renégociation ....................................................................................41
3 Eduardo Silva-Romero et Audrey Caminades
Actualité des clauses de stabilisation% ......................................................................................51
Titre 2 Les incidences des crises politico-économiques ......................................................................61
4 Mathias Audit
Les embargos et l’exécution des contrats de l’industrie extractive ....................................62
5 Gilles Darmois
Contingentements de l’OPEP et équilibre économique des contrats ................................74
6 Elie Kleiman
Les nationalisations .....................................................................................................................84
Deuxième partie
Conflits de l’industrie extractive et règlement des différends .........................................................94
Titre 1 Les conflits sociétaux et environnementaux .............................................................................95
7 Cécile Renouard
De la contribution de l’industrie extractive au développement
socio-économique des populations riveraines .......................................................................96
8 Robinson Tchapmegni
Les nouvelles revendications foncières et l’activité extractive% ........................................106
9 Valère Ndior
Société civile et bailleurs de fonds internationaux% .............................................................114
10 Julien Rochette
Activités petrolières et gazières en offshore et protection de l’environnement%...........125
Titre 2 Les conflits entre acteurs extractifs ..........................................................................................137
11 Thierry Lauriol et Emilie Raynaud
La rupture unilatérale des contrats d’exploitation .............................................................138
12 Michael Polkinghorne et Nathalie Makowski
Le démantelement des sites pétroliers et gaziers ..............................................................145
13 Isidore Costade
Publication des contrats et confidentialité de l’industrie extractive ...............................159
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LE CONTENTIEUX EXTRACTIF
14 Hamid G. Gharavi et Marie-Laure Bizeau
L’expropriation indirecte dans les conflits entre contractants extractifs ........................167
Titre 3 Le règlement des litiges extractifs ............................................................................................180
15 Philippe Sébille-Lopez
Origines et règlements politiques des conflits
dans le secteur des hydrocarbures ........................................................................................181
16 Isabelle Vaugon
Expertise et médiation dans le contexte du contentieux extractif ..................................200
17 Florent Lager
Les dispute board dans le secteur extractif ........................................................................213
18 Achille Ngwanza
L’arbitrage en matière extractive ...........................................................................................227
Contributeurs .....................................................................................................................................................243
Dispute Resolution Publications ................................................................................................................248
ICC au service des affaires ............................................................................................................................250
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EMMANUEL JOLIVET
Préface
Emmanuel Jolivet*
L’activité économique liée au secteur extractif est de longue date un domaine dans lequel
l’intervention de la Chambre de commerce internationale (CCI) a un ancrage solide. Si les
préoccupations environnementales sont devenues un sujet de réflexions politiques,
économiques, juridiques et sociales incontournable, le contentieux extractif représente un
thème d’étude et d’action plus traditionnel. Depuis des décennies, les enjeux de l’industrie des
hydrocarbures et des mines ont été pris en compte, débattus, arbitrés par la CCI et sa Cour
internationale d’arbitrage.
Historiquement, la CCI est née de l’analyse selon laquelle le développement rationnel, organisé
et volontaire du commerce international de manière était un puissant facteur de paix au plan
international. Le secteur extractif qui est au cœur de l’économie internationale était
naturellement concerné, et ce à un double titre!: d’une part, les contrats pétroliers, miniers
gaziers mettent en jeu les intérêts du commerce international, d’autre part, la géopolitique
internationale est largement influencée par le contrôle de l’approvisionnement en énergie.
La CCI ne pouvait se désintéresser de cette composante essentielle des échanges
commerciaux internationaux qu’est l’industrie extractive. Cette dernière a vite perçu l’avantage
qu’elle pouvait tirer de l’expertise de la CCI.
Il s’agissait bien entendu de l’activité de politique économique de la CCI. Faire connaître aux
divers acteurs du commerce les spécificités, les contraintes, les besoins de l’industrie
extractive s’est imposé comme un passage obligé de la construction des échanges
internationaux.
Il s’agissait encore de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre des documents modèles!:
contrats, règles, clauses, codes de conduite, etc., établis par la CCI. Les règles Incoterms, les
règles uniformes pour les garanties et crédits documentaires, les clauses de force majeure et
hardship sont d’une grande utilité aux acteurs de l’industrie extractive.
Il s’agissait enfin de l’apport de la CCI à l’industrie extractive, en matière de règlement des
litiges. Compte tenu de l’évolution du contentieux des hydrocarbures et des mines, la CCI a su
adapter son offre en proposant une gamme variée de modes alternatifs de résolution des
conflits. Outre les techniques qu’elle a pu un temps qualifier d’ «!amiables!» - la médiation,
l’expertise, les Dispute Board-, la CCI propose un système d’arbitrage largement utilisé pour le
règlement juridictionnel des différends extractifs.
L’examen des statistiques récentes de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI montre que
les acteurs de l’industrie extractive reconnaissent sa compétence pour la résolution de leurs
litiges. Sur les cinq dernières années, les conflits relevant du secteur énergétique, dont font
partie les mines et les hydrocarbures, arrivent en deuxième position des demandes soumises à
la Cour. C’est indéniablement la preuve de la confiance des opérateurs quels qu’ils soient,
entreprises publiques, privées, Etats en un règlement d’arbitrage majoritairement utilisé dans
le cadre de différends commerciaux.
Au-delà des données quantitatives qui précèdent, les sentences CCI ont été d’un apport
notable à la construction des règles procédurales et matérielles relatives à l’arbitrage Etat –
investisseur du secteur extractif. Pour mémoire, l’on citera l’interdiction faite à un Etat de
s’abriter derrière sa législation pour contester la validité de la clause compromissoire.1 Si cette
règle est dorénavant consacrée en droit positif, tel n’était pas le cas dans le contexte des
années 1970, les chocs pétroliers ayant fortement crispé les relations internationales. En
s’efforçant de garantir l’efficacité des clauses compromissoires,2 la jurisprudence arbitrale CCI
a contribué à consolider la force obligatoire des engagements pris par l’Etat. Il en va de même
* Conseiller général de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI, Directeur adjoint du Service de Règlement des
Différends de la CCI, Professeur associé à l’Université Versailles Saint Quentin-en-Yvelines. [email protected]
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LE CONTENTIEUX EXTRACTIF
de l’influence des évènements imprévus,3 sachant que l’industrie extractive est par essence
particulièrement exposée à une multiplicité de facteurs perturbateurs. Ainsi, qu’il s’agisse de la
révision du prix,4 des clauses d’adaptation ou de la force majeure,5 les arbitres agissant sous
les auspices de la CCI ont élaboré des solutions originales qui constituent la lex petrolea,6 cette
branche particulière de la lex mercatoria.
Convaincu de l’utilité pédagogique et pratique de la connaissance des solutions données dans
ces sentences, la CCI assure annuellement la publication anonyme d’un nombre important de
décisions présentant une certaine originalité ou clarifiant un point de droit.
L’intérêt de la CCI pour les secteurs pétrolier, gazier et minier n’étant plus à établir, c’est sans
surprise que sa Cour s’associe au Journal Africain du Droit des Affaires (JADA) et à la
Fondation Maison Sciences de l’Homme (FMSH) pour concevoir cet ouvrage sur le
contentieux extractif. La collaboration de la CCI avec ces deux institutions trouve son sens
dans les objectifs de celles-ci!: la vulgarisation juridique du droit des investissements en
Afrique pour le JADA et la promotion d’études pluridisciplinaires internationales sur les
sciences humaines pour la FMSH.
Le présent ouvrage intitulé, «!le Contentieux extractif!» se veut être un ouvrage original, dense
et suscitant le débat.
L’originalité tient d’abord à la réunion en une seule publication de thématiques généralement
traitées de manière séparée. L’originalité tient également à la cohérence de la construction de
l’ouvrage!: l’étude des perturbations de l’activité extractive précède celle des conflits et des
modes de règlement de différends.
La densité procède de la profondeur recherchée des analyses qui tracent, sans a priori, des
perspectives. Ainsi, les textes ne sont jamais descriptifs, mais toujours portés vers l’analyse de
l’actualité dans le but d’anticiper les mutations futures.
Au moment où des découvertes de ressources naturelles importantes ont été faites, par
exemple dans le Golfe de Guinée, où de nouveaux hydrocarbures jusque-là quelques peu
délaissés sont exploités, où de nouvelles techniques d’extraction se font jour et se
généralisent, la rédaction d’un ouvrage, en Français, est un signal fort à l’attention des acteurs
du secteur et notamment de ceux de régions du monde majoritairement francophones.
Gageons que cet ouvrage comblera un vide et répondra aux attentes des lecteurs.
NOTES
1. Sentence CCI, affaire n° 1526, Lubelski c/ Gouv. Burundi, JDI 1974, p. 915, obs. Y. Derains.
2. Ph. Leboulanger, «!Quelques questions abordées dans les sentences CCI en matière de contrats d’État!», Bull.
CCI, vol. 15, n° 2, 2004, p. 101.
3. G. Block «!Arbitrage et changements du prix de l’énergie!: examen des sentences CCI au regard des clauses de
force majeure, d’indexation, d’adaptation, de hardship et de take-or-pay!», Bull. CCI 2009, vol. 20/2, p. 59.
4. Sentence CCI, affaire 13504, Bull. CCI 2009, vol. 20/2, p. 103.!; Sentence rendue en 1981, in S. Jarvin et Y.
Derains (dir), Recueil des sentences arbitrales de la CCI 1974-1985, Kluwer Law & Taxation/ICC Publishing,
1990, p. 440.
5. Sentence rendue en 1974, voir S. Jarvin et Y. Derains (dir), Recueil des sentences arbitrales de la CCI 1974-
1985, Kluwer Law & Taxation/ICC Publishing, 1990, 233!; Sentence rendue en 1976, voir S. Jarvin et Y. Derains
(dir), Recueil des sentences arbitrales de la CCI 1974- 1985, Kluwer Law & Taxation/ICC Publishing, 1990, p.
292.
6. D. Bishop, «!International Arbitration of Petroleum Disputes!: The Development of a Lex petrolea!», TDM 2004!; Th.
C. C. Childs, «!Update on Lex Petrolea!: The continuing development of customary law relating to international oil
and gas exploration and production!», Journal of World Energy Law and Business, 2011-3, vol. 4, p. 214
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GILLES LHUILIER
Introduction
Le contentieux extractif
Essai de définition
Gilles Lhuilier*
Que signifie l’expression «!contentieux extractif!»!? Qu’une unité de demandes singularise ce
contentieux du secteur extractif (gaz, mine, pétrole)!? Certainement pas, tant les litiges sont
de nature différente, contractuelle ou délictuelle, civile ou pénale, nationale ou internationale!!
Qu’une unité de juridictions compétentes pour trancher ces litiges consacre l’existence d’un
ordre juridique extractif!? Non plus, car tous les modes de résolution des litiges et tous les fors
du monde peuvent être compétents en matière extractive.
Il faut chercher l’unité du contentieux extractif dans les pratiques des acteurs qui peuvent
choisir le droit applicable à la procédure (forum shopping) mais aussi au fond du litige (law
shopping) et créent ainsi un espace de normes, un “espace normatif”.1 Ce droit transnational
extractif réalise ainsi un basculement du droit qui n’est plus réduit aux règles de droit créées
par les Etats et les institutions internationales voir les arbitres internationaux, mais est défini
comme le droit choisi par la Societas Petroleatorum ou Societas Extractivatorum des lawyers,
sociétés transnationales, Etats contractants, tiers aux contrats victimes de dommages,
Organisations Non Gouvernementales, etc. Reprenons-en guise d’introduction- ces
affirmations un peu abruptes!!
PREMIER CONSTAT%: LA DIVERSITÉ DES ACTIONS.
Le contentieux extractif peut naître en premier lieu entre les parties aux contrats extractifs. Les
litiges naissent alors entre des sociétés extractives transnationales et les Etats hôtes ou les
sociétés nationales gestionnaires des droits miniers dans le cadre de contrats internationaux
d’investissements. Ce contentieux est à titre principal un contentieux transnational
d’investissement relevant de l’arbitrage dit d’investissement, même si l’arbitrage commercial
international voire une juridiction étatique ou internationale peuvent aussi connaitre ce litige.
Créé pour fournir un forum «!politiquement neutre!», l’arbitrage d’investissement est désormais
mis en cause par des Etats et une société internationale qui lui reprochent d’ignorer l’ordre
public dont ils sont les garants. La sentence C.I.R.D.I (le centre international pour le règlement
des différends relatifs aux investissements) Occidental Petroleum du 5 octobre 2012 a été le
déclencheur de la crise actuelle. Bien que société Occidental Petroleum Corporation n’ait
respecté ni la loi ni le contrat extractif, le tribunal arbitral lui a cependant accordé une
réparation d’un montant de 1,769,625,000 de dollars américains que doit acquitter l’Equateur
pour la rupture du contrat qui en est résultée.2 Alors même que la sentence Occidental
Petroleum suscite l’adhésion de la doctrine,3 elle est a l’origine d‘un mouvement de
dénonciation des traités d’investissement et d’une demande faite par plusieurs Etats et
organisations internationales à l’Assemblée générale de l’O.N.U d’une norme impérative
régissant la responsabilité des entreprises transnationales.4
Le contentieux extractif est en second lieu un contentieux entre les tiers au contrat et les
parties au contrat.
Ce contentieux peut d’abord naître d’un litige entre un tiers victime de l’activité extractive et
une entreprise extractive ou l’Etat hôte. Ce contentieux extractif est alors un contentieux civil
ou pénal traditionnel, ou encore un contentieux transnational des droits de l’homme5 ou
encore un contentieux transnational de l’environnement, ou tous ces contentieux à la fois tel le
conflit qui oppose depuis vingt ans en Equateur le peuple Shuar6 qui a attrait avec un vrai
savoir faire diverses compagnies pétrolières devant des juridictions nationales, ou régionales —
la Cour Inter Américaine des Droits de l’Homme — ou des organisations internationales-
* Agrégé des facultés de Droit!; Professeur à l’Ecole Normale Supérieure-Rennes!; Visiting professor à l’ESSEC Paris- Singapour,
responsable scientifique du programme de recherche de la FMSH sur la mondialisation du droit. [email protected]
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