Table Of ContentLA VIE INTIME D'UNE REINE DE FRANCE AU 
XVIIe SIÈCLE 
 
 
PAR LOUIS BATIFFOL. 
 
 
 
 
 
 
PARIS - CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS
CHAPITRE PREMIER. — MARIE DE MÉDICIS. 
CHAPITRE II. — LA JOURNÉE D'UNE REINE. 
CHAPITRE III. — LA MAISON DE LA REINE. 
CHAPITRE IV. — LE MÉNAGE ROYAL. 
CHAPITRE V. — FAMILLE ROYALE ET PARENTS D'ITALIE. 
CHAPITRE VI. — LES AMIES DE LA REINE, LÉONORA 
GALIGAI. 
CHAPITRE VII. — ARTS ET ARTISTES. 
CHAPITRE VIII. — LES FINANCES DE LA REINE.
AVANT-PROPOS. 
 
Nous n'avons pas précisément cherché dans ce livre à tracer une psychologie 
complète de la reine Marie de Médicis ; il eût fallu, pour en réunir tous les 
éléments, considérer cette princesse dans sa vie publique et la suivre, après sa 
chute  du  pouvoir  en  1617,  jusqu'à  sa  mort.  Gomme  le  titre  de  l'ouvrage 
l'indique, nous nous sommes surtout proposé de décrire la vie intime d'une reine 
de France — de 1600 à 1617, le temps où Marie de Médicis est reine régnante et 
reine  régente  —  à  cette  époque  spéciale  du  début  du  XVIIe  siècle  où  une 
dynastie nouvelle, sortie à peine des guerres civiles, n'a pas encore eu le temps 
de laisser s'effacer les individualités princières sous le froid cérémonial d'une vie 
artificielle d'apparat. La Cour, à l'époque du règne d'Henri IV, et dans les années 
qui  suivent,  offre  un  mélange  pittoresque  de  maison  de  grand  seigneur,  de 
demeure  à  mise  en  scène  royale  et  d'intérieur  bourgeois.  Le  caractère  très 
personnel du roi lui a imposé un ton et une allure fort différents de ce qu'ils 
étaient sous les élégants Valois et de ce qu'ils seront sous le pompeux Louis XIV 
: il y avait intérêt à essayer de la reconstituer. Cette étude, en même temps 
qu'elle fait pénétrer dans une société vivante et originale, met en relief certains 
traits d'ordre plus général : elle montre comment le cadre de la cour de France, 
créé  lentement  à  travers  les  siècles  et  conservé  religieusement,  —  il  sera 
conservé  jusqu'à  la  fin  de  l'ancien  régime  moyennant  des  développements 
ultérieurs  nécessités  par  les  solennités  chaque  jour  grandissantes  de  la 
représentation. — témoigne du goût prédominant des hommes d'alors pour le 
maintien scrupuleux des traditions ; elle révèle qu'à travers les troubles et les 
désordres du XVIIe siècle, l'administration proprement dite est demeurée toute-
puissante avec son esprit de réglementation étroite, ses tendances formalistes, 
son  fonctionnement  méticuleux  et  exigeant  ;  elle  indique  que  la  royauté  en 
France, au début du XVIIe siècle, loin de réaliser la théorie du pouvoir absolu que 
reconnaissent les juristes du moment, est, au contraire, contenue de tous côtés 
par un ensemble de forces passives plus maîtresses en réalité de l'État que le roi 
lui-même,  au  nom  des  principes  invoqués  d'usages  séculaires  et  de  lois 
fondamentales du royaume. Ainsi des recherches dans le genre de celles dont le 
résultat est ici présenté n'ont pas seulement pour attrait de retrouver la vie 
d'autrefois dans ses détails même minutieux, elles contribuent surtout à faire 
connaître les institutions, les idées et les mœurs. C'est par des investigations 
ayant pour objet de reconstituer les milieux historiques, que l'histoire conduira à 
une intelligence plus nette des événements du passé. 
 
L. B.
CHAPITRE PREMIER. — MARIE DE MÉDICIS. 
 
Enfance triste de Marie de Médicis. — Mort de sa mère, de ses frère et sœur, 
second mariage de son père. — Demeurée seule, elle reçoit pour compagne la 
petite Léonora Galigaï. — Education sévère de Marie. — Son aspect physique 
à dix-sept ans ; beauté, santé. — Projets de mariage ; nombreux et brillants 
partis ; échecs successifs des combinaisons. — La princesse, préoccupée par une 
prédiction, veut être reine de France. — Emprunts perpétuels des rois de 
France aux grands-ducs de Toscane à cette époque. — Pour obtenir de l'argent 
Henri IV propose d"épouser Marie de Médicis. — Marchandage de la dot. — 
Cérémonie du mariage et voyage en France. — La nouvelle reine le lendemain 
de son mariage ; son caractère, résultant de son tempérament. — Sa gaieté, sa 
bonne grâce. — Elle est d'intelligence médiocre et d'humeur changeante ; sa 
nervosité. — Intégrité de ses mœurs. — Passion pour la magnificence ; 
libéralité. — Sa religion formaliste. — Dons et aumônes ; bonnes œuvres 
impersonnelles et obligatoires. 
 
Petite princesse de Toscane, élevée dans le palais Pitti que venait d'embellir 
l’Ammanati,  au  milieu  des  richesses  d'art  accumulées  par  sa  famille  et  des 
élégances réalisées par son père, Marie de Médicis avait eu une enfance triste. A 
peine âgée de cinq ans, en 15781, elle avait perdu sa mère, la pâle et délicate 
archiduchesse Jeanne d'Autriche, petite-fille de l’empereur Ferdinand, frère de 
Charles-Quint, peu intelligente, morte sous les brutalités de l'homme dur qu'elle 
avait épousé. Quatre enfants restaient en bas âge, un fils, Philippe, trois filles, 
Eléonore, Anne et Marie. Le père, François-Marie de Médicis, — qui, en 1574, 
avait succédé comme grand-duc de Toscane à Côme Ier, — prince vigoureux, 
violent,  doué  de  qualités  d'esprit  brillantes,  de  goûts  raffinés,  mais  égoïste, 
aristocrate, emporté dans ses sentiments jusqu'à la cruauté, perfide, vaniteux, 
cruel, une laide nature, était tout entier à des passions qu'il ne savait ni discuter 
ni modérer. Sa liaison avec la célèbre Bianca Capello avait été la fable de l'Italie 
et des cours étrangères ; deux mois après la mort de sa femme, il l'épousait ; 
puis, trop absolu pour supporter la présence de ses enfants, qui lui rappelaient 
des souvenirs importuns, il les installait au Pitti et se retirait dans la solitude de 
Pratolino  avec  Bianca,  s'enfermant,  ne  recevant  plus  personne,  occupé  à 
surveiller  l'accroissement  de  sa  fortune  qu'assuraient  des  galions  chargés  de 
                                       
1 Les contemporains ne sont pas tous d'accord sur la date de naissance de Marie de 
Médicis.  Palma-Cayet  (Chronologie  septennaire,  éd.  Michaud,  XII,  121),  le  Traité  de 
mariage  de  Henri  IIII,  roy  de  Navarre,  avec  la  sérénissime  princesse  de  Florence 
(Honfleur, J. Petit, 1600, in-8°, p. 23) la font naître en 1573 ; Mathieu de Morgues (les 
Deux faces de la vie et de la mort de Marie de Médicis, Anvers, Plantin, 1643, in-4°, p. 
33) en 1574 ; J.-B. Matthieu (Éloge historial de Marie de Médicis royne de France et de 
Navarre, Paris, G. Loyson, 1626, in-8°, p. 6) en 1576. Nous avons adopté la date de 
1573 fournie par les archives de Florence (cf. Riguccio Galluzzï, Histoire du grand-duché 
de Toscane, Paris, 1782, in-12°, V, 330). Lorsque l'enfant naquit, on crut quelque temps 
que c'était un garçon, et le peuple fit des feux de joie. Le grand-duc se consola en disant 
qu'il croyoit qu'elle seroit grande (P. Matthieu, Panégyrique sur le couronnement de la 
reine, Paris, P. Mettayer, 1610, in-12°, p. 20).
marchandises, des comptoirs de banque créés dans les principales villes d'Italie, 
des magasins trafiquant à son compte de diamants et de céréales1. Leur belle-
mère fut pour les enfants un objet de honte et de douleur. Marie de Médicis 
avouait plus tard qu'en voyant la veuve d'un bourgeois de Florence prendre la 
place de sa mère, elle ne pouvoit souffrir cet abaissement fait par le poids d'un 
amour déréglé ; le duc Gonzague de Mantoue écrivait à l'archiduc Ferdinand : Le 
grand-duc  n'a  pas  craint  sinon  d'abandonner  entièrement  ses  filles  à  cette 
femme  avilie,  du  moins  de  permettre  qu'elles  aillent  publiquement  ensemble 
avec  elle  dans  Florence.  Moins  d'un  an  après  la  mort  de  Jeanne  d'Autriche, 
Bianca Capello donnait des fêtes brillantes, bals, carrousels, tournois, chasses de 
taureaux et de bêtes fauves au filet, comédies, parties de campagne. Elle avait 
fait croire au grand-duc qu'un certain Antonio était leur fils, et le prince, pris de 
passion pour cet enfant, le comblait de faveurs, lui donnant des apanages de 
soixante mille écus, palais à Florence, maison aux champs, à la Magia ; il se 
préoccupait plus de suivre avec anxiété les fausses grossesses imaginées par 
Bianca de temps à autre que de savoir ce que devenaient ses filles au Pitti2. 
De cette période de sa vie, l'enfant qu'était Marie de Médicis ne garda que des 
impressions douloureuses. Hasards ou présages, le souvenir d'accidents terribles 
resta gravé dans sa mémoire et, soixante ans après, elle en parlait encore avec 
effroi ; la foudre était tombée trois fois dans sa chambre, une fois cassant les 
vitres,  une  seconde  fois  blessant  la  femme  de  chambre,  une  troisième  fois 
brûlant les rideaux du lit ; des tremblements de terre avaient par trois fois aussi 
secoué Florence et ébranlé le palais grand-ducal ; enfin un jour, près de Pise, se 
promenant au bord de la mer, la petite princesse avait manqué de se noyer. 
D'autres peines allaient encore et plus gravement l'attrister3. 
Chétif et d'une santé maladive, son frère Philippe mourait en 1583. Sa sœur 
Anne, plus âgée qu'elle de cinq ans, jeune fille vive et piquante, qui contribuait à 
donner quelque gaieté à leur petit groupe, était emportée assez brusquement le 
19 février 1584, après une fièvre causée par des saignements de nez prolongés ; 
elle avait quinze ans. Cette même année 1584 n'était pas achevée qu'Éléonore 
                                       
1 Bibl. nat., fonds italien, mss 272, 273, 344, 345, 348. On trouvera une intéressante 
image de François de Médicis dans la notice d'Eug. Plon (Notice sur un portrait en cire 
peinte de Francesco de Médicis, ouvrage de Benvenuto Cellini, offert par le prince à 
Bianca Capello ; Gazette des beaux-arts, 2e période, XXVIII, 279). Le caractère du 
grand-duc est naturellement adouci dans le livre de P. de Boissat (le Brillant de la royne 
ou les vies des hommes illustres du nom de Médicis, Paris, 1613, in-8°), dans celui de J.-
C.  Boulenger  (De  serenissimae  medicaeorum  familiae  insignibus  et  argumentis 
dissertatio, Paris, 1617, in-4°), moins dans celui de A. Castelnau (les Médicis, Paris, 
1879, in-8°). — Cf. Marc Noble, Memoires of the illustrious house of Medici, London, T. 
Cadell, 1797, in-8°. 
2 Sur Florence et les Médicis pendant l'enfance de Marie de Médicis, consulter Alfred von 
Reumont, Geschichte Toscane's seit dem Ende des florentinischen Freistaates, Gotha, F.-
A. Perthes, 1876, in-8°, p. 319. En ce qui concerne les sentiments de Marie de Médicis au 
sujet de Bianca Capello, voir les propos tenus par elle à M. de Morgues (les Deux faces 
de la vie et de la mort de Marie de Médicis, p. 21) ; cf. R. Galluzzi, Histoire du grand-
duché de Toscane, IV, 155. Nous allons plusieurs fois mentionner ce dernier travail. 
Judicieusement fait d'après les documents d'archives de Florence analysés, transcrits ou 
donnés par extraits, cet ouvrage ne paraît pas avoir été jusqu'ici suffisamment connu et 
apprécié des historiens. Nous nous servons de la traduction parue à Paris en 1782. 
3 M. de Morgues, les Deux faces de la vie et de la mort de Marie de Médicis, p. 21. A la 
sortie de l'enfance..., dit-il. Les faits lui ont été rapportés par la reine elle-même.
s'en allait, mariée au duc de Mantoue, et Marie de Médicis demeurait seule, à 
onze ans, sans mère, presque sans père, dans ce grand palais où l'étiquette la 
condamnait à demeurer enfermée le plus possible, n'ayant plus personne des 
siens qui l'aimât, qui pût l'élever et en qui elle eût confiance. 
La voyant isolée, l'entourage eut alors l'idée, avec l'approbation du grand-duc, de 
lui donner une petite compagne. On fit choix d'une enfant âgée de huit ans, plus 
jeune qu'elle de trois ans, qui se nommait Léonora Dori, et ensuite s'appela 
Galigaï.  C'était  une  fille  pas  jolie,  très  intelligente,  maigre,  brune,  petite, 
nerveuse, douée surtout d'un esprit endiablé, d'une gaieté entraînante, ce que, 
plus tard, son secrétaire appellera une humeur plaisante et bouffonesque1. D'où 
sortait-elle ? Les contemporains, dans vingt et trente ans, seront malveillants ; 
les uns la diront fille d'un menuisier, les autres d'un charpentier et d'une mère 
diffamée  ;  la  tradition  s'établira  qu'elle  était  fille  de  basse  naissance,  aussi 
dépourvue  d'éducation  que  dénuée  des  grâces  de  son  sexe.  L'impopularité 
extrême dont elle a joui doit mettre en garde contre ces informations. Interrogée 
à son procès en 1617 sur son état civil, Léonora déclarera que sa mère s'appelait 
Catherine de Dori ; qu'elle n'a pas connu son père, lequel était gentilhomme 
florentin. La cour d'Henri IV, sollicitée en 1600 d'accepter Léonora comme dame 
d'atour  à  Paris  et  interrogeant  pour  savoir  si  elle  était  en  mesure,  par  ses 
origines,  de  pouvoir  monter  dans  les  carrosses  de  la  reine,  recevra  comme 
réponse que l'amie de Marie de Médicis est de bonne bourgeoisie et qu'à Florence 
bonne bourgeoisie vaut noblesse2. 
Les deux petites filles s'entendirent très bien. Fine, adroite, prudente, Léonora 
s'attacha à sa maîtresse, s'appliquant à être très complaisante, très diligente à la 
suivre et à faire ce qui estoit de sa volonté, à l'amuser. Abandonnée, ainsi qu'elle 
l'était, ne vivant, retirée dans son palais, qu'entourée de grandes personnes un 
                                       
1 Tallemant des Réaux, tout en lui trouvant les traits du visage beaux, la déclare laide à 
cause de sa grande maigreur (Historiettes, éd. Paulin Paris, in-8°, I, 200). Un curieux 
dessin conservé à la réserve du Cabinet des Estampes ne laisse aucun doute sur cette 
laideur. L'expression humeur plaisante et bouffonesque se relève dans la déposition faite 
au procès de Léonora par son secrétaire André de Lizza (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 
221, fol. 411 r°). 
2  C'est  l'ambassadeur  vénitien  Angelo  Badoer  qui  la  dit  fille  d'un  falegname,  d'un 
menuisier  (Relazione  di  Francia,  1613-1615,  dans  N.  Barozzi,  Relazioni  degli  Stati 
Europei,  II,  Francia,  I,  p.  112).  —  Voir  aussi  le  Mercure  français  (1617,  p.  233)  ; 
Bassompierre (Remarques sur les vies des rois Henri IV et Louis XIII, Paris, 1665, in-12°, 
p. 286), lequel donne des détails, disant que le menuisier en question travaillait aux 
ordres d'un ingénieur aimé du grand-duc, et sollicita de celui-ci pour sa fille la place 
qu'elle eut. Mais on a donné également un menuisier pour père à Concini et à de Luynes 
(Extrait de l'inventaire qui s'est trouvé dans les coffres de M. le chevalier de Guise, 1615, 
dans E. Fournier, Variétés hist. et litt., V. 362). Une chanson satirique composée en 1617 
contre Léonora dit : 
J'estois fille d'un mercier, 
Mon mari d'un menuisier 
(dans les Uniques et parfaites amours de Galigaia et de Rubico, éd. Tricotel, Paris, 1883, 
in-12°, p. 42). Galluzzi (V, 362), généralement bien informé, se fait l'écho des rancunes 
des Florentins contemporains de la régence de Marie de Médicis, très montés contre leur 
compatriote. Il rabaisse l'origine de celle-ci. Tallemant des Réaux (Hist., I, 197) la croit 
femme de chambre, fille de basse naissance. Contarini la dit fille de la nourrice de Marie 
de Médicis (Barozzi, Relazioni, II, 1, 557), ce qui est inexact ; nous connaissons par 
ailleurs la famille de la nourrice de Marie de Médicis (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 86, 
fol. 88 r°, et Bassompierre, op. et loc. cit.).
peu austères pour elle, Marie se prit d'affection pour la compagne dévouée qui 
ne cherchait qu'à lui faire plaisir, lui faisoit passer le temps, lui servoit de conseil, 
et ainsi se fonda cette faveur que l'habitude ensuite ne devait que fortifier et qui 
allait durer jusqu'à la mort1. 
Le grand-duc François, pris d'une fièvre violente, mourut brusquement le 19 
octobre 1587, jeune encore, — quarante-sept ans, — et le lendemain, quelques 
heures après, Bianca Capello le suivait, double mort mystérieuse qui excita les 
soupçons des Florentins, mortels ennemis de leur grand-duc. La disparition de 
son père allait modifier le sort de Marie. A défaut d'héritier mâle, le grand-duché 
de Toscane revenait au frère de François, Ferdinand, cardinal-diacre de la sainte 
Eglise romaine. Ferdinand abandonna la pourpre, prit le pouvoir. Fort et épais 
comme son frère, bien qu'il n'eût encore que trente-huit ans, pas distingué de 
formes, mais bon, libéral, aussi modéré et bienveillant que François avait été dur 
et sec, d'un naturel jovial et d'un entretien agréable, Ferdinand aima sa nièce 
comme sa fille. Le 30 avril 1589, il épousait Christine, princesse de Lorraine, 
nièce  de  Catherine  de  Médicis,  qui  avait  elle-même  négocié  ce  mariage. 
Christine, ou Chrétienne, avait seize ans, le même âge que Marie de Médicis2. 
L'arrivée à Florence de cette jeune grande-duchesse fit reprendre au Pitti l'air de 
fête et de gaieté qu'il avait perdu depuis longtemps. La parité des âges de la 
tante et de la nièce était un avantage ; elle était aussi un inconvénient, en raison 
de la difficulté pour les princesses de conserver les distances entre elles3. Des 
fêtes somptueuses marquèrent les premiers temps du séjour de Christine ; ce 
furent des galas au Pitti comme jamais Marie n'en avait vus. Ferdinand était plein 
de bonté pour Marie, Christine se montrait gracieuse. Les enfants, deux fils, une 
fille, allaient bientôt absorber le temps et les affections de celle-ci. 
L'éducation de Marie de Médicis avait été confiée par le grand-duc François à 
madame Orsini, une Romaine. Sévère, étroite d'idées, madame Orsini, — d'elle-
même ou par ordre, — s'était appliquée à tenir sa jeune élève dans la retraite la 
plus absolue ; elle ne lui laissait voir personne, veillait à ce que Marie ne sût rien 
de la politique et des affaires, la suivoit attentivement. La petite princesse de 
Toscane y gagna de ne pas connaître les usages du monde, mais, en retour, on 
lui prêcha la docilité et le respect à l'égard de son père, celui-ci mort, à l'égard 
                                       
1 Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 221, fol. 207 v°, 410 v°. Marie de Médicis tutoyait 
Léonora (Louise Bourgeois, Récit véritable de la naissance de messeigneurs et dames les 
enfans de France, Paris, M. Mondière, 1625, p. 26). 
2 Christine était petite-fille de Henri II par sa mère Claude de France, qui avait épousé 
Charles II, duc de Lorraine ; elle fut élevée par Catherine de Médicis, laquelle l'aimait 
beaucoup. Ce fut un Gondi qui négocia le mariage en 1588. On trouve l'original du 
contrat de mariage de Christine et de Ferdinand dans le ms. Dupuy 98, fol. 183 de la 
Bibl. nat. — Voir G.-E. Saltini, à propos de la mort du grand-duc François, Tragedie 
medicee  domestiche,  1557-1587,  Firenze,  G.  Barbera,  1898,  in-16°.  L'imagination 
populaire a fait une large place aux poisons et aux assassinats dans l'histoire des Médicis 
(M. de Morgues, op. cit., p. 14). — Sur la valeur politique du grand-duc Ferdinand, 
consulter  G.  Uzielli,  Cenni  storici  sulle  imprese  scientifiche,  marittime  e  coloniali  di 
Ferdinand I, granduca di Toscana, 1587-1609. Le ms. italien 189 de la Bibl. nat. contient 
une vie de ce prince. 
3 Il y eut plus tard des froissements (Arch. de Florence. Filz IV, ind. II. Lettre de Marie 
de Médicis au grand-duc, du 15 juillet 1603, pleine de récriminations contre sa jeune 
tante).
de son oncle et de sa tante1. Pour les études, comme il fallait quelque émulation, 
on lui adjoignit, parle commandement du grand-duc François, Antonio, le fils de 
Bianca, puis un cousin, Virginio Orsino, fils du duc de Bracciano et d'Isabelle de 
Médicis. Antonio était trop haï, en raison de son origine, pour produire quelque 
impression sur Marie de Médicis ; il n'en fut pas de même de Virginio ; de cette 
camaraderie,  née  de  bonne  heure,  devait  éclore  un  sentiment  plus  tendre, 
réciproque,  semble-t-il,  mais  qui  n'alla  jamais,  chez  la  princesse,  jusqu'à  la 
passion. Qu'y eut-il entre eux ? On ne le sait pas bien ; et, sans une indiscrétion 
de Christine, la tante, des jalousies aiguës d'Henri IV et des propos légers de la 
cour de France, plus tard, on ignorerait cette idylle incertaine des deux jeunes 
gens2. 
François de Médicis avait prescrit que sa fille reçût toute l'instruction désirable en 
ce temps. On ne lui apprit pas cependant le français. En revanche, les notions 
des arts lui furent enseignées d'une manière pratique. Le grand-duc était un 
savant  et  un  artiste  ;  il  était  botaniste,  chimiste,  lapidaire  ;  il  faisait  de  la 
peinture et de la porcelaine, notamment de l'imitation de la porcelaine chinoise ; 
il s'entendait merveilleusement aux pierres précieuses. Par goût personnel hérité 
de son père, Marie se mit avec ardeur à la peinture, à l'architecture, la musique, 
la sculpture et la gravure. Elle devait plus tard donner à Philippe de Champaigne 
un dessin gravé par elle, probablement à ce moment ; ce dessin existe encore : 
il  autorise  à  penser  que  le  maître  de  la  princesse  collaborait  notablement  à 
certaines œuvres trop achevées de son élève pour être d'un enfant amateur3. 
Comme le grand-duc, elle s'adonna aussi aux pierreries, sut de bonne heure 
discerner  les  vraies  des  fausses  et  s'éprit  pour  les  parures  en  joyaux  d'une 
passion dont on devait, jusqu'à sa mort, constater les dispendieux effets. Elle eut 
                                       
1  R.  Galluzzi,  V.  330.  Francesca  Orsini  était apparentée  aux  Médicis  par  le  duc  de 
Bracciano, dont il va être question (P. Litta, Famiglie celebri italiane, Milano, 1844, t. 
VII). 
2 Virginio avait un frère qui fut élevé avec  Éléonore, sœur de Marie. Virginio avoit 
toujours esté amoureux d'elle (de Marie) et on disoit qu'elle aussi témoignoit de ne l'avoir 
pas  haï  (Bibl.  nat.,  ms.  fr.  3445,  fol.  39  v°).  —  Cf.  Sully,  Économies  royales,  éd. 
originale, II, 20 ; princesse de Conti, Hist. des amours de Henri IV, Paris, 1664, p. 68 : la 
lettre plus haut citée de Marie de Médicis au grand-duc du 15 juillet 1603. 
3 François de Médicis avait une imprimerie particulière où il imprimait des livres en 
langue étrangère (Épistres françoises des personnages illustres et doctes à M. de la 
Scala, Harderwyck, H. Laurens, 1624, in-12°, p. 378). Scaliger conteste sa moralité 
(Scaligeriana, éd. de 1669, p. 243). Les détails sur l'éducation de Marie de Médicis sont 
donnés par J.-B. Matthieu, Éloge historial de Marie de Médicis, p. 7-8 ; M. de Morgues, 
les Deux faces de la vie et de la mort de Marie de Médicis, p. 13. — Jusqu'ici, les 
biographes de Marie de Médicis ne paraissaient rien savoir de l'enfance et de la jeunesse 
de  la  princesse  (voir  par  exemple  :  Thiroux  d'Arconville,  Vie  de  Marie  de  Médicis, 
princesse de Toscane, Paris, Ruault, 1774, 3 vol. in-8° ; Pardoe, The life of Marie de 
Médicis, London, Colburn, 1852, 3 vol. in-8° ; B. Zeller, Henri IV et Marie de Médicis, 
Paris, Didier, 1877, in-12°). Le dessin gravé sur bois par Marie de Médicis, dont nous 
parlons, porte écrit au bas (Cabinet des Estampes. Ad 13, Rés.) : La planche de cette 
estampe a été gravée par la reyne Marie de Médicis, qui la donna à M. Champagne dans 
le temps qu'il la peignoit ; lequel Champagne a escrit derrière la planche ce qui suit : Ce 
vendredi 22 de febvrier 1629, la royne mère Marie de Médicis m'a trouvé digne de ce 
rare présent fait de sa propre main (signé : Champaigne). L'épreuve porte en effet gravé 
: M. de Med. fecit. Une note manuscrite ajoute que la reine aurait exécuté ce travail à 
l'âge de quatorze ans. C'est une gravure sur bois. L'œuvre est trop remarquable pour 
être entièrement d'une enfant.
également  du  goût  pour  les  mathématiques.  Sous  le  règne de  Ferdinand,  le 
théâtre et la musique, très à la mode à la cour grand-ducale, furent l'objet de 
ses préférences : c'était le temps où les musiciens Jacobo Péri et Julio Gaccini 
composaient de véritables opéras et où Octavio Rinuccini mettait en musique la 
pastorale de Daphné. 
Vers dix-sept ans, elle était devenue une grande et blonde jeune fille, très bien 
portante, un peu grasse, sinon forte, agréable de fraîcheur et d'éclat, régulière 
de traits, — sans être positivement jolie, — saine et vivante. Sa figure trahissait 
sa double origine : la mère autrichienne, le père Médicis ; de sa mère, elle avait 
le bas du visage, le menton avançant des Habsbourg, l'ovale assez pur, les lèvres 
légèrement accusées, pas très distinguées, le nez fin et bien dessiné ; du père, 
elle tenait le front large et beau, le regard droit et ferme, l'ensemble assuré de la 
bonne  bourgeoise  qui  a  de  la  fortune.  Mais  hélas  !  de  la  mère  elle  gardait 
l'intelligence  insuffisante  et  du  père  aussi  la  volonté  tenace,  deux  traits  qui, 
réunis, ne donnent que de l'entêtement. Gracieuse, aimable, souriante, Marie 
était une princesse dont le regard et le front annonçaient une personne un peu 
bornée et têtue ; on s'en rendit compte de bonne heure1. 
Il fut très tôt question de la marier. Riche héritière de ces gros commerçants et 
banquiers qu'étaient les Médicis, elle constituait un parti royal. Ferdinand, son 
oncle, attentif à suivre une politique susceptible de lui procurer les profits les 
meilleurs, entendait bien ne la placer qu'aux conditions les plus avantageuses et 
ne  la  céder  que  contre  espérances  politiques  larges  et  sûres.  Un  instant, 
l'aventure de Virginio avait  inquiété. De cinq ans plus âgé  que la princesse, 
Virginio  n'avait-il  pas  osé,  comme  l'écrira  plus  tard  Sully,  concevoir  des 
espérances  par-dessus  sa  condition  ?  Christine  avait  dû  défendre  au  jeune 
homme d'adresser la parole à Marie et le faire surveiller. Mais Marie ne voulait 
pas de lui. 
Il y eut pour elle une longue série de négociations diverses projetées, étudiées et 
rompues. Dès son avènement au trône, en 1587, Ferdinand, mal assuré encore 
de ses moyens, songeait à une union avec le fils du duc de Ferrare ; Marie avait 
quatorze ans. L'idée n'eut pas de suite. Informées que le grand-duc pensait à un 
mariage, les cours étrangères s'agitèrent. Un gouvernement paraissait surtout 
préoccupé,  c'était  celui  du  roi  d'Espagne,  à  qui  il  importait  que  les  trésors 
accumulés à Florence n'allassent pas, grâce à une alliance dangereuse, soutenir 
les entreprises de quelque adversaire politique. Il mit à suivre tous les projets, à 
les contrecarrer, à en proposer une persévérance inlassable. L'insuccès de la 
combinaison avec Ferrare établi, il insinua la sienne, un mariage avec le prince 
de Parme, Farnèse ; mais il s'était mal informé ; Farnèse avait des vues ailleurs 
et  déclina.  L'année  suivante,  en  1589,  il  revint  à  la  charge  et  présenta  un 
nouveau candidat, le duc de Bragance. Cette fois, ce fut Ferdinand qui refusa. La 
grande-duchesse Christine, de son côté, pensait à un prince français de la famille 
                                       
1  Il  y  a  un  beau  portrait  de  Jeanne  d'Autriche  aux  Offices  de  Florence  ;  elle  est 
représentée avec son fils Philippe ; l'auteur de cette toile n'est pas identifié. Le tableau 
de Rubens au Louvre, donnant la mère de Marie de Médicis, est tout à fait insuffisant au 
point de vue iconographique. De Marie de Médicis elle-même, à l'âge que nous venons de 
dire, existe un très intéressant portrait en buste de Scipione Pulzone, actuellement au 
Pitti. La physionomie, bien rendue par le peintre, est caractéristique. Les représentations 
du grand-duc François, comme celles de tous les Médicis, sont nombreuses (Eug. Müntz, 
le Musée de portraits de Paul Jove, dans Mém. de l'Acad. des inscr. et belles-lettres, t. 
XXXVI, 2e série, 1898, p. 326-331).
de Lorraine, M. de Vaudémont1 ; elle fut un peu surprise en se heurtant à un 
refus énergique de Marie de Médicis. Qu'était-ce à dire ? On accusa la petite 
confidente  de  la  princesse,  Léonora,  d'avoir  donné  de  fâcheux  conseils  ;  les 
explications furent embarrassées ; il y eut une scène, et Léonora manqua d'être 
chassée. Ferdinand conçut alors un brillant projet : c'était de donner sa nièce à 
l'archiduc héritier de l'empereur Mathias, frère de Rodolphe II, et qui, veuf de 
l'archiduchesse Maximilienne-Grégoire, ne se refusait pas à convoler en secondes 
noces.  Le  grand-duc  tenta  l'impossible  pour  y  arriver,  insinuations,  artifices, 
flatteries, cadeaux au gouverneur du prince, le marquis de Dénia, bassesses 
même ; rien n'aboutit. Entre temps, le roi d'Espagne réapparaissait, offrant une 
seconde fois Bragance ; mais Bragance n'était pas prince régnant, et le grand-
duc déclara qu'il ne pouvait accepter pour sa nièce un personnage réduit à l'état 
de  particulier  ;  il  prétendait  la  placer  dans  un  rang  au-dessus  même  de  sa 
naissance  et  lui  ménager  un  parti  plus  avantageux.  Sur  quoi,  l'empereur 
Rodolphe, réflexion faite, se ravisait, demandait Marie de Médicis soit pour lui-
même, soit pour son frère l'archiduc héritier et envoyait un conseiller, Corradino, 
à Florence afin de négocier. Ferdinand était enchanté. On convint du contrat ; la 
jeune fille aurait 600.000 écus si elle épousait l'empereur, 400.000 si elle prenait 
l'archiduc ; puis Corradino ajouta que, quant à la date du mariage, on ne pouvait 
pas la fixer, qu'il fallait attendre la paix et autre chose. Après des tergiversations 
bizarres, le grand-duc comprit qu'on se moquait de lui, qu'on allait le tenir en 
suspens  tant  qu'il  y  aurait  intérêt  pour  l'empereur  à  ce  que  la  princesse  de 
Toscane  n'épousât  pas  quelque  adversaire  et  que,  les  difficultés  passées,  on 
romprait. Outré de colère, il reprit sa parole. Marie de Médicis ne tenait pas à ce 
mariage2. 
Elle avait, elle, son idée. Certaine religieuse, célèbre à ce moment en Italie par 
sa sainteté, la Passitea, capucine habitant Sienne, où elle avait fondé un grand 
monastère des aumônes qu'on lui donnait, ayant eu une fois l'occasion de la voir, 
lui avait prédit d'un ton singulier qu'elle serait un jour reine de France. Cette 
prédiction  l'avait  vivement  frappée.  Léonora,  ambitieuse  et  intelligente  pour 
deux, n'avait pas eu de difficulté à la convaincre qu'elle ne devait attendre que 
cette couronne. Lui avait-elle déconseillé tous les autres partis ? On en était 
convaincu à Florence, et la grande-duchesse lui en voulut vivement ; on le lui 
reprocha  plus  tard  à  son  procès  et  elle  s'en  défendit  gauchement.  Ses 
                                       
1 Maintenant, ô très vertueuse reine, l'on a tant parlé de vous, avec égale louange et 
envie, non seulement en Italie et en Allemagne, mais aussi en Angleterre et en Espagne, 
que vous avez été la continuelle matière de tous les discours qui se sont fait depuis dix 
ans en çà, es cours impériales et royales quand on parloit de quelque grand mariage 
(Harangue  du  cavalier  Philippe  Cavriana  à  Marie  de  Médicis  à  son  département  de 
Toscane, Paris, Morel, 1600, in-12°, p. 11 ; traduction de G. Chappuys). — Matthieu, 
Éloge historial de Marie de Médicis, p. 8. — Tout ce qui concerne les projets de mariage, 
dont nous résumons les péripéties, est conté par R. Galluzzi, d'après les archives de 
Florence (Histoire du grand-duché de Toscane, t. V, p. 5. 17, 63, 281, 318, 323). 
2 Voir sur ces faits : la déposition d'A. de Lizza au procès de Léonora en 1617 (Bibl. nat., 
Cinq-Cents Colbert 221, fol. 411 r°). Lui a dit la maréchale que la grande-duchesse de 
Florence,  ayant  voulu  marier  ladite  dame  royne  avec  Monsieur  de  Vaudémont,  elle 
déconseilla à ladite dame royne ledit mariage et fit tant qu'il fut rompu, lui disant qu'il 
falloit qu'elle fût mariée en France ou en Espagne, et pour cet effet la grande-duchesse la 
voulut chasser hors du service de ladite dame royne ; Gindely, Rudolph II und seine Zeit, 
Prague, 1863-1865, 2 vol. in-8° ; R. Galluzzi, V, 330. Richelieu (Mém., I, 7) dit que Marie 
de Médicis refusa la couronne impériale.
Description:Cette annuité s'élevait encore à 100.000 livres en 1612  Son affliction profonde devant les propos et les menaces de la maîtresse. — Sa révolte.