Table Of ContentLa théorie de l’intégration conceptuelle appliquée à la
métaphore et la métaphore filée
Philippe Gréa
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Philippe Gréa. La théorie de l’intégration conceptuelle appliquée à la métaphore et la métaphore filée.
Linguistique. Université de Nanterre - Paris X, 2001. Français. NNT: . tel-00813135
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UNIVERSITE DE PARIS X NANTERRE
UFR : LLPHI
ECOLE DOCTORALE : Connaissance et Culture
THESE
Pour l’obtention du
DOCTORAT NOUVEAU REGIME
Discipline : Sciences du langage
Présentée et soutenue publiquement
par
M. Philippe Gréa
Le 30 novembre 2001
La théorie de l’intégration
conceptuelle appliquée à la métaphore
et la métaphore filée
Directeur :
Bernard Laks, professeur à l’université de Paris X Nanterre
Jury :
Pierre Cadiot, professeur à l’université de Paris 8 Vincennes à Saint Denis
Georges Kleiber, professeur à l’université de Strasbourg
Bernard Laks, professeur à l’université de Paris X Nanterre
Danielle Leeman, professeur à l’université de Paris X Nanterre
Yves-Marie Visetti, chargé de recherche au CNRS
Remerciements
Je tiens à remercier Nathalie Gasiglia, Laurent Roussari, Ali Tifrit, Marianne Desmets,
Florence Villoing, Atanas Tchobanov, Frédéric Gobert, Emmanuel Rubiot, Dessislava
Savova. La plupart ont bien voulu relire une partie du présent travail et m’ont fait bénéficier
de leurs remarques. Certains d’entre eux ont eu un impact décisif dans l’évolution de ma
recherche.
Je remercie aussi les membres du groupe d’Aubeterre - Montrouge, avec qui j’ai eu le
plaisir de discuter de mon sujet. De telles discussions m’ont été extrêmement profitables :
François Nemo, Bernard Victorri, Yves-Marie Visetti, Franck Lebas, Dominique Legallois.
Mes remerciements vont aussi à François Rastier, avec qui j’ai eu plusieurs échanges qui
m’ont permis d’avancer rapidement dans ma compréhension des phénomènes traités ici.
Je remercie également George Kleiber et Danielle Leeman qui ont bien voulu faire partie
de mon jury.
Ce travail doit beaucoup à Pierre Cadiot qui a considérablement influé sur mon évolution
scientifique. Ses travaux et les discussions qu’il m’a accordées ont beaucoup contribué à ma
formation au métier de chercheur. Je l’en remercie.
C’est sous la direction de Bernard Laks que j’ai franchi les étapes importantes du cursus
universitaire. J’ai donc pu constater par moi-même sa détermination à soutenir les étudiants
dont il a la responsabilité, soutien dont il m’a fait bénéficier sans cesse durant ces sept années.
Je l’en remercie.
Table des matières
REMERCIEMENTS 2
TABLE DES MATIERES 3
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION 7
1.1 LA METAPHORE : UNE DOUBLE INSTABILITE 7
1.2 UN EXEMPLE : LE VERBE ORCHESTRER ET SES EMPLOIS 9
1.3 PLAN DU TRAVAIL 14
PREMIERE PARTIE : LES THEORIES DE LA METAPHORE 25
CHAPITRE 2 : LES APPROCHES DISTINCTIVES 27
2.1 UN PROBLEME EPISTEMOLOGIQUE 27
2.2 LA RHETORIQUE DE FONTANIER 29
2.2.1 UNE OPPOSITION CENTRALE : FIGURE VERSUS CATACHRESE 29
2.2.2 LES CATACHRESE “DANS LA VIE QUOTIDIENNE” 30
2.2.3 CATACHRESE ET POLYSEMIE 31
2.2.4 CATACHRESE ET EXTENSION 32
2.2.5 LA METAPHORE : TENSION ET DOUBLE SENS 35
2.2.6 LES LIMITES DES CRITERES EXTENSION / TENSION 36
2.2.7 LES CONSEQUENCES SUR LE CORPUS METAPHORIQUE 39
2.3 LA GRAMMAIRE COGNITIVE ET LA NOTION DE SCHEMATICITE 40
2.3.1 UN EXEMPLE : LE CAS DES VERBES DE MOUVEMENT 40
2.3.2 SCHEMATICITE ET PARAMETRISATION 42
2.3.3 LA METAPHORE : UN RAPPORT DE SCHEMATICITE PARTIELLE 44
2.3.4 QUELQUES PRECISIONS SUR LA SCHEMATICITE EN GRAMMAIRE COGNITIVE 48
2.4 LA COMMUTATION PARAPHRASTIQUE 50
2.4.1 POLYSEMIE ET PARAPHRASE 50
2.4.2 UN CRITERE DE CLASSIFICATION 51
2.5 CONCLUSION 56
CHAPITRE 3 : LES APPROCHES NON DISTINCTIVES 61
3.1 LA THEORIE DE LA METAPHORE CONCEPTUELLE ET LA NOTION DE PROJECTION 61
3.1.1 CONCEPT METAPHORIQUE ET PROJECTION 61
3.1.2 LA METAPHORE D’ORIENTATION 63
3.1.3 LES METAPHORES ONTOLOGIQUES 65
3.1.4 LES METAPHORES STRUCTURALES 66
3.1.5 LA SYSTEMATICITE METAPHORIQUE 70
3.2 LES DEUX POLES DE L’ANALYSE COGNITIVE 72
3.2.1 APPROCHE DISTINCTIVE ET NON DISTINCTIVE 72
3.2.2 SCHEMA ET SUBSTRAT EXPERIENTIEL 74
3.3 METAPHORE ET PRAGMATIQUE 76
3.3.1 INTRODUCTION 76
Table des matières
3.3.2 UNE GRADUATION DES EMPLOIS : LITTERAL ET MOINS QUE LITTERAL 77
3.3.3 LA PERTINENCE 84
3.3.3.1 L’inférence 84
3.3.3.2 Pertinence et optimalité 91
CHAPITRE 4 : LES APPROCHES TEXTUELLES 93
4.1 LA SEMANTIQUE INTERPRETATIVE 93
4.1.1 QUELQUES ELEMENTS DE THEORIE COMPONENTIELLE 93
4.1.2 LA DEFINITION DES CLASSES SEMANTIQUES 96
4.1.3 ISOTOPIE ET THEMATIQUE 98
4.1.3.1 L’isotopie générique 98
4.1.3.2 L’isotopie spécifique 102
4.1.4 LA LECTURE 102
4.1.5 L’IMPRESSION REFERENTIELLE 103
4.2 LA SEMANTIQUE INDEXICALE 104
4.2.1 CONTRE LA PREPONDERANCE D’UNE LOGIQUE D’APPARTENANCE 104
4.2.2 LES PROPRIETES EXTRINSEQUES 107
4.2.3 LOGIQUE DE CONFORMITE ET METAPHORE 109
4.2.4 SECONDE PERIODE : MOTIF, PROFIL, THEME 110
4.2.4.1 Les motifs 111
4.2.4.2 Sémantique indexicale et sémantique interprétative : la question du motif 114
4.2.4.3 Le profilage 116
4.2.4.4 La thématique 117
4.2.5 LES EMPLOIS : UN CONTINUUM DETERMINE PAR L’INTERACTION DES STRATES DE LA
SIGNIFICATION 118
4.3 L’INTEGRATION CONCEPTUELLE 119
4.3.1 INTRODUCTION - QUELQUES EXEMPLES 119
4.3.1.1 Creuser sa propre tombe 121
4.3.1.2 Ce chirurgien est un boucher 125
4.3.2 LES PRINCIPES DE L’INTEGRATION 128
4.3.2.1 Espaces et projections 128
4.3.2.2 La composition 133
4.3.2.3 L’achèvement 136
4.3.2.4 L’élaboration 137
4.3.2.5 Les spécificités formelles de la métaphore 137
4.3.3 LES PRINCIPES D’OPTIMALITE : L’INTEGRATION CONCEPTUELLE COMME MECANISME
REGULATEUR 142
4.3.4 POSITIONNEMENT THEORIQUE DE L’INTEGRATION CONCEPTUELLE 147
4.3.4.1 Intégration conceptuelle et sémantique cognitive 147
4.3.4.2 Intégration conceptuelle et pragmatique 148
SECONDE PARTIE : DELIMITATION DE L’OBJET 151
CHAPITRE 5 : VERS UNE AUTRE PARTITION DES EMPLOIS 153
5.1 UNE LOGIQUE D’INTEGRATION : LA THEMATISATION 153
5.1.1 INTRODUCTION 153
5.1.2 LES LIMITES DE LA THEORIE DE LA METAPHORE CONCEPTUELLE 154
5.1.3 L’INTEGRATION CONCEPTUELLE : UN AUTRE TYPE DE COHERENCE 158
5.1.4 LES PRINCIPES D’OPTIMALITE A L’ŒUVRE 164
5.1.5 LA THEMATISATION : UNE PREMIERE EBAUCHE 166
5.2 UNE LOGIQUE DE CONFORMITE : LE MOTIF SEMANTIQUE 170
5.2.1 ESPACE GENERIQUE ET ESPACE D’ENTREE : PREMIER RETOUR A LA BOUCHERIE 170
- 4 -
Table des matières
5.2.2 LA QUESTION DE L’ESPACE GENERIQUE 173
5.2.3 LA QUESTION DES ESPACES D’ENTREE 178
5.2.3.1 Le cas du verbe blinder et de son participe passé employé comme adjectif 179
5.2.3.2 Les formes sémantiques du blindage 181
5.2.3.3 Le contre argument de Kleiber 189
5.2.4 CONCLUSION 193
5.3 SEMANTIQUE ET COGNITIVISME 194
5.3.1 LE PARCOURS INTERPRETATIF : SECOND RETOUR A LA BOUCHERIE 194
5.3.2 ESPACE MENTAL ET ISOTOPIE SEMIQUE 197
5.3.3 DYNAMIQUE DE PROPAGATION ET PROJECTION CONCEPTUELLE 200
5.3.4 ESPACE INTEGRANT ET LECTURE 204
CHAPITRE 6 : THEMATISATION ET METAPHORE FILEE 207
6.1 DEUX DYNAMIQUES DE CONSTRUCTION DU SENS 207
6.1.1 PREMIERE OPTION : ON-LINE VERSUS ENTRENCHED 209
6.1.2 SECONDE OPTION : CONFORMITE VERSUS INTEGRATION 212
6.2 LE PROBLEME DE L’INDETERMINATION 219
6.2.1 L’EXPERIENCE DE FRASER 219
6.2.2 L’INDETERMINATION, OU LA SPECIFICITE FORMELLE DES ENONCES ABSURDES 221
6.2.2.1 Les asémantismes 221
6.2.2.2 Les énoncés absurdes 223
6.2.2.3 L’absurdité : une métaphore avec des espaces initiaux lacunaires 226
6.3 DES DIFFERENTS MOYENS DE CONTRUIRE LES ESPACES INITIAUX 228
6.3.1 LA METAPHORE FILEE 228
6.3.1.1 Thématisation et indétermination 228
6.3.1.2 La thématisation : quelle formalisation ? 231
6.3.1.3 Thématisation et métaphore filée 237
6.3.1.4 Toute métaphore est une métaphore filée 243
6.3.2 LA MISE A L’ECHELLE 245
6.4 PREMIER CLASSEMENT GENERAL DES EMPLOIS 249
TROISIEME PARTIE : PROPRIETES - FORMALISATION - APPLICATION 255
CHAPITRE 7 : QUELQUES PROPRIETES REMARQUABLES DE LA METAPHORE FILEE
257
7.1 THEMATISATION, ARGUMENTATION ET POLYPHONIE 257
7.2 LE DEGRE D’OPTIMALITE D’UNE METAPHORE FILEE 262
7.3 LES STRATEGIES D’ELABORATION THEMATIQUE 267
7.3.1 INTRODUCTION : LES RYTHMES SEMANTIQUES 267
7.3.2 STRATEGIE DE DECOMPACTAGE 269
7.3.2.1 Définition 269
7.3.2.2 L’effet zeugmatique 275
7.3.3 STRATEGIE IRENIQUE (OU SYMETRIQUE) 277
7.3.4 STRATEGIE ASYMETRIQUE 280
7.3.4.1 Thématisation de la source 281
7.3.4.2 Thématisation de la cible 282
7.4 SECOND CLASSEMENT GENERAL DES EMPLOIS 283
7.5 UN FORMALISME NOTATIONNEL 285
CHAPITRE 8 : LA METAPHORE FILEE DANS LE PARLER ORDINAIRE 289
8.1 TENIR LES MURS : UNE ACTIVITE PROBLEMATIQUE 289
- 5 -
Table des matières
8.1.1 TENIR LES MURS : UNE METAPHORE CONVENTIONNELLE 290
8.1.2 TENIR LES MURS : UN ENONCE ABSURDE 297
8.1.3 TENIR LES MURS : UN EMPLOI FIGURE 298
8.1.4 CONCLUSION 301
8.2 STRATEGIE HETEROGENE ET POLYPHONIE COOPERATIVE 302
8.2.1 LES INSULTES RITUELLES 302
8.2.2 HÉTÉROGÉNÉITÉ DES STRATÉGIES 305
8.2.3 LA POLYPHONIE COOPERATIVE 315
CHAPITRE 9 : UN CAS EXTREME, LA POESIE SURREALISTE 319
9.1 LE PRINCIPE D’ARBITRAIRE MAXIMAL 319
9.2 LA METAPHORE FILEE SURREALISTE 321
9.2.1 LES SPECIFICITES FORMELLES DE L’ECRITURE AUTOMATIQUE 321
9.2.2 L’USAGE SURREALISTE DU LANGAGE 323
9.2.3 DEGRE D’OPTIMALITE ET IMPRESSION REFERENTIELLE 326
9.3 L’UN DANS L’AUTRE : LA MULTI-DIRECTIONNALITE DE L’INTEGRATION 330
9.3.1 TOUT EST DANS TOUT : L’ANALOGIE UNIVERSELLE 330
9.3.2 REGLES DU JEU 330
9.3.3 UN AUTRE TYPE DE CIRCULATION 336
CHAPITRE 10 : CONCLUSION 341
10.1 BILAN GENERAL 341
10.2 OUVERTURES 345
10.2.1 UNE MODELISATION POSSIBLE 345
10.2.2 UNE ETUDE PSYCHOLINGUISTIQUE 347
TABLE DES EXEMPLES 351
INDEX DES FIGURES ET DES TABLEAUX 358
BIBLIOGRAPHIE 359
- 6 -
Chapitre 1 : Introduction
1.1 La métaphore : une double instabilité
La métaphore est probablement l’une des rares figures qui donne lieu à un renouvellement
permanent des discours qui la prennent pour objet. Ces discours augmentent dans des
proportions considérables si l’on tient compte de l’aspect pluridisciplinaire de la métaphore :
rhétorique et sémantique, certes, mais aussi philosophie, psychologie, psychanalyse et
physique sont plus ou moins amenés à investir le champ métaphorique. Elle devient ainsi
l’occasion, au plus fort de l’intérêt général, d’une publication abondante où les articles et les
colloques se succèdent les uns aux autres sans que le sujet ne manifeste aucun signe
d’épuisement.
Il faut rechercher la cause de cette vitalité dans l’une des propriétés majeures de la
métaphore : la diversité des définitions qui s’attachent à ce terme, hétérogénéité qui en
détermine une autre, à savoir la multiplicité des phénomènes que l’on peut être amené à
qualifier de métaphoriques. La notion de métaphore se caractérise donc par une double
instabilité, définitoire et phénoménale, lui conférant de la sorte ce pouvoir quelque peu
hypnotique propre aux entités théoriques qui n’ont pas de délimitations claires.
Cette double instabilité, constitutive du concept métaphore, a pour conséquence d’entraîner
toute une communauté de chercheurs dans des quiproquos durables, parce que rarement
explicités, et de provoquer de nombreux malentendus. Toute discussion sur la métaphore, en
effet, est bien souvent biaisée dès le départ : les définitions comme les phénomènes traités
divergent considérablement sans que ces divergences soient prises en considération.
Nous verrons en détail la nature de ces divergences dans notre première partie mais nous
pouvons d’ores et déjà en donner quelques exemples. Abordons d’abord l’instabilité d’ordre
phénoménale : si un énoncé comme vin lucide est considéré comme une métaphore par
Kleiber (Kleiber 1999c, p. 86), elle est perçue comme une hypallage ou une métonymie par
Introduction
Rastier (communication personnelle). Cette difficulté à trouver un consensus sur les données
trouve son origine dans la divergence des objectifs et des définitions proposées par les
auteurs : si la métaphore correspond à une connexion métaphorique (métaphore in praesentia)
pour Rastier (Rastier 1996) elle est à comprendre comme une catégorisation indue chez
Kleiber (Kleiber 1994) ; si elle détermine un calcul de nature référentielle doublée d’une
commutation paraphrastique impossible chez Victorri et Fuchs (Victorri & Fuchs 1996), elle
est le produit d’un double sens dans la rhétorique de Fontanier (Fontanier 1977).
Ces définitions, loin de pointer sur des données identiques, couvrent des régions
phénoménales qui ne se recouvrent pas, ou alors de façon partielle. La mauvaise question
consisterait alors à se demander laquelle de ces définitions est la bonne : toutes dépendent
d’un certain nombre d’objectifs théoriques, de dispositifs conceptuels particuliers, et n’ont de
pertinence qu’à l’intérieur de ces dispositifs. Néanmoins, leur explicitation fait parfois défaut
et entraîne des confusions importantes. Un travail sur la métaphore ne peut donc faire
l’économie d’une étude comparative des approches qui traitent cet objet.
De nos jours, la métaphore est une figure imposée pour toutes les théories sémantiques1.
De ce point de vue, le moratoire proposé par Rastier2 est un échec. Un tel intérêt pour ce trope
ne peut s’expliquer uniquement par la fascination qu’exerce un objet théorique aussi nébuleux
que la métaphore, et certains caressent l’espoir qu’il existe une « zone relativement homogène
et stable de données, donc la possibilité d’une délimitation plus ou moins nette. » (Kleiber
1999a, p. 4). Cette zone stable, manifestement, n’est pas une donnée brute et demande
nécessairement à être construite.
Les approches qui traitent de la métaphore peuvent être d’une très grande diversité. Si
certaines d’entre elles s’orientent vers une conception du « tout-métaphorique », d’autres au
contraire entreprennent de distinguer soigneusement la métaphore des autres emplois ; si
certaines conceptions placent la métaphore au centre de leur dispositif théorique, d’autres se
contentent de l’exclure hors de la langue et la placent aux marges de la description.
Néanmoins, toutes utilisent le terme « métaphore » et en cela, font intervenir un certain
artefact linguistique fondé sur une définition, elle-même déterminée par des objectifs
particuliers.
1 A notre connaissance, seules les sémantiques d’origine culiolienne se permettent l’originalité de ne pas étudier
la question. Un tel cadre théorique, en effet, présente la caractéristique, étonnante à l’heure actuelle, de n’avoir
positivement rien à dire sur la métaphore, en tant qu’il s’agit selon lui d’un faux problème.
2 « Les publications et colloques se multiplient tant que j’avais naguère proposé un moratoire sur ce trope, sans
aucun succès bien entendu. A présent, certains sémanticiens californiens se disent métaphoristes, comme s’il
s’agissait d’un parti théorique voire d’une profession. » (Rastier 2001b, p. 112 note)
- 8 -
Un exemple : le verbe orchestrer et ses emplois
Travailler sur la métaphore, c’est donc comprendre dans un premier temps la nature de ces
objectifs, analyser et le cas échéant mettre en relief la définition adoptée, déterminer la région
phénoménale que pointe cette définition, déterminer sa position par rapport à d’autres emplois
qui seraient d’une autre nature, ou au contraire vérifier la nature globalisante de la définition.
En un mot, entamer une étude de la métaphore, c’est faire œuvre d’épistémologue.
1.2 Un exemple : le verbe orchestrer et ses emplois
Afin de démontrer l’intérêt d’une réflexion épistémologique sur la métaphore, et pour
illustrer les difficultés considérables qu’elle met en jeu, nous commencerons par analyser un
exemple pris parmi la classe des verbes. Dans cette partie de la signification que la métaphore
met en relief, la référence à de nouvelles données est une nécessité. Le cas du verbe
orchestrer, va nous permettre de donner un premier aperçu des problèmes posés. Les
prochains chapitres permettront d’affiner ces observations préliminaires.
Considérons donc les deux exemples suivants :
(1) Le compositeur doit orchestrer Pelléas et Mélisande.
(2) Le PC doit orchestrer la manifestation.
Il n’existe aucun consensus sur les moyens de traiter la variation sémantique du verbe
orchestrer dans ces deux phrases. Deux hypothèses générales semblent toutefois émerger
concernant la manière dont on doit procéder.
Une première hypothèse consiste à dériver le second emploi du premier, en posant
l’existence d’un sens propre originel, primitif ou psychologiquement premier pour orchestrer.
La nature de ce sens propre dépend des approches. On en retiendra deux. L’approche
lexicographique et l’approche prototypique.
1.) Pour les modèles lexicographiques, on parle d’un sens propre (exemple (1)3) que l’on
oppose à un sens figuré (exemple (2)), sens figuré dont on dit classiquement qu’il est
l’extension du sens propre. Dans ce dernier cas, les dictionnaires utilisent l’abréviation fig.
3 Le lecteur peut se reporter à la table des exemples qui figure en fin de travail. Chaque exemple numéroté
renvoie à la page.
- 9 -
Description:La thématisation : quelle formalisation ? 231. 6.3.1.3. Thématisation et métaphore filée. 237. 6.3.1.4. Toute métaphore est une métaphore filée. 243.