Table Of ContentLA 7e  WILAYA
ALI HAROUN
LA
7e  WILAYA
LA GUERRE DU FLN EN FRANCE
1954-1962
ÉDITIONS DU SEUIL
27, rue Jacob, Paris VI*
ISBN 2-02-009231-X.
C  ÉDITIONS DU SEUIL, MAI 1986.
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Préface
Le 1er novembre 1984, l’Algérie commémorait le trentième anniversaire 
de l’insurrection de novembre. Perçue au départ comme un trouble infligé 
à l’ordre public français, la guerre se termine prés de huit années plus 
tard, par la reconnaissance du droit des Algériens à l’indépendance, non 
sans avoir causé aux deux peuples des traumatismes graves, parfois ingué
rissables. Pour la génération née à l’issue du conflit et qui n’en a pas vécu 
les passions, c’est déjà de l’Histoire. D’aucuns ont cru pouvoir transcender 
cette Histoire, exorciser les démons du passé par la visite du président 
français au Carré des Martyrs à Alger, suivie de celle du président algérien 
au tombeau du Soldat inconnu à Paris. D’autres ont vu dans cette rencontre 
entre les deux chefs d’État des « retrouvailles historiques entre la France 
et l’Algérie [...], l’oubli définitif des déchirements passés [...], le dépasse
ment des rancunes vieilles de plus de vingt ans1 ».
Cependant la page n’est pas tournée pour tous.  Au fronton de nom
breuses mairies du midi de la France, le 1" novembre 1984, les drapeaux 
sont mis en berne « pour protester contre l’officialisation par le gouver
nement français, en la personne de son ministre des Relations extérieures, 
de  l’agression du  FLN  algérien contre  la  France  il y a trente ans 1 ». 
Hélas,  le  temps d’une  génération  n’a  guère,  semble-t-il,  paru  suffisant 
pour  cicatriser  les  plaies,  effacer  les  meurtrissures.  Faut-il  dès  lors 
attendre, pour en parler sans passion, un plus long recul qui apaiserait 
les esprits?
Certes, relater l’action du FLN sur le sol de l’Hexagone - ce qui est 
l’objet essentiel de l’ouvrage -  n’est pas aisé. L’auteur est parfaitement 
conscient des  risques de  l’entreprise.  D’abord à  l’endroit  de ceux  qui, 
aujourd’hui, conçoivent encore et toujours le FLN comme l’agresseur de 
leur pays.  Ils n’y verront rien d’autre que l’apologie d’une rébellion qui 
n’acquerra jamais à leurs yeux son brevet de légitimité. Reste que s’ils 
veulent parcourir une page vraie de l’histoire nationale, qui ne refléterait 
pas seulement le dialogue avec eux-mémes, la réalité d'en face, telle que 
l’adversaire  l’a  vécue,  n’est  pas  à  dédaigner.  De  leur  côté,  les jeunes 
Algériens de  la  seconde  génération  d’émigrés,  auxquels  il  n'a  pas été 
donné de s’enthousiasmer pour une cause qui exalta leurs aînés, risquent 
d’y  déceler  la  glorification  d’un  combat  que  ne justifient  guère  ni  le
1. Le Mende. Il novembre 1983.
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La 7' wilaya
développement  excessif de  rémigration  ni  le sort  peu  enviable qu’elle 
connaît actuellement en France.
Pour un grand nombre, il paraîtrait peu plausible d’étre le soldat d’un 
camp,  et  de porter sur le conflit un  regard  non entaché  de partialité. 
Mais l’engagement partisan pour la reconnaissance du droit à la liberté 
empêche-t-il de l’évoquer, surtout lorsque l’issue de l’événement a consacré 
la justesse d’une cause, celle de l’indépendance, dont personne aujourd’hui 
ne conteste le caractère inéluctable?  Et puis, les acteurs d’une guerre 
qui  d’un  côté  ébranla  les  bases  séculaires  du  régime  républicain  en 
France, et de l’autre ramena sur la seine internationale l’Algérie éclipsée 
depuis cent trente-deux ans, doivent-ils emporter avec leur dernier souffle 
le « non-dit du vécu »? C’est pourquoi l’ouvrage traduit davantage l’opi
nion de la direction collective de la fédération de France du FLN, en 
particulier celle d’Omar Boudaoud et Kaddour Ladlani qui en suivirent 
la rédaction sans discontinuer, qu’il n'exprime le point de vue personnel 
de l’auteur.
Ces  pages  voudraient  retracer  l’apport  des  milliers  de  femmes  et 
d'hommes qui constituèrent la fédération et qui -  fait sans doute unique 
dans l'histoire coloniale -, se trouvant émigrés sur le territoire même de 
la puissance occupante, forgèrent, durant la guerre d’indépendance, un 
instrument de combat original, et particulièrement efficace.
Efficace au point que la réunion des dix colonels, tenue durant l’été 1959 
pour  donner  une  nouvelle  direction  au  Front,  proposait  d’attribuer  le 
statut de wilaya à la fédération. Dans sa session de décembre suivant, le 
Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) consacrait ce statut. 
Il reconnaissait ainsi que la participation de l’émigration à la lutte de 
libération pesait d’un poids égal à celui de chacune des six wilayas, ou 
régions  militaires, composant  l’Algérie en guerre.  Cette décision de la 
plus haute instance révolutionnaire fut occultée puis méconnue, dès lors 
que,  l’indépendance  acquise,  la  foi  militante  fit  très  souvent  place  à 
l'arrivisme politicien.
Il était temps que ces pages fussent écrites afin de relater l’événement 
dans  son  exacte  vérité.  Pour  en  tenter  l’approche,  l’ouvrage  s’inspire 
autant  d’écrits  rédigés  dans  l’ardeur  de  l’action  quotidienne,  que  de 
témoignages  recueillis dans la  sérénité assurée  par les  lustres écoulés. 
Le cloisonnement, indispensable à la survie de toute organisation clan
destine,  ne  permettait  à  aucun  cadre  du  FLN  en  France,  aussi  haut 
placé  dans  la  hiérarchie  fût-il,  de  connaître  dans  ses  détails  le  fonc
tionnement  d’un  service  ou  d’un  échelon  parallèle.  Aussi,  plusieurs 
chapitres furent-ils soumis pour avis au plus grand nombre possible de 
cadres intéressés, et l’ensemble au chef du comité fédéral,  ainsi qu’au 
responsable  de  l’organisation.  D’autres  épisodes  ne  purent  être sérieu
sement remémorés que par l’appel aux amis français, allemands, belges, 
suisses, qui vécurent avec les militants du Front ces années douloureuses, 
mais  combien  fécondes,  dans  la  conviction  qu’en  œuvrant  pour  la  fin 
de  la  domination  coloniale,  ils  préservaient  ainsi  l’amitié  entre  les
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Préface
peuples de l’Europe dominante et ceux du tiers monde émergeant à la 
vie.
Écrite avec la conviction que ceux qui ont vécu cette époque ont le 
devoir  de  dire  ce  qu’ils  savent  des  divers  aspects  de  la  lutte  et  des 
hommes qui l'ont menée, que les citoyens ont le droit d’en connaître les 
multiples péripéties, l’œuvre tend au maximum d’objectivité accessible. 
C’est pourquoi le récit se cantonne à la narration événementielle, l’ouvrage 
demeure volontairement factuel et les noms propres sont abondamment 
cités.  Sans  doute  des  cadres  importants  ne  sont  pas  mentionnés.  Des 
événements notables ne sont pas relatés. Ces omissions, pour involontaires 
qu’elles  soient,  s’expliquent  surtout  par  la  quantité  extraordinaire  de 
militants appelés à exercer des responsabilités au sein de la fédération, 
et l’impossibilité de dresser, en un seul ouvrage, un tableau exhaustif de 
toutes ses activités.
Enfin,  notre objet n’est  pas une  exégëse de  l'action du  FLN sur le 
territoire français, encore que celle-ci ne soit par exempte d’erreurs. Les 
faits -  tus jusqu’à  nos jours -  doivent d’abord  être connus.  L’analyse 
critique est subséquente.  Elle est d’ailleurs souhaitable pour la guerre 
d’indépendance dans sa globalité, en deçà comme au-delà des frontières 
algériennes.  Si  ce  livre  révèle  des  éléments  mal  connus,  ignorés  ou 
dénaturés concernant le rôle de l’émigration en France, il aura satisfait 
l’ambition  de  ceux  qui  l’ont  conçu.  Apportant  un  matériau  de  base 
nécessaire à la compréhension de cette époque, il contribuerait à l’écriture 
de  l’Histoire à laquelle  l’Algérie  du Trentenaire,  adulte et  mature, se 
doit  de  s’atteler  sans  exclusive  chauvine,  ni  triomphalisme  stérile,  ni 
autocensure timorée.
Alger, Paris. Cologne, 
1982-1985.
CHAPITRE I
Les premiers pas du  FLN 
en  France