Table Of ContentIntroduction aux algèbres d’opérateurs I :
Des espaces de Hilbert aux algèbres stellaires
Jean-Yves Girard
Institut de Mathématiques de Luminy, UMR 6206 – CNRS
163, Avenue de Luminy, Case 930, F-13288 Marseille Cedex 09
[email protected]
Cepetitcourssurlesalgèbresd’opérateurs(Tende,22-24Septembre2002)s’adresse
à des non-spécialistes qui n’auraient pas l’intention de le devenir,typiquement des lo-
giciens.Iln’abordepas,outrèspeu,lesalgèbresdevonNeumann,quisontunmonde
à part; pour en savoir plus, on consultera [1] dont ces notes sont, pour l’essentiel, un
condensé.
1 Espaces de Hilbert
1.1 Cauchy-Schwarz
Définition 1
Un espace de Hilbert est la donnée d’un espace vectoriel H complexe, ainsi que d’une
forme sesquilinéaire1, i.e. linéaire en la première variable :
hλx+λ0x0 | yi = λhx | yi+λ0hx0 | yi (1)
et anti-linéaire en la seconde :
hx | µy+µ0y0i = µ¯hx | yi+µ¯0hx | y0i (2)
Cette forme sequilinéaire est de plus hermitienne :
hy | xi = hx | yi (3)
et strictement positive :
x 6= 0 ⇒ hx | xi > 0 (4)
Finalement, H, muni de la norme kxk := hx | xi1/2 doit être un espace de Banach,
i.e., être complet.
La condition (3) est équivalente à hx | xi ∈ R, en effet
4hx | yi = hx+y | x+yi − hx−y | x−yi + ihx+iy | x+iyi − ihx−iy | x−iyi.
L’équation (3) est donc conséquence de (4).
Venons-en à la norme; le point de départ est l’inégalité de Cauchy-Schwarz :
1Le préfixe latin sesqui veut dire A un et demi B.
1
Algèbres d’opérateurs I 2
Théorème 1 (Cauchy-Schwarz)
|hx | yi|2 ≤ hx | xihy | yi, l’égalité n’ayant lieu qu’en cas de colinéarité.
Démonstration : On se place dans le cas où x,y 6= 0. Quitte à remplacer x par αx,
|α| = 1, on peut supposer que hx | yi ∈ R. Alors, pour λ ∈ R,
hx+λy | x+λyi = hx | xi+2λhx | yi+λ2hy | yi ≥ 0. Ceci n’est possible que si le
discriminantb2−4acestnégatifounul,i.e.,sihx | yi2−hx | xihy | yi ≤ 0,etl’égalité
n’intervient que si x+λy = 0 pour un λ approprié. 2
Cauchy-Schwarzmontrequehx+y | x+yi = hx | xi+hy | yi+hx | yi+hx | yi ≤
hx | xi+hy | yi+2(hx | xihy | yi)1/2 = (hx | xi1/2+hy | yi1/2)2, i.e., que hx | xi1/2
vérifie l’inégalité triangulaire, ce qui justifie la dernière partie de la définition.
1.2 Espaces pré-hilbertiens
La pratique fait apparaître des espaces préhilbertiens, qui ne sont pas nécessaire-
ment séparés; ils vérifient seulement :
hx | xi ≥ 0 (5)
Dansladéfinitiond’espacepréhilbertien,onnedemandepasnonpluslacomplétude.
On appelle espace pré-hilbertien un espace vectoriel complexe muni d’une forme
sesquilinéaire positive ne vérifiant que (5). Alors hx | xi1/2 est une semi-norme, et
dans une première étape, on peut séparer l’espace, i.e., quotienter par l’ensemble
I := {z;kzk = 0}, qui est un sous-espace vectoriel sur lequel la forme est identique-
ment nulle. L’espace H/I est alors muni d’une forme strictement positive, i.e., est un
espace normé. En tant qu’espace normé, H/I admet un complété qui est un espace
de Banach, i.e., un espace vectoriel normé complet, et sur lequel la forme hx | yi se
prolonge (uniquement) de façon à ce que l’équation hx | xi = kxk2 soit vérifiée. On
obtientainsiunespacedeHilbert,Hb,leséparé complété deH.Laplupartdesespaces
de Hilbert courants sont en fait des séparés complétés d’espaces préhilbertiens.
LapremièrepartiedeCauchy-Schwarz(cellequineparlepasdel’égalité)persiste
dans le cas préhilbertien, il suffit de faire attention au cas hy | yi = 0 : si hx | xi =6 0,
onpermutexety,sihx | xi = 0onobtient2λhx | yi ≥ 0cequin’estpossiblequ’avec
hx | yi = 0.
1.3 Exemples
1.3.1 Dimension finie
L’exemple le plus naturel vient de la géométrie euclidienne, l’espace de Hilbert
n’étant qu’un espace euclidien complexifié : au lieu de Rn, on considère Cn, muni
P
de h~x |~yi = x .y¯. La complexification permet de diagonaliser les rotations
1≤i≤n i i
en résolvant l’équation det(M − λI) = 0, par exemple, pour une rotation d’angle
α, (cosα−λ)2 +sin2α = 0, i.e., λ2 −2λcosα+1 = 0, équation qui n’a de racines
réelles que pour cosα = ±1 : les solutions complexes sont cosα±isinα, et corres-
√
pondent aux vecteurs propres 2/2.(1,±i). L’involution sur la partie droite évite
Algèbres d’opérateurs I 3
les vecteurs isotropes, i.e., de A norme B nulle : comparer l’interprétation euclidienne
√ √
(bilinéaire) h 2/2.(1,i) | 2/2.(1,i)i = 1/2.(1+i2) = 0 avec la version hermitienne
√ √
(sequilinéaire) h 2/2.(1,i) | 2/2.(1,i)i = 1/2.(1+i.(−i)) = 1.
Il ne s’agit pas, loin s’en faut, de la seule façon de construire un espace de Hilbert
sur Cn. On peut chercher la forme générale : si {e ,...,e } est la base canonique, on
1 n
peut poser b := he | e i; la condition (3) devient b =¯b , i.e., que la matrice (b )
ij i j ij ji ij
est hermitienne, égale à sa transconjuguée, quant à la condition (4) elle dit que les
racines du polynôme caractéristique de (b ) (qui sont nécessairement réelles) sont
ij
strictement positives; en d’autres termes, (b ) est un hermitien strictement positif.
ij
Il s’agit en fait d’une remarque générale : si H est un espace de Hilbert et si u
est un hermitien positif, voir plus bas, hu(x) | yi définit une autre structure d’espace
préhilbertien sur le même H. L’espace est hilbertien par rapport à la nouvelle forme
quand u est inversible.
1.3.2 Espaces de suites
Lesespacesdesuites(an)n∈N denombrescomplexesjouentunrôleessentiel.Nous
allons nous attarder sur les ‘p (1 ≤ p ≤ ∞); en pratique, on ne rencontre guère que
les cas p = 1,2,∞.
Pour 1 ≤ p < ∞, on définit k(a )k := (P |a |p)1/p, et ‘p := {x;kxk < ∞}.
n p n n p
L’inégalité de Minkowsky :
X X X
( |a +b |p)1/p ≤ ( |a |p)1/p+( |b |p)1/p (6)
i i i i
1≤i≤N 1≤i≤N 1≤i≤N
passe à la limite N → ∞ et montre que kxk est bien une norme, et que les ‘p sont
p
en fait des espaces de Banach. Pour 1 < p,q < ∞ et 1/p+1/q = 1, on s’assure que
le dual de ‘p est bien ‘q; en particulier le dual de ‘2 est bien ‘2, en accord avec le
fait que ‘2 est un espace de Hilbert, donc auto-dual.
On définit de même k(a )k = sup |a | et ‘∞ := {x;kxk < ∞} et on
n ∞ n∈N n ∞
voit que le dual de ‘1 est ‘∞. Mais le dual de ‘∞ ne se réduit pas à ‘1 (‘1 n’en
est qu’un sous-espace clos) : il contient aussi, pour chaque ultrafiltre U, la forme
ϕ ((a )) := lim (a ). Donc, ‘p n’est réflexif (i.e., A égal B à son bidual) que pour
U n U n
1 < p < ∞. Ce qui est malheureux, vu que les cas p = 1,∞ sont les plus A naturels B.
Mais le passage de l’espace de Hilbert ‘2 aux algèbres d’opérateurs sur ‘2 permettr
de simuler des situations du type ‘1 ou ‘∞ : la norme d’un opérateur est A du genre
‘∞ B, alors que sa trace est A du genre ‘1 B.
‘2 est l’exemple le plus standard d’espace de Hilbert, et d’ailleurs il généra-
lise naturellement le cas de dimension finie. La forme hermitienne est définie par
h(a ) | (b )i = P a ¯b ; la somme est absolument convergente en vertu de
n n n n n
|P a b |2 ≤ (P |a |2)(P |b |2), qui n’est autre que Cauchy-Schwarz
n<N n n n<N n n<N n
pour CN et qui passe facilement à la limite. Une autre façon de dire la même chose :
on fait la limite inductive (i.e., réunion) des Hilberts CN, et le résultat est un pré-
hilbertien (séparé), dont le complété est isomorphe à ‘2.
Algèbres d’opérateurs I 4
L’importance particulière de ‘2 vient des bases orthonormales : tout Hilbert H
admet une base orthonormale (e ) , I étant de cardinal fixé, c’est le théorème
i i∈I
d’orthonormalisation, voir infra. Les cas importants sont :
I I fini; alors H est isomorphe à C](I).
I I dénombrable; alors H est isomorphe à ‘2.
Le cas A I non-dénombrable B n’est pas courant; il faut beaucoup de termes nuls
(toussaufunnombredénombrable)pourquelecarrédelanormeP |a |2 converge.
i∈I i
Un Hilbert de base au plus dénombrable est séparable, i.e., admet un sous-ensemble
dense dénombrable. La plupart des espaces intéressants sont séparables, avec pour
seuleexceptionlesalgèbresdevonNeumann quilesontrarement.Parmicelles-ci,‘∞,
quiadmetunsous-ensemblenondénombrable,celuidesfonctionscaractéristiquesde
sous-ensembles de N, formé de vecteurs à une distance mutuelle de 1. ‘∞, algèbre de
von Neumann commutative, est le dual d’un espace séparable, ‘1 : quand on travaille
avec des algèbres de von Neumann, on se concentre sur celles qui ont un prédual
séparable.
1.3.3 Espaces de fonctions
Si (X,m) est un espace mesuré, on peut adapter, mutatis mutandis, la construc-
tion des espaces ‘p, ce qui donne les espaces Lp(X,m) : la somme est remplacée par
l’intégrale. Mais pour 1 ≤ p < ∞, l’expression kfk := (R |f|p dm)1/p ne vérifie pas
p
kfk = 0 ⇒ f = 0 : f est nulle, mais seulement à un ensemble négligeable près.
p
On ne travaille pas vraiment avec des fonctions, mais avec des classes d’équivalence,
par rapport à la relation A f(x) = g(x) sauf sur un ensemble de mesure nulle B;
ainsi, L∞(X,m) est-il formé des fonctions bornées à un ensemble négigeable près. Et
l’espace L(X,m)2 des fonctions de carré sommable, muni de la forme hermitienne
R
hf | gi = fg¯ dm n’est pas un Hilbert, ce n’est qu’un pré-Hilbert. L’espace séparé
(pas besoin de le compléter) est noté L2 (ou encore L2(X,m)).
L’espace L1 correspond aux (classes de) fonctions sommables, i.e. telles que la
norme R |f| dm soit finie, l’espace L∞ correspond aux (classes de) fonctions essen-
tiellement bornées, i.e., telles que la norme inf{λ;m{x;|f(x)| < λ} = 0} soit finie;
ce qui veut exactement dire qu’un élément de la classe de f est borné.
Le théorème d’orthonormalisation (théorème 2) montre, qu’au fond, les L2 n’ap-
portent rien de neuf; ils font, par contre, considérablement varier le point de vue.
Par exemple, si (X,m) est le segment [0,1] muni de la mesure de Lebesgue, une
orthonormalisation typique se fait au moyen de la base (e ;n ∈ Z), définie par
n
e (x) = e2iπnx = cos2πnx+isin2πnx. L’écriture de f ∈ L2 comme f = P a e
n n n n
apparaît comme un développement de Fourier (en séries trigonométriques, car
2cos2πnx = e + e , 2sinnx = e − e ) et le fait que cette base réalise une
n −n n −n
isométrie entre deux espaces correspond à :
Z
X
|f|2 dm = |a |2 (7)
n
n
qui est un cas particulier de la formule de Parseval (12).
Algèbres d’opérateurs I 5
1.4 L’espace dual
1.4.1 La médiane
C’est un pur calcul euclidien : considérons un triangle de somments 0,x,y et la
médiane partant de 0, c’est à dire le vecteur (x+y)/2. Un calcul immédiat sur les
formes, bi or sesqui-linéaires, nous donne :
kxk2+kyk2 = 2(k(x−y)/2k2+k(x+y)/2k2) (8)
Cette égalité nous permet, dans certaines circonstances, de majorer la taille du troi-
sième côté, x−y. En effet, si les côtés x,y ont des normes ≤ 1+(cid:15) et si la médiane
a une norme ≥ 1, on voit que 2k(x − y)/2k2 ≤ 2 + 4(cid:15) + 2(cid:15)2 − 2, ce qui donne
kx−yk2 ≤ 8(cid:15)+4(cid:15)2 ≤ 12(cid:15) (pourvu que (cid:15) ≤ 1).
1.4.2 Projection sur un convexe
Supposons que E ⊂ H soit un sous-ensemble fermé, non-vide de H, et de surcroît
convexe : si x,y ∈ E et 0 ≤ λ ≤ 1, alors λx+(1−λ)y ∈ E.
Proposition 1
Leminimuminf{kxk ;x ∈ E}estatteintenunpointuniquedeE.Cepointestaussi
le seul point e ∈ E tel que <he | e−fi soit négatif, pour tout f ∈ E.
Démonstration : Onsupposeleminimumégalà1:six 6= y ∈ E aveckxk = kyk = 1,
alors le point (x+y)/2 ∈ E a une norme < 1 : k(x+y)/2k2 = 1−k(x−y)/2k2, ce
qui montre que le minimum ne peut être atteint qu’en un seul point.
Prenonsmaintenantunesuitex ∈ E,tellequekx k ≤ 1+1/n2.Commelesmédianes
n n
(x +x )/2 sont dans E, leurs normes sont ≥ 1, ce qui nous donne, au vu de la
n n+k
remarque faite supra, kx −x k2 ≤ 12/n2 et donc kx −x k ≤ 4/n. Autrement
n+k n n+k n
ditlesapproximantsx formentunesuitedeCauchy;cettesuiteconvergedoncdans
n
l’espace de Banach H vers un élément e du fermé E.
Soit maintenant f ∈ E, alors pour 0 < λ < 1 e+λ(f −e) ∈ E, et donc
ke + λ(f − e)k2 ≥ 1, ce qui s’écrit 2λ<he | f −ei + λ2kf − ek2 ≥ 0, ce qui n’est
possible que si <he | e−fi ≤ 0. e est le seul à vérifier cette propriété, car si e0 est
tel que <he0 | e0−fi ≤ 0 pour tout f ∈ E, alors
kek2 = ke0k2+2<he0 | e−e0i+ke−e0k2 ≥ ke0k2, ce qui force e = e0. 2
1.4.3 Sous-espaces supplémentaires
On applique la construction dans le cas suivant : au lieu de projeter l’origine
sur un convexe quelconque, on projette un point quelconque sur un sous-espace clos
donné, disons E; soit donc π l’application ainsi obtenue. Que peut-on en dire?
I D’abord, comme 0 ∈ E, kπ(x)k ≤ kxk.
I Ensuite, π est idempotente : π2 = π.
I π(x) est l’unique y ∈ E tel que hy−x | fi = 0 pour tout f ∈ E. C’est parce
que E est un espace vectoriel et que la condition <hy−x | y−fi ≤ 0 pour
Algèbres d’opérateurs I 6
tout f ∈ E devient λ¯<hy−x | fi ≤ 0 pour tout λ ∈ C, ce qui n’est possible
que si hy−x | fi = 0.
I On en déduit que π est linéaire : par exemple, π(x) = y,π(x0) = y0 impliquent
que y − x,y0 − x0 sont orthogonaux à E; il en est de même de leur somme
(x+x0)−(y+y0), ce qui montre que π(x+x0) = y+y0.
I Le noyau π−1(0) est un sous-espace clos égal à E⊥ := {x;∀y ∈ Ehx | yi = 0}.
I π est un exemple (le plus typique) d’hermitien positif (voir infra) : en effet,
hπ(x) | xi = hπ(x) | π(x)i+hπ(x) | x−π(x)i = hπ(x) | π(x)i ≥ 0.
L’image de π est E, son noyau est E⊥; le projecteur associé à E⊥ est I − π.
Ces espaces sont supplémentaires, c’est à dire que tout vecteur de H s’écrit de façon
unique comme x = e+e0,e ∈ E,e0 ∈ E⊥ avec, de plus e,e0 orthogonaux, i.e., tels que
he | e0i = 0, ce qui s’exprime par la relation de Pythagore :
kxk2 = kek2+ke0k2 (9)
1.4.4 L’anti-isomorphisme
Si e ∈ H, x → hx | ei est une forme linéaire continue : par Cauchy-Schwarz
|hx | ei| < kekkxk, l’égalité étant atteinte pour x = λe, ce qui montre que cette
forme e∗ a la norme kek.
Réciproquement, toute forme linéaire continue sur H est de la forme e∗ pour
un e bien choisi — forcément unique, vu que hx | e−fi = 0 pour tout x implique
he−f | e−fi = 0. Soit donc ϕ une telle forme, qu’on supposera non-nulle, et consi-
dérons le noyau E := {x : ϕ(x) = 0}. Il est immédiat que E est un sous-espace fermé
(continuité). C’est en fait un hyperplan, car noyau d’une forme linéaire non-nulle.
Nous avons vu que cet hyperplan possède un supplémentaire orthogonal D qui est
donc un espace de dimension 1. Si b ∈ D,b 6= 0, la forme linéaire b∗ s’annule sur E,
ce qui n’est possible que si ϕ est un multiple de b∗, i.e., si ϕ = λb∗ = (λ¯b)∗.
DoncledualH] deHestcanoniquementisomorpheàHaumoyendel’application
b → b∗. Attention! Il s’agit d’un anti-isomorphisme, qui préserve tout ce qu’on veut
à part la multiplication par un scalaire : (λb)∗ = λ¯b∗.
1.4.5 Topologie faible
Les formes linéaires b∗ induisent la topologie faible sur H : la suite (x ) tend vers
n
x ssi pour tout b ∈ H la suite (hx | bi) tend vers hx | bi. L’intérêt de la topologie
n
faible vient du résultat suivant :
Proposition 2
La boule unité de H est faiblement compacte.
Démonstration : J’explique l’idée : d’abord on va considérer B = {b ∈ H;kbk ≤ 1},
ce qui fait que x ∈ H de norme ≤ 1 s’identifie avec la fonction b → f (b) de B
x
dans le disque unité D = {z;|z| ≤ 1}, i.e., à un élément de l’espace DB de toutes les
fonctions de B dans D! Ce monstre n’en est pas moins compact pour la topologie
produit (théorème 19 A de Tychonov B), et il ne reste donc qu’à vérifier que les f
x
Algèbres d’opérateurs I 7
forment un sous-espace clos de DB, autrement dit que si f (b) = hx | bi → f(b)
xi i
pour tout b, alors f est de la forme f . Mais f sera une forme anti-linéaire bornée
x
sur H, et donc de la forme désirée. 2
Bien entendu, la convergence faible n’implique pas la convergence usuelle, ainsi
dans ‘2, x = (δ ) , avec δ = 1 si i = j, δ = 0 sinon, est une suite de
i ni n∈N ij ij
vecteurs(enfaitlabasecanonique)quitendfaiblementvers0,maisdontlanormeest
constamment 1 et qui ne peut donc pas tendre vers 0 A normalement B. Bizarrement
c’est le seul contre-exemple, à cause de la :
Proposition 3
Si x → x faiblement et si kx k → kxk, alors x → x A normalement B.
i i i
Démonstration : Par hypothèse, hx | bi → hx | bi pour tout b; faisons donc b = x!
i
Ce qui nous donne hx | xi → hx | xi et donc hx−x | x−x i = kxk2 + kx k2 −
i i i i
2<hx | xi tend vers 0. 2
i
La topologie faible est l’exemple d’une topologie affaiblie, i.e., obtenue à partie
du dual de l’espace, c’est la topologie la moins fine, la plus faible, qui rend continues
les formes linéaires continues (au sens de la norme). En conséquence, si u ∈ B(H,K)
(voir section 3.1) est continu en norme, il reste continu quand H et K sont munis de
leurs topologies faibles. La réciproque est d’ailleurs vraie : si u est continu au sens
des topologies faibles, l’image par u de la boule unité est un compact, et est donc
bornée, i.e., continue en norme. En fait :
Proposition 4
L’image par un opérateur u ∈ B(H,K) de la boule unité de H est un fermé de K (par
rapport à la norme).
Démonstration : En effet, u est faiblement continue, donc l’image B0 de la boule
unité est faiblement compacte, donc fermée. Elle le reste dans toute topologie plus
forte (qui a plus de fermés) 2
Remarque 1
Maisl’imaged’unopérateurbornén’estpasforcémentfermée.L’exempletypiqueest
fourni par l’opérateur u, qui à une suite (x ) ∈ ‘2 associe la suite (x /n). L’image
n n
de la boule unité par u est non seulement fermée en norme, mais compacte, i.e.,
u est ce qu’on appelle un opérateur compact. L’image de u est dense, puisqu’elle
contient toutes les suites de support fini et donc, elle n’est pas fermée, puisque la
suite x = 1/n n’est pas dans l’image de u. Incidemment, u nous fournit l’exemple
n
d’un opérateur (et c’est même un hermitien positif) injectif mais non inversible; ce
quiillustreladifférenceentrespectre(voirinfra)etvaleurspropres:0 ∈ Sp(u),mais
il n’y pas de vecteur z 6= 0 tel que u(z) = 0.z = 0.
On rappelle aussi le résultat classique de borne uniforme :
Algèbres d’opérateurs I 8
Proposition 5
Si X ⊂ H est faiblement borné, i.e., pout tout y ∈ H, l’ensemble
hX | yi := {hx | yi ;x ∈ X} est borné, alors X est borné en norme.
Démonstration : Soit E ⊂ H le sous-ensemble {y;hX | yi ≤ n}; alors E est fermé
n n
et H est l’union des E . Par le théorème de Baire (théorème 23), un des E est
n n
d’intérieur non vide, autrement dit, il y a un y , un r > 0 et un n tels que hX | yi ≤
0
n pour tout y tel que ky − y k < r. On peut se ramener à r = 1, auquel cas
0
kXk ≤ 2n. 2
1.5 Bases orthonormales
Définition 2
Un système orthonormal de H, c’est une famille (e ) indicée par un ensemble I,
i
formée de vecteurs de norme 1 et deux à deux orthogonaux. (e ) est appelé une base
i
quand de plus l’espace vectoriel qu’il engendre est dense dans H.
Proposition 6
Un espace de Hilbert admettant la base (e ) est isomorphe à ‘2(I).
i i∈I
Démonstration : Concrètement ça veut dire que l’on peut s’autoriser une écriture
P
formelle a = a e , avec a := ha | e i. Le mode d’emploi de cette série formelle est
i i i i i
le suivant :
X X X
h a e | b e i = a¯b (10)
i i i i i i
i i i
la convergence étant assurée par :
X X
k a e k2 = |a|2 < ∞ (11)
i i i
i i
2
i.e., la formule de Parseval :
X
kxk2 = |hx | e i|2 (12)
i
i
Théorème 2 (Orthonormalisation)
H admet une base orthonormale.
Démonstration : Par le lemme de Zorn, on considère un système orthonormal maxi-
mal (e ) , et soit E la clôture de l’espace engendré par ce système. Si E était
i i∈I
distinct de H, on pourrait rajouter au système un vecteur de norme 1 pris dans le
supplémentaire orthogonal de E. Donc E = H. 2
Proposition 7
Deux bases orthonormales de H ont même cardinal, la dimension hilbertienne de H.
On omet la démonstration qui n’est pas des plus passionnantes. On garde en tête
que les cas importants sont les cas où le cardinal est fini ou dénombrable, i.e., le cas
séparable.
Algèbres d’opérateurs I 9
2 Quelques constructions hilbertiennes
2.1 Sommes directes
Définition 3
SiH,KsontdesespacesdeHilbert,onpeutmunirlasommedirectealgébriqueH⊕K
d’une structure d’espace de Hilbert, au moyen de :
hx⊕y | x0⊕y0i := hx | x0i+hy | y0i (13)
En particulier, kx⊕yk2 = kxk2+kyk2.
Cette définition s’étend à une somme indicée par un ensemble quelconque, e.g., dé-
nombrable :
M M X
h x | x0 i := hx | x0 i (14)
n n n n
n n n
Cette équation s’applique d’abord dans la somme directe algébrique et définit un
espace préhilbertien séparé, que l’on complète. Ce complété est formé des sommes
formelles L x telles que P kx kn < ∞, pour lesquelles l’équation (14) fait tou-
n n n n
jourssens.Enfait,cecigénéraliselecasd’unebaseorthonormale,quiapparaîtcomme
la décomposition d’un espace de Hilbert en somme directe d’espaces de dimension 1.
2.2 Produits tensoriels
Définition 4
Si H,K sont des espaces de Hilbert, on considère l’espace vectoriel engendré par
les tenseurs formels x⊗y,x ∈ H,y ∈ K. Cet espace est muni d’une unique forme
sequilinéaire positive telle que :
hx⊗y | x0⊗y0i := hx | x0i.hy | y0i (15)
L’espace de Hilbert H⊗K est par définition le séparé complété de cet espace préhil-
bertien.
H⊗K se construit en deux étapes :
Séparation : on quotiente par les vecteurs de norme nulle. De fait, le quotient ainsi
obtenu (noté H(cid:12)K) n’est rien d’autre que le produit tensoriel algébrique des
espaces. En d’autres termes on aurait pu partir de H(cid:12)K, en remarquant que
l’équation (15) s’étend par sesquilinéarité en une forme strictement positive.
Complétion : ilfautcompléterH(cid:12)K.Ongarderaentêteque,si(e ) ,(f ) sont
i i∈I j j∈J
desbasesorthonormalesdeH,K,alors(e ⊗f ) estunebaseorthonormale
i j ij∈I×J
de H⊗K.
Remarque 2
On aurait tendance à caractériser le produit tensoriel au moyen d’un problème uni-
versel : une fonction linéaire sur H ⊗ K, c’est une autre manière de parler d’une
fonction bilinéaire sur H×K. Rien n’est plus faux :
Algèbres d’opérateurs I 10
(i) Une fonction ϕ ∈ B(H⊗K,L) induit bien une fonction bilinéaire bornée, tout
simplement parce que x,y 7→ x⊗y est une application bilinéaire bornée.
(ii) Ça ne marche pas dans l’autre sens : ainsi, la fonction x,y 7→ hx | yi est une
fonction bilinéaire de norme 1 de H×H] dans C. Elle vérifie ϕ(e ,e ) = δ ,
m n mn
ce qui ne correspond pas à un élément du dual de H⊗H] (qui est un espace
de Hilbert), les coefficients ne formant pas une série de carré sommable. Moins
abstraitement,iln’yapasdeforme2 linéairesurH⊗H] tellequeϕ(e ⊗e ) =
m n
δ ,eneffet, P1/n.e ⊗e ∈ H⊗H],maisϕ(P1/n.e ⊗e ) = P 1/n = ∞.
mn n n n n n
Leproduittensoriel(rassuronslesfansdescatégories)estbiensolutiond’unproblème
universel,maisparrapportàuneversionplusrestrictivedemorphisme,lesopérateurs
HS (Hilbert-Schmidt). Grosso modo, un opérateur u est Hilbert-Schmidt quand u∗u
est à trace, voir infra. En fait, la définition la moins compréhensible, mais la plus
synthétique du produit tensoriel, c’est l’espace des opérateurs HS de H] dans K,
muni de tr(v∗u), ce qui fait que kuk2 = tr(u∗u), voir section 5.3.
2.3 Espace de Fock
Il y a en fait deux versions, la symétrique, et celle qui nous occupe ici, l’antisy-
métrique, version hilbertienne de l’algèbre extérieure. Si H est un Hilbert et n ≥ 2,
on note H[n] le produit tensoriel de n copies de H.
Définition 5
Λ (H) est défini comme le séparé complété de l’espace préhilbertien H[n], muni de
n
l’unique forme h· | ·i vérifiant :
n
hx ⊗...⊗x | y ⊗...⊗y i = det(hx | y i) (16)
1 n 1 n n i j
Il convient de vérifier que la forme est positive. Or considérons le sous-espace
clos A ⊂ H[n], formé des tenseurs antisymétriques : si σ est une permutation de
{1,...,n}, elle se propage en un unitaire σ de H[n] vérifiant :
σ(x ⊗...⊗x ) = x ⊗...⊗x (17)
1 n σ(1) σ(n)
et A est défini comme l’ensemble des x ∈ H[n] tels que σ(x) = (−1)σx. La projection
orthogonale π sur A est définie par :
1 X
π(x) = (−1)nσ(x) (18)
n!
σ
ce qui nous donne hx | yi = n!hπ(x) | yi = n!hπ(x) | π(y)i. En d’autres termes,
n
l’espace Λ (H) est isomorphe au sous espace des vecteurs antisymétriques, modulo
n √
unehomothétiedelanorme,multipliéeparlefacteur n!.Cecipourque,six ,...,x
1 n
1
sont orthogonaux de norme 1, la norme de x ∧...∧x soit 1, et non pas √ .
1 n
n!
2Forme (muliti-)linéaire : fonction (multi-)linéaire à valeurs dans les scalaires, ici, dans C.
Description:Ce petit cours sur les algèbres d'opérateurs (Tende, 22-24 Septembre 2002) s'adresse à des non-spécialistes qui n'auraient pas l'intention de le