INFO-ABM

20 Pages·2013·1 MB·French

INFO-ABM
Vol 20 No 1 • AOÛT 2013
Bibliothèques en
milieu carcéral
Sylvie Payette
On retrouve des biblio- la lecture en milieu carcéral ?
thèques dans toutes En voici un exemple surpre-
sortes de milieux : des biblio- nant : « Accorder une remise
thèques publiques, privées, de peine de quatre jours pour
nationales, municipales, sco- chaque livre lu ; telle est la
laires, universitaires, spéciali- mesure pour le moins dérou-
sées... et parmi celles-ci, il y tante adoptée en juin dernier
a les bibliothèques de prison, [2012] dans quatre prisons
pour les détenus. Ces der- surpeuplées du Brésil. Que
niers mois, la télésérie Unité l’on juge cette initiative gro-
1
9 présentée à Radio-Canada tesque ou pleine de bon sens,
nous a fait découvrir un mi- force est de constater qu’elle
lieu carcéral féminin et le per- place la lecture, mais plus gé-
sonnage d’Élise, une crimi- néralement la culture, com-
nelle qui purge une peine de me un outil de réinsertion »1.
25 ans pour meurtre. Or Élise Plus près de chez nous, la
est devenue la bibliothécaire Bibliothécaire Apothicaire,
de son unité. Petite anecdote dont nous avons parlé dans
à ce sujet, les producteurs de le numéro de décembre 2012
l’émission sont venus acheter de notre bulletin, a offert des
des documents à notre der- Ateliers de lecture aux petits
nier Solde de livres ce prin- soins, au Centre de détention
temps afin de garnir les éta- de Québec l’hiver dernier.
gères de cette bibliothèque Lors de ces ateliers, « des
fictive. Pour poursuivre dans la même veine, notre asso- textes sélectionnés sont lus -contes, extraits de romans,
ciation cède aussi à la fin de la vente plusieurs boîtes de poèmes, textes de chanson- et la lectrice-apothicaire fa-
livres à divers organismes qui en font la demande. Parmi cilite un échange autour des thématiques abordées. Des
ces organismes et institutions dont les mandats sont très mouvements d’expression corporelle, des exercices de
diversifiés, nous avons parfois comme clientèle des cen- lecture à voix haute et de l’écriture automatique peuvent
tres de détention. Cette année, c’est l’Établissement de être utilisés dans les ateliers »2. Mais force est de cons-
détention de Montréal, mieux connu sous le nom de Pri- tater que les prisons sont par définition des univers clos
son de Bordeaux, qui a demandé un don. La réalité et la qui nous livrent peu d’information. Les prochains textes
fiction se rejoignent-elles? tenteront néanmoins de lever quelque peu le voile sur ce
Mais que savons-nous de ces bibliothèques et du rôle de milieu parfois difficile à saisir.
Info-ABM • Août 2013
Le mot du président
Bibliothèques de prisons
Claude Lemire
Vous remarque- tionnels canadiens (National Guide for Nous sommes conscients que les
rez que notre Institutional Libraries) qui énonce une dons de livres usagés ne sont qu’un
dossier sur les philosophie, des principes et des rè- expédient temporaire et à portée très
bibliothèques gles de fonctionnement : ce document limitée; il est essentiel que des biblio-
en milieu carcé- est fortement inspiré du document de thécaires professionnels développent
ral traite de la l’IFLA dont il est question à la page 4. une collection valable et adaptée à
situation de ces Mais nous ignorons dans quelle mesu- chaque institution et qu’ils disposent
bibliothèques re tous ces beaux principes sont mis pour ce faire de budgets adéquats.
en France, aux États-Unis et même en pratique dans nos prisons. Qu’en est-il? Les établissements car-
au camp de concentration de Guan- Depuis plus d’une dizaine d’années, céraux ont-ils développé de bonnes
tanamo. Mais nous avons peu de ren- nous contactons les établissements collections dans leurs bibliothèques?
seignements sur la situation dans nos correctionnels de Montréal pour les Ou bien comptent-ils principalement
prisons canadiennes et québécoises. inviter à venir choisir parmi nos livres sur les dons du public? Malheureuse-
Nous avons bien trouvé une directive invendus à la fin du solde. Et quelques ment, nous ne le savons pas.
de février 2012 des services correc- uns en profitent chaque année.
Notre 20e anniversaire rents : un accroche-porte sur lequel est
écrit « S.V.P. ne pas me déranger, je lis
Notre association fête cette année son 20e anniversaire. avec PAPA » (et au verso : avec MAMAN).
2
C’est en effet le 21 janvier 1993 qu’Hélène Charbonneau De nombreux accroche-portes ont déjà
expédiait à quelques centaines de personnes une lettre été distribués aux clients du Solde de
les invitant à se joindre à cette nouvelle association : livres 2013 et dans les bibliothèques de
« La bibliothèque publique doit trouver de nouveaux Montréal. Il nous fait maintenant plaisir d’en expédier
appuis lui permettant de remplir sa mission. Les asso- un exemplaire à tous nos membres.
ciations d’amis de la bibliothèque sont une de ces for- Nous prévoyons aussi inviter nos membres, nos béné-
mules susceptibles de lui fournir un soutien valable et voles et nos partenaires à une soirée pour célébrer ces
productif. » 20 ans d’existence. Cette soirée aura lieu le lundi 21 oc-
Pour souligner cet anniversaire, nous avons décidé de tobre prochain : vous recevrez une invitation formelle à
réaliser un bel objet destiné aux enfants et à leurs pa- ce sujet. Au plaisir de vous y rencontrer.
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Le bulletin Info-ABM est publié par Les Amis Coordination Les articles peuvent être reproduits à con-
de la Bibliothèque de Montréal (ABM). Tiré Sylvie Payette dition d’en mentionner la source.
à 1 000 exemplaires, il se veut un outil
d’information ainsi que de liaison avec ses Collaboration Prix de vente : 2 $
membres et le réseau des bibliothèques pu- François Dussault, Claude Lemire,
bliques de Montréal. Il offre une informa- Micheline Therrien Dépôt légal
tion complémentaire à la documentation Bibliothèque nationale du Québec, 2013
existante dans le domaine de la lecture et Correction d’épreuves Bibliothèque nationale du Canada, 2013
des bibliothèques. Francine Tremblay ISSN 1705-5526
L’Info-ABM est destiné aux membres des
Amis de la Bibliothèque de Montréal, au Mise en page et montage 3565, rue Jarry Est, 4e étage
personnel des Bibliothèques de Montréal, à JPP Communications Montréal (Québec) Canada H1Z 0A2
leurs usagers ainsi qu’à toute personne ou Tél : [phone]
groupe intéressé. Impression [email protected]
Copie Rapide www.ville.montreal.qc.ca/biblio
Info-ABM • Août 2013
Profession : bibliothécaire de prison
Jean Charbonneau est détenteur d’une maîtrise en sciences de l’information
de l’université McGill, auteur, traducteur et bibliothécaire. Il a notamment
publié deux romans ; Comme un intrus, en 2011 et Tout homme rêve d’être un
gangster, en 2013 (Québec Amérique). En 2005, il postule pour devenir bi-
bliothécaire au Maryland Department of Correction. Sa candidature ayant été
retenu, il y restera 6 ans. Voici un survol de cette expérience qu’il a relaté
en diverses occasions, entre autre lors de conférences présentées dans les
bibliothèques de Montréal.
Devenir bibliothécaire de pri- à ces récits qui correspondent
son, c’est aller vers l’inconnu énormément à la réalité qu’ils
bien que comme l’écrit M. Char- connaissent ou ont connu avant
bonneau : « l’idée extraordinai- leur emprisonnement. La plu-
rement incongrue d’être entouré part de ces hommes ont grandi
d’individus qui ont commis au dans un univers fermé (ghetto)
moins une action répréhensible, et termineront leurs jours en pri-
criminelle ou démente m’a tout son. Il souligne le paradoxe de la
de suite frappé »3. Malgré l’om- bibliothèque qui normalement
niprésence de la violence en ouvre les horizons alors qu’en
prison, ce qu’il a surtout cons- prison, du moins où il a travaillé,
taté c’est le profond ennui des il n’y a souvent pas d’horizon. Il
prisonniers, « tel le mythe de tentait souvent de leur proposer
Sisyphe derrière les barreaux » d’autres auteurs, d’autres lec-
écrit Jean Charbonneau. Autre tures afin de leur permettre au
3
constatation : la clientèle est moins de s’évader psychologi-
diversifiée. Outre le fait d’avoir commis sachant que les chances de se faire quement. Plusieurs ont avoué que cela
un délit, il ne s’agit pas nécessairement trouer la peau ici sont très minces ». leur avait fait le plus grand bien. Parmi
de maniaques psychopathes. Parmi les Plusieurs détenus qui fréquentent la bi- eux, certains voulaient écrire leurs mé-
prisonniers, des hommes intelligents et bliothèque sont à la recherche de livres moires, et même devenir écrivains. Ils
intéressants s’y morfondent. « En tant qui portent sur le droit car ils cherchent demandaient de l’aide pour trouver des
que bibliothécaire, je ne faisais pas par- à documenter leur propre défense ; ils magazines littéraires, des éditeurs mais
tie de l’appareil oppressif aux yeux de veulent changer leur sort. Pour des rai- force était de constater qu’ils n’étaient
la population. Au contraire, non seule- sons de sécurité, ils n’ont pas accès à pas nécessairement des prix Nobel de
ment je n’avais aucun rôle négatif à leur internet mais ils peuvent consulter des littérature ...
égard, je leur offrais, dans la bibliothè- bases de données sur la jurisprudence Au bout de 6 ans, Jean Charbonneau a
que, des services dont ils voulaient, avec l’aide du personnel. À souligner à senti qu’il était moins motivé, plus irri-
dont ils avaient besoin »4 explique t-il. cet effet que M. Charbonneau est le seul table. Lui qui se décrivait comme une
Jean Charbonneau compare la biblio- employé de la bibliothèque à ne pas être personne très diplomate, et dans ce mi-
thèque de prison à une oasis. « C’est un détenu, certains le sont d’ailleurs à lieu il faut l’être beaucoup pour ne pas
à peu près le seul endroit derrière les perpétuité. froisser la susceptibilité des détenus,
murs où règne le calme, où le silence a Les détenus aiment aussi lire les jour- il devenait de plus en plus tendu. Le
le droit d’exister ». En prison, la biblio- naux, les magazines, les encyclopédies. temps était venu de partir. Aujourd’hui,
thèque est perçue comme un lieu à res- Concernant les ouvrages de fiction, on avec le recul, il ose penser qu’il a eu un
pecter. Les détenus, du moins certains pourrait penser que les détenus veu- impact positif sur la triste vie de ces
d’entre eux, apprécient beaucoup la bi- lent se changer les idées mais en fait les gens.
bliothèque et ils ne veulent pas qu’elle romans les plus populaires sont ce que
soit fermée pour des problèmes de vio- Jean Charbonneau appelle des urban Sources : Charbonneau, Jean. Les mots, en
lence. « Les détenus viennent non seu- fictions ; livres dépeignant la vie dure prison… Argus, hiver 2013. p. 48 – 51.
lement pour y effectuer des recherches dans les ghettos, la drogue, la prostitu- Santini, Sylvano. Un bibliothécaire en prison.
sur les ordinateurs et emprunter des tion, la pauvreté. Un auteur particulière- Radiospirale.org. 27 avril 2012
bouquins, mais aussi pour s’asseoir à ment apprécié est Daniel Goines. Selon radiospirale.org/capsule/un-bibliothecaire-
une table, pour lire le journal, tout en Charbonneau, les détenus s’identifient en-prison
Info-ABM • Août 2013
4
Les bibliothèques dans les prisons françaises
En France, les bibliothèques sont présentes dans 95% des prisons mais
malgré cela, leur accessibilité n’est pas totalement garantie. En effet,
« elle ne dépend pas de la seule volonté de l’usager, mais d’un ensemble
de facteurs, parmi lesquels la disponibilité du personnel de surveillance
de la prison, souvent requis par de multiples tâches. Ce n’est pas non plus
parce que le lieu existe que les conditions d’accès sont convenables.
Il y a généralement plusieurs biblio- réalité, le fonctionnement et la qualité de prison ont une convention avec
thèques dans un établissement péni- des bibliothèques restent tributaires une bibliothèque territoriale. Dans les
tentiaire, afin que les ouvrages soient d’enjeux autant pratiques que politi- faits, cela peut se traduire par un dé-
disponibles aux détenus de différents ques. Les directeurs d’établissement pôt de livres, une intervention plus ou
quartiers – femmes, hommes, mineurs, où bien les élus locaux influent, par moins longue et fréquente”.
etc. On trouve ainsi dix bibliothèques leurs décisions et selon leur volonté, S’ajoutent à cela d’autres obstacles
à Fleury Mérogis, la plus grande prison sur les bibliothèques de prison. Leur tels que l’implantation géographique
d’Europe. Des dépôts de livres sont gestion quotidienne peut ainsi être des prisons, souvent situées à la péri-
également mis à disposition des arri- confiée à “des associations, du per- phérie des villes, la place initialement
vants, dans les quartiers disciplinai- sonnel pénitentiaire – conseillers d’in- prévue ou aménagée pour accueillir
res et la nurserie. Olwen Lesourd, le sertion et de probation ou surveillants les bibliothèques, mais aussi le type
directeur de l’association Lire c’est vi- –, des associations socioculturelles de détenus qui, selon les profils, re-
vre qui gère l’ensemble des bibliothè- qui n’ont pas de formation de biblio- quièrent plus ou moins de surveillan-
ques de cette maison d’arrêt explique thécaire. S’agissant des partenariats ce.
que le cas de Fleury Mérogis est loin avec les collectivités locales, il n’exis- Si l’on sait relativement peu de cho-
d’être représentatif de l’ensemble du te ici encore pas de normes. Dans les ses sur les pratiques culturelles en
système pénitentiaire français. […] En textes, environ 70% des bibliothèques prison, différentes études attestent
Info-ABM • Août 2013
que la lecture y reste une activité mi- qualité des bibliothèques de prison en matière de lecture publique en
noritaire. Les collections des biblio- ont été présentées aux instances con- prison, mais surtout, afin d’essayer
thèques de prison ne semblent quant cernées mais la mise en pratique n’a de convaincre les responsables pro-
à elles soumises à aucune contrainte pas nécessairement suivi. En 2005, fessionnels et élus politiques que la
juridique, les intervenants choisissant un rapport émis par le ministère de société aurait intérêt à reconnaître la
les ouvrages en fonction des budgets la Culture et de la Communication légitimité des missions éducatives,
d’acquisition qui leur sont octroyés, de France concluait à un fonctionne- sociales et culturelles pour les per-
ou par le biais de dons. Dictionnaires, ment insatisfaisant des bibliothèques sonnes détenues. Ce groupe de tra-
atlas, bandes dessinées, périodiques, de prison et proposait des recom- vail positionne sa vision autour des
livres de philosophie, poésies, biogra- mandations pour impulser une dy- quatre axes suivants :
phies ou encore ouvrages en langues namique de développement de ces
étrangères figurent parmi les types de bibliothèques et une structuration 1. L’architecture des
documents les plus demandés à Fleu- professionnelle. L’objectif visé était bibliothèques de prison
ry Mérogis. Une diversité qui témoigne alors de rattraper le retard considé- Ce premier axe touche la création et
de multiples usages de la lecture. rable des bibliothèques de prison par la situation physique des bibliothè-
[…] rapport aux bibliothèques publiques. ques dans la prison. Le groupe de
C’est en 1985 que l’écrivain Philippe La même année, l’IFLA7 publiait un do- travail souligne à ce titre qu’il existe
Claudel découvre l’univers carcéral, cument intitulé « Recommandations à souvent un problème d’écoute de la
dans le cadre d’un stage de professo- l’usage des bibliothèques de prison » part des concepteurs au niveau de la
rat à la maison d’arrêt de Nancy. De rédigé par Vibeke Lehmann et Joanne recherche d’un juste équilibre « en-
1988 à 2000, il dispense dans cette Locke dans lequel les auteurs présen- tre le confort d’usage, la flexibilité,
même prison, en parallèle de son tra- tent plusieurs recommandations tou- l’évolutivité et la rationalisation des
vail en lycée, des cours de français, chant 10 aspects à prendre à consi- surfaces. Une bibliothèque centrale
de littérature, d’écriture et parfois dération, soit : les champs d’applica- de 100 m² minimum avec le bureau
même d’histoire de l’art à des déte- tion ; l’administration ; l’accessibilité ; du bibliothécaire professionnel équi-
nus aux âges et niveaux scolaires ex- l’aménagement et les équipements ; pé de tous les outils électroniques et
trêmement divers. Si le milieu péni- les technologies de l’information ; le informatiques permettant de faire vi-
tentiaire a depuis considérablement personnel ; les moyens financiers ; les vre la bibliothèque hybride, pourvue
5
évolué, pour lui “la prison n’est pas collections ; les services et activités ; d’une salle d’actualité, d’un espace
différente de l’extérieur, les choses y les communications et le marketing. » de formation multimédia, d’une aire
sont simplement amplifiées. En con- d’exposition et d’accueil des anima-
séquence, le livre a le même rôle en Le positionnement de tions dont les rencontres avec les in-
prison qu’ailleurs, mais en plus aigu, l’Association des vités, écrivains, conférenciers, musi-
je pense”. Bibliothécaires de France (ABF) ciens, hommes de théâtre… devrait
[…] Lors de son Congrès de Paris en être prévue dans les plans de cons-
Olwen Lesourd reste ainsi prudent 2009, l’ABF a voté à l’unanimité une truction des nouvelles prisons et
quant au rôle de la lecture comme « Motion sur les médiathèques péni- d’aménagement des anciennes. […]
outil de réinsertion. Craignant l’ins- tentiaires alertant le Ministère de la Au même titre que les services édu-
tauration d’une vision utilitaire de la Justice et celui de la Culture et de la catifs, sportifs et de santé, le service
lecture, il tient à réaffirmer qu’elle est Communication pour qu’ils prennent culturel en prison doit pouvoir se dé-
avant toute chose un droit. 5» en considération les études réalisées velopper dans les bibliothèques. […]
par les institutions ayant développé La localisation des bibliothèques au
Un retard considérable des expertises en la matière – comme sein des établissements pénitentiai-
« Espaces insuffisants, accès com- l’IFLA – afin que les médiathèques res est une question importante aus-
pliqués, circulations difficiles, col- des établissements pénitentiaires si. D’une manière générale, il est co-
lections pas toujours actualisées, deviennent des lieux aux architectu- hérent que les bibliothèques soient
budgets restreints, personnels pro- res pertinentes permettant de jeter placées en proximité des salles de
fessionnels en très petit nombre, les les bases de la réinsertion sociale classe, de formation, d’activités so-
bibliothèques de prison [françaises] de chaque citoyen sous main de jus- ciales, d’espaces culturels comme
n’offrent pas aux personnes placées tice. » le théâtre, l’auditorium, le cinéma, si
sous main de justice les services que L’ABF a ainsi créé le groupe de travail ceux-ci ne sont pas intégrés dans les
celles-ci sont en droit d’attendre des Médiathèques/Bibliothèques d’éta- médiathèques. »
pouvoirs publics. »6 blissements pénitentiaires, afin de
Dès les années 80, des réflexions et comprendre dans un premier temps
recommandations pour améliorer la pourquoi les progrès sont si lents
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2. Le personnel de la bibliothèque ques soient un partenaire essentiel du plusieurs dizaines d’années.
processus de gestion et d’animation Les Règles Pénitentiaires Européen-
a) Les détenus des bibliothèques en établissements nes (RPE) favorisent l’institutionna-
Le groupe de travail recommande le pénitentiaires. lisation des bibliothèques de prison
recrutement d’un détenu bibliothé- comme lieux d’éducation et de cul-
caire qui serait sélectionné par des 4. La politique d’acquisition ture et incitent les bibliothèques pu-
bibliothécaires professionnels. S’il y des documents bliques à participer à l’organisation
a des commis détenus, ils devraient La spécificité des publics rencontrés du service de lecture. C’est en effet la
être supervisés sporadiquement par dans les bibliothèques de prison im- logique du réseau qui s’applique dans
des bibliothécaires professionnels. plique qu’une Charte d’acquisition ces circonstances toutes singulières.
des documents soit rédigée pour sa- Alors quand bien même le coût pour-
b) Les bénévoles tisfaire au mieux les lecteurs et offrir ra être conséquent, il sera toujours en
Certaines bibliothèques de prison ont le reflet des tendances contempo- deçà du coût des moyens sécuritaires
recours à des personnes bénévoles raines dans tous les domaines de la déployés pour garder les détenus. Il
non détenues. Habituellement, leur connaissance. Cette Charte intégrera s’agit, par delà la surveillance, de met-
recrutement ne sera envisagé qu’en aussi les données de l’information et tre en œuvre les outils et les institu-
complément des postes profession- de la documentation électronique qui tions – parmi lesquelles la médiathè-
nels et leur rôle en est un de renfort sont au cœur de l’élaboration et de la que -permettant d’envisager sérieuse-
auprès des bibliothécaires profession- communication des savoirs. ment la réinsertion des prisonniers,
nels. Ces personnes doivent avoir reçu
une formation. À cet effet, il existe en
Les Règles Pénitentiaires Européennes (RPE) favorisent l’ins-
France une Charte du bibliothécaire
volontaire du Conseil Supérieur des titutionnalisation des bibliothèques de prison comme lieux
Bibliothèques.
d’éducation et de culture et incitent les bibliothèques publiques
c) Les professionnels à participer à l’organisation du service de lecture. C’est en ef-
« Les bibliothécaires professionnels
fet la logique du réseau qui s’applique dans ces circonstances
sont les garants d’un véritable service
6
de lecture publique pour les person- toutes singulières. Alors quand bien même le coût pourra être
nes détenues. Les bibliothèques de
conséquent, il sera toujours en deçà du coût des moyens sécu-
prison ne peuvent pas fonctionner
sans eux. Mais la spécificité des lieux ritaires déployés pour garder les détenus.
et des structures implique que ceux-ci
soient formés au monde carcéral. La
recommandation de l’IFLA d’un temps Instaurer des bibliothèques mission inhérente au service public
plein professionnel pour 500 détenus de qualité en prison pénitentiaire assuré par l’Administra-
est une référence incontournable. Et Les détenus doivent « pouvoir bé- tion pénitentiaire à laquelle partici-
dans les établissements de moins de néficier des meilleures conditions pent d’autres services de l’État, des
500 détenus, il est quand même né- de réception de l’information, de la collectivités territoriales, des associa-
cessaire de prôner la présence d’un documentation et des fruits de la tions et d’autres personnes publiques
temps plein professionnel. La multi- connaissance qui lui permettront de ou privées. »
plication des animations envers cette développer ses pensées et ses idées
population défavorisée, souvent à et de participer activement au débat Sources :
tous points de vue, économique, so- public. La médiathèque doit pouvoir En prison, des bibliothèques au rabais.
cial et culturel […] permettra dans les favoriser auprès de cette population France culture. 4 septembre 2012.
www.franceculture.fr/2012-09-04-en-pri-
conditions imposées par l’Administra- le goût du loisir et du divertissement
son-des-bibliotheques-au-rabais
tion pénitentiaire de remplir les mis- et lui donner l’occasion d’exercer
Philippe Pineau pour le Groupe de travail
sions liées au droit à la lecture et à la une activité récréative importante.
« Médiathèques/Bibliothèques des établis-
culture. » Cela signifie concrètement que le
sements pénitentiaires ». Pour des biblio-
bâtiment, le personnel et la coopé-
thèques de qualité dans les prisons fran-
3. L’implication des collectivités ration entre les institutions (minis-
çaises. Association des Bibliothécaires de
Les établissements pénitentiaires tères, collectivités territoriales, par- France. Janvier 2012.
sont intégrés à un territoire. C’est ticipations associatives publiques Bürki, Reine. « Pour des bibliothèques de
pourquoi, il est logique que les collec- ou privées) doivent atteindre une qualité dans les prisons françaises », BBF,
tivités territoriales et leurs bibliothè- excellence qui comblera le retard de 2013, n° 1, p. 94-95. bbf.enssib.fr.
Info-ABM • Août 2013
La bibliothèque du camp de
Guantanamo
7
« Derrière les clôtures et le barbelé du Camp Delta, vaste leur envoyer des livres. Une pratique qui permettrait aux
partie désaffectée du complexe de haute sécurité, un bâti- bénéficiaires de conserver les ouvrages 60 jours durant
ment préfabriqué possède néanmoins quelques caractéris- dans leur cellule, au lieu des 30 jours habituels.
tiques d’une bibliothèque. A l’intérieur du local de fortune, Mais la préférence du lectorat incarcéré à Guantanamo se
l’atmosphère rappelle celle d’une bibliothèque succursale porterait, selon le témoignage du bibliothécaire en chef,
où les livres sont regroupés par langues et par genres au principalement sur les ouvrages religieux. Quand bien
sein de diverses salles de stockage. […] Ici les usagers même les détenus ne dédaigneraient pas certains titres
n’ont pas le loisir de se promener entre les étagères. Dans occidentaux, comme du Gabriel García Márquez ou du Da-
cet univers carcéral c’est le bibliothécaire en chef, un civil nielle Steel, et de véritables romans « hérétiques » comme
restant anonyme pour des raisons de sécurité, qui rem- les sagas Harry Potter et Le Seigneur des anneaux. Le biblio-
plit lui-même des bacs en plastique d’une cinquantaine de thécaire annonce par ailleurs que sont filtrés les contenus
bouquins. jugés blasphématoires, développant des thèses anti-améri-
Et une fois par semaine, ces caisses de ses sélections litté- caines, ou extrémistes.
raires sont apportées au sein de chaque bloc de cellules. Un camp visiblement propice aux lectures, à sa manière,
Quant aux 166 détenus enfermés parfois depuis plus d’une et qui peut susciter de véritables passions comme celle
décennie, la plupart sans le moindre procès, ils sont auto- de ce détenu qui depuis sa cellule aurait lu trois fois le
risés à emprunter deux titres suggérés à la fois, voire à livre d’Orwell, 1984, et qui aurait rapporté à l’avocat David
soumettre leurs demandes plus spécifiques à condition de Remes, que l’œuvre dépeignait très bien l’atmosphère de
respecter les règles de la prison. Guantanamo. »
Le catalogue de la bibliothèque serait composé d’environ
9 000 titres pour 18 000 ouvrages. Des éditions majoritai- Source :
rement écrites en arabe, et accompagnées de quelques Derrière les barbelés, la bibliothèque du camp de Guantanamo. Là
échantillons de revues, DVD et autres jeux vidéo. Comme où lire délivre. ActuaLitté. 13 juin 2013.
www.actualitte.com/international/derriere-les-barbeles-la-biblio-
la liste reste limitée, en raison du budget insuffisant de la
theque-du-camp-de-guantanamo-43068.htm
bibliothèque, avocats et familles des prisonniers peuvent
Info-ABM • Août 2013
La bibliothèque de Münster en Allemagne :
un modèle inspirant
« Le manque de ressources et la limitation des budgets, ainsi que les
circonstances spéciales des prisons et centres de détention, ont tou-
jours créé des obstacles au fonctionnement efficace des bibliothèques
de prison. Par exemple, la plupart des prisons de l’État allemands
n’emploient pas de bibliothécaires professionnels. La gestion des bi-
bliothèques de prison ne s’opère que rarement au niveau régional ;
dans la majorité des cas, c’est le personnel de la prison qui doit gérer
seul une bibliothèque institutionnelle.
C’est dans ce contexte que la L’éducation des détenus
prison de Münster a engagé un De nombreux détenus ont un
bibliothécaire professionnel faible niveau d’éducation. Cer-
en 2003, ce qui a mené à une tains d’entre eux n’ont jamais
réforme fondamentale et à l’ex- obtenu leur diplôme de fin de
pansion de sa bibliothèque et de scolarité, ou ont eu une scola-
son système d’administration.8 rité difficile. Beaucoup d’entre
[…] La bibliothèque propose eux commencent à lire en pri-
aujourd’hui près de 10 000 livres son. L’un des objectifs spéci-
et autres supports dans une fiques de la bibliothèque de
salle complètement rénovée, co- prison est donc d’améliorer les
lorée et agréable, à un groupe ci- compétences des détenus en
8
ble dont la plupart des membres matière de lecture et d’écritu-
ne sont pas habitués à lire régu- re, de les encourager à utiliser
lièrement. La bibliothèque de la ses contenus de façon créative
nement alphabète attrayant qui favori-
prison de Münster a reçu le Prix pour lire et de devenir des apprenants
se la culture de la lecture. Par le passé,
de la bibliothèque allemande de l’an- tout au long de la vie. En outre, le fonds
c’étaient des enseignants, prêtres ou
née 2007 pour son travail remarquable de la bibliothèque est une source d’in-
travailleurs sociaux qui se chargeaient
dans le domaine social. Chaque année, formation et d’éducation sur un large
des bibliothèques de prison, mais le
le bibliothécaire et le directeur de la éventail de sujets. Enfin et surtout, la
transfert de sa gestion à des bibliothé-
prison conviennent d’un plan de déve- bibliothèque fournit les supports pé-
caires professionnels a été un facteur
loppement de la bibliothèque qui pré- dagogiques qui sont utilisés dans le
déterminant dans le succès de la biblio-
cise des objectifs spécifiques. Ce plan programme d’enseignement du Dépar-
thèque de la prison de Münster.
annuel de développement est le docu- tement d’éducation de la prison. Ce
ment de référence pour l’évaluation de Le principal objectif de la bibliothèque programme d’enseignement comprend
la performance de la bibliothèque. de la prison de Münster est d’offrir aux une présentation de la bibliothèque et
Presque toutes les tâches courantes détenus la possibilité d’utiliser leur de ses ressources et forme les détenus
sont effectuées par des détenus qui temps libre de façon constructive. à les utiliser de façon efficace. De plus,
occupent le rôle d’assistants-biblio- les enseignants peuvent suggérer à la
thécaires. Cela requiert un certain en- Un aspect ludique bibliothèque l’achat de certains titres
gagement de la part de la direction du Les livres et ressources audiovisuelles en fonction de leur plan de cours.
personnel et une grande tolérance, car donnent aux détenus l’opportunité de
la plupart des assistants n’ont pas d’ex- détourner leurs pensées de la prison Le développement personnel
périence professionnelle et sont limités et de « s’échapper » des barreaux qui La lecture donne aux détenus une cer-
dans les tâches qu’ils peuvent réaliser. limitent leur liberté physique. Faire de taine intimité et un certain degré de
Le succès de la bibliothèque de la pri- la lecture une activité agréable est une liberté culturelle pour analyser leur
son de Münster montre que les biblio- étape importante pour les détenus, vie, trouver de l’inspiration dans leurs
thécaires professionnels peuvent jouer pour qui l’expérience des livres est lectures et atteindre un degré de cons-
un rôle important pour redynamiser souvent négative. cience de soi plus élevé.
une bibliothèque et créer un environ-
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Une rénovation réussie loppées en interne pour gérer la col-
En 2005, il a été décidé d’engager des lection. De plus, les détenus peuvent
architectes professionnels pour refaire utiliser des ordinateurs pour effectuer
la bibliothèque à neuf. La nouvelle bi- des recherches dans le catalogue de la
bliothèque incarne l’idée selon laquelle bibliothèque.
les bibliothèques ouvrent des portes
vers de nouveaux mondes. La salle, Les partenariats externes
située au centre de la prison et dotée Grâce aux efforts que le Département de
d’une entrée accueillante, invite les dé- la bibliothèque de la prison a déployés
tenus à pénétrer dans un vaste espace depuis 2003, un vaste réseau de coopé-
haut en couleur. Des miroirs placés rations de différents types s’est formé
stratégiquement agrandissent l’espace entre la bibliothèque de la prison et des
et créent un effet kaléidoscopique. Les aux lecteurs. Le fonds est régulière- organismes locaux, notamment des li-
contenus de la bibliothèque sont pré- ment mis à jour grâce aux aides finan- brairies, des maisons d’édition, l’univer-
sentés sur trois niveaux : sur des éta- cières allouées par le gouvernement et sité et, plus particulièrement, la biblio-
gères ouvertes, des chariots mobiles et à des dons de livres. Chaque année, 10 thèque publique de Münster. Par exem-
dans des armoires basses. à 15 pour cent de la collection est rem- ple, grâce à un système de prêts entre
placée par de nouveaux titres. bibliothèques, les détenus ont accès à
Une vaste collection la collection de la bibliothèque publi-
La collection de la bibliothèque com- Le libre accès que de Münster. Le personnel et les sta-
prend près de 10 000 livres, livres Les détenus ont un accès direct aux giaires des deux bibliothèques se sont
audio, CD, DVD, journaux et magazines collections de livres et de supports rendus visite mutuellement et des acti-
en trente langues. Les plus de 2 000 ti- audiovisuels. Alors que la plupart des vités communes ont été organisées. […]
tres en langues étrangères permettent autres bibliothèques de prison n’ac- La bibliothèque de la prison de Müns-
aux détenus d’origine étrangère (plus cordent des prêts aux détenus qu’à ter a travaillé en étroite collaboration
de 50 pays) de lire dans leur langue ma- partir d’un catalogue imprimé, l’accès avec d’autres organisations culturelles
ternelle. Outre les romans et les ouvra- libre est la norme à la prison de Müns- et a pu organiser plusieurs événements
ges généraux, la bibliothèque fournit ter depuis plus de vingt ans. Chaque culturels pour donner aux détenus un
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des titres de lecture facile, des livres semaine, pendant 15 minutes, les dé- aperçu de la vie en dehors des murs de
illustrés et des bandes dessinées, des tenus peuvent choisir ce qu’ils veulent la prison. Certains de ces programmes
journaux et des magazines, des livres emprunter directement sur les étagè- comprennent des lectures et des confé-
audio, des CD et des DVD. Des lectu- res. De plus, il est récemment devenu rences d’auteurs et d’artistes.»
res de différents niveaux de difficulté possible d’accéder au catalogue de la
aident ceux qui ne savent pas bien lire. bibliothèque à distance via un réseau Source : Unesco. Bibliothèque de la prison
Des publications juridiques informent intranet. Bien que l’accès des détenus de Münster. Pratiques efficaces d’alphabéti-
et éduquent. Les dictionnaires et ency- à l’informatique soit restreint, la biblio- sation. www.unesco.org/uil/litbase?menu=1
clopédies ouvrent de nouvelles portes thèque utilise des applications déve- 5&programme=110&language=fr
« Une enquête a été menée en collaboration avec le Centre de docu- Notes et références
mentation pour la littérature en prison de l’université de Münster en pour tout le dossier
2006 afin d’analyser les habitudes de lecture des détenus. Sur les 200 1 En prison, des bibliothèques au rabais. France
culture. 4 septembre 2012.
questionnaires qui ont été renvoyés (40 pour cent des détenus ont par-
2 bibliothequeapothicaire.com
ticipé), 79 pour cent ont déclaré avoir utilisé leur temps libre pour lire, 3 Charbonneau, Jean. Les mots, en prison … Ar-
ce qui fait de la lecture l’activité de loisir la plus populaire, devant la gus, hiver 2013. p. 48
4 Ibid, p. 49
télévision, qui arrive en deuxième place. Soixante pour cent des répon-
5 En prison, des bibliothèques au rabais. France
dants ont déclaré passer une moyenne de deux heures par jour à lire, culture. 4 septembre 2012
6 Philippe Pineau pour le Groupe de travail « Mé-
ce qui, pour la majorité d’entre eux, est bien plus que ce qu’ils avaient
diathèques/Bibliothèques des établissements
l’habitude de lire avant leur incarcération. La majorité de ces lectures pénitentiaires ». Pour des bibliothèques de qua-
(88 pour cent) provient de la bibliothèque de la prison, le reste prove- lité dans les prisons françaises. Association des
Bibliothécaires de France. Janvier 2012.
nant d’autres détenus. Plus de 80 pour cent des répondants utilisent la
7 International Federation of Library Associa-
bibliothèque chaque mois, et presque la moitié d’entre eux l’utilisent tions and Institutions
8 L’institution correctionnelle de Münster, l’une
chaque semaine. L’information et l’éducation sont la principale raison
des prisons les plus anciennes d’Allemagne, a
de lire pour 83 pour cent des détenus. » été construite en 1853. Aujourd’hui, elle héber-
ge presque 560 détenus issus de 50 pays.
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À la découverte des bibliothèques, lieux du savoir !
Micheline Therrien
Dans son nouveau livre Architectures de la connaissance au Québec, l’ar-
chitecte Jacques Plante nous parle de ces lieux de mots et d’images
que sont les bibliothèques. Il témoigne dans cet ouvrage de ses percep-
tions de chaque lieu, de ses interprétations et de ses sentiments pour
ces établissements culturels. De plus, ce livre réunit plusieurs auteurs,
entre autres, des historiens, des spécialistes de la bibliothéconomie,
des concepteurs d’architecture.
Dans la préface de cette publication, teur assidu des centres d’archives et
Lise Bissonnette, écrivaine et jour- des bibliothèques pour dénicher leurs
naliste, rapporte que la bibliothèque secrets les plus anciens lui permettant
d’aujourd’hui est forte si son architec- ainsi de fignoler ses polars. Et c’est
ture est poétique, si elle dit la liberté, Chrystine Brouillet, auteure québécoi-
si elle contredit la tourmente et l’agi- se, qui nous offre une nouvelle.
tation du monde, si son architecture La deuxième partie, Projets, cède la
l’ancre dans son milieu.1 place à l’auteur Jacques Plante, qui dé-
Découvrez dans ce volume de 250 pa- crit avec passion l’histoire de chacun
ges l’évolution de ces architectures de des projets ; qu’il parle des archives et
la connaissance au Québec par le biais des bibliothèques, des bibliothèques Plante, enchantent encore aujourd’hui
de 16 textes inédits, 450 photos et il- collégiales, universitaires et municipa- les étudiants pour ce qui est de l’orga-
lustrations, 140 dessins en plan et en les, de la cinémathèque, des maisons nisation des lieux de travail.
coupe et 33 textes descriptifs et fiches de la culture ou de la littérature. Pour 3. La Bibliothèque Robert-Bourassa
de projet. chacun, il nous apprend qui en est le à Outremont, inaugurée en 1998, qui
10 La première partie de ce livre, Essais, client et où il se situe, qui sont ses con- s’intègre naturellement au tissu urbain
témoignages et une nouvelle, laisse cepteurs et ce qui le caractérise, soit environnant. Elle a été l’un des pre-
d’abord la parole aux historiens qui sa superficie, sa capacité et ses collec- miers projets de la nouvelle généra-
partagent leur vision des bibliothè- tions. Et, pour appuyer son texte, les tion de concours d’architecture tenus
ques et la contribution de celles-ci à différents dessins en plan et en coupe au Québec à la fin des années 1990. À
la société. Le bibliothécaire et histo- accompagnés de photos couleur de découvrir !
rien Yvon-André Lacroix, par exemple, l’édifice en question. Si pour vous, la bibliothèque est votre
considère la bibliothèque comme « un Tous les projets proposés dans ce li- « troisième lieu de vie », vous consulte-
espace de liberté et un actif incompa- vre sont plus intéressants les uns que rez ce livre avec plaisir et découvrirez
rable dans l’affirmation de la démo- les autres. Toutefois, trois d’entre eux comment architectes, concepteurs, in-
cratie2 ». Ensuite, les architectes nous m’ont principalement interpelée soit génieurs créent ces lieux de la connais-
parlent des défis que représente la par le texte évocateur de l’auteur soit sance pour qu’ils soient des endroits
construction de bibliothèques au Qué- par les photos : où les visiteurs ont le goût de revenir
bec et ce, dans une approche urbaine 1. La Grande Bibliothèque, inaugurée et ainsi adhérer à la culture de leur mi-
et humaine. Les travaux de recherche en 2005 à Montréal, qui assure de- lieu de vie. Après la lecture de ce livre,
et de création des bibliothèques pu- puis un soutien aux bibliothèques pu- votre regard sera sûrement différent
bliques de l’architecte Manon Asselin bliques du Québec. Vous ne pourrez lors de la prochaine visite à votre bi-
l’ont amenée à considérer la bibliothè- rester indifférent à son histoire. Une bliothèque de quartier.
que de quartier comme un « troisième réussite inespérée pour ce qui est de Ne serait-ce que pour l’histoire de l’ar-
lieu » favorisant ainsi la sociabilité3. la fréquentation d’un lieu de mots et chitecture de ces lieux du savoir, cet
Enfin, les artistes quant à eux appor- d’images à la fine pointe de la techno- ouvrage vaut le détour et une visite
tent leur contribution à ces architectu- logie. dans une bibliothèque !
res que ce soit dans le design ou l’art, 2. La Bibliothèque de l’École Polytech-
afin d’intégrer à ces lieux du savoir nique de Montréal, inaugurée aussi
1 Plante, Jacques. Architectures de la con-
une touche artistique s’harmonisant à en 2005, décrite par l’auteur donne le naissance au Québec , Les Publications du
l’espace créé. De plus, deux écrivains goût de la visiter pour découvrir les Québec, avril 2013, p. VII
participent à cet ouvrage dont Jacques pavillons Lassonde qui se distinguent 2 Ibid, p. 34
Côté, auteur de romans policiers, visi- par leurs couleurs et qui, selon Jacques 3 Ibid, p. 41-42
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