Evaluation des risques de crise, appliquée à la détection des conflits armés intra-étatiques

332 Pages·2017·5.01 MB·French

by  Thomas Delavallade

Evaluation des risques de crise, appliquée à la détection
des conflits armés intra-étatiques
Thomas Delavallade
To cite this version:
Thomas Delavallade. Evaluation des risques de crise, appliquée à la détection des conflits armés
intra-étatiques. Autre [cs.OH]. Université Pierre et Marie Curie - Paris VI, 2007. Français. ￿NNT: ￿.
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´
Evaluation des risques de crise,
appliqu´ee `a la d´etection des conflits arm´es
intra-´etatiques
Th`ese de doctorat de l’Universit´e de Paris 6
pr´esent´ee pour obtenir le grade de
Docteur de l’Universit´e Paris 6
(sp´ecialit´e informatique)
par
Thomas Delavallade
soutenue le 06 d´ecembre, devant le jury compos´e de
Mme Bernadette Bouchon-Meunier (Directeur de recherche, CNRS) Directrice de th`ese
M. Philippe Capet (Thales) Co-encadrant de th`ese
M. Christophe Marsala (Maˆıtre de conf´erences, Universit´e Paris 6) Co-encadrant de th`ese
M. Georges He´brail (Professeur, ENST Paris) Rapporteur
M. Louis Wehenkel (Professeur, Universit´e de Li`ege) Rapporteur
M. Bruno Cre´milleux (Professeur, Universit´e de Caen Basse-Normandie) Examinateur
M. Jean-Fran¸cois Marcotorchino (Professeur, Universit´e Paris 6) Examinateur

Table des matiŁres
RØsumØ vii
Introduction 1
I (cid:201)valuation des risques (cid:224) moyen terme 8
1 (cid:201)tat de l’art 10
1.1 Approches qualitatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.2 Approches quantitatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.3 ComplØmentaritØ des deux approches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2 Un premier modŁle d’Øvaluation des risques 30
2.1 Salammb(cid:244) : construction d’arbres de dØcision (cid:29)ous . . . . . . . . . . . . . . 30
2.2 Description des donnØes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.3 PremiŁres expØrimentations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
3 AmØliorations du modŁle 42
3.1 Un algorithme gØnØtique pour la sØlection d’attributs . . . . . . . . . . . . . 42
3.2 RØsultats expØrimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
4 Discussion 49
II (cid:201)tude de la cha(cid:238)ne d’apprentissage dans son ensemble 52
5 Comparaison de classi(cid:28)eurs 54
5.1 (cid:201)valuation d’un classi(cid:28)eur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
5.2 Deux classi(cid:28)eurs ØvaluØs sur une seule base de donnØes . . . . . . . . . . . . 55
5.3 Deux classi(cid:28)eurs ØvaluØs sur n bases de donnØes . . . . . . . . . . . . . . . . 59
5.4 k classi(cid:28)eurs ØvaluØs sur une seule base de donnØes . . . . . . . . . . . . . . 61
5.5 k classi(cid:28)eurs ØvaluØs sur n bases de donnØes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
5.6 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
6 Traitement des donnØes manquantes 69
6.1 Position du problŁme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
6.2 MØcanismes de gØnØration des donnØes manquantes . . . . . . . . . . . . . . 70
6.3 Importance de la rØpartition des donnØes manquantes. . . . . . . . . . . . . 73
6.4 (cid:201)tat de l’art sur le traitement des donnØes manquantes . . . . . . . . . . . . 74
6.5 Technique de substitution basØe sur l’entropie . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
6.6 Analyse comparative empirique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
iii
iv TABLE DES MATI¨RES
6.7 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
7 SØlection d’attributs 113
7.1 Position du problŁme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
7.2 DØ(cid:28)nitions du problŁme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
7.3 (cid:201)tat de l’art sur les techniques de sØlection d’attributs . . . . . . . . . . . . 123
7.4 Filtrage basØ sur le test de Kolmogorov-Smirnov . . . . . . . . . . . . . . . 157
7.5 Substitution et (cid:28)ltrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
7.6 Analyse comparative empirique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
7.7 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
8 Discussion 182
III Un nouveau modŁle d’Øvaluation des risques 184
9 SystŁme global d’Øvaluation des risques 186
9.1 Apprentissage du modŁle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186
9.2 Utilisation du modŁle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
10 Application aux con(cid:29)its armØs intra-Øtatiques 192
10.1 ThØories sur l’Ømergence des con(cid:29)its . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
10.2 Base de donnØes sur les con(cid:29)its armØs intra-Øtatiques . . . . . . . . . . . . . 205
10.3 RØsultats expØrimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217
10.4 Analyse et interprØtation des rØsultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234
11 Discussion 250
Conclusion 252
11.1 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252
11.2 OriginalitØ de nos travaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253
11.3 Perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
Bibliographie 260
A Notations 275
B Bases de donnØes UCI 279
C CaractØristiques gØnØrales des bases de donnØes ØtudiØes 281
D Liste des pays ØtudiØs 285
E Liste des variables utilisØes 307
F Liste des sources utilisØes 319
G RØsultats de la sØlection de modŁles 321
Index des sigles et noms de mØthodes 323
1
Remerciements
(cid:201)crire ces derniŁres lignes aprŁs plus de trois ans passØes en compagnie de mon sujet
de thŁse est loin d’Œtre aussi simple que je ne l’escomptais. Bien que que peu enclin au
sentimentalisme, je ne saurais mettre un terme (cid:224) cette thŁse sans exprimer ma profonde
reconnaissance (cid:224) toutes celles et ceux qui ont contribuØ d’une maniŁre ou d’une autre (cid:224) sa
rØalisation. Je t(cid:226)cherai donc d’Œtre sobre dans la forme, emphase et autres hyperboles ne
pouvant de toute fa(cid:231)on su(cid:30)re (cid:224) transcrire (cid:28)dŁlement ma gratitude envers celles et ceux
qui m’ont accompagnØ durant ces annØes.
JeremercieenpremierlieumadirectricedethŁse,BernadetteBouchon-Meunier,Chris-
topheMarsalaetPhilippeCapet,mesencadrantsaujourd’huiamis,quim’ontfaitcon(cid:28)ance
dŁs mon DEA. C’est essentiellement (cid:224) eux que je dois la rigueur et l’honnŒtetØ scienti(cid:28)que
dont je crois avoir su faire preuve durant ma thŁse. Bernadette, toujours disponible malgrØ
un emploi du temps surchargØ, par ses conseils mais aussi par l’environnement de travail
qu’elle a su crØer dans son Øquipe, fut une directrice que nombre de camarades thØsards
dans d’autres labos m’enviaient. Christophe a mis (cid:224) ma disposition non seulement son
logiciel Salammb(cid:244) qui est au c(cid:247)ur de mes travaux, mais Øgalement son temps et sa prØ-
cieuse expØrience dans le domaine de l’apprentissage automatique, sans laquelle je n’aurais
su Øviter de nombreux cul-de-sacs dans lesquels je m’aventurais parfois allØgrement. Les
frØquentes discussions que j’ai pu avoir avec Philippe ont contribuØ de maniŁre dØcisive (cid:224)
guidermeschoixmØthodologiques,(cid:224)dØ(cid:28)nirl’orientationgØnØraledecettethŁse.Jeluidois
enparticuliermadØcouvertedel’ØpistØmologiequieutunein(cid:29)uencedØterminantesurmon
travail. Ses talents d’alchimistes pour extraire des idØes prometteuses d’expØrimentations
anodines me furent Øgalement d’un grand secours durant les pØriodes de stagnation qui ont
ØmaillØ l’avancement de mes recherches.
Je tiens Øgalement (cid:224) remercier les autres membres de mon jury, Georges HØbrail, Louis
Wehenkel,BrunoCrØmilleuxetJean-Fran(cid:231)oisMarcotorchino.Leursnombreusesremarques
et questions ont ØtØ pour moi l’occasion, la derniŁre peut-Œtre, d’argumenter en toute
franchise les choix techniques et mØthodologiques que j’ai pris durant ces trois derniŁres
annØes.
L’orientation gØopolitique de mes travaux depuis mon DEA n’a ØtØ possible que gr(cid:226)ce
(cid:224) Claude Michel. C’est lui qui a initiØ et dØveloppØ depuis plus de 10 ans, au sein de
THALES, les recherches sur la dØtection des crises. Avec Philippe il a constamment suivi
mes travaux au sein de THALES.
Laure Mouillet a rØalisØ le premier dØmonstrateur de dØtection des crises qui a servi de
base (cid:224) mes premiŁres implØmentations. C’est Øgalement elle qui a guidØ mes premiers pas
dans le domaine de la prØvision des con(cid:29)its.
MessØjoursauseindel’ØquipeLOFTIdeBernadette,chaquejeudi,m’ontØnormØment
apportØtantsurleplanscienti(cid:28)quequesurleplanmoral.OutreBernadetteetChristophe,
1Cette thŁse a ØtØ co(cid:28)nancØe par THALES et le CNRS.
v
vi REMERCIEMENTS
je tiens (cid:224) remercier les permanents Maria, Herman, Nicolas et Marcyn, sans oublier l’ir-
rempla(cid:231)able Marie-Jeanne. Je suis Øgalement redevable (cid:224) tous les thØsards de l’Øquipe et
en particulier (cid:224) Marco qui a eu la lourde t(cid:226)che de me supporter trois ans dans son bureau,
Jason gr(cid:226)ce (cid:224) qui les cours de Maple (cid:28)nissaient toujours sur une bonne note, Vincent gr(cid:226)ce
(cid:224) qui j’ai laissØ une cheville (cid:224) OrlØans, Thanh Ha avec qui j’ai eu le plaisir d’Øcrire deux
articles et Adrien avec qui j’ai croisØ le fer sur les terrains de rugby. Je n’oublie pas non
plus Javier qui me supporte depuis le DEA, Olivier, Thomas, Romain, Tri Duc et Lio-
nel. Guillaume, Jean-Fran(cid:231)ois et Nicolas de l’Øquipe CONNEX de Patrick Gallinari m’ont
Øgalement beaucoup soutenu, ainsi que CØdric (cid:224) THALES.
C’est (cid:224) Clara et Tom que je dois la relecture attentive de la derniŁre partie de cette
thŁse. Leurs conseils avisØs et leurs explications ØconomØtriques m’ont permis de mieux
comprendre la littØrature relative aux causes des guerres civiles. Clara m’a Øgalement per-
mis de rencontrer le professeur Collier dont les travaux ont jouØ un r(cid:244)le trŁs important
dans la rØdaction de la derniŁre partie de cette thŁse.
Les discussions que j’ai pu avoir sur mon sujet avec Christian Mullon furent plus qu’en-
richissantes. Je regrette seulement de n’avoir pas su trouver le temps d’exploiter toutes les
pistes de recherche qu’il m’a suggØrØes. Je remercie Øgalement Jacek Biesiada d’avoir pris
le temps de m’Øclairer sur l’utilisation du test de Kolmogorov-Smirnov pour la sØlection
d’attributs.
Nico ami de toujours et grand amateur de la langue fran(cid:231)aise a eu le courage de relire
monpremierchapitreetc’est(cid:224)Renquejedoisl’idØedemonØtudedecassurleRwandaen
(cid:28)n de thŁse. En(cid:28)n Ann-CØcile a contribuØ (cid:224) la relecture de la quasi-totalitØ du manuscrit
et (cid:224) la rØalisation d’une grande partie des graphes et tableaux de cette thŁse.
L’aidedemesamisetcousinsfutØgalementinestimable.Ilsm’ontcontraint(cid:224)expliciter,
clairi(cid:28)er mes idØes sur la dØtection des crises, et ils ont su me divertir lorsque cela devenait
nØcessaire,deParis(cid:224)LaRØoleenpassantparBordeaux,ToulouseouAntibes,aucomptoir
des bistrots ou sur les prØs de l’ovalie.
Mais c’est sans aucun doute (cid:224) mes parents, ma soeur Quitterie et mon frŁre Martin,
ainsi qu’(cid:224) Ann-CØcile, que je suis le plus redevable. Cette thŁse n’aurait jamais pu Œtre
achevØe sans leur soutien. Ann-CØcile a en outre eu le mØrite de supporter au quotidien
mes humeurs parfois exØcrables pendant ces trois annØes.
Je tiens en dernier lieu (cid:224) remercier mes grand-mŁres et avoir une pensØe pour mes
grand-pŁres. C’est Øvidemment en grande partie (cid:224) eux quatre que je dois l’a(cid:27)ection de tout
le reste de la famille qui si fut importante durant ces annØes. Je voudrais Øvoquer plus
particuliŁrement celui que nous appellions bon papa. Sa soif de connaissance, son besoin
constant de comprendre rationnellement le monde ont, je crois, grandement in(cid:29)uencØ ma
personnalitØ et mon orientation vers la recherche. Je le tenais rØguliŁrement au courant de
mes travaux. Malheureusement il n’aura pas pu en conna(cid:238)tre l’aboutissement.
RØsumØ
Dans de nombreux domaines, l’analyse rationnelle des risques fait partie intØgrante du
processus de dØcision. Il s’agit d’un outil mØthodologique essentiel pour les acteurs poli-
tiques et Øconomiques qui leur permet d’anticiper le dØclenchement de crises potentielles.
Dans certains secteurs d’activitØ les consØquences de telles crises sont parfois telles que le
recours(cid:224)l’analysederisquecorrespond(cid:224)unecontrainterØglementaireimposØeparlelØgis-
lateur. L’objectif d’une telle analyse est de parvenir (cid:224) identi(cid:28)er les situations (cid:224) risque ainsi
que les principaux facteurs de risque de maniŁre (cid:224) pouvoir mettre en place les politiques
de prØvention adØquates.
Si de nombreuses cellules de veille ont ØtØ mises en place, tant au niveau de l’entre-
prise, qu’au niveau des institutions nationales et internationales, la quantitØ d’information
potentiellement pertinente pour un sujet donnØ est parfois telle que la mise (cid:224) disposition
d’outilsautomatisanttoutoupartiedutraitementdecetteinformationrØpond(cid:224)unbesoin
rØel, sinon (cid:224) une nØcessitØ.
Dans cette optique, dans cette thŁse, nous proposons un systŁme gØnØrique d’aide (cid:224)
l’anticipation de crises. Notre objectif est de fournir une synthŁse d’une situation donnØe,
d’un point de vue structurel et non ØvØnementiel, via l’identi(cid:28)cation des crises potentielles
ainsi que des principaux facteurs de risque associØs. Le systŁme que nous proposons repose
sur l’apprentissage supervisØ de rŁgles de dØcision (cid:29)oues.
La qualitØ des donnØes d’apprentissage Øtant problØmatique dans de nombreuses ap-
plications, nous proposons, dans nos travaux, une Øtude approfondie sur la cha(cid:238)ne de prØ-
traitement, et en particulier sur le traitement des valeurs manquantes et sur la sØlection
d’attributs. Nous avons Øgalement mis l’accent sur l’Øvaluation et la sØlection de modŁles
a(cid:28)ndepouvoiradapterlesmodŁlesdedØtectionauproblŁme(cid:224)traiter,ainsiqu’auxbesoins
de l’utilisateur (cid:28)nal.
La synthŁse des rØsultats fournis par notre systŁme Øtant destinØe (cid:224) des utilisateurs en
charge de la veille stratØgique, des outils d’aide au raisonnement et (cid:224) la comprØhension de
cette synthŁse sont Øgalement proposØs.
Pour juger de l’intØrŒt de notre mØthodologie nous dØtaillons son application (cid:224) un
problŁme concret : la dØtection des con(cid:29)its armØs intra-Øtatiques.
vii
Introduction
Le calcul des probabilitØs, appliquØ (cid:224) la vie
des nations, aux cas de guerre et de rØ-
volution, est le fondement de toute haute
politique. Gouverner, c’est prØvoir.
(cid:201)mile de Girardin (cid:21)
Cette citation d’(cid:201)mile de Girardin rØsume parfaitement les motivations de cette thŁse.
Le processus dØcisionnel qui est (cid:224) l’(cid:247)uvre en politique ne saurait se passer d’outils d’aide
(cid:224) l’anticipation des crises telles que les guerres ou les rØvolutions. La rØfØrence au calcul
des probabilitØs n’est pas anodine. Elle met en avant l’importance de la mise en place
d’une mØthodologie rationnelle et systØmatique d’Øvaluation des risques. C’est elle, et non
l’intuition, qui est le (cid:19) fondement de toute haute politique (cid:20). Les enjeux de la politique
sonttelsqu’ilnesauraitŒtrequestiondelaisserlaseulesubjectivitØdesdØcideursguiderla
conduite de l’(cid:201)tat. D’une part, il est impossible d’apprØhender intuitivement la complexitØ
des phØnomŁnes en jeu lors de la prise de dØcision. D’autre part, la position du dØcideur,
en cas d’Øchec, est indØfendable si ses choix ne sont pas justi(cid:28)ables, l’intuition ne pouvant
pas servir de justi(cid:28)cation acceptable.
Le recours (cid:224) une mØthodologie rationnelle d’Øvaluation des risques de crise n’est pas
l’apanagedesdØcideurspolitiques.DenombreuxautresdomainessontØgalementconcernØs.
(cid:201)miledeGirardinl’avaitbiencompriscommeentØmoigneledØbutdesacitationquenous
avonsvolontairementomisdeprØsenter:(cid:19)LecalculdesprobabilitØs,appliquØ(cid:224)lamortalitØ
humaine, a donnØ naissance (cid:224) une science nouvelle : celle des assurances(cid:20). Il est Øtonnant
de constater que ces propos datent du milieu du XIXe siŁcle. En e(cid:27)et, ce n’est que dans la
premiŁre moitiØ du XXe siŁcle, dans les sciences Øconomiques, que les travaux de Knight,
et surtout ceux de Von Neumann et Morgenstern, ouvrirent la voie de la formalisation de
l’Øvaluation des risques, en posant les bases de la thØorie des jeux dans les annØes 40. (cid:192)
partir des annØes 60-70 l’industrie initia le dØveloppement d’outils mØthodologiques a(cid:28)n de
limiter les coßts liØs aux dØfaillances techniques et fonctionnelles.
Lesrecherchessurlerisque,quiontconnuleurspremiersdØveloppementsdanscesdeux
domaines, se poursuivent dØsormais dans de multiples branches. En e(cid:27)et, au grØ de crises
majeures,lebesoins’estfaitsentirdedisposerd’outilstechniquesoumØthodologiquespour
apprØhender les risques. Ce fut le cas pour les risques technologiques avec les accidents de
Three Miles Island et Tchernobyl. Citons Øgalement les risques de catastrophes naturelles
qui prØoccupent fortement les pouvoirs publics, et ce de maniŁre accrue depuis le tsunami
qui frappa l’Asie du Sud-Est en 2004. Les applications potentielles de l’analyse de risque
sont donc nombreuses.
SielleaØtØdØveloppØeenpremierlieupourrØpondre(cid:224)unedemandespØci(cid:28)que,cesont
(cid:224)prØsentsouventdesexigencesrØglementairesquiimposentlerecours(cid:224)detellesmØthodes.
Cette Øvolution est (cid:29)agrante dans le secteur de la santØ ou celui de la banque. En ce qui
concernecedernier,lesinstitutionsbancairesdoiventrespecterdeplusenplusd’impØratifs
1
2 INTRODUCTION
enmatiŁredegestiondesrisques,aussibiensurleplanmØthodologique(cid:224)l’instardumonde
de la santØ, que sur le plan technique dans la formalisation de l’Øvaluation des risques. Les
accords de B(cid:226)le puis de B(cid:226)le II entre les banques centrales des pays du G10 ont spØci(cid:28)Ø des
standardsdebonnepratique,a(cid:28)ndesystØmatiseretrationaliserl’approchedurisque.Outre
lesrisquesdemarchØetdecrØdit,spØci(cid:28)ques(cid:224)cesecteur,lesrisquesopØrationnels2 doivent
dØsormais eux aussi faire l’objet d’Øtudes approfondies. Par contagion, les Øtablissements
bancaires concernØs accentuent la pression sur le reste des entreprises, qui pour emprunter
se voient contraintes (cid:224) leur tour de respecter des normes de qualitØ plus exigeantes. Au
vu de ces divers exemples il appara(cid:238)t important, voire indispensable de crØer des supports
mØthodologiques ou technologiques permettant de mieux gØrer les risques.
Avant de poursuivre il est essentiel de s’attarder sur la terminologie et d’Øclaircir cette
notion de gestion des risques que nous venons de mentionner. Elle renvoie au processus de
mise en balance des di(cid:27)Ørentes politiques possibles visant (cid:224) faire face aux risques identi(cid:28)Øs.
On distingue gØnØralement quatre types de politiques de gestion des risques :
(cid:21) Øvitement : ne pas se lancer dans une activitØ prØsentant un risque trop important
(cid:21) rØduction : prØvention, renforcement du dispositif d’alerte, Ølaboration de stratØgies
de ma(cid:238)trise des risques...
(cid:21) acceptation:lerisquenepeutplusŒtrerØduit,maislespro(cid:28)tsespØrØssontsupØrieurs
aux pertes potentielles
(cid:21) transfert : sous-traitance, assurance...
On parle de mise en balance car il s’agit de choisir, en termes de coßts, la politique
adaptØe (cid:224) un ensemble de risques. On cherche la politique qui minimise la di(cid:27)Ørence entre
le coßt de sa mise en place et l’espØrance de la rØduction de coßt qu’elle permet. Ces coßts
sont (cid:224) prendre au sens large et sont parfois di(cid:30)cilement quanti(cid:28)ables. Ils peuvent intØgrer
des dimensions culturelles, sociales ou encore Ømotionnelles. Pour qu’un tel processus de
gestion des risques puisse Œtre mis en (cid:247)uvre, il appara(cid:238)t donc fondamental de procØder
en amont (cid:224) l’identi(cid:28)cation des risques, (cid:224) leur Øvaluation et (cid:224) leur hiØrarchisation, ce qui
constitue la phase d’analyse des risques. Durant cette phase il est essentiel de parvenir (cid:224)
une quanti(cid:28)cation ou quali(cid:28)cation des risques la plus (cid:28)ne possible.
Cette thŁse, rØalisØe sous l’Øgide d’une collaboration entre THALES SystŁmes Terre et
InterarmØes et le LIP6, laboratoire d’informatique de l’UniversitØ Pierre et Marie Curie,
Paris6,s’inscritpleinementdanscecadre,sonobjectifprincipalØtantrØalisationd’unoutil
d’aide (cid:224) l’anticipation des con(cid:29)its gØopolitiques intra-Øtatiques. Dans notre cas, les risques
ØtudiØs sont d’un type assez particulier. En e(cid:27)et, les ØvØnements (cid:224) risque susceptibles de se
produire correspondent (cid:224) des crises, c’est-(cid:224)-dire (cid:19)des manifestations brusques et intenses,
de durØe limitØe pouvant entra(cid:238)ner des consØquences nØfastes(cid:20)3. Les adjectifs (cid:19)brusques(cid:20)
et (cid:19) intenses (cid:20) mettent l’accent sur leurs deux caractØristiques principales, (cid:224) savoir leur
imprØvisibilitØ apparente (qui est en partie due au fait que leur probabilitØ d’occurrence
est trŁs faible) et l’ampleur des dommages qu’elles peuvent engendrer.
Cesecondpointpermetdecomprendrepourquoiilestcruciald’apprØhendercegenrede
phØnomŁne de fa(cid:231)on systØmatique et de disposer d’estimations aussi prØcises que possible
desrisquesencourus.Sil’imprØvisibilitØdescrisespeutsembler,deprimeabord,dØcourager
toute vellØitØ d’anticipation, les enjeux sont tels qu’il n’en est rien. Bien au contraire, celle-
ci pousse plus que jamais les dØcideurs (cid:224) investir dans la comprØhension et la surveillance
2Ensemble des risques non liØs aux (cid:29)uctuations du marchØ ni au non-remboursement d’un emprunt de
la part d’un client : dysfonctionnements techniques, problŁmes dans la relation client, etc.
3TrØsor de la Langue Fran(cid:231)aise InformatisØe : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm