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104 Pages·2008·8.1 MB·French

Ministère de la Culture et de la Communication
Direction de l’Architecture et du Patrimoine

LES ACTIONS MEMORIELLES LIÉES À L’IMMIGRATION
EN RHÔNE-ALPES :
ENTRE RECONNAISSAISSANCE SYMBOLIQUE ET ENJEUX
DE PATRIMONIALISATION

Benjamin VANDERLICK

sous la direction de Mustapha NAJMI

RAPPORT FINAL - MAI 2008

Traces en Rhône-Alpes. Forum régional des mémoires d’immigrés
Galerie Accueil et Rencontre- 66bis rue Saint Jean- 69005 LYON. 04.78.42.12.98. [email protected]
Les actions mémorielles liées à l’immigration en Rhône-Alpes
Entre reconnaissance symbolique et enjeux de patrimonialisation

Préambule

Cette étude s’inscrit dans le programme interdisciplinaire de recherche de la Direction de
l’Architecture et du Patrimoine (DAPA) intitulé « Mémoire de l’immigration, vers un
processus de patrimonialisation ? ». Elle a été réalisée par Benjamin VANDERLICK,
ethnologue, chargé de mission action culturelle, sous la direction de Mustapha NAJMI, chef
de projet Traces en Rhône-Alpes.

Cette étude a bénéficié des échanges fructueux avec plusieurs acteurs du réseau Traces en
Rhône-Alpes que nous tenons à remercier pour leurs analyses et contributions, et tout
particulièrement Michel Rautenberg, Marion Trannoy, Philippe Hanus, Fernanda Leite,
Valentina Zingari, François Portet, Philippe Peyre, Jean Claude Duclos, Daniel Pelligra….1

1 Une liste complète des acteurs rencontrés et consultés figure à la fin de l’étude.
Les actions mémorielles liées à l’immigration en Rhône-Alpes : entre reconnaissance symbolique et enjeux de patrimonialisation 2
LES ACTIONS MEMORIELLES LIÉES À L’IMMIGRATION EN RHÔNE-ALPES :
ENTRE RECONNAISSAISSANCE SYMBOLIQUE ET ENJEUX DE PATRIMONIALISATION

TABLE DES MATIERES

CHAPITRE I : LES PROCESSUS DE PATRIMONIALISATION DES MEMOIRES DE L’IMMIGRATION 5
1 LE CONTEXTE ACTUEL 5
2 ASPECTS METHODOLOGIQUES 7
2.1 LE CHOIX DES LIEUX ET DES ACTEURS ................................................................................................................7
2.2 LES CONDITIONS D’ENTRETIENS .......................................................................................................................10
3 LES LOGIQUES DE MISE EN PLACE DES PROCESSUS DE PATRIMONIALISATION DES
MEMOIRES D’IMMIGRATION 11
3.1 PRESENTATION SUCCINCTE DES SIX EXEMPLES D’APPROCHES PATRIMONIALES ................................................12
3.1.1 Sur l’agglomération de Pont-de-Chéruy .....................................................................................................12
3.1.2 À Valence ....................................................................................................................................................12
3.1.3 Autour de l’immigration des bûcherons et charbonniers italiens dans les Alpes ........................................13
3.1.4 Sur la Place du Pont à Lyon ........................................................................................................................13
3.1.5 À Ugine .......................................................................................................................................................13
3.1.6 À Modane ....................................................................................................................................................14
3.2 CONTEXTES ET ENJEUX D’UNE DEMARCHE DE PATRIMONIALISATION ...............................................................15
3.2.1 Les contextes ...............................................................................................................................................15
3.2.2 Intégrer l’immigration dans la conception classique du patrimoine ..........................................................16
a) Accéder à l’Inventaire [supplémentaire] des monuments historiques
b) Intégrer l’immigration dans les espaces ruraux patrimonialisés
3.2.3 Souhaiter patrimonialiser, pour des usages politiques, les mémoires d’immigration .................................17
a) Œuvrer au développement d’un patrimoine de nature symbolique
b) Répondre à un enjeu de politique sociale
3.2.4 Intérioriser et utiliser, pour la reconnaissance de son histoire, la notion de patrimoine : une
question d’actualité pour des populations immigrés .................................................................................................19
3.2.5 Solliciter les professionnels du patrimoine pour répondre aux revendications mémorielles ......................19
3.3 LES FORMES DE PATRIMONIALISATION A L’ŒUVRE ...........................................................................................20
3.3.1 La (re-)construction des mémoires collectives d’immigration ....................................................................21
3.3.2 Le choix des supports de mémoire ..............................................................................................................23
3.3.3 Le choix des actions ....................................................................................................................................24
3.3.4 Immigration et patrimoine : une démarche en mouvement .........................................................................25
Les actions mémorielles liées à l’immigration en Rhône-Alpes : entre reconnaissance symbolique et enjeux de patrimonialisation 3
4 LES LIMITES DU RECOURS AU PROCESSUS DE PATRIMONIALISATION 26
4.1 UNE MEMOIRE DE L’IMMIGRATION ENCORE DIVISEE .........................................................................................26
4.2 CONSIDERER LES LIEUX D’INSTALLATION DE L’IMMIGRATION : DES NON-LIEUX DE MEMOIRE ..........................27
4.3 LES LIEUX CONTRARIES DES MEMOIRES DU FAIT MIGRATOIRE : PROPOSER UNE CLE D’INTERPRETATION
DE LA SOCIETE ACTUELLE ...............................................................................................................................................29
4.4 AUTRES LIEUX DE MEMOIRES EMBLEMATIQUES, AUTRES PISTES DE RECHERCHES ............................................30
4.4.1 Les bars : lieux emblématiques pour lesquelles les traces s’effacent plus vite ...........................................30
4.4.2 Les lieux associatifs de l’immigration. Une alternative à la patrimonialisation des mémoires de
l’immigration .............................................................................................................................................................31
5 PISTES DE REFLEXIONS ET D’ACTIONS 32
5.1 COORDONNER ET ARTICULER LES RECHERCHES ET LES INITIATIVES PUBLIQUES DE VALORISATION DES
MEMOIRES DE L’IMMIGRATION ........................................................................................................................................33
5.2 AIDER ET ACCOMPAGNER LES ACTEURS LOCAUX DANS LES DEMARCHES DE VALORISATION A VISEE
PATRIMONIALE EN LIEN AVEC L’IMMIGRATION ...............................................................................................................34
5.3 PRENDRE EN COMPTE LES APPORTS DES IMMIGRATIONS DANS LES DISPOSITIFS DE SAUVEGARDE ET DE
PROTECTION RELEVANT DU DROIT COMMUN ..................................................................................................................34
5.4 PROMOUVOIR UNE CULTURE PATRIMONIALE A DESTINATION D’UN LARGE PUBLIC INTEGRANT LES
APPORTS DE L’IMMIGRATION ...........................................................................................................................................35
5.5 FAVORISER DES PROJETS DE RECHERCHE ET DE VALORISATION DES ESPACES DE VIE, DE SOCIABILITES
ET DES LIEUX ASSOCIATIFS DE SOLIDARITES AVEC LES IMMIGRES ...................................................................................36
5.6 CONSIDERER LES APPORTS DES IMMIGRATIONS DANS LE CADRE DES POLITIQUES CULTURELLES ......................37
CHAPITRE II : DOCUMENTATION DES TERRITOIRES ET DES LIEUX DE L’ÉTUDE 39
LISTE DE PERSONNES RENCONTRÉES ET CONSULTÉES 99
BIBLIOGRAPHIE 102

Les actions mémorielles liées à l’immigration en Rhône-Alpes : entre reconnaissance symbolique et enjeux de patrimonialisation 4
CHAPITRE I : LES PROCESSUS DE PATRIMONIALISATION DES
MEMOIRES DE L’IMMIGRATION

1 Le contexte actuel

La France connaît, depuis le milieu des années 1970 une « vague mémorielle », d’où l’on
voit naître des mouvements d’émancipation de certains groupes sociaux, chacun revendiquant
sa mémoire et la reconnaissance de cette mémoire par la nation. Aux cotés de l’Histoire
nationale se développe l’idée d’une Mémoire nationale, elle-même submergée par les
mémoires de groupes. Dans les années 1990, les politiques culturelles rhônalpines se sont
mises à accorder une attention grandissante aux mémoires sociales et aux démarches de
reconnaissance de l’immigration dans le cadre des politiques initiées par les pouvoirs publics
(FASILD, DRAC…). Apparaissent alors des projets culturels rapportés à des mémoires qui
jusque là étaient silencieuses ou trouvaient souvent une transcription à travers les champs de
la revendication sociale, des luttes, du militantisme associatif, syndical, politique,
communautaire et occasionnellement au travers de projets portés par des associations et des
organismes intervenant dans le champ de l’immigration ou de l’action, culturelle.
Parallèlement, la conception savante et monumentale du patrimoine, comme un moyen, pour
une élite, d’affirmation et de conservation d’un pouvoir symbolique au sein de la société est
mise en cause par une pluralité d’acteurs qui se reconnaît désormais dans une définition large
du fait patrimonial : « il permet de revendiquer une place dans l’histoire, de faire valoir des
droits ou de s’attaquer, sous la forme d’un mythe des origines, aux maux du monde
moderne »2. Ce processus de diversification et d’ouverture de la conception patrimoniale en
œuvre est signalé entre autres par Michel Rautenberg3, qui s’est attaché à étayer les apports
des travaux récents en sciences sociales, et à décrypter le processus dans lequel s’inscrivent
les projets et actions mémoriels initiés par divers acteurs sociaux. C’est dans le cadre de cette
dynamique que se sont développées dans le champ patrimonial les mémoires sociales,

2 D. POULOT, Patrimoine et musées. L’institution et la culture ; Paris, Ed. Hachette supérieur, coll. Carré
histoire, 2004, p.4
3 M. RAUTENBERG, La rupture patrimoniale ; Bernin (Isère), Editions A la croisée, coll. Ambiances,
ambiance, 2003
Chapitre I : Les processus de patrimonialisation des mémoires de l’immigration
mémoires ouvrières, mémoires de groupes, mémoires des minorités, mémoires d’immigrés et
des immigrations, mémoires urbaines. Certains « représentants légitimes » du patrimoine tels
que les musées, mais aussi quelques services d’archives, vont alors engager une réflexion
dans cette direction. A titre d’exemple, soulignons entre autres le travail mené, non sans
contestations, par le Musée dauphinois à Grenoble dès 1982 avec l’exposition « Le roman des
Grenoblois ». Cette initiative amorçait un travail répondant à la volonté du Musée dauphinois
d’aborder en son sein la thématique « faits de société et minorités » œuvrant à la
reconnaissance du cosmopolitisme local et la participation de tous à la fabrication de l’histoire
de cette ville4.
L’idée que notre patrimoine culturel est composé d’éléments liés à l’arrivée et à l’installation
de populations venues d’ailleurs, commence à être acceptée. Ainsi à l’échelle de la région
Rhône-Alpes, on observe désormais depuis la fin des années 1990, un intérêt croissant et de
plus en plus largement partagé, de la part des politiques publiques régionales (Etat et
collectivités locales) en faveur d’un soutien aux actions culturelles à dimension patrimoniale
liées à l’immigration. Sur le plan national, l’ouverture en 2007 de la Cité nationale de
l’histoire de l’immigration (CNHI) témoigne de cette même préoccupation.
Cette dynamique actuelle a amené la Direction de l’Architecture et du Patrimoine/ Ministère
de la Culture5 à confier des études dans plusieurs régions de France métropolitaine à des
acteurs de terrain sur les processus de patrimonialisation des mémoires de l’immigration6.
La proposition d’étude que nous avions formulée dans le cadre de cet appel à projet s’est
inscrite, en tant qu’intention de recherche, et comme démarche d’investigation, d’abord
comme une tentative d’interprétation et de compréhension des logiques et des enjeux que
recouvrent les principales initiatives mémorielles liées à l’immigration et dont le réseau
impliqué dans Traces s’est fait l’écho à l’échelle Rhône-Alpes. Le cadre régional présentant
ainsi des contextes migratoires riches et contrastés et une diversité d’initiatives et d’acteurs
susceptibles de rendre compte d’une pluralité de regards et d’implications à la fois comme
expériences d’ancrage dans le territoire local mais aussi comme intentions de
« patrimonialisation des mémoires de l’immigration ».

4 M. NAJMI. & B. VANDERLICK. Etude-action « Mémoires et présent des territoires de Rhône-Alpes »,
rapport établi en 2007 pour la Région et la DRAC de Rhône-Alpes. p.7
5 en étroite collaboration avec le département « recherche » de la CNHI
6 Cf. « Mémoire de l’immigration, vers un processus de patrimonialisation ?; Programme interdisciplinaire de
recherche », http://www.culture.gouv.fr/mpe/recherche/ao/annonce_consultation.pdf
Les actions mémorielles liées à l’immigration en Rhône-Alpes : entre reconnaissance symbolique et enjeux de patrimonialisation 6
Chapitre I : Les processus de patrimonialisation des mémoires de l’immigration
Si l’évolution de la notion de patrimoine depuis ces dernières décennies permet alors au fait
migratoire d’avoir une légitimité, la place de l’immigration dans le patrimoine national reste
marginale.
Aujourd’hui, en Rhône Alpes, il n’existe aucun site reconnu pour mettre en avant une histoire
de l’immigration en région7 qui a bénéficié d’un classement, d’une inscription à l’inventaire
des monuments historiques, ni à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques
(ISMH).

2 Aspects méthodologiques

2.1 Le choix des lieux et des acteurs

L’étude en Rhône Alpes se nourrit en partie :
- des connaissances capitalisées au cours des différentes éditions du forum régional des
mémoires d’immigrés Traces en Rhône-Alpes depuis 2000,
- d’une investigation et d’échanges réguliers auprès d’un panel d’acteurs représentatifs
de la diversité des porteurs de projets régionaux, impliqués dans ce champ ces deux dernières
décennies, et partis prenants dans la dynamique de Traces.
Conscients du caractère encore sélectif de cette typologie, nous avons eu le souci d’élargir
notre champ d’investigation en rencontrant d’autres acteurs en Rhône-Alpes mais aussi hors-
région : témoins associatifs, experts, opérateurs culturels (porteurs de projet). Par ailleurs,
nous avons souhaité proposer une photographie géographiquement éclatée de la présence des
immigrés en région Rhône-Alpes. La documentation de territoires et de lieux rend compte de
l’origine des vagues migratoires, des dimensions emblématiques de chaque exemple supports
de mémoires et de l’histoire de l’immigration en région. L’un des critères de sélection de

7 que ce soit l’ensemble des éléments repérés par Peuplement et migrations en 1999 comme la multitude d’autres
lieux repérés depuis par le réseau Traces.
Les actions mémorielles liées à l’immigration en Rhône-Alpes : entre reconnaissance symbolique et enjeux de patrimonialisation 7
Chapitre I : Les processus de patrimonialisation des mémoires de l’immigration
territoires et de lieux repose sur l’intérêt déjà porté par des chercheurs, des acteurs, des
témoins, aux volontés de garder des traces de ces histoires. Les entrées choisies pour rendre
compte de l’immigration révèlent une diversité d’approches possibles : une ville, un quartier,
une immigration, un édifice, une histoire industrielle, un territoire rural, une institution….
Dans la sélection que nous proposons, nous nous sommes montrés attentifs à rendre compte
de lieux et de territoires où les efforts entrepris pour une reconnaissance de l’immigration
dans l’histoire locale sont extrêmement variés.
- Sur certains territoires des opérations sont menées (ou ont été menées) de manière
institutionnelle et/ou associative. Les objectifs d’un projet ne sont pas les mêmes en fonction
de l’opérateur, ni en fonction des demandes auxquelles l’opérateur peut répondre.
- Quelquefois, des éléments de connaissance ont été réunis, les lieux sont préservés et
des acteurs sont en lien afin de permettre la réalisation d’un « coup de projecteur » sur la
présence étrangère dans les lieux et territoires que nous mentionnons, mais cela reste encore
au stade de projets. Nous avons affaire à des lieux « emblématiques » d’une histoire de
l’immigration en région où une démarche exploratoire de repérage, un travail de recherche et
une documentation est en cours. Un intérêt pour la préservation, la valorisation ou la
connaissance existe mais aucune démarche opérationnelle n’est aboutie.

L’étude se matérialise par la réalisation d’une documentation sous forme de fiches-
territoires qui reprennent les éléments suivants :
‐ Un historique des spécificités migratoires de chaque territoire, avec la mention de la
période ainsi que de la ou des immigrations concernées. Elle s’est établie à partir d’ouvrages,
d’articles, de « littérature grise » (mémoires, thèses universitaires, rapports d’étude), d’un
repérage photographique et des paroles des interlocuteurs rencontrés. Nous avons également
cherché à savoir l’existant en termes d’archives et de travail sur les archives.
‐ Le repérage de lieux que nous jugeons emblématiques (édifices, place… visibles ou
disparus/ réaménagés…) et quelquefois d’objets à forte valeur pour les immigrés comme pour
le monde de la recherche, les acteurs culturels et associatifs ou les artistes. Le signalement des
sources relatives à ces lieux a fait également l’objet de notre attention.
Les actions mémorielles liées à l’immigration en Rhône-Alpes : entre reconnaissance symbolique et enjeux de patrimonialisation 8
Chapitre I : Les processus de patrimonialisation des mémoires de l’immigration
‐ La présentation d’expériences, d’actions, de projets, de démarches de
patrimonialisation réalisés, en cours ou envisagés (voire envisageables) et l’identification au
fil des années des porteurs des projets concernés.

Au regard des éléments recueillis, nous avons choisi, au final, de documenter six
territoires qui nous semblaient pertinents pour rendre compte du caractère pluriel des
démarches patrimoniales possibles.
- Nord-Isère : Pont-de-Chéruy : Une agglomération constituée autour d’une entreprise
qui va accueillir une succession de vagues d’immigrations tout au long du 20ème siècle.
- Drôme : Valence et la valorisation de la communauté arménienne.
- Parc naturel régional du Vercors : L’immigration des bûcherons et charbonniers
italiens dans les Alpes françaises, un territoire diffus
- Rhône : Lyon, La Place du Pont à la Guillotière : centralité immigrée et porte
d’entrée : un espace entre reconnaissance et dénigrement de son cosmopolitisme.
- Savoie : l’Eglise russe orthodoxe d’Ugine et les traces de l’immigration russe dans la
ville, mémoires du travail, du logement et de l’exil.
- Savoie : Modane, ville-frontière et lieu de passage emblématique de l’immigration
arrivant par le Piémont.

Au delà de l’approche par territoires, nous avons souhaité porter une attention
particulière et signaler d’autres lieux emblématiques, à propos desquels des réflexions et
des projets sont en cours ou envisagés sans pour autant relever d’une intention
patrimoniale affichée :
- Un lieu associatif et culturel de l’immigration : le Centre Culturel Œcuménique à
Villeurbanne
Les actions mémorielles liées à l’immigration en Rhône-Alpes : entre reconnaissance symbolique et enjeux de patrimonialisation 9
Chapitre I : Les processus de patrimonialisation des mémoires de l’immigration
- Les bars : des portes d’entrées, des lieux « hors-patrimoine » qui évoluent, « perdent »
leur histoire. Un intérêt partagé par Modane, Chambéry, la Guillotière, Saint Etienne, le
Vercors.
- L’espace du ban8 : le « logement contraint »9 (l’internement des étrangers pendant les
guerres, le cantonnement des travailleurs étrangers, le foyer, les camps de Harkis) et les autres
formes d’habitat des étrangers (garnis, bidonvilles) face à l’effacement de ses traces.
La documentation de ces territoires et lieux emblématiques de l’immigration que nous avons
choisie a constitué notre matériau essentiel pour mener une réflexion sur les processus de
patrimonialisation des mémoires d’immigrés en région. Plusieurs territoires ont été
questionnés mais n’ont pas été retenus pour donner lieu à une fiche documentée. En effet, sur
certains territoires, la mémoire de quartier, mémoire du travail prévaut aux mémoires
d’immigration. S’expriment aussi quelquefois des résistances, impasses, concurrences,
conflits entre mémoires. Cette étude est également alimentée par cette matière issue de
réflexions de plusieurs acteurs du patrimoine et chercheurs rencontrés sur des territoires aussi
divers que Saint-Etienne, Grenoble, Bourg-en-Bresse, Lyon, Chambéry, Génissiat, Valence,
Roussillon….

Pour cette étude, la réflexion fut partagée auprès d’interlocuteurs extrêmement hétérogènes10 :
témoins, associations, professionnels de la culture, chercheurs, acteurs qui s’intéressent aux
trajectoires migratoires, au travail, au logement, aux lieux de vie, aux objets, aux lieux de
mémoire, aux savoirs-faires, aux cultures et aux espaces de sociabilités des immigrés.

2.2 Les conditions d’entretiens

Nous avons tenu compte dans le choix du panel des personnes ressources et des territoires, de
la diversité des contextes, des modes d’actions engagées, des positionnements vis-à-vis de la

8 G. AGAMBEN, Homo Sacer I, Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris, éd du Seuil, 1997, p.121
9 Cf. M. BERNARDOT, Déplacer et loger les indésirables, sociologie du logement contraint, TERRA-Ed., Coll.
"Esquisses", sept. 2005. http://terra.rezo.net/article337.html
10 Cf. « Liste des personnes rencontrées et consultées »
Les actions mémorielles liées à l’immigration en Rhône-Alpes : entre reconnaissance symbolique et enjeux de patrimonialisation 10