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Spécialisé (MAS) :
un travail d’humanisation
Avec l’appui de :
Rédaction :
Etienne ANTELME, Doctorant, CIDES
Document issu d’une recherche de thèse sur « Les évolutions des métiers dans le 
secteur médico-social ».
Sous la direction de Gilles JEANNOT et Pascal UGHETTO (LATTS – UPEM/ENPC/CNRS)
Thèse réalisée dans le cadre d’une bourse Cifre avec la Mutuelle CHORUM et son 
centre de ressources et d’action CIDES Mai 2013
« Dans les MAS : un travail d’humanisation » - CIDES – Université de Marne-la-Vallée – LATTS – Page 2
Sommaire 
 
 
  Page 
Introduction  4 
1 - Le contexte de la monographie  5 
  1.1 - Les maisons d’accueil spécialisé  5 
  1.2 - La MAS de l’ADAPEI  5 
2 - Une activité faite de nombreux compromis  8 
3 - Un travail collectif, coûteux physiquement et cognitivement  11 
4 - L’engagement moral et affectif dans l’activité, menacé par l’évolution de la division 
du travail ?  14 
5 - Une histoire de la Lanterne par ses équipements techniques et ses artefacts 
cognitifs  16 
6 - Le travail d’humanisation - Composer la scène du travail pour tenir l’espace, et « se 
mettre à leur place »  18 
Bibliographie  21 
 
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Introduction 
 
 
Le travail doit être regardé comme un enjeu en tant que tel pour l’économie sociale et solidaire (ESS). 
Car en même temps qu’elle promeut des valeurs de démocratie, d’égalité et d’engagement altruiste, elle 
est aussi un univers où de nombreuses personnes exercent un travail, salarié ou bénévole. Pour 
nombre d’organisations de l’ESS, cependant, se reconnaître comme des lieux de travail à part entière 
n’est pas spontané. Se vivre comme engagé dans un univers du don et du désintéressement n’aide pas 
nécessairement à se percevoir comme ayant à affronter quotidiennement des enjeux de production, de 
réalisation de services, d’efficacité et de mobilisation de capacités individuelles et collectives de travail. 
Pourtant, divers indices portent à y voir, non seulement des espaces de travail, mais aussi des lieux 
ayant à connaître des tensions propres aux relations de travail entre les personnels et les structures qui 
les emploient, ainsi qu'à la conduite des activités. 
 
Composé principalement d’entreprises associatives, le secteur du handicap repose sur des régulations 
institutionnelles anciennes et éprouvées ; il emploie des personnels qualifiés ; les relations sociales et 
les institutions représentatives du personnel y sont activement entretenues. Les métiers sont, pour 
certains,  ancrés  dans  une  histoire  longue  et  des  pratiques  professionnelles  qui  se  transmettent. 
Cependant, diverses évolutions – qui seraient à inventorier mais peuvent englober les changements 
sociodémographiques des populations bénéficiaires, le vieillissement, les évolutions réglementaires, et 
bien d’autres facteurs sans doute – transforment les conditions d’exercice de l’activité. Les travailleurs 
du secteur paraissent exposés à des pénibilités, des difficultés, des tensions qui les laissent, dans 
certains  cas,  désarmés,  voire  avec  le  sentiment  d’être  en  échec.  Les  violences,  l’agressivité, 
l’accompagnement de personnes qui, malgré les soins, l’attention et les méthodes, n’en continuent pas 
moins de décliner, ces problèmes classiques sont aussi vécus désormais comme adoptant une intensité 
et des formes parfois nouvelles et déroutantes. Le sentiment progresse, parmi les professionnels, de 
conditions de travail difficiles à endurer sur toute une carrière. Les phénomènes d’usure sont considérés 
comme présentant une réelle actualité, tout en restant à mieux documenter. Ainsi, dans un secteur où 
les salariés – en grande majorité des femmes – sont d’âge relativement avancé, la problématique de la 
longévité dans le secteur préoccupe particulièrement les employeurs, de même que la thématique des 
risques psychosociaux. 
 
L’entrée sur le terrain présenté ici s’est faite à l’occasion d’un séminaire organisé par Chorum-CIDES, et 
intitulé « Prévenir le stress et les risques psychosociaux dans l’économie sociale ». J’y ai rencontré 
l’adjointe  aux  ressources  humaines  d’une  Association  Départementale  des  Amis  et  Parents  de 
Personnes Handicapées Mentales, située en province, dans un département essentiellement rural. 
Souhaitant diversifier le contexte géographique des structures enquêtées, nous lui avons proposé une 
démarche d’accompagnement à la prévention des risques psychosociaux. Celle-ci s’est montrée très 
intéressée par notre proposition, particulièrement à propos d’un établissement parmi les vingt-trois 
gérés par l’association, une maison d’accueil spécialisée pour personnes polyhandicapées. En effet, 
celle-ci  concentre  la  plupart  des  problématiques  rencontrées  par  la  direction  de  l’association, 
notamment en termes d’absentéisme et de turnover. 
 
« Dans les MAS : un travail d’humanisation » - CIDES – Université de Marne-la-Vallée – LATTS – Page 4
1 - Le contexte de la monographie 
 
 
1.1 - Les maisons d’accueil spécialisé 
 
1.1.1 - Les origines des MAS 
 
La création des maisons d’accueil spécialisé (MAS) a été prévue par l’article 46 de la loi du 30 juin 1975 
d’orientation en faveur des personnes handicapées. Deux textes ont ensuite précisé leurs missions : un 
décret publié le 26 décembre 1978, et une circulaire le 28 décembre 1978. Cette dernière prenait acte 
de progrès de la médecine et de l’hygiène permettant que « les jeunes handicapés parviennent de plus 
en plus nombreux à l’âge adulte », tout en constatant une augmentation sensible des handicaps graves 
dus à des causes accidentelles, notamment chez les jeunes adultes. Elle soulignait alors que l’absence 
d’une réglementation adéquate avait conduit « à accueillir ces personnes soit dans les établissements 
hospitaliers […] généralement peu adaptés à leur épanouissement social, soit, au contraire, au sein 
d’établissements de caractère purement social où elles ne trouvent pas la surveillance sanitaire et la 
prise en charge que requiert leur état. » 
 
1.1.2 - Les financements 
 
Les dépenses liées à l’activité sociale et médico-sociale des MAS sont prises en charge par l’assurance 
maladie,  sous  la  forme  d’un  prix  de  journée,  sous  réserve  du  paiement  du  forfait  journalier  par 
l’intéressé lui-même ou par le biais de sa couverture maladie universelle complémentaire. Dans tous les 
cas, un minimum de ressources est garanti aux personnes handicapées sous forme d’un « reste à 
vivre » qui équivaut à 30 % de l’allocation adulte handicapé (AAH) à taux plein. 
 
1.1.3 - Les orientations réglementaires 
 
Les maisons d’accueil spécialisé (MAS) reçoivent des adultes handicapés n’ayant pu acquérir un 
minimum d’autonomie et dont l’état nécessite une surveillance médicale et des soins constants (qui ne 
sont pas des thérapeutiques actives ni des soins intensifs). Elles reçoivent des personnes adultes qu’un 
handicap  intellectuel,  moteur  ou  somatique  grave  ou  une  association  de  handicaps  intellectuels, 
moteurs ou sensoriels rendent incapables de se suffire à elles-mêmes dans les actes essentiels de 
l’existence et tributaires d’une surveillance médicale et de soins constants. Outre l’hébergement, les 
soins médicaux et paramédicaux, les aides à la vie courante et les soins d’entretien, les MAS doivent 
assurer de manière permanente des activités sociales, en particulier d’occupation et d’animation.  
 
 
1.2 - La MAS de l’ADAPEI  
 
1.2.1 - L’Unapei 
 
L’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis 
(Unapei) est née en 1960. La fédération poursuit divers objectifs, précisés dans son projet associatif : 
•  faire reconnaître le handicap mental (quels qu’en soient la nature, l’origine et le degré de 
gravité), en approfondir la connaissance et en définir les compensations,  
•  susciter les recherches indispensables à une meilleure connaissance du handicap mental et de 
son accompagnement,  
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•  représenter les personnes handicapées mentales auprès des pouvoirs publics nationaux et 
internationaux et affirmer la primauté de la personne sur toute autre considération afin de 
défendre leurs intérêts et obtenir les moyens financiers et juridiques de nature à leur garantir 
une authentique insertion sociale ainsi qu’une pleine citoyenneté ;  
•  faire connaître et défendre le rôle, les droits et les besoins des familles ;  
•  informer les associations et les soutenir dans leurs actions quotidiennes et dans leurs projets ;  
•  fédérer les associations affiliées à l’Unapei et coordonner l’ensemble de leurs actions. 
 
Outre sa vocation militante, elle fédère une large part des employeurs du secteur du handicap. Parmi 
les associations qui y sont adhérentes, trois cent sont gestionnaires d’établissements et services, et 
quatre-vingt-six sont des associations tutélaires, ce qui correspond à un ensemble d’environ trois mille 
établissements et services. 
 
1.2.2 - L’Unapei dans le département 
 
L’Association départementale de parents et d’amis de personnes handicapées mentales qui nous 
intéresse a été créée en 1965. C’est en 1969 qu’elle ouvre un premier établissement, un centre 
d’adaptation au travail (CAT, devenu aujourd’hui établissement et service d’aide par le travail – ESAT). 
Aujourd’hui, elle gère vingt-trois établissements salariant près de 650 salariés dans l’ensemble du 
département, ce qui lui permet d’accompagner environ 1200 enfants et adultes. La MAS dénommée la 
Lanterne a été ouverte en 1985. 
 
Le siège a connu un développement particulier depuis deux ans et demi, c’est-à-dire qu’un certain 
nombre de fonctions y ont été re-centralisées, notamment en ce qui concerne les aspects administratifs 
et les ressources humaines. Le budget de la MAS est mutualisé avec sept autres structures de 
l’association (deux instituts médico-éducatifs, quatre services d’éducation spécialisée et de soins à 
domicile et un service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés), au sein d’un contrat 
pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) signé avec l’Agence régionale de santé (ARS). 
 
1.2.3 - La Lanterne 
 
La Lanterne accueille soixante usagers, dont cinquante-deux sont résidents, et huit externes, répartis 
dans quatre unités différentes. Toutes placées sous tutelle, ces personnes sont dépendantes et très 
fragilisées par leurs pathologies. Celles-ci sont très variées, et le degré d’autonomie des bénéficiaires 
est lui aussi très variable. Nombre d’entre eux ne peut boire et manger sans aide, et la plupart ont 
besoin d’un fauteuil roulant pour se déplacer. Presque tous portent des protections urinaires, et ont 
besoin  d’aide  pour  réaliser  leur  toilette.  Certains  parviennent  à  s’exprimer,  mais  la  plupart  sont 
incapables  de  parler,  ou  ne  possèdent  qu’un  langage  très  limité.  La  plupart  d’entre  eux  sont 
polyhandicapés, hémiplégiques, infirmes moteurs cérébraux, mais certains sont trisomiques ou même 
autistes. Leur handicap s’est manifesté à la naissance, ou a fait suite à un accident.  
 
L’âge moyen des résidents est de quarante-cinq ans (celui dans l’ensemble des MAS était de quarante 
ans, fin 2006). Celui-ci s’accroît, d’une part du fait de l’augmentation de l’espérance de vie des 
personnes handicapées, et d’autre part, du fait que les MAS accueillent les publics les plus lourdement 
handicapés au sein du secteur du handicap. A la différence de l’état de santé des publics accompagnés 
par d’autres types de structures, celui des personnes vivant en MAS est rarement susceptible de 
connaître des améliorations notables. La trajectoire des résidents s’inscrit le plus souvent dans un cycle 
dégénératif,  et  la  plupart  d’entre  eux  y  connaissent  leur  dernière  demeure.  Selon  des  données 
recueillies en 2006 par la DREES, en 2005, près de 60% des usagers ayant quitté une MAS l’ont fait 
suite à leur décès, et 14,5% l’ont fait pour une autre MAS ou un foyer d’accueil médicalisé (type de 
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structure  proche  de  la  MAS,  mais  accueillant  théoriquement  des  usagers  légèrement  moins 
dépendants).  
 
Le vieillissement des résidents de la Lanterne augmente tendanciellement le volume des soins requis. 
Ainsi, deux résidents sont désormais alimentés par gastrostomie, au sein de l’unité la plus médicalisée. 
Les  crises  d’épilepsie  sont  plus  compliquées  à  gérer  qu’avant,  et  depuis  quelques  années,  des 
résidents sont victimes d’hypothermie.  
 
Le  travail  empirique  sur  lequel  s’appuie  ce  texte  comprend  six  entretiens  individuels,  menés 
respectivement avec la responsable des ressources humaines de l’association, et au sein de la MAS, le 
chef de service éducatif, la chef de service paramédical, la chef de service administratif, ainsi qu’avec 
une  aide-soignante  (AS)  et  une  aide  médico-psychologique  (AMP).  Dans  le  cadre  de 
l’accompagnement à la prévention des risques psychosociaux, cinq entretiens collectifs ont été menés 
auprès  d’une  assistante  administrative,  d’une  aide-soignante  (AS)  et  de  deux  aides  médico-
psychologiques (AMP). Ils ont duré en moyenne deux heures. Par ailleurs, des entretiens informels ont 
eu lieu avec la directrice des ressources humaines et le directeur de la Lanterne. Ils ont été suivis d’une 
série d’observations de huit journées de travail (quatre en matinée et quatre l’après-midi, au sein de 
deux unités différentes), durant lesquelles je me suis concentré sur le travail d’équipes successives 
d’encadrantes, soit treize salariées différentes au total.  
 
Avec  le  terme  d’encadrante1,  je  reprends  l’appellation  communément  utilisée  par  les  différentes 
catégories de salariés de la Lanterne, pour désigner indistinctement les AMP et les AS. Ces trente-neuf 
encadrantes – soit environ 60% de l’effectif de l’établissement – se relaient pour assurer les mêmes 
fonctions. Pendant la journée, elles assurent une présence continue auprès des résidents, organisées 
au sein d’équipes du matin et d’équipes du soir. Dans les quatre unités, le taux d’encadrement oscille 
entre une encadrante pour quatre résidents, et une pour six, selon les moments de la journée. Ces 
salariées assurent entièrement le lever des résidents, la réalisation de leurs toilettes, ainsi qu’une bonne 
partie de la distribution des médicaments.  
 
Le  reste  de  l’effectif  compte  quatre  infirmières,  quatre  éducateurs  et  moniteurs-éducateurs,  des 
surveillantes de nuit, des agents de service (entretien et blanchisserie) et un pôle administratif. Trois 
chefs de service managent ces salariés : un chef de service éducatif, une chef de service paramédical, 
et une chef de service administratif. Une psychologue à temps partiel intervient pour soutenir les 
équipes  dans  leurs  relations  aux  résidents,  et  dans  la  définition  des  projets  personnalisés 
d’accompagnement de ces derniers. Eux-mêmes sont placés sous la responsabilité du directeur de la 
MAS. 
 
Dans le registre médical, un médecin généraliste – avec lequel l’établissement a signé une convention – 
assure une présence sur l’établissement, une matinée par semaine. Par ailleurs, un médecin de 
médecine physique et de réadaptation intervient mensuellement à la Lanterne, autour des questions 
d’appareillage  (sièges-coquilles,  fauteuils  roulants,  chaussures  orthopédiques…).  Les  autres 
compétences médicales mobilisées (kinésithérapie, psychiatrie…) le sont dans le cadre de partenariats 
avec des établissements extérieurs. 
 
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
1 Les trente-neuf salariés occupant ce poste ne comptant que deux hommes, je prends le parti pris d’utiliser le féminin pour les désigner 
dans leur ensemble. 
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2 - Une activité faite de nombreux compromis 
 
 
Ce samedi matin, alors que j’arrive à la Lanterne, je me rends à l’unité du Mistral. L’unité du Mistral se 
compose d’un couloir qui donne sur plusieurs chambres en enfilade. Au mur, on peut voir des panneaux 
sur lesquels sont affichées de nombreuses photographies des résidents, prises au cours d’activités à 
l’extérieur. Une cuisine américaine est rendue inaccessible aux résidents par une petite porte que les 
encadrantes verrouillent à chaque fois qu’elles en sortent, afin de leur en empêcher l’accès. Sofia, une 
encadrante, me dit que c’est un peu difficile ce matin. Depuis un an, une organisation en « coupures » a 
été mise en place le week-end. Alors que la semaine, elles sont trois en matinée, puis deux en soirée, 
cette organisation voit débuter la première encadrante toute seule, de 7h00 à 8h00. Elle est ensuite 
rejointe par la salariée « en coupure », qui travaille de 8h00 à 13h30, puis de 16h00 à 20h30. La 
troisième encadrante travaille quant à elle de 14h00 à 21h15. Etant toute seule, Sofia ne peut servir les 
petits déjeuners dès le réveil des résidents, comme cela est d’usage sur l’unité. En effet, cette activité 
comporte trop de risques pour être réalisée seule. La distribution du petit déjeuner nécessite de pouvoir 
contrôler le comportement de chaque résident. En effet, selon leurs pathologies, les régimes de ceux-ci 
se répartissent entre « mixés », « moulinés » et « entiers ». Certains peuvent boire liquide alors que 
d’autres ne tolèrent que des substances préalablement gélifiées. Ainsi, toute inversion ou absorption 
par un résident d’un plat qui ne lui est pas destiné entraîne un risque pour sa santé, à travers un risque 
d’étouffement. De plus, au-delà de la santé du résident concerné, tout incident risque d’en générer 
d’autres, du fait de son effet sur la disponibilité des encadrantes à l’égard de l’ensemble des résidents. 
 
La semaine, une partie de l’équipe de l’unité commence à 7 heures, ce qui lui permet de disposer d’un 
temps de transmission orale avec les surveillantes de nuit, tandis que l’autre commence à 7 heures 30. 
Les encadrantes réveillent les résidents entre 7 heures 30 et 8 heures. Certains d’entre eux sont 
réveillés avant leur passage et crient : les encadrantes vont les chercher en priorité pour éviter qu’ils ne 
réveillent les autres. Elles servent ensuite le petit déjeuner dans les salles de vie de chaque unité, et 
distribuent les médicaments, ce qui les occupe jusqu’à 8 heures 15 environ, voire 8 heures 30 en cas 
de problème particulier à gérer. Elles réalisent ensuite les toilettes. Après chaque toilette, réalisée dans 
la salle de bain que comporte chaque unité (ou groupe, pour les unités issues du regroupement 
d’anciennes unités), les encadrantes doivent désinfecter la baignoire, ainsi que le chariot-douche 
qu’elles ont utilisé. Les unités ou groupes ont une organisation différente, en fonction du type de 
handicap ou de pathologie des résidents : lorsque la plupart des résidents sont incapables de marcher, 
afin d’éviter un nombre de manipulations trop important, les toilettes y sont réalisées avant le petit 
déjeuner.  A  l’inverse,  la  présence  de  diabétiques  parmi  les  résidents  nécessite  de  les  nourrir 
rapidement après le réveil, et amène donc l’équipe à privilégier le service du petit déjeuner dans un 
premier temps. 
 
Dans un établissement médico-social, le rythme de travail consacré à la production du service requis 
est contraint par des temporalités de différents ordres. Dans le cadre d’observations en EHPAD, des 
ergonomes  (Bonnemain,  Vidal-Gomel,  Bourmaud,  2010)  ont  distingué  un  temps  de  l’institution, 
correspondant au temps alloué à la réalisation des tâches par la prescription, un temps de la réalisation 
des tâches par les personnels, et enfin, une temporalité qui est celle du rythme propre aux résidents. 
L’hypothèse qui découle de ce constat est alors que les tensions ressenties par les personnels sont 
issues de compromis insatisfaisants entre ces différentes temporalités. Ainsi, les encadrantes ne 
peuvent  mener  leur  activité  selon  l’ordre  prescrit  lever/petit  déjeuner  et  médicaments/toilette, 
correspondant à un déroulement chronologique idéal, favorisant les possibilités d’entraide entre elles. 
Bien souvent, au moment de leur réveil, elles découvrent que certains résidents sont souillés, et doivent 
alors les emmener réaliser une toilette. Suzanne nous explique que dans le groupe sur lequel elle 
travaille, elles sont très souvent deux à opérer, et non plus trois, comme c’était le plus souvent le cas il y 
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a quelques années. Dans cette situation, pendant que l’une réalise une toilette, l’autre se retrouve seule 
à devoir gérer la distribution des petits déjeuners et des médicaments. 
 
Sur l’unité du Mistral, Sofia nous explique que la plupart du temps, elles se retrouvent à être deux 
salariées pour réaliser onze toilettes, dès qu’une collègue est absente et non remplacée. Pour un 
certain nombre de résidents, elles doivent être terminées à 9 heures 30, heure à partir de laquelle ils 
partent faire des activités. Pour ceux qui restent au foyer, ces toilettes peuvent être terminées au plus 
tard pour midi, mais le sont généralement au plus tard vers 10 heures 30. D’autres sorties matinales 
auxquelles les encadrantes doivent adapter leur travail sont les rendez-vous médicaux, avec le médecin 
ou encore avec le kinésithérapeute. L’ordre des toilettes est donc en partie programmé en fonction de 
ces différentes obligations, affichées sur un planning hebdomadaire. Mais cette planification peut vite 
être bousculée, par exemple quand un résident fait ses besoins dans un couloir, ou qu’un autre arrive 
en  courant,  nu,  exigeant  qu’on  réalise  sa  toilette.  Ici,  on  peut  voir  s’entrechoquer  le  temps  de 
l’institution,  fait  d’un  planning  régulé  par  d’autres  groupes  professionnels,  que  cela  concerne  les 
activités ou les rendez-vous médicaux, le temps de réalisation des tâches, c’est-à-dire le temps 
nécessaire pour réaliser l’ensemble des tâches avec des résidents vieillissants, fragiles, mais aussi 
parfois peu coopératifs ou même agressifs, et le temps des résidents, lié à leur état ou comportement 
du moment. En effet, lorsqu’un résident se salit, il bouscule le compromis entre le temps nécessaire à la 
réalisation des tâches, et celui issu d’obligations externes aux tâches elles-mêmes, compromis qui 
consiste à réaliser l’ensemble des tâches pour certains résidents en priorité. 
 
Avant  dix  heures,  une  autre  contrainte  liée  à  l’organisation  générale  est  la  venue  d’un  agent 
administratif,  pour  recueillir  une  fiche  répertoriant  les  résidents  présents  pour  le  déjeuner,  ces 
informations devant être transmises à la cuisine. Cette salariée considère que l’organisation la met en 
difficulté, en lui demandant de recueillir des informations dans un moment inapproprié, lors des toilettes. 
C’est une tension entre le temps de l’institution et le temps de réalisation des tâches des encadrantes 
qui est à même d’émerger, comme cela ressort dans les propos suivants : 
 
L’agent administratif - Bah moi, je tombe un peu comme un cheveu dans la soupe, et puis 
bah moi je suis gênée, hein, c'est ce que je vous disais la dernière fois. Je me sens gênée, 
parce que même quand y a des rideaux, moi je vois les résidents. Même si je ne regarde 
pas, mais à un moment donné... 
[…] 
Emilie - Oh bah oui. Vous imaginez, y a un résident qui est en train de vous taper, et y a 
quelqu’un qui vient vous demander une feuille. « On s’en fout de ta feuille ! », c’est ça. 
 
Certaines encadrantes sont parfois appelées à accompagner les résidents se rendant à l’extérieur 
pratiquer des activités, à condition qu’au moins l’une d’entre elles reste sur l’unité pour la surveiller et 
réaliser les tâches restantes. 
 
Après les toilettes, les encadrantes désinfectent les chariots-douches, font la vaisselle, et se consacrent 
à la gestion du linge. A 11 heures, il faut emmener aux toilettes ceux qui sont propres, et changer les 
protections de ceux qui ne le sont pas, ce qui exige à nouveau une manipulation des corps des 
personnes. A partir de 11 heures 30, les encadrantes mettent la table, adaptant les couverts aux 
capacités de chaque résident à s’en servir. Le repas du midi se déroule entre 12h00 et 13h00, dans la 
salle de vie de l’unité. C’est le moment où il faut donner les médicaments, et aussi surveiller que le 
régime  alimentaire  de  chacun  soit  bien  respecté,  par  exemple  adapté  aux  diabétiques  ou 
hypoglycémiques. Il faut également éviter qu’un résident absorbe la nourriture prévue pour un autre, et 
aider certains à se nourrir. La distribution des médicaments est une matière encore plus sensible du 
point de vue des conséquences sur la santé des résidents d’éventuelles erreurs. Elle est de ce fait 
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réglée par un protocole précis. Il indique que le médicament ne doit pas être posé, et qu’il doit être 
donné immédiatement au résident, dont le traitement a été vérifié au préalable. Ce règlement préconise 
un mode opératoire selon lequel la personne chargée de cette tâche doit s’y consacrer entièrement, et 
ne pas être sollicitée par une collègue durant ce laps de temps. Selon une AMP s’exprimant lors d’un 
CHSCT auquel j’ai assisté, le détachement d’une salariée pendant une demi-heure pour la distribution 
des médicaments génère une augmentation importante de la tension, du fait de la réduction de l’effectif 
qu’elle entraîne pour les autres tâches. Néanmoins, Lucie nous explique que l’exigence de se consacrer 
entièrement à cette tâche est parfois battue en brèche, au moment du petit déjeuner. Les autres 
collègues étant occupées par la réalisation des toilettes, elle doit alors s’occuper à la fois du petit 
déjeuner et de la prise des médicaments. Dans ces cas-là, elle donne au résident son petit déjeuner, 
avant de lui donner son traitement. Ce traitement compte parfois jusqu’à huit médicaments pour un 
résident. En raison de leur infirmité, ils doivent être broyés à l’aide d’un moulin pour certains usagers, ce 
qui laisse « en miettes » les poignets des encadrantes.  
 
Après le repas, qui s’achève vers 13h00, un nouveau change des résidents est effectué. Une partie des 
équipes achève sa journée à 14h00, et une autre à 14h30, ce qui permet à celle-ci de réaliser des 
transmissions  avec  les  équipes  travaillant  l’après-midi.  Le  travail  exigé  l’après-midi  est  considéré 
comme moins intense que celui ayant lieu en matinée. Il commence par une séquence consacrée à la 
gestion du linge, durant laquelle les encadrantes préparent le linge et les changes nécessaires, pour la 
nuit et pour le lendemain. A 14h30, une partie des résidents s’en va participer à des activités, et une 
autre va faire la sieste, ce qui occasionne de nouvelles manipulations, telles que l’enlèvement de la 
coquille facilitant le maintien de nombreux résidents en position assise. D’autres déambulent dans le 
foyer, ou participent à des activités organisées dans la grande salle. Quand elles sont suffisamment 
nombreuses sur l’unité, une des encadrantes a la possibilité d’accompagner le groupe de résidents en 
activité à l’extérieur. Tout au long de leur journée de travail, les encadrantes réalisent également un 
ensemble de petits soins tels que l’administration de crèmes, de vernis, de gouttes dans les yeux des 
résidents, ou encore nettoient leurs ongles. En cas de besoins de soins plus importants, elles appellent 
les infirmières sur leur téléphone, ou attendent le moment de leur passage sur l’unité, qui a lieu chaque 
matin.  
 
Les temps attribués à chacune des tâches sont variables, et ne peuvent être définis précisément. Aussi, 
bien souvent, la réduction du temps accordé à un résident en fonction des diverses contraintes 
évoquées peut être mal vécue par l’encadrante, ou faire l’objet d’une certaine culpabilité, ou encore de 
reproches  entre  collègues,  lorsque  certains  considèrent  que  la  répartition  du  travail  n’a  pas  été 
équilibrée. 
 
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Description:La création des maisons d'accueil spécialisé (MAS) a été prévue par l'article 46 de la loi du 30 juin 1975 .. bah oui, on est abîmé de partout. Et ça, ils