Table Of ContentCours de Bac 2 en mathématiques
Un premier contact avec la Théorie des Nombres
Souvenir 2009-2010
Anne-Marie Simon
Université libre de Bruxelles Faculté des Sciences
Département de mathématiques
première version : 9 mai 2009
deuxième version : 4 mai 2010
corrigée le 10 novembre 2010
ii
Table des matières
0 Introduction 1
0.1 Introduction générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
0.2 Conventions et notations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
0.3 Congruences, idéaux et anneaux quotients . . . . . . . . . . . 4
0.4 pgcd et ppcm dans un domaine . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
0.5 Domaines principaux et domaines factoriels . . . . . . . . . . 12
0.6 Factorisation d’homomorphismes . . . . . . . . . . . . . . . . 17
0.7 Caractéristique d’un anneau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
0.8 Modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
0.9 Vers les nombres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
1 Premières promenades 27
1.1 Le nombre d’or ϕ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
1.2 Dépendance algébrique et intégrale . . . . . . . . . . . . . . . 35
1.3 Corps quadratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
1.4 Le symbole de Legendre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
1.5 L’équation xn+yn = zn, n = 2,3,4 . . . . . . . . . . . . . 63
1.6 L’équation de Pell-Fermat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
2 Anneaux d’entiers algébriques 75
2.1 Anneaux et modules noethériens . . . . . . . . . . . . . . . . 75
2.2 Modules de type fini sur un domaine principal . . . . . . . . . 78
2.3 Compléments sur les domaines factoriels . . . . . . . . . . . . 86
2.4 Normes, Traces et Ordres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
3 Extension de corps 99
3.1 Corps de déploiement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
3.2 Racines simples, Racines multiples . . . . . . . . . . . . . . . 107
3.3 Normes, Traces et Extensions galoisiennes . . . . . . . . . . . 112
3.4 Corps finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
3.5 Racines de l’unité, Indicateur d’Euler. . . . . . . . . . . . . . 122
3.6 Les corps cyclotomiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
3.7 Les nombres pseudo-premiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
iii
iv TABLE DES MATIÈRES
4 Les entiers d’un corps de nombres 133
4.1 Le premier langage des idéaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
4.2 Domaines de Dedekind . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
Chapitre 0
Introduction
0.1 Introduction générale
La théorie des nombres ou arithmétique a pour objet les nombres entiers
naturels ainsi que leurs généralisations, les nombres rationnels, les nombres
algébriques et plus particulièrement les entiers algébriques.
La théorie des nombres étudie aussi les équations diophantiennes, équa-
tions polynomiales à coefficients entiers ou rationnels, dont on recherche les
solutions entières ou rationnelles. La plus célèbre d’entre elle est l’équation
de Fermat xn + yn = zn, dont l’histoire est longue. Dans la marge d’un
livre, Fermat (XVIIième) avait annoncé sans preuve que cette équation ne
possède pas de solutions entières non triviales pour n (cid:62) 3, bien que par la
suite il ne fit plus allusion qu’au cas où n = 3. On a donné à cet énoncé de
Fermat le nom de « grand théorème de Fermat », bien qu’en l’absence de
preuve ce grand théorème n’était qu’une conjecture. Le cas n = 3 du grand
théorème de Fermat fut prouvé par Euler en 1753, d’autres encore furent
prouvés dans le courant du XIXième et du XXième siècle, amenèrent les
mathématiciens à étudier plusieurs anneaux de nombres, dont la plupart ne
sontniprincipauxnifactoriels.Pourremédieràl’absenced’unefactorisation
unique dans ces anneaux de nombres, Kummer et Dedekind ont développé
la théorie des idéaux. Au dernier quart du XXième siècle on a remarqué que
la«conjecture »deFermatestéquivalenteàuneconjecturetrèssignificative
concernant certaines courbes du plan réel, ce qui a ramené l’attention sur
cet énoncé de Fermat. Le cas général du grand théorème de Fermat, resté
très longtemps à l’état de conjecture, fut finalement démontré par Wiles à
la fin du XXième siècle (la preuve de Wiles dépasse largement le cadre de
ces notes).
L’équation x2 + y2 = n, où n est un nombre naturel donné, est plus
accessible; gràce à la connaissance des propriétés de l’anneau des entiers
de Gauss Z[i], et aussi à celle des corps finis, nous pourrons montrer pour
quelles valeurs de n cette équation a des solutions entières (théorème des
1
2 CHAPITRE 0. INTRODUCTION
deux carrés).
Ceci nous indique que l’étude des nombres entiers naturels est aussi liée
à l’étude de certains sous-anneaux du corps des complexes.
La recherche des solutions entières de l’équation de Pell-Fermat
x2−ny2 = 1
(nétantunentiernaturelquin’estpasuncarré)passepardesconsidérations
géométriquessurleplanréeletfournitdesinformationssurcertainsanneaux
d’entiers algébriques.
Ces quelques exemples montrent que, pour résoudre des questions très
simplesconcernantlesentiersnaturels1,2,3,···,ilestutiled’élargirlecadre
danslequelontravaille.Ilsmontrentaussiquecesquestionstrèssimplessont
aussi des questions concernant des tas d’objets mathématiques.
Quant au contenu de ces notes, il sera très modeste et assez bien décrit
par la table des matières.
Nos premières promenades nous emmènent au pays des corps quadra-
tiques. La première d’entre elles, consacrée au nombre d’or, offre l’opportu-
nitéd’introduireouderappelerquelquesnotionsfondamentales,desuggérer
les thèmes des sections suivantes. Elle nous amène aussi à discuter la dépen-
dance intégrale, fondamentale en théorie des nombres.
Au second chapitre nous commençons l’étude de certains anneaux de
nombres et nous introduisons les normes et traces pour un corps de nombres
quelconque.
Au troisième chapitre nous étudions les extensions de corps en vue d’ob-
tenir une autre vision de la norme pour les extensions non quadratiques et
nous regardons un peu les corps cyclotomiques. Nous y explorons au pas-
sagelastructuredescorpsfiniscarceux-ciinterviennentaussienthéoriedes
nombres (les quotients non triviaux d’anneaux d’entiers algébriques sont fi-
nis et parmi eux certains sont des corps finis).
Le dernier chapitre, prolongeant le second, est consacré à l’étude de la
structure de l’anneau des entiers d’un corps de nombres.
Avertissement. Les notes qui suivent sont les notes d’un cours donné en
2009 et 2010 aux étudiants de Bac 2 en mathématique de l’Université libre
deBruxelles(24heuresdecoursetautantd’exercices).Ellesontétérédigées
en fonction des étudiants participant à ce cours. Plusieurs faits importants
ont été présentés en exercices, ceux-ci sont désigné par une astérisque *.
Comme nous l’avons dit, ce premier contact avec les nombres sera mo-
deste. On peut trouver plus d’informations sur les thèmes abordés ici dans
le joli petit livre de Pierre Samuel [7] qui nous a partiellement inspiré.
Nous supposons une légère familiarité avec les groupes, les anneaux, les
modules ainsi qu’avec leurs propriétés exposées au premier cours d’algèbre
du Bac en mathématique de l’Université libre de Bruxelles. Certaines de
ces notions et propriétés sont rappelées au moment où on désire les utiliser.
0.2. CONVENTIONS ET NOTATIONS 3
D’autres sont brièvement rappelées dans les sections suivantes, à ne consul-
ter qu’en cas de besoin, si ce n’est celle sur les conventions et celle nous
emmenant vers les nombres.
0.2 Conventions et notations
0.2.1. Conventions. Dans ces notes, les anneaux sont tous supposés com-
mutatifs unitaux (sauf mention expresse du contraire) et les homomor-
phismes d’anneaux considérés ici sont tous des homomorphismes d’anneaux
unitaux, ce qui signifie qu’ils appliquent le neutre multiplicatif du premier
anneau sur le neutre multiplicatif du second. Par sous-anneau d’un anneau
B nous entendrons toujours un sous-anneau A de B qui contient le neutre
multiplicatif de B. Par corps nous entendrons toujours un corps commu-
tatif (dans notre terminologie, les corps non commutatifs, comme celui des
quaternions, sont appelés corps gauches ou algèbres à division).
0.2.2. Notations.
N désigne l’ensemble des nombres naturels, 0 y compris,
N = {0,1,2,···}.Lesnombresnaturelsserontaussiappelésentiersnaturels.
N = {1,2,···} désigne l’ensemble des entiers naturels positifs.
0
Z désigne l’anneau des entiers, Z = {··· ,−2,−1,0,1,2,···}. Les élé-
ments de Z seront appelés entiers rationnels, pour les distinguer parmi les
entiers algébriques que nous allons définir en 0.9.3.
Z désigne l’ensemble des entiers rationnels non nuls.
0
Q désigne le corps des nombres rationnels.
R désigne le corps des nombres réels.
C désigne le corps des nombres complexes.
Le groupe des inversibles d’un anneau A sera désigné par A×.
Si K est un corps, K× désigne donc le groupe (K\{0},·) et est souvent
appelé le groupe multiplicatif du corps K.
L’anneau des polynômes en une indéterminée X à coefficients dans un
anneau A sera noté A[X]. L’anneau des polynômes à coefficients dans A en
les indéterminées X ,X ,··· ,X sera noté A[X ,X ,··· ,X ].
1 2 n 1 2 n
Si A est un sous-anneau de l’anneau B, A ⊂ B, et si b ,··· ,b ∈ B, le
1 n
sous-anneau de B engendré par A et les b sera désigné par A[b ,··· ,b ];
i 1 n
ses éléments sont les expressions polynomiales en les b à coefficients dans
i
A.
Définitions et observations 0.2.3. Undomaineouanneau intègreest
un anneau non nul, commutatif comme tous les anneaux considérés ici, et
où le produit de deux éléments non nuls est non nul.
4 CHAPITRE 0. INTRODUCTION
Remarque 0.2.4. Un anneau commutatif non nul A est un domaine si et
seulement si tout élément non nul de A est simplifiable :
∀a,x,y ∈ A,a 6= 0, ax = ay ⇒ x = y,
autrement dit si, ∀a ∈ A, a 6= 0, la fonction
a· : A → A,a 7→ ax
est injective.
Exemples 0.2.5. L’anneau Z des entiers rationnels et les corps sont des
domaines.
Tout anneau de polynômes à coefficients dans un domaine est un do-
maine.
La plupart des domaines ne sont pas des corps, mais tout domaine fini
est un corps.
Nous utiliserons souvent l’axiome du choix que voici et dont on ne peut
guère se passer en algèbre.
0.2.6. L’axiome du choix dit qu’étant donné un ensemble E d’ensembles
nonvides,ilestpossibledechoisirunélémentdanschacund’entreeux.Plus
(cid:83)
précisément, il dit qu’il existe une fonction de choix c : E → E telle que
∀A ∈ E,c(A) ∈ A.
0.3 Congruences, idéaux et anneaux quotients
Définition 0.3.1. Un idéal de l’anneau (commutatif) A est une partie I
de A telle que
(i) I est un sous-groupe du groupe additif (A,+),
(ii) ∀x ∈ A, on a xI := {xy | y ∈ I} ⊂ I.
Un idéal propre de l’anneau A est un idéal de A distinct de A.
Remarque 0.3.2. SoitAunanneau.Aet{0}sontdesidéauxdeA,souvent
appelés idéaux triviaux.
Un idéal I de A est propre si et seulement si I∩A× = ∅.
Exemple 0.3.3. (i)Lenoyaud’unhomomorphismed’anneauxf : A → B,
défini par ker(f) = {x ∈ A | f(x) = 0}, est un idéal de A, propre dès que B
est non nul.
(ii) Le seul idéal propre d’un corps est l’idéal nul. Et donc tout homo-
morphisme d’un corps dans un anneau non nul est injectif.
0.3. CONGRUENCES, IDÉAUX ET ANNEAUX QUOTIENTS 5
Définitions et observations 0.3.4. Toute intersection d’idéaux de l’an-
neau A est un idéal de A.
Si P est une partie quelconque de A, l’intersection des idéaux de A
contenant P est donc le plus petit idéal de A contenant P, on dira de cette
intersection qu’elle est l’idéal engendré par P, on la désignera parfois par
id‘(P).
L’idéal d’un anneau A engendré par ses éléments a ,··· ,a sera simple-
1 n
mentdésignépar(a ,··· ,a )quandiln’yapasambiguïtésurl’anneaudans
1 n
lequel on travaille. Comme nos anneaux sont supposés commutatifs, ∀a ∈ A
nous avons (a) = aA. En général nous avons (a ,··· ,a ) = a A+···+a A.
1 n 1 n
Un idéal principal de l’anneau A est un idéal pouvant être engendré
par un seul élément de A, donc de la forme (a) = aA, où a ∈ A.
Lemme 0.3.5. Soit A un anneau non nul, commutatif comme tous les an-
neaux que nous considérons ici.
Alors A est un corps si et seulement si l’idéal nul est son seul idéal
propre.
Définitions et observations 0.3.6. Soit I un idéal de l’anneau A.
La classe latérale d’un élément a ∈ A selon I est la partie a+I de A.
Ces classes latérales forment une partition de A :
∀a ∈ A a ∈ a+I 6= ∅
(cid:91)
A = (a+I) et (a+I)∩(a0+I) 6= ∅ ⇔ (a+I) = (a0+I).
a∈A
Notons aussi : (a+I) = (a0+I) ⇔ (a−a0) ∈ I.
Définitions et observations 0.3.7. Définissons maintenant l’anneau
quotient A/I de A par son idéal I.
En tant qu’ensemble A/I = {a+I | a ∈ A}. L’addition et la multiplica-
tion y sont définies comme suit : ∀a,b ∈ A,
(a+I)+¯(b+I) = (a+b)+I et (a+I)¯·(b+I) = (ab)+I.
Évidemment il convient de vérifier d’abord que ces opérations sont bien
définies, que, si (a+I) = (a0 +I) et (b+I) = (b0 +I), alors (a+b)+I =
(a0+b0)+I et (ab)+I = (a0b0)+I. Ceci ne présente aucune difficulté. En
effet on a :
(a+I) = (a0+I) et (b+I) = (b0+I)
⇔ a−a0 ∈ I et b−b0 ∈ I
⇒ (a+b)−(a0+b0) ∈ I et (ab−a0b0) = (a(b−b0)+(a−a0)b0) ∈ I
⇔ (a+b)+I = (a0+b0)+I et (ab)+I = (a0b0)+I.
Ceciétantfait,onvoitaisémentqueces opérations munissentA/Id’une
structure d’anneau, de neutre additif 0+I = I et de neutre multiplicatif
1+I, et que la projection naturelle
p : A → A/I : a 7→ a+I
6 CHAPITRE 0. INTRODUCTION
est un homomorphisme surjectif d’anneaux de noyau I.
Dans la pratique il est souvent commode d’écrire a¯ = a+I pour éviter
des lourdeurs d’écriture, et aussi d’omettre la barre sur les opérations.
0.3.8. Conclusion. Le noyau d’un homomorphisme d’anneaux est un idéal
de son domaine et réciproquement tout idéal d’un anneau A est noyau d’un
homomorphisme de domaine A. Les idéaux sont aux anneaux ce que les
sous-groupes normaux sont aux groupes.
Exemple 0.3.9. Soit n un nombre naturel, n (cid:62) 2. L’anneau quotient Z/nZ
est un anneau fini, de n éléments que voici : 0+Z,1+Z,··· ,(n−1)+Z. On
l’appelle l’anneau des entiers modulo n, ou l’anneau des restes de la division
par n, on le désigne souvent par Z et on omet même souvent la barre au
n
dessus de ses éléments, écrivant simplement Z = {0,1,··· ,n−1}.
n
L’anneau Z/12Z mérite de s’appeler l’anneau de l’horloge.
L’anneau Z/1Z est l’anneau nul.
Si le nombre naturel p est premier, l’anneau Z est un corps souvent
p
désigné par F .
p
Si le nombre naturel n (cid:62) 2 n’est pas premier, l’anneau Z n’est pas
n
intègre, il comprend deux éléments non nuls dont le produit est nul.
0.3.10. Quotients d’anneaux de polynômes.
Soit K un corps, commutatif comme tous les corps considérés ici, et soit
P ∈ K[X] un polynôme de degré n (cid:62) 1.
On peut diviser tout polynôme de K[X] par P, obtenir un quotient et
un reste de degré < n :
∀T ∈ K[X] ∃!Q ∈ K[X] ∃!R ∈ K[X] tels que
T = PQ+R et degré(R) < degré(P).
(Par convention le degré du polynôme nul est −∞.)
Il s’en suit que toute classe latérale T + PK[X] comprend un et seul
polynôme de degré < n = degré(P), à savoir le reste de la division de T par
P.
En particulier la fonction composée
i p
K → K[X] → K[X]/PK[X],
où i désigne l’inclusion naturelle et p la projection naturelle, est un homo-
morphisme d’anneaux injectifs, nous permettant d’identifier K à son image
dans l’anneau quotient K[X]/PK[X], de voir K comme un sous-anneau de
K[X]/PK[X].
Désignons maintenant par x la classe latérale X + PK[X], autrement
dit x = p(X). Avec cette notation nous avons, ∀T ∈ K[X], p(T) =
Description:Chapitre 0. Introduction. 0.1 Introduction générale. La théorie des nombres ou arithmétique a pour objet les nombres entiers naturels ainsi que leurs Dans la marge d'un livre, Fermat (XV IIième) avait annoncé sans preuve que cette équation ne possède pas de solutions entières non triviale