Composer avec la complexité dans l'intervention psychosociale auprès des nouveaux arrivants

114 Pages·2015·4.01 MB·French

Composer avec la
complexité dans
l’intervention psychosociale
auprès des
nouveaux arrivants
© Monique Tremblay et TCRI - 2015
Illustrations : Vivian Labrie
Table des matières
Liste des acronymes 3
Remerciements 5
Introduction 7
Chapitre 1 | Contexte de la recherche 11
1.1. Le contexte structurel 13
1.2. Le contexte global de la recherche : la TCRI et ses organismes membres 15
1.2.1. La TCRI et ses organismes membres : des missions qui fédèrent 15
1.2.2. La TCRI et ses organismes membres : une histoire d’engagement humanitaire 16
1.2.3. Les besoins des nouveaux arrivants et les priorités gouvernementales :
des décalages lourds d’impacts 18
1.3. Contexte rapproché de la recherche : la formation à la TCRI 19
1.3.1. L’ouverture des formations aux partenaires des organismes communautaires :
un engagement de la TCRI à nourrir les collaborations locales autour des nouveaux arrivants 20
1.3.2. Le dialogue continu, un processus au cœur de la formation 20
1.3.3. La formation, un révélateur de l’ampleur de la complexité des situations d’intervention 21
Chapitre 2 | Cadre conceptuel et méthodologie de la recherche 23
2.1. Cadre conceptuel : la complexité comme cadre de compréhension des situations d’intervention 25
2.1.1. Premières réflexions autour de la complexité 25
2.1.2. Les assises théoriques de la complexité 25
2.1.3. Une métaphore de la complexité 27
2.1.4. Une méthode de la complexité 27
2.1.5. Le concept de qualités émergentes 28
2.1.6. Les principaux éléments du paradigme de la complexité en bref 28
2.2. La méthodologie de la recherche 29
2.2.1. Le profil de l’auteure 29
2.2.2. Une étude qualitative menée dans une perspective clinique 29
Chapitre 3 | Les éléments de complexité des situations des nouveaux arrivants 33
Présentations des cas 35
3.1. Quelques caractéristiques des situations présentées lors des focus groups 38
3.2. Quatre éléments de complexité des situations vécues par les nouveaux arrivants et les intervenants 39
3.2.1. La situation familiale des personnes en lien avec leur statut migratoire 39
3.2.2. La détresse psychologique intense et les problèmes de santé mentale 42
3.2.3. Les défis reliés à la rencontre interculturelle dans l’interaction 47
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3.2.4. Des différences dans les approches et les pratiques organisationnelles qui modèlent
les interventions avec les nouveaux arrivants 52
3.2.5. Les multi-complexités 57
3.3. La prise en compte de la complexité, un incontournable pour l’adaptation des pratiques
communautaires et institutionnelles et l’intégration des nouveaux arrivants 59
Chapitre 4 | L’intervention réussie auprès des nouveaux arrivants : éléments-clés 61
4.1. L’adaptation fine des pratiques d’intervention et l’accompagnement soutenu des personnes 63
4.1.1. L’approche fine des personnes 63
4.1.2. L’accompagnement soutenu des personnes 65
4.1.3. Le travail de médiation interculturelle 66
4.1.4. Le coaching de collègues 67
4.1.5. Des savoir-être et des savoir-faire indispensables pour intervenir dans la complexité 67
4.2. L’engagement des intervenantes, y compris dans des situations limites 68
4.2.1. L’engagement des intervenants en pratique 69
4.2.2. L’engagement émotionnel des intervenants 69
4.3. L’éthique 71
4.3.1. Une éthique fondée sur le respect et la défense des droits de la personne 71
4.3.2. Une éthique fondée sur le bien-être de la personne 71
Chapitre 5 | Obstacles, conditions facilitantes et impacts des interventions réussies
auprès des nouveaux arrivants 73
5.1. Les obstacles à l’intervention et à la collaboration 75
5.2. Les conditions facilitantes pour l’intervention et pour la collaboration 78
5.3. Les impacts des interventions réussies sur les nouveaux arrivants 80
5.4. L’intervention dans les situations complexes en bref 84
Conclusion | Retour sur la complexité et recommandations 89
Retour sur l’intervention dans la complexité auprès des nouveaux arrivants 91
Les pratiques d’intervention complexes avec les nouveaux arrivants : défis et recommandations 93
Dimensions structurelles et politiques 93
Pratiques et approches d’intervention 95
Les gains attendus de l’adaptation des pratiques et des milieux de travail dans les interactions
avec les nouveaux arrivants 97
Bibliographie 99
Annexe 1. | Caractéristiques des intervenants ayant participé aux focus groups
du 25 février et du 10 mars 2009 101
Annexe 2. | Brève description des situations complexes citées dans la recherche. 103
Annexe 3. | Consignes aux participants aux focus groups pour l’analyse des
situations complexes 107
Annexe 4. | Résultats préliminaires discutés les 3 et 4 décembre 2009 avec les
participants aux focus groups du 25 février et du 10 mars 2009 109
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Liste des acronymes
ACA MIDI
Action communautaire autonome Ministère de l’immigration, de la diversité
et de l’inclusion
ALAC
Alliance pour l’accueil et l’intégration PROMIS
des immigrants et immigrantes Promotion, Intégration, Société nouvelle
CARI-Saint-Laurent SIARI
Centre d’accueil et de référence sociale Service d’interprète, d’aide et
et économique pour immigrants de référence aux immigrants
CREDIL SANC
Comité régional d’éducation pour le Service d’aide aux Néo-Canadiens
développement international de Lanaudière
SEIIM
ERASME Service d’éducation et d’intégration interculturel
Équipe de recherche et d’action en santé mentale de Montréal
et culture
TCRI
HCR Table de concertation des organismes au service
Haut Commissariat des Nations Unies pour les des personnes réfugiées et immigrantes
réfugiés
ICSI
Intervenant communautaire scolaire interculturel
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Remerciements
Nous tenons à remercier chaleureusement les intervenantes qui ont
participé aux groupes de discussion et aux rencontres de rétroaction
qui ont suivi. Nous les remercions pour la générosité de cœur et
d’intelligence avec laquelle elles ont partagé leurs expériences et leurs
réflexions sur leur travail. Elles ont déployé devant nous leurs doutes, leurs
questionnements et leur expertise afin que le réseau de la TCRI en prenne
acte et en prenne soin dans une conjoncture politique et économique
qui pousse constamment à miser sur la quantité des services offerts
plutôt que sur leur finalité, en vue de soutenir concrètement l’adaptation
des nouveaux arrivants au Québec.
Nous remercions donc Louise Carrier-Corriveau, Nous remercions enfin la TCRI. L’engagement et
Sylvie Champagne, Slim Daouzli, Chantal Dubignon, l’implication à toutes les étapes de la recherche de
Dana Gojak, Sylvie Laurion, Marian Shermarke, Gity Marie-Claire Rufagari, responsable du volet Formation,
Shirzad, Louise Trudel, Chou Tea, Chantal Mougenot, a rendu sa réalisation possible. Nous tenons à
Hameza Othman et Denise Côté. remercier très chaleureusement Myriam Richard
pour son travail de révision et d’édition critique.
Nous remercions également l’équipe de recherche et
d’action en santé mentale et culture (ÉRASME) qui Merci également à Sylvie Guyon, Sylvie Laurion,
a financé la réalisation du projet de recherche et sa Marian Shermake, Carmen Fontaine, Louise Trudel et
publication. Les commentaires de Lorraine Guay et Salif Kandé, qui ont contribué à différentes étapes de
Lourdes Rodriguez Del Barrio, membres de l’équipe la relecture du manuscrit.
de recherche, ont permis d’enrichir le présent rapport.
Monique Tremblay, psychologue
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Introduction
La migration est une expérience qui a des impacts ma- 2005 entre des intervenants expérimentés œuvrant au
jeurs sur les personnes qui la vivent. Comme la situa- sein du réseau de la TCRI, la chercheure et la respon-
tion de la famille D. l’illustre, les personnes réfugiées sable du volet Formation de la TCRI. D’abord amorcés
et immigrantes qui arrivent au Québec se retrouvent lors de séances de supervision pour les intervenants ex-
souvent en situation de grande vulnérabilité et font face périmentés en accueil et intégration des nouveaux arri-
à de multiples défis. Elles doivent composer avec un vants, les échanges ont été formalisés aux fins de cette
ensemble d’enjeux qui relèvent à la fois de leur vécu recherche dans le cadre de focus groups. Ces discus-
avant et pendant la migration ou l’exil, ainsi que des sions ont permis d’explorer plusieurs situations com-
conditions dans lesquelles se déroulent leur accueil plexes telles que celle de la famille D., pour lesquelles
et leur processus d’intégration au Québec. Parmi les des nouveaux arrivants avaient manifesté un besoin
premiers acteurs concernés par l’ac-
compagnement des personnes immi-
grantes et réfugiées pour faire face à
La famille D. est composée d’un père et de ses quatre enfants, de
ces défis, se trouvent les organismes
jeunes adultes âgés de plus de seize ans. La mère a été assassinée
communautaires en accueil et en in-
lors d’évènements de violence politique dans le pays d’origine.
tégration des nouveaux arrivants, qui
Réfugiés sélectionnés par l’État, ils sont envoyés dans une petite
sont présents dès les premiers stades
ville à plus d’une heure de Montréal. Peu de temps après leur
de l’installation. Viennent ensuite leurs
arrivée, le père demande de l’aide à l’organisme communautaire
différents partenaires tels que les ins-
qui les accompagne dans leur installation parce qu’il n’arrive pas
titutions publiques ( santé, éducation,
à s’occuper de ses enfants. Il ignore tout de l’organisation d’une
emploi, immigration, protection de la
maison et du rôle que jouait sa femme dans la famille. De plus, les
jeunesse, etc.) ainsi que les autres or-
enfants ne peuvent être envoyés à l’école immédiatement à leur
ganismes communautaires œuvrant
arrivée, car il n’y a pas de place disponible pour eux à ce moment.
plus largement auprès de popula-
Il s’agit d’une autre interruption de scolarité pour ces jeunes qui ont
tions vulnérables (sécurité alimentaire,
dû quitter leur milieu scolaire dans le pays d’origine en raison de la
femmes, alphabétisation, etc.).
violence politique. Ils passent donc une très longue période sans
socialisation avec des pairs. Quand ils sont finalement inscrits dans
La mission principale des organismes
une école de la ville d’accueil, les intervenants du milieu scolaire sont
du réseau de la TCRI consiste à sou-
rapidement dépassés par la situation. L’école ne dispose pas des
tenir l’intégration des nouveaux arri-
services appropriés pour eux et n’a pas de politique d’adaptation
vants dans les premières années de
de ses services pour les jeunes réfugiés. De surcroît, la famille n’a
leur vie au Québec. Ils sont au carre-
pu faire son deuil suite à l’assassinat de la mère, à leur fuite et à leur
four de l’action d’une foule d’acteurs
exil. Pendant de longs mois, elle n’arrive pas à s’organiser et les
de la société québécoise en lien avec
conflits se multiplient entre les jeunes et leur père, malgré ses efforts
les personnes immigrantes, et doivent
pour recréer une vie familiale. Telle est la situation au moment où
répondre à des demandes très diver-
l’intervenante de l’organisme communautaire en accueil et intégration
sifiées, généralement lorsque sur-
des nouveaux arrivants commence à accompagner cette famille.
gissent des défis et des impasses.
On doit ici souligner qu’elle est la seule intervenante en charge de
l’accueil et de l’accompagnement des réfugiés dans la région.
La présente recherche a été inspirée
par des échanges continus depuis
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d’accompagnement, ainsi que les interventions qui les grande ingéniosité qu’ils déploient conjointement au
ont aidés à résoudre les impasses et les complications quotidien. Ce savoir et ces stratégies permettent de tirer
auxquelles ils étaient confrontés. Nous avons ainsi tenté des conclusions pour améliorer l’accueil des nouveaux
d’identifier les éléments qui ont rendu ces réussites pos- arrivants et contrer l’exclusion, contribuant ainsi à l’enri-
sibles, sans toutefois passer sous silence certaines des chissement de la société québécoise.
limites qui ont pu les rendre plus difficiles ou auraient pu
les compromettre. Surtout, la TCRI a pu y constater la Ce rapport s’adresse à l’ensemble des acteurs qui
grande richesse et le caractère novateur des pratiques œuvrent à l’accueil et à l’intégration des nouveaux ar-
déployées par les intervenants de son réseau. rivants ainsi que leurs partenaires : les intervenants et
les gestionnaires des organismes communautaires
Ce rapport fait état des résultats obtenus dans le d’accueil et d’intégration des nouveaux arrivants, les
cadre de la recherche qui a été menée auprès d’une chercheurs universitaires et communautaires ainsi que
quinzaine d’intervenants expérimentés du réseau de les représentants des institutions publiques et de diffé-
la TCRI. Son intention première est de rendre compte rents ministères, dont le ministère de l’Immigration, de la
de la complexité et du caractère novateur du travail Diversité et de l’Inclusion (MIDI) en premier lieu.
psychosocial accompli pour aider les nouveaux arri-
vants et leur famille à s’enraciner au Québec et à s’y Face à l’importante quantité de situations complexes
sentir chez eux. Nous désirons ainsi mettre en lumière qui lui sont régulièrement rapportées et à la richesse de
les immenses défis d’ordre individuel, organisation- l’expertise développée par les intervenants de son ré-
nel et structurel que rencontrent les nouveaux arrivants seau, la TCRI a donc décidé d’entreprendre la présente
et les intervenants qui les accompagnent, mais aussi la recherche, qui poursuit trois objectifs principaux :
1. 2. 3.
Documenter les enjeux Montrer que les nouveaux Transmettre l’expertise
propres aux situations arrivants et les intervenants développée par les
complexes ; mettent de l’avant des organismes membres de
façons créatives et la TCRI dans leur réseau et
innovatrices d’aborder auprès de leurs institutions
ces situations et de les partenaires, soucieuses
travailler, permettant de les d’adapter leurs pratiques
résoudre au bénéfice des aux besoins spécifiques
nouveaux arrivants et de des nouveaux arrivants.
leur famille ;
Dans le cadre de cette recherche, la complexité est consi- utile pour montrer l’articulation des dimensions en jeu
dérée comme une vaste toile d’araignée sur laquelle dans ces situations et leur résolution à l’échelle indivi-
s’entremêlent différents éléments qui peuvent s’articu- duelle, institutionnelle et structurelle. Avant tout, il s’agit
ler à la fois à l’échelle individuelle, organisationnelle et du terme utilisé par les intervenants pour qualifier leurs
structurelle (Morin, 2010). Elle s’avère particulièrement interventions et le contexte dans lequel elles s’inscrivent,
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