Table Of ContentCommunication de crise
et résolution des conflits
en Afrique francophone
Sous la direction de
Sergiu Mișcoiu et Delia Pop-Flanja
Communication de crise
et résolution des conflits
en Afrique francophone
Sous la direction de
Sergiu Mișcoiu et Delia Pop-Flanja
Casa Cărţii de Ştiinţă
Cluj-Napoca, 2021
Coordonată de
Andrei Lazar, Simona Jișa și Sergiu Mișcoiu
© Autorii, 2021.
Design copertă: Georgiana Roman
Descrierea CIP este disponibilă la
Biblioteca Națională a României
ISBN: 978-606-17-1885-6
Casa Cărții de Ştiință
400129 Cluj-Napoca; B-dul Eroilor, nr. 6-8
Tel.: 0264-431920; www.casacartii.ro;
e-mail: [email protected]
Table des matières
INTRODUCTION. LA COMMUNICATION DE CRISE EN AFRIQUE
SUBSAHARIENNE FRANCOPHONE
Sergiu Mișcoiu et Delia Pop -Flanja .................................................................. 7
DE LA CONTINUITÉ À LA RUPTURE : UNE ANALYSE DISCURSIVE DE
LA PRÉSIDENCE DE FÉLIX TSHISEKEDI (RDC)
Andreea Bianca Urs et Sergiu Mișcoiu ........................................................... 11
LOIS D’AMNISTIE ET RETOUR À LA PAIX DANS LA RÉGION DES
GRANDS LACS AFRICAINS : ANALYSE D’UNE APPROCHE LIMITÉE À
L’EST DE LA RDC
Valéry Iragi Ntwali et Pascal Burume Cinamuka ........................................ 29
DROITS DE L’HOMME ET DEMOCRATIE. PERSPECTIVES
FRANCOPHONES
Eric Stéphane Mvaebeme .................................................................................. 56
LES FACTEURS HISTORICO-GEOGRAPHIQUES DE LA CRISE
SECURITAIRE AU SAHEL : CAS DU BURKINA FASO, MALI ET NIGER
Adama Diallo ...................................................................................................... 70
CRISE SECURITAIRE AU SAHEL : EVITER L’EFFONDREMENT ?
Aminou Adamou Issoufou ............................................................................. 109
LE POIDS DE LA DIPLOMATIE MILITAIRE TCHADIENNE AU SAHEL ET
DANS LE BASSIN DU LAC-TCHAD APRES LA CHUTE DE KADHAFI
Tchoudiba Bourdjolbo .................................................................................... 133
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INTRODUCTION. LA COMMUNICATION DE CRISE
EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE FRANCOPHONE
Sergiu Mișcoiua et Delia Pop-Flanjab
a Université Babeș-Bolyai, Cluj-Napoca, Roumanie, [email protected]
b Université Babeș-Bolyai, Cluj-Napoca, Roumanie, [email protected]
Analyser la communication en temps de crise et en situation
conflictuelle est une démarche qui ne peut pas ne pas être d’emblée
compliquée. Si on aj oute le conte xte culturel de l’Afrique subsahar ienne
francophone, on se trouve devant un vrai défi pour to ut chercheur en
sciences humaines et sociales. Car, et du point de vue conceptuel et du
point de vue épistémologique, le concept de crise appliqué au niveau de
ladite immense région fait l’objet de multiples controverses.
En effet, on peut se demander non seulement ce que c’est la crise per
se, mais aussi (et de surcroît) ce que crise veut dire dans les contextes
politiques, économiques, sociaux et culturels des sociétés africaines. Sur ce
point, deux positions a priori irréconciliables se heurtent depuis déjà à peu
près un quart de siècle.
D’un côté, les théoriciens de la science politique, de l’économie, de la
sociologie ou de l’histoire qui considèrent que toute démarche scientifique
consistant à rendre les réalités sociales compréhensibles devrait forcément
être guidée par une conceptualisation et par une théorisation globales
préalables à l’étude des contextes spécifiques de tout ordre. Il faudrait donc
partir des définitions compréhensives et inclusives et des théories
universellement acceptées pour analyser les évolutions des sociétés en cause
à travers des études de cas (certes, détaillées et approfondies), en repérant et
en décortiquant les régularités qui correspondent par rapport au cadre
conceptuel-théorique préétabli. Ainsi, le concept de crise devrait être défini et
théorisé d’une manière unitaire et appliqué d’une façon constante et
consistante à toutes les sociétés du monde, y compris aux pays africains
subsahariens. Il serait ainsi possible de comparer les différents stades
d’évolution de sociétés en fonction du degré de crise dans lequel elles se
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Introduction. La communication de crise en Afrique subsaharienne francophone
trouvent, à l’appui des critères, des indicateurs et des seuils spécifiques. A un
niveau plus concret, on saurait comment les différents pays s’efforcent de
combattre les crises et quelles sociétés réussissent le mieux à s’arracher des
griffes des celles-ci, en imaginant des outils comme les hiérarchisations
multicritères et en modelant les masses de données ainsi obtenues.
Par contre, de l’autre côté, de nombreux philosophes,
anthropologues, sociologues ou historiens (pour ne pas mentionner les
écrivains et les journalistes) partent du postulat opposé : La crise ne
pourrait pas être prédéfinie, mais prendrait conceptuellement contour au
cours des interactions sociales qui se déroulent forcément dans des cadres
historiques très variés. De ce fait, il serait non seulement inapproprié mais
aussi abusif que de vouloir imposer une unique conceptualisation d’une
réalité qui est vécue de manières profondément différentes par les sociétés
des quatre coins du monde. Une approche qu’on pourrait qualifier
d’inductive-déductive s’imposerait naturellement. Il serait donc nécessaire
de comprendre le mode de fonctionnement des différentes sociétés (en
l’occurrence, des sociétés de l’Afrique centrale et occidentale), d’identifier
les critères spécifiques à ces sociétés selon lesquels l’organisation de la vie
en commun pourrait être perçue comme étant défaillante et, uniquement
après avoir sondé en profondeur les processus et les dynamiques propres
aux pays respectifs, tenter prudemment des généralisations à portée
théorique, toujours soucieux de ne pas dépasser les limites de ce qui est
déductible des observations empiriquement consolidées. Il résulterait ainsi
non pas un seul concept de crise universellement applicable, mais une
mosaïque de notes de contenu susceptibles d’esquisser les contours de la
notion de crise, inégalement répandues et utilisées, en proie à une
redéfinition quasi-permanente et dépendant fortement des évolutions
historiques et même parfois événementielles.
Comprendre l’essence du débat entre ces deux positionnements
opposés nous permet situer la crise dans le contexte des sociétés africaines et
de saisir son caractère paradoxal. La crise en Afrique subsaharienne est à la
fois omniprésente et ineffable. Elle est omniprésente au point qu’on puisse
parler des sociétés africaines comme étant elles-mêmes des sociétés de crise –
nées de la crise des empires coloniaux, traînées dans les crises de la Guerre
Froide, abîmées par les crises pétrolières, déchirées par les crises ethno-
politiques, enfoncées dans la crise économique mondiale, déstabilisées par
les crises migratoires, secouées par les crises du terrorisme, laissées de côté
suite à la crise Covid19. Une furtif passage en revue des livres et des articles
écrits sur l’Afrique subsaharienne ces trente dernières années montrerait
qu’une partie significative de ceux-ci ont comme thématique les différentes
formes de crise qui ont accablé le continent, des crises post-électorales aux
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Communication de crise et résolution des conflits en Afrique francophone
crises liées à l’érosion côtière, des crises alimentaires aux crises sécuritaires et
ainsi de suite. Cependant, ce sont justement cette permanence et cette
multiplicité des crises en Afrique subsaharienne qui dévalorisent le contenu
même de ce concept. La crise risque de devenir un concept dérisoire, du type
fourre-tout, dans la mesure où elle bénéficie d’une surexposition médiatique
presqu’illimitée. Tout différend au sein des sociétés africaines est souvent
traité comme une forme de crise, nom auquel on attache systématiquement
l’adjectif « grave ». Ainsi, la crise devient non pas un état d’exception, mais
un état permanent au point de se superposer sur la vie politique et sociale
même. Paradoxale de par sa nature, la crise en Afrique serait à la fois partout
et nulle part.
Analyser la communication de « crise » devient ainsi, à son tour,
une affaire bien plus compliquée qu’il n’y paraît à première vue. Il s’agit
bel et bien d’assurer la communication au quotidien, puisque tout est crise.
Démineur de jour et de nuit, le communicateur de crise est obligé de garder
sans faille la baraque politique qui se trouve en permanence dans un état
de siège discursif. Parler fort, tout combler, dissimuler au possible les
points faibles et donner l’impression d’une infaillibilité totale de l’acteur
politique représenté tout en prenant le soin de montrer au grand jour le
caractère indésirable des adversaires et parfois même des partenaires –
voici la liste trop courte des impératifs qui règlent la vie du communicateur
(de crise) qui se voit obligé d’assurer une présence ininterrompue dans les
médias sociaux – des moyens de communications devenus indispensables
car relativement moins affectés par les délestages qui rythment assez
souvent la vie africaine.
Comment faire alors la part entre la communication de crise et la
communication « normale » ? La réponse est qu’il s’agit toujours d’une
appréciation forcément subjective de l’acuité de la crise, de sa propension
de se transformer d’une manière imminente en conflit ouvert et du degré
d’opportunité d’augmenter (parfois uniquement d’un cran) l’intensité et la
virulence du registre rhétorique convoqué afin de légitimer les actions du
bénéficiaire. D’où l’intérêt d’étudier les situations perçues comme étant des
crises ou des conflits et de se pencher sur la manière dont elles ont été
représentées et inclues dans une logique de communication politique. Des
guerres civiles aux conflits sécessionnistes, des insurrections armées aux
protestations civiques, des conflits frontaliers aux rébellions régionales, des
coups d’Etat militaires aux attaques djihadistes – l’ensemble des « crises »
de l’Afrique subsaharienne francophone font l’objet d’une série
incommensurable et chaotique de tentatives de « mise en communication »
qui se prêtent à des analyses plus approfondies.
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Introduction. La communication de crise en Afrique subsaharienne francophone
C’est justement ce type d’analyses que nous essayons de proposer
dans ce volume. Les contributeurs traitent des aspects liés aux discours,
crises, conflits et politiques du conflit en Afrique centrale et occidentale.
Sergiu Mi coiu et Andreea Bianca Urs proposent une analyse discursive de
la présidence de Félix Tshisekedi dans la République Démocratique du
ș
Congo, plus précisément les dimensions et conséquences du « discours de
rupture » de décembre 2020. Valéry Iragi Ntwali et Pascal Burume
contribuent avec leur approche juridique sur le rôle de l’amnistie dans le
retour à la paix pour les États connaissant des conflits armés de manière
répétée, dans la Région des Grands Lacs Africains. Restant dans le domaine
juridique, Eric Stéphane Mvaebeme traite la « relation tumultueuse » entre
les droits de l’homme et la démocratie, fortement mise en avant dans
l’espace subsaharien francophone en général et la sphère africaine en
particulier. Adama Diallo s’interroge et propose quelques réponses sur les
facteurs historico-géographiques de la crise sécuritaire au Sahel, le cas du
Burkina Faso, Mali et Niger, pour mieux comprendre les origines de cette
instabilité sécuritaire. La crise sécuritaire au Sahel fait l’objet d’attention
d’Aminou Adamou Issoufou aussi, pour voir quelle pourrait être les
implications de son effondrement sur la sécurité de la population, les
possibles érosions dans la région et sur le plan international. Dans la même
direction, la dernière étude de ce volume, celle de Tchoudiba Bourdjolbo,
est dédiée à la diplomatie militaire tchadienne au Sahel et dans le bassin du
Lac-Tchad après la chute de Mouammar Kadhafi.
Le continent africain est extrêmement captivant de point de vue de
l’analyse des conflits et de la communication dans un tel contexte. Ainsi, ce
volume a le but de proposer quelques perspectives avisées, pour offrir une
image plus claire de la situation dans la région et sur les méthodes de gérer
les situations de crise.
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