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Beth Fantaskey
COMMENT
SE DÉBARRASSER
D'UN VAMPIRE
AMOUREUX
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Eisa Canem
ÉDITIONS DU MASQUE
17, RUE JACOB 75006
PARIS
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1
La première fois que je le vis, c'était début septembre. Ce
matin-là, des langues de brouillard serpentaient entre les
plants flétris des champs de maïs. Postée au bout du
chemin poussiéreux de notre ferme, j'attendais le bus
scolaire. Pour faire passer le temps - et en bonne
matheuse que j'étais
-, je calculais le nombre de fois où j'avais attendu ce bus au
cours des dix dernières années. C'est là que je le
remarquai. Il était assis sous un hêtre centenaire, de l'autre
côté de la route, dissimulé par des branches basses et
noueuses. Maigre l'ombre qui l'entourait, je distinguai un
jeune homme de grande taille vêtu d'un long manteau
sombre qui ressemblait à une cape.
Cette portion de bitume que je connaissais si bien me
sembla tout à coup affreusement inquiétante. Je sentis ma
gorge se serrer. Que pouvait bien faire ce type sous cet
arbre, au beau milieu de nulle part et à une heure pareille ?
Sans doute remarqua-t-il que je l'observais, car il bougea
légèrement, comme s'il hésitait à partir. Ou à traverser la
route.
Pour la première fois, je me rendis compte à quel point
j'étais vulnérable, à attendre le bus toute seule.
Je lançai un coup d'œil vers la route, le cœur battant la
chamade. Mais où était ce maudit bus ? Et pourquoi fallait-
il que mon père m'oblige à prendre les transports en
commun alors que j'aurais pu avoir une voiture, comme la
plupart des élèves de terminale ? Bien sûr, il fallait que je «
préserve 3
l'environnement » ! Et je parie que si je m'étais fait enlever
par ce type louche, papa aurait insisté pour que mon avis
de recherche n'apparaisse que sur des briques de lait en
carton recyclé...
Pendant la fraction de seconde où je pestais contre mon
père, l'inconnu avait avancé dans ma direction, et, juste au
moment où, par bonheur, le bus apparaissait à quelques
dizaines de mètres de là, je crus l'entendre prononcer le
mot
« Antanasia ».
Mon ancien nom... Celui que j'avais reçu à ma naissance,
en Europe de l'Est, avant d'être adoptée aux États-Unis, où
l'on m'avait rebaptisée Jessica Packwood
Peut-être avais-je imaginé des choses ? Après tout, sa
voix avait été couverte par l e bruit des pneus sur la
chaussée mouillée, d e l'embrayage grinçant, e t du
chuintement des portes que le chauffeur, M. Dilly, avait
ouvertes devant moi. Ah ! Ce bon vieux bus numéro 23 !
Mon sauveur ! Je n'avais jamais été aussi heureuse de le
voir.
Avant de redémarrer, M. Dilly grommela son habituel «
B'jour Jess » . J e m'avançai dans l'allée centrale à la
recherche d'une place libre ou d'un visage connu parmi les
passagers à moitié endormis. Il y a vraiment des fois où je
me serais bien passée de vivre en pleine campagne. Les
jeunes de la ville, eux, étaient sûrement encore en train de
dormir tranquillement au fond de leur lit.
Soulagée, je me laissai tomber sur un siège libre que
j'avais repéré au fond du bus. J'avais peut-être réagi de
manière excessive, finalement. Sans doute mon
imagination s'étaitelle emballée, polluée par tous les
criminels recherchés de l'émission America's Most
Wanted. À moins que l'inconnu 4
en ait vraiment après moi... Fébrile, je me retournai pour
regarder à travers la vitre arrière.
Non ! II était encore là, mais se tenait à présent au milieu
de la route, une botte de chaque côté de la double ligne
jaune. Les bras croisés, il regardait le bus s'éloigner. Il me
regar dait.
Antanasia...
M'avait-il vraiment appelée par ce nom depuis si
longtemps oublié ?
Et s'i le connaissait, qu'est-ce que ce sinistre inconnu
savait d'autre sur mon passé?
Et surtout, que me voulait-il à présent ?
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2
— Voilà qui résume assez bien mon été au camp, soupira
ma meilleure amie, Melinda Sue Stankowicz, en poussant
la lourde porte vitrée du lycée Woodrow Wilson. Des
gamins qui veulent rentrer chez eux, un coup de soleil, des
orties et d'énormes araignées dans les douches.
—À t'entendre, c'est la galère d'être moniteur, commentai-
je avec compassion alors que nous pénétrions dans le hall
familier qui sentait le détergent et la cire. Si ça peut te
consoler, j'ai dû prendre au moins deux kilos avec mon
boulot de serveuse au resto. Je m'empiffrais à chaque fois
que j'avais une pause.
—Ça ne se voit pas, objecta Mindy pour que je cesse de
me plaindre. Par contre, tes cheveux...
—Hé ! protestai-je en lissant mes boucles rebelles. Je te
signale que j'ai passé une heure avec le sèche-cheveux et
le «
baume défrisant » qui m'a coûté une semaine de
pourboires. ..
Je me tus, réalisant que Mindy ne m'écoutait plus. Je suivis
son regard, qui était dirigé vers les casiers, dans le couloir.
—En parlant de beauté.... dit-elle.
Jake Zinn, qui vivait dans une ferme proche de la nôtre, se
débattait avec la nouvelle combinaison de son casier.
S'efforçant de déchiffrer un bout de papier qu'il tenait dans
la main gauche, il secouait le cadenas avec la droite. Un
teeshirt blanc visiblement neuf accentuait son bronzage, et
ses manches courtes révélaient des biceps saillants.
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Jake est vraiment trop beau, murmura Mindy alors que
nous nous approchions de lui. Il a dû s'inscrire à un club de
gym ou quelque chose du genre. Et... tu crois qu'il s'est fait
faire un balayage ?
Il a trimballé des balles de foin tout l'été, Mindy. Il n'a pas
besoin de faire de la muscu, ni de se décolorer les
cheveux. Alors que nous passions devant lui, Jake leva tes
yeux et me sourit.
—Salut Jess !
—Salut, répondis-je.
Comme je ne savais pas quoi ajouter, Mindy poursuivit
pour éviter un silence gênant :
—On dirait qu'ils t'ont donné la mauvaise combinaison. Tu
as essayé d'y mettre un coup de pied ?
Jake ignora cette suggestion et s'adressa à moi :
—Je ne t'ai pas vue au restaurant hier soir.
—Non, j'ai arrêté d'y travailler. C'était juste pour l'été. Jake
sembla un peu déçu.
—Ah ! Alors je suppose que je vais devoir te chercher dans
les couloirs maintenant.
—Ouais. Et puis on aura sûrement des cours en commun,
ajoutai-je en me sentant rougir. A plus !
J'entraînai Mindy avec moi dans le couloir.
—C'était quoi, ça ? me demanda-t-elle lorsque nous fumes
hors d'écoute, jetant un coup d'œil à Jake par-dessus son
épaule.
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J'avais de plus en plus chaud.
—C'était quoi quoi ?
Jake qui a l'air tout triste d'apprendre que tu ne travailles
plus au resto. Et toi qui rougis comme une pivoine...
—Ce n'est rien. Il m'a raccompagnée plusieurs fois à la
maison après le boulot. On a traîné un peu ensemble, c'est
tout... Et je ne suis pas rouge comme une pivoine !
Mindy arborait un petit sourire malicieux.
—Vraiment ? Toi et Jake, hein ?
—Il n'y a rien de sérieux, insistai-je.
Je vis dans le regard de Mindy qu'elle savait que je n'avais
pas été tout à fait honnête.
—Je sens que ça va être une année intéressante.
—En parlant de choses intéressantes...
J'allais lui raconter l'épisode de l'inconnu de l'arrêt de bus
lorsqu'un frisson me parcourut : j'avais l'impression qu'on
