Table Of ContentCHINOIS MODE D ’EMPLOI
GRAMMAIRE PRATIQUE ET EXERCICES
Joël Bellassen
Professeur à l ’Institut National des Langues Orientales
Tching Kanehisa
Maître de conférences à l ’Université Paris 7 - Denis Diderot
Zhang Zujian
Professeur de langues étrangères, Phillips University, Etats Unis
Éditions YOU FENG
Libraire Éditeur
45, rue Monsieur le Prince 66r~rue Baudricourt
75006 Paris 75013 Paris
tél ; 01 43 25 89 98 tél : 01 53 82 16 68
fax ; 01 43 54 76 92 fax : 01 53 82 12 68
conception et réalisation de la couverture
maquette et mise en page
réalisation des illustrations
GARCIA Anne
avec la collaboration informatique du
Centre GÉOPHILE de
l’E.N.S Lettres et Sciences Humaines
Tous droits de reproduction intégrale ou partielle destinée à une utilisation collective, tous droits de
traduction et d’adaptation réservés pour tous pays pour les textes et les illustrations.
© EDITION YOU-FENG 1996-2003
ISBN 2-906658-97-9
PREFACE
« - Quelle est la langue la plus parlée dans le monde ?
- L’anglais bien sûr.
- Eh non ! Le chinois, avec treize cents millions de locuteurs !
- Treize cents millions de va-nu-pieds ...
- Des va-nu-pieds qui ont chaussé les bottes de la croissance
la plus rapide du monde d’aujourd’hui,
dans lesquelles ils ont toute chance de rattraper
d’ici vingt ans le PNB des États-Unis ... »
A pprendre le chinois n ’est pas faire un mauvais calcul. Le mauvais calcul serait de
choisir une mauvaise méthode. Longtemps, il a fallu se débrouiller avec des manuels
d ’une indicible naïveté. Le signataire de ces lignes en sait quelque chose : il a
connu le temps où de braves grammairiens bien intentionnés affublaient les verbes chinois
d ’une conjugaison - « j ’aime, tu aimes, il aime ... wo xihuan, ni xihuan, ta xihuan... ». Les
linguistes ont heureusement remis les choses en ordre. Mais dans un ordre si minutieusement
tiré au cordeau de la plus fine théorisation du modèle linguistique chinois, que le pauvre
étudiant débutant restait figé de peur, trop conscient des risques innombrables de se faire
piéger partout par la Faute aux dix mille têtes ...
Heureusement sont arrivés les trois mousquetaires de la grammaire pratique du chinois,
aussi efficacement pratique qu’authentiquement chinoise. Qu’ils permettent à un ancien
compagnon d ’armes de leur principal champ de bataille, celui du campus de Jussieu, de les
présenter. D ’abord - à tout seigneur tout honneur -, Joël Bellassen, membre fondateur et
président en exercice de l ’Association française des professeurs de chinois, membre du
Bureau de l ’Association mondiale de l ’enseignement du chinois, qui a fait ses armes à
l ’Ecole alsacienne, à Vincennes, à l ’Université Paris VII, et dont un premier manuel connaît
déjà un tirage de vingt mille exemplaires.
Ensuite, Kanehisa Tching, enseignante de chinois depuis vingt-six ans à l ’Université
Paris VII, aussi japonophone que francophone, graphiste, férue de culture-pub des pays
sinisés de Pékin à Hong-Kong et de Taipei à Tokyo.
Enfin le brillant dernier venu, Zhang Zujian, passé de l ’Université de Pékin à la Phillips
University d ’Oklahoma où il enseigne le chinois et le français, professeur invité à l ’Ecole
normale supérieure de Fontenay de 1994 à 1996.
Bien sûr, les trois ont gravi toute l ’échelle des titres universitaires jusqu ’au doctorat.
Leur Chinois Mode d’emploi est une petite merveille : le tapis magique qui vous embarque
pour le plus beau des voyages, un voyage à mille escales autour des subtiles beautés du
chinois, la plus raffinée parce que la plus simple de toutes les langues du monde. D ’une
simplicité où l ’on verra qu ’à la vérité c ’est bien plutôt dans les tortueux chantoumements
grammaticaux des langues indo-européennes que se tortille la chinoiserie. Mais d ’une simplicité
magnifiquement décorée par la plus prestigieuse des écritures, toujours aussi pertinente,
toujours aussi accrocheuse malgré ses trente trois siècles d ’âge.
Hissons les voiles pour l ’empire des signes ! Et bon vent !
Léon Vandermeersch,
ancien Directeur de l’UFR Asie orientale
de l’Université Paris VII
INTRODUCTION
Chaque langue est un vaste système de structures différent
des autres, dans lequel il existe un ordonnancement culturel
des formes et des catégories qui non seulement permet à
l'individu de communiquer, mais également analyse le réel,
remarque ou néglige des types de relations ou de phénomènes,
canalise son raisonnement et jalonne peu à peu le champ de
sa conscience.
B.L Worth
Tout paysage naturel présente un relief, une végétation, mais c’est la composition originale
de l’ensemble qui retiendra l’attention : la présence ou l’absence d’arbres, de collines, d’eau,
la couleur de la terre, etc. La grammaire est d’une certaine manière le paysage d’une langue,
et les manuels de grammaire la manière de représenter et de décrire ce paysage : ils iront de la
précision des relevés de géomètre aux impressions d’un journal de bord, en passant par
l’esquisse de la représentation picturale...
Quel paysage particulier la langue chinoise et notamment sa granmiaire offrent-elles aux
yeux de l’apprenant ?
Ce paysage se présente tout d’abord voilé, avec des contours imprécis : en effet, le terme
même de « grammaire » n’apparaît en chinois que dans les dernières armées du XIXème
siècle ; quant aux manuels de grammaire chinois, ils ne tracent pas toujours une ligne de
démarcation nette entre le correct et l’incorrect, qualifiant telle façon de dire, non pas
d’agrammaticale, mais de « mal aisée à dire », de « pas naturelle » ou encore de « peu
coulante », les contraintes grammaticales étant régulièrement atténuées par la formule « en
général,... »...
Puis, le paysage se dessine peu à peu, laissant apparaître un certain nombre de particularités :
* L * absence de tradition de grammairiens.
La granmiaire chinoise a emprunté à la grammaire des langues indo-européennes des
habits qui n’étaient pas initialement taillés pour elle, ce qui a entraîné d’inévitables problèmes
d’« ajustement » ; pour ne parler que de terminologie, le terme adopté pour verbe, dôngci, a
pour sens littéral «mot de mouvement», traduction plutôt restrictive ; le terme d'adjectif
qualificatif est rendu par xfiagitSngci qui ne signifie que « mot qualificatif ».
Seule recoimue dans la tradition chinoise, la distinction entre mots vides et mots pleins :
- les mots vides, mots-outils, essentiellement fonctionnels (particules modales ou exclamatives,
suffixes verbaux, locatifs, prépositions, conjonctions, classificateurs, onomatopées).
- les mots pleins, mots notionnels, «mots plutôt concrets» selon la définition d’une rigueur
discutable donnée par les dictionnaires chinois (noms, pronoms, verbes, chiffres,
4
démonstratifs, adverbes).
Les mots, vides et pleins, se répartiront dans les classes de mots suivantes :
-n o m s: ’t 'S , itjià., ... ; verbes d’action : '’t , ^ ; verbes de
relation : Æ, '*‘1, ; verbes de sentiment : i|L ; verbes
qualificatifs : Jl ; verbes auxiliaires : T ; verbes-pivot :
ih, 'fit, -ffr, verbes de direction : _L, di, i i , ... ; adjectifs: 'X.èL,
(ô t, ... ; numéraux : — W, ... ; classificateurs : ... ;
pronoms: I) ...aÿiverbes : iE .^ , tfc,
... ; co-verbes ou prépositions : JU, 5^, ...cçnjonctions : 3^,
IÎ7, ... ; particules : T , ’’C», ”■%, *1^, ...oçiomatopées :
...
♦ Les mots de la langue écrite ou parlée ne subissent pas de modification liée au temps,
à la conjugaison, au genre ou au nombre.
A titre d’exemple, si le suffixe 'ÎH men se rend par un pluriel, le pluriel ne sera pas, tant
s’en faut, marqué par men. 1^ tôngxuémen dôu zuô zhe et |s] tôngxué
d5u zuô zhe sont deux phrases qui se rendront toutes deux par ¡es élèves sont tous assis.
♦ La relation particulière entre la nature et la fonction d ’un mot, sous le signe du
chevauchement et de la multiplicité.
Chevauchement, car il y a dans de nombreux cas mimétisme entre la nature d’un mot
(nom, verbe,..) et sa fonction (sujet, prédicat,..), et l’imbrication est telle qu’il est difficile de
démêler les deux. Le mot sera souvent investi de la nature que lui confère sa place dans la
phrase : le mot sera alors “caméléon”, verbe quand il occupe la place d’un verbe, nom quand
il est en position de nom, etc.
Multiplicité, car la correspondance entre la nature d’un mot et sa fonction ne sera pas des
plus stables : le nom par exemple pourra sans modification être sujet, complément, déterminant,
complément circonstanciel, voire prédicat.
Quelques exemples :
mâfan ni le
! je vous dérange !
hën mâfan de shlqÎQg
une chose embêtante
zhè màfan le !
ké ca c 'est embêtant
gëi ni dài lâi le bù shâo mâfan
je vous crée beaucoup d'ennuis
-y m t
•
wô zhüzhâng
mfnzhft ie suis pour la démocratie
hën mùizbQ.
c dm ççrQ tiqm
mùlzM yùndông
mouvement dm oçrçitiqm
zlrân de yàngzi
un air naturel
zirân de shuôdào
dire naturellement
hën zMn
c 'est naturel
gâizàoziràn
transformer la nature
♦ L ’importance de la notion de thème de phrase, au détriment de celle de sujet'.
Le sujet n’est pas plus indispensable à la phrase chinoise ... qu’un point originel dans le
calendrier cyclique chinois. Le thème sera lui sujet de conversation de la phrase et non sujet
en prise directe avec l’action :
'te ^ ^ (LUI :) la tête lui fait mal
5
T (en ce qui LE concerne, la nouvelle est que son) père est mort.
♦ L’importance du thème en chinois va donner une touche impersonnelle à la phrase
chinoise, à laquelle va s’ajouter l’absence de voix active ou passive du verbe, ainsi que la
coloration d’indéfini, d’indifférencié qui caractérise intrinsèquement le nom en chinois : cette
coloration, que l’on retrouve il y a de l ’herbe devant la maison ou dans
ià.;ilL7K- с ’est de l ’eau s’étend en chinois à tous les worm,poisson rouge comme nuages ; Ж
ce sont des poissons rouges (lit. с ’est-du poisson rouge), les nuages se
dispersent (lit. du nuage-se disperse).
♦ L Hnyjortance de Vordre des mots.
Pour la compréhension du chinois quotidien, on observera avec profit...
- la position finale du coeur d’im groupe nominal, de ce qui est qualifié par rapport à ce qui
qualifie ( ^ ^'] jbigjï Jlhuà planification économique et i f 3l'J ^ ^ ^ u à ^ g jl économie
planifiée, {"й" jtQgzhôngqihg sentiments émanant du paysage et qûigzhôngjbig
paysage se dégageant des sentiments)
- la position habituelle du verbe dans un composé Verbe-Objet ( T ^ aller à la campagne et
^ ~f à la campagne)
- les variations de fonction, et de prononciation, de certains mots hào dû shO aimer
lire et dû hic shü lire de bons livres)
- la focalisation sur la fin de la phrase, qui comporte l’information nouvelle (;^ A T ! Ilv a
quelqu ’un qui arrive ! et А Ж T ! La personne arrive !
- le passage du sens propre au sens figuré par simple inversion des sinogrammes d’un même
composé : s i arriver et i i Î 'J atteindre.
L’affirmation selon laquelle l’ordre Sujet-Verbe-Objet est le schéma stable de la phrase
chinoise est à nuancer ; la souplesse dans ce domaine précis est plus grande qu’on ne le dit,
comme le montre, même anecdotiquement, cette inscription en forme de variation sur la
purification de l’esprit que l’on trouvait sur des théières de la dynastie des Qing :
^ -iL Cela peut purifier l ’esprit
kX purifier l ’esprit cela peut aussi contribuer
a
X Purifier l ’esprit est aussi possible
ÿ
L ’esprit peut aussi être purifié
Cela peut aussi purifier l ’esprit
ou cette variation sur Zhang San boit cinq verres d ’alcool :
' Voir à ce sujet l’article très éclairant de Jean-François Billeter «Grammaire chinoise et philosophie»,
Cahiers de la Faculté de Lettres, Université de Genève, 1989
6
, II/b o ire/ cinq verres/ d ’alcool
' № i > § 11/alcool/boire/cinq verres
cinq verres/ d ’alcool/ il/boire
^ i ^ . alcool / il / boire / cinq verres
ou encore :
. Quelqu ’un arrive
T . La personne arrive
Si stabilité de l’ordre des mots il y a dans la phrase chinoise, elle se manifeste moins en
termes de Sui et-Verbe-Obi et qu’en termes de Thème de Phrase-Commentaire, ou bien Connu-
Inconnu. ou encore, en termes cinématographiques :
Titre (le thème de phrase)—Décor (les données, le contexte, les circonstances)—Action /
Dénouement (le prédicat, le complément), l’information essentielle étant donc délivrée à la
fin.
♦ La dominance de la référence spatiale.
L’espace est aussi présent que le temps est absent : les références spatiales (si riches
qu’elles ne sont pas rendues en français) investissent les narrations d’actions dans les composés
verbaux directionnels ^ te n ir / descendre / rapprochement : prendre ; clouer
/ entrer / éloignement : enfoncer - un clou -) et même les mots de temps le fond de
l ’année pour la fin de l ’année, T le mois du dessous pour le mois prochain).
♦ Une langue du relatif.
Les verbes qualificatifs {être grand, être bon marché, être difficile, ..), classe de mots
importante en chinois, comportent en eux-mêmes xme valeur relative : zhè ge hào
signifie celui-ci est bien -relativement à autre chose-. C’est l’emploi de l’adverbe de degré
hën, très, dans qui permettra de dire cette chose -en tant que telle, indépendamment
de toute comparaison- est bien. On remarque d’autre part que les comparaisons dites de
supériorité ou d’infériorité (Zhang San est plus -moins- grand que Li Si) s’expriment de façon
relative {Zhang San comparé à Li Si est grand ZhSng SSn bï Lï Si gio ou Zhang San n ’a pas la
hauteur de Li Si Zhang SSn méi yôu O Si gSo)
♦ L ’homophonie.
Lorsque l’on tape sur un clavier d’ordinateur la syllabe yi, ce sont plus d’une centaine de
sinogrammes que l’on peut faire défiler à l’écran, parmi lesquels un, ÿÀ à l ’aide de,
déjà, ^ facile, iX. débattre, ^ idée, etc. Le même dissyllabe shisbi peut renvoyer à une
vingtaine de mots différents : })^ ^ traiter qqn comme un maître, ^ laisser passer une
occasion, faux, accident, perdre son influence, auteur (d’une action).
Ht 0t constamment, ^ dernière mode, Ÿ actualité, ^ situation, ^ appliquer.
faits réels, faits historiques, poèmes épiques, faire serment,
projectiles, réalité, toute chose, opportunément, ill-li' décéder,
essayez !, les affaires du monde, de génération en génération, entrer en
fonctions, prêter serment, compter sur sa situation.
Que dire enfin de la même succession de deux sinogrammes, équivalent à deux sens
différents selon que le deuxième sinogramme est prononcé au ton neutre ou à son ton d’origine :
.În ^ , chose (dôngxi) ou est-ouest (dôngxl) \ K ^ , frère cadet (xiôngdi) ou frères (xiôngdl) ;
j
ièjîÎ-, authentique (didao) ou tunnel (dîdào)
♦ L ’influence de la nature non phonétique de l ’écriture sur la langue.
L’ensemble du paysage de la langue chinoise porte l’empreinte à des degrés divers de la
particularité de son écriture.
Elle n’est pas sans lien avec la difficulté qu’il y a à définir ce qu’est un mot en chinois. La
définition qui peut en être dormée (la plus petite unité linguistique ayant une existence
autonome, libre d’action) trouve rapidement ses limites : les sinogrammes R, mfii peuple ou
tigre, considérés comme n’étant pas des mots {tromper le peuple se dit ^piàn
rémnin et non R, \H y a des tigres se dit ^ yôu liohü et non j^ ) retrouvent
néanmoins un semblant d’autonomie dans ^ ^ R, jün ài mûi l ’armée aime le peuple ou dans
wô shû hû je suis du signe du Tigre. Et que dire de néng guSn néng min
pouvoir être fonctionnaire comme simple homme du peuple où ^ se retrouve non seulement
investi du statut inhabituel de mot, mais de plus de prédicat à fonction verbale !
La difficulté à définir ce qu’est im mot en chinois tient en grande partie au fait de ne pas
reconnaître l’écriture comme région autonome du paysage linguistique chinois, de ne pas y
voir une véritable langue graphique ^ et de vouloir à tout prix mesurer à la même aune langue
orale et langue graphique : il n’y a pas adéquation terme à terme entre les deux, celle-ci n’est
pas le simple calque, l’image dupliquée de celle-là. Pour ne considérer que le simple point de
vue pédagogique, il n’y a pas coïncidence entre l’unité minimale de la langue orale -le mot- et
celle de la langue écrite -le sinogramme-. En ce qui concerne le sens d’un sinogramme, la
polysémie sera la règle : le sinogramme p» j^h, par exemple, est l’objet d’un découpage
allant selon les dictionnaires de quatre à quinze significations différentes ; de fait, il peut se
réduire à quelques faisceaux de sens, le sens d’un sinogramme étant rebelle à toute définition
exclusive et ne se fixant définitivement qu’associé à un autre sinogramme. Ainsi va l’écriture
chinoise, régie par le principe de l’association : association de composants au plan graphique,
association d’unités de sens au plan lexical. Le premier travail de l’appreniint devant des
sinogrammes d’un texte n’est-il pas de reconnaissance visuelle de «visages connus», puis de
repérage des liens qui les unissent ? Les trois sinogrammes peuvent générer les
associations suivantes :
A ^ ... l ’homme peut alors ...
A ^ tli ... la capacité de l ’homme...
... les hommes de talent peuvent...
Le principe de l’association est présent à l’intérieur d’un signe (association de traits, et
surtout association de composants) et au-delà du signe : c’est l’association d’unités de sens,
de morphèmes, pour former les mots dissyllabiques :
1- mode de la juxtaposition synonymique : îS jil trésor + coquillage = trésor ; parfaire+
mettre en ordre= réparer
^Pour reprendre l’expression de Léon Vandermeersch (voir à ce sujet sa remarquable étude sur «La langue
graphique chinoise» in Etudes sinologiques, P.U.F., Paris, 1994, p.231-275)
8
2- mode de la juxtaposition antonymique : grand + petit = taille ; haut + bas =
hauteur
3 - mode de la détermination : grand + personne = un adulte ; électron
(électricité + enfant) + montre = montre électronique
4 - mode verbe-objet : fixer + idée = faire attention ; tenir + coffre = tenancier
5 - mode verbe-résultat : Ht parler + clair = expliquer
6 - mode de préfixation ou de suffixation : -^)L tête + su f = chef ; chaise + su f =
chaise ; % p réf ordinal + un = le premier
♦ ♦ ♦
Face à ce paysage, nous avons pensé qu’il convenait de se mettre autant que possible à la
place de celui qui le contemple et qui essaie de l’appréhender, de le guider dans son observation
et de l’aider à l’approcher de façon sélective et graduelle. En d’autres termes, plutôt qu’une
grammaire experte et descriptive, Chinois mode d ’emploi s’est voulu être une grammaire
pédagogique et pratique. Pour atteindre l’objectif que représente une telle option, il convenait :
♦ de se placer autant que possible du point de vue de l ’ap p ren an t, des questions
q u ’il se pose : à côté des “on doit...” et “il ne faut pas...”, nous avons tenté de
ménager un place au “pourquoi ?”. Ont été envisagés d’autre part deux niveaux d’explication
grammaticale et deux niveaux d’exercices, afin de s’adapter au mieux au cours de
l’apprentissage de l’apprenant.
♦ de faire la place à l’erreur^ : une des caractéristiques de tout apprentissage est de fait la
production d’erreurs par celui qui apprend ; il n’y a point là chose honteuse, dont il faudrait
éviter de faire état parce que contagieuse, mais quelque chose qui relève du cours même de
l’apprentissage et qui peut être un levier permettant de mieux gérer l’assimilation d’un point
’ II n’est pas inutile à ce propos de mentionner ici un relevé d’erreurs chez des apprenants français, établi
sur la basse d’un travail de recherche entrepris à l’Institut National de la Recherche Pédagogique (Paris) et
achevé en I99I (Françoise Audry, Joël Bellassen, Pascale Le Mouël, Catherine Meuwese) :
HIT-PARADE DES FA UTES :
1) (mauvaise maîtrise catégorielle du verbe shî être)
(emploi erroné de hé, qui ne peut coordonner deux propositions)
3) (place des circonstances, qui doivent précéder le verbe)
4) (place des adverbes)
5) ^ (manque de familiarisation avec la notion de verbe-objet)
6) ou (polysémie du français : il y a le avec ‘des amis- et le avec -des
baguettes, le être-quelqu 'un- et le être-quelque part-)
7) * A ^ ^ i (la détermination à l’intérieur du groupe nominal)
8) ^ ® (dissocier l’expression du mouvement de l’expression du statique)
9) % (confusion entre les notions de temps et d’aspect)
10) (difficulté d’assimilation d’une construction spécifique du chinois dite complément
d’appréciation, n’équivalant pas à l’adverbe de manière français)
9
grammatical.
* de faire une grammaire effectivement pratique, en suivant par exemple la progression
lexicale et la programmation des caractères d’un manuel largement diffusé'', en confectionnant
un index qui soit un véritable outil de recherche (les index sont hélas trop souvent sommaires
ou absents de certains manuels de grammaire pratique ) et en veillant à ce que les explications
soient exposées de façon à la fois rigoureuse ET digeste. Une terminologie grammaticale,
aussi rigoureuse ... ou habituelle soit-elle, peut parfois entraver l’assimilation par l’apprenant
d’un point de grammaire donné.
• une cassette accompagne le livre : il nous a semblé en effet anormal de ne pas faire place à
l’oral dans un livre d’exercices.
Ce projet est né de la volonté de combler ime des grandes lacunes de l’enseignement du
chinois en France, dont l’histoire est pourtant très longue, et de répondre ainsi à la forte
demande des étudiants et des enseignants. Nos collègues, par leurs interrogations et leurs
suggestions, nos étudiants, par leurs questions ... et leurs erreurs, ont été une des sources de ce
travail. Chinois mode d ’emploi leur est dédié.
Joël Bellassen, Kanehisa Tching, Zhang Zujian
Paris, novembre 1996.
" Méthode d'initiation à la langue et à l ’écriture chinoises, de Joël Bellassen (avec la collaboration de
Zhang Pengpeng), La Compagnie, Paris, 1989.
10
Description:You Feng, 2003 — 376 p — ISBN 978-2906658974Учебник по грамматике китайского языка с упражнениями и аудио.Chinois Mode d'emploi est une grammaire du chinois moderne, accompagnée d'exercices. Destinée aux étudiants de niveau débutant ou ava