Berenson, un robot amateur d'art

182 Pages·2017·15.57 MB·French

by  Ali Karaouzene

Construction sociale d’une esthétique artificielle:
Berenson, un robot amateur d’art
Ali Karaouzene
To cite this version:
Ali Karaouzene. Construction sociale d’une esthétique artificielle: Berenson, un robot amateur d’art.
Robotique [cs.RO]. Université de Cergy Pontoise, 2017. Français. ￿NNT: 2017CERG0903￿. ￿tel-
01780943￿
HAL Id: tel-01780943
https://theses.hal.science/tel-01780943
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UniversitédeCergy-Pontoise-EcoledoctoraleSciencesetIngénierie
THÈSE
présentéepourobtenirletitredeDOCTEURenRobotiqueetSciencesCognitives
CONSTRUCTION SOCIALE D’UNE ESTHÉTIQUE
ARTIFICIELLE
BERENSON UN ROBOT AMATEUR D’ART.
par
AliKaraouzene
ETIS-ENSEA/UniversitédeCergy-Pontoise/CNRSUMR8051
6avenueduPonceau,95014Cergy-PontoiseCedex,France
Soutenuele28février2017devantlejurycomposéde:
P. GAUSSIER, ETIS,UniversitédeCergy-Pontoise Directeurdethèse
D. VIDAL, EHESS,IRD(URMIS/ParisDiderot) Co-directeurdethèse
P.F. DOMINEY, InstitutdesSciencesCognitives,Lyon Rapporteur
A. REVEL , L3i,UniversitédeLaRochelle Rapporteur
P. DUMOUCHEL, UniversitéRitsumeikan,Kyoto Examinateur
R. GELIN , SoftbankRobotics,Paris Examinateur
N. ROUGIER , InriaBordeauxSud-Ouest Examinateur

Remerciements
Je souhaiterais remercier toutes les personnes qui ont contribué à l’aboutissement de ce
travailderecherche. Lesremerciementssontunexercicedifficiledanslequelonoublietoujours
deremerciertoutlemonde. Jecommenceraialorsparremercierceuxquejevaisoublierdansla
suite.
Je tiens à remercier le laboratoire ETIS et ses directeurs Inbar Fijalkow et Mathias Quoy
d’avoir bien voulu m’accepter dans leurs équipes de recherche. Sans oublier l’université de
Cergy-Pontoise, l’ENSEA et le CNRS qui ont fourni le cadre de travail, le ministère de la
rechercheetleLabexPatrimaquiontfinancécestravauxdethèse.
Je tiens aussi à exprimer ma gratitude aux membres du jury qui ont accepté de lire mes
travaux de thèse et d’assister à ma soutenance. Je remercie les rapporteurs Arnaud Revel et
Peter-Ford Dominey qui ont réussi, et ce n’est pas toujours facile, à trouver un moment pour
relireetcommentermonmanuscrit. JeremercieaussiNicolasRougier,RodolpheGelinetPaul
Dumouchelpourleurrôled’examinateuretpouravoirassistéàmasoutenance.
J’aimerais aussi remercier chaleureusement mes directeurs de thèse Philippe Gaussier et
DenisVidalpourm’avoirdirigédurantcesannées. Mercipourl’encadrement,lecoachingetles
discussionslorsquelemoralétaitauplusbas. Mercidem’avoirpermisdemenercettethèseàla
frontièreentrescienceshumainesetsciencesdel’ingénieur. Mercid’avoirélargimonchampde
visionetdem’avoirapprisàregarderlesproblèmessousdesanglesdifférents. Mercidem’avoir
apprisàinteragiravecdifférentessciencesetpersonnes. Ilfautcroirequelessujetsdethèseont
un impact sur les thésards : interaction, apprentissage, regarder des problèmes sous différents
angles... Jepensequej’aidéveloppélescapacitésquej’espéraisvoirnaîtrechezmonrobot.
Je dis souvent que le meilleur endroit pour apprendre et pour trouver des solutions est la
machine à café et le canapé. Alors merci à celui qui a inventé le café et merci à tous ceux
qui l’ont partagé avec moi. Les discussions sur la vie, l’univers et le reste n’ont pas abouti à
la grande question ni à 42 mais elles m’ont permis de faire fonctionner la "machine" cerveau
lorsquecelle-cicommençaitàgrincer.
MerciàAstrid,NellyetSokhenalessecrétairesdulaboratoirepourl’excellenttravailqu’elles
effectuent et leur support moral. Merci aux maîtres de conférences : Ghiles Mostefaoui en-
seignerças’apprend,PierreAndrylabiblioestimportante,NicolasCuperlierfaudraitpeut-être
un jour programmer toutes les aires visuelles, Alexandre Pitti le Japon c’est cool la recherche
l’est encore plus et Sofiane Boucenna le grand cousin. Je remercie aussi Arnaud Blanchard le
papapoule(tuvoistespetitssontdevenusgrandsmaintenant),FredDemelofuturpoliticienet
Borisl’auteurinterprèteComploSiteur.
Merci aussi aux doctorants : Souheil Hanoune conseiller en questions sociétales, Pierre
Delarboulas mon binôme, Adrien Jauffret le coach en Parkour, Marwen Belkaid et Abdelhak
Cahttymesvoisinsmaghrébins,CarolineGrandmonbinômederédaction,AntoinedeRangervé
etson"tuaslulecode?",SeyedKhursheedlebourreaudetravail,ArtemMenlyklenounourset
secondbourreaudetravail,GannaPugach"tientunjupeaulabo! ",DavidBaillyetsesmoteurs
physiques, Raphaël Braud mon nouveau "Bro" et toute sa famille, Jérome Fellus mon quasi
associé dommage!, Eva Ansermin et Nils Baussé avec qui on voyage dans un monde plein de
poneys.
D’un point de vue plus personnel, je remercie ma mère mon père et ma sœur pour m’avoir
soutenu tout au long de ce travail. Par contre, je ne peux remercier ma femme. Un merci n’est
sûrementpassuffisant. Elleatellementparticipéàcetravailqu’elledevraitobtenircedoctorat
àmaplace.
-3-

Synopsis
Danscettethèsenousnousintéressonsàlaproblématiquedelaconstructiondel’esthétique
chez les humains. Nous proposons d’utiliser un robot comme modèle pour étudier les briques
debasesquiparticipentaudéveloppementdespréférencesesthétiques. Nousutilisonsleterme
d’esthétiqueartificielle(E.A)pourdésignerlespréférencesdurobot.
Plusieurs travaux de recherche tentent d’établir des théories de l’esthétique que nous sé-
paronsiciendeuxapproches. D’unepart,lesapprochesempiriquesquiétudientlespréférences
esthétiques d’un point de vue expérimental. Nous nous intéressons notamment à une branche
plusradicaledesapprochesempiriques,nomméelaneuroesthétique. Celle-cipostulel’existence
destructurescérébralesdédiéesàl’appréciationdesscènesvisuellesengénéraletdel’artenpar-
ticulier.
D’autre part, les approches sociales qui avancent que les préférences esthétiques se trans-
mettent de génération en génération et se construisent selon l’historique de l’individu et de ses
interactionsaveclesautres. Lecontextualismehistoriqueestunebranchedesapprochessociales
quiétablitunlienentrelecontextedanslequeluneœuvreestobservéeetsonappréciation.
Sansremettreencausel’approcheneuroscientifique,nousavonschoisidenouspositionner
dansuneapprochesocialeetdéveloppementaleenutilisantdesméthodesexpérimentalestelles
quecellesutiliséesenesthétiqueempirique. Nousétudionsl’émergencedusensesthétiquedans
le cadre de la référenciation sociale. On appelle référenciation sociale la capacité à attribuer
des valences émotionnelles à des objets a priori neutre. Nous testons nos hypothèses sur robot
mobile dans un cadre d’interaction triadique : homme-robot objet. Ceci dans un milieu naturel
centré sur des humains non initiés à la robotique. Les humains jouent le rôle d’enseignants
(professeur) du robot. Ils ont la tâche de suivre le robot dans son développement et de lui
enseigner leurs préférences pour lui permettre de développer son propre "goût". Nous avons
choisi de mener nos expériences dans des milieux dominés par l’esthétique comme les musées
oulesgaleriesd’art. Toutefois,cesexpériencespeuventêtremenéesentoutlieuoùdeshumains
etdesobjetsseraientdisponibles.
Notre robot, nommé Berenson en référence à un célèbre historien de l’art du 19ème siè-
cle, est un outil pour comprendre d’une part comment s’installent des interactions sociales et
comment les humains prêtent des intentions aux machines, et d’autres part il permet d’étudier
lesbriquesminimalesd’intelligenceartificielleàmettreenplacepourconstruireuneesthétique
artificielle. Il est monté sur une plateforme mobile habillé d’un chapeau melon et d’un long
manteau noir et il est doté d’une tête expressive. La forme du robot participe à son anthropo-
morphisationetpermetauxvisiteursdeluiprêterdesintentions. Néanmoins,nousn’avonspas
cherchéàcacherlespartiesmécaniquesetlerobotresteunesimplemachine. Bienquesaforme
laisseimaginerunrobotd’âgeadulte,Berensonal’âgementalsimilaireàceluid’unbébé. Dans
lesmusées,lerobotdevientunobjetambivalent: Berensonn’estniunvisiteurcommelesautres
niuneœuvrecommelesautres.
Pour réussir une dynamique d’interaction, intéresser l’humain pour prendre part à ses in-
teractions et réussir l’apprentissage du robot, des outils de base sont nécessaires. Le robot doit
être doté d’une forme et d’une intelligence qui facilitent cette interaction. Les protagonistes
danscetteinteraction(Tuteur/robot)doiventcomprendrelessignauxqu’ilsreçoiventlesunsdes
autres et restituer à leur tour des signaux compréhensibles. Berenson est doté d’un système vi-
suel bio-inspiré qui permet d’explorer et catégoriser la scène visuelle. Dans le système visuel
aucun a priori n’est pris dans la manière de traiter les données visuelles. Que ce soit pour la
navigation visuelle, la reconnaissance des expressions faciales ou même la reconnaissance des
-5-
Synopsis
objets, le même système de vision est utilisé. Un des buts de la thèse est d’avoir des systèmes
génériques dont le comportement change en fonction de la dynamique d’interaction et du con-
texte social. Berenson associe les appréciations des visiteurs aux scènes visuelles grâce à un
conditionnement pavlovien. De la sorte, en interagissant avec un grand nombre de personnes,
Berenson construit les prémices de son esthétique artificielle. Lorsque le robot explore son en-
vironnement, il exprime ses préférences grâce à sa tête expressive et se dirige vers les objets
qu’ilapprécieens’arrêtantparfoisdevant. Cecomportementluipermetderestituersonappren-
tissage et il montre ainsi aux visiteurs ses préférences. On parle alors d’expérience esthétique
car le comportement du robot est régulé par ses préférences lui donnant ainsi l’air d’un am-
ateur d’art. Nous cherchons ici à évaluer dans quelles mesures les visiteurs arrivent à lire le
comportementdurobotetàluiattribuerdesintentions.
Nous avons ensuite proposé un modèle basé sur les conditionnements d’ordres supérieurs
pour permettre au robot d’apprendre en autonomie et en l’absence de "tuteur". Ces condition-
nements associent la valence émotionnelle d’une œuvre avec une autre œuvre qui se trouve
spatialement proche. Grâce à ce type de conditionnement, l’esthétique du robot n’est plus
uniquement la moyenne des préférences de ses "tuteurs" (ce que nous appelons une esthétique
conformiste). Lespréférencesdurobotsontalorsliéesàsonhistorique.
-6-
Table des matières
Introduction 9
1 Esthétiqueempiriqueetcontextualismehistorique 23
1.1 Approchepsychologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
1.1.1 Neuro-esthétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
1.1.2 Esthétiqueempirique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
1.2 Esthétiqueentrel’innéetl’acquis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
1.3 Contextualismehistorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
1.4 Cadrepsycho-historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
1.5 Conclusionetdiscussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
2 Réseauxdeneuronesetsystèmesdynamiques 45
2.1 Lesréseauxdeneurones . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
2.1.1 Neuronebiologiqueetneuroneformel . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
2.1.2 Conditionnementetassociation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
2.1.3 Compétition:leWinnerTakesall . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
2.1.4 Classification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
2.2 Lesarchitecturesneuronales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
2.3 Champsdeneuronesdynamiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
2.3.1 Lemodèled’Amari . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
2.3.2 Contrôlemoteurparchampsdeneuronesdynamiques . . . . . . . . . 58
2.4 Formalismedessystèmescognitifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
2.4.1 Représentationgraphique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
2.4.2 Ecritureformelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
2.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
3 Berensonlerobotamateurd’art 65
3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
3.2 LerobotBerenson. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
3.3 Lesexpérimentationsaumusée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
3.4 Comportementsdurobot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
3.4.1 Outilsd’interactionhomme-robot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
3.4.2 Retouraunidetrondeautourdelazone . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
3.5 Berensondanslapresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
-7-
TABLEDESMATIÈRES
3.6 ConclusionetDiscussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
4 Régulationbaséesurlespréférences 91
4.1 Apprendrelaformedel’objet:LavoieWhat . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
4.1.1 Extractiondescaractéristiquesvisuelles . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
4.1.2 Catégorisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
4.1.3 AssociationàuneValence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.2 Estimerlapositiondel’objet:LavoieWHERE . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
4.2.1 Recalagevisuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
4.3 Reconstructiondel’objet:FusionWhatxWhere . . . . . . . . . . . . . . . . 101
4.3.1 Modulationparlavalence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
4.3.2 Normalisationetcompétitioninter-cartes . . . . . . . . . . . . . . . . 104
4.4 Evaluationdumodèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
4.5 Évaluationdusystèmedevision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
4.5.1 Desœuvresplusintéressantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
4.6 Evaluationcomportementale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
4.6.1 Evaluationparlesconcepteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
4.6.2 Evaluationparlesvisiteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
4.7 DiscussionetConclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
5 Leconditionnementdusecondordrepourlaréférenciationsociale 119
5.1 Expressionsfaciales-Interactiondi-adique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
5.2 Référenciationsociale-interactiontri-adique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
5.3 Chaînedeconditionnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
5.4 ConditionnementPavlovien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
5.5 Modèlecomputationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
5.6 Expérienceetrésultat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
5.6.1 Surbasededonnée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
5.6.2 Expériencesurrobot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
5.7 ConclusionetDiscussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
Conclusion 151
-8-
Ilnefautpasquelerobotsoittropintelligent,
sinonilvoudrarienfoutre..
–Jean-MarieGourio[Lesnouvellesbrèvesde
comptoir]
Introduction
Lesrobots,dusimplejouetaurobotintelligentautonomeenpassantparl’agentvirtuel,sontde
plus en plus présents dans notre vie quotidienne. La science-fiction et le cinéma aidant, nous
attendons de ces robots des capacités intellectuelles et mécaniques de plus en plus sophisti-
quées. Nous voulons que ces robots nous servent, travaillent pour nous et interagissent avec
nous. Seulement, qu’est ce qu’un robot? Le hachoir électrique, le batteur, le pétrin sont ils des
robots?Entoutcasc’estainsiqu’ilssontdénommésdanslelangagecourant:robotdecuisine,
robotcuiseur,robotmixeur.Alorsest-cequecesontAsimodeHondaetlechienAibodeSony
qui sont des robots? Faut-il qu’un objet ait une forme humaine ou animale pour être considéré
comme un robot? Ils en ont en tout cas les caractéristiques physiques telles qu’imaginées dans
les productions artistiques. Et entre les deux où situer un simple cylindre muni de roues et de
capacitésdenavigationetd’aspirationcommeleRoomba?
Si l’on perçoit le robot comme un système mécanique qui travaille à notre place et doté
d’une certaine autonomie énergétique et décisionnelle alors tous les objets cités ci-avant sont
des robots. Ce qui les différencie néanmoins ce sont leurs capacités à être autonomes. Il est
vrai qu’un mixeur est autonome en énergie et qu’il sait hacher des légumes sans supervision
mais sa marge d’autonomie est excessivement réduite. Cette autonomie des robots est à la fois
désirée et craintes. Les robots autonomes renvoient souvent dans l’imaginaire collectif à l’idée
du soulèvement des machines. Une manière intéressante d’aborder la question est de la voir à
partirduSyndromedeFrankenstein(Shelley[2008]).LedocteurVictorFrankenstein,unsavant
suisse, crée un être vivant assemblé avec des parties de chairs mortes. Cette création, appelée
"lemonstre",sevenged’êtredélaisséeparsongéniteuretpersécutéeparlasociété.Onretrouve
aussi cette idée de l’être artificiel doté de sensibilité et d’autonomie qui cherche à prendre la
place de son créateur, voire qui cherche à le tuer comme dans la pièce de thêatre de Karel
Capek(Capeketal.[1920]):R.U.R(Rossum’sUniversalRobotics).Danscettepièce,datantde
1920,desêtresartificielsfaitsdematériauxbiologiquessynthétiquestravaillentpourleshumains
jusqu’aujouroùilsserévoltent,exterminantleshumainsetsecondamnantainsieux-mêmescar
incapablesdesereproduire.C’estenplusdanscettepiècequeleterme"Robot"apparaîtpourla
premièrefois.
Le terme robot renvoie à tellement de choses différentes qu’il est difficile de le définir. Il
reste néanmoins, comme le présentent Dumouchel and Damiano [2016], associé à deux idées
dansnotreculture:Premièrement,uncritèred’ingénierie,unmécanismeautomatiqueautonome,
c’est-à-direcapabledes’adapteràcertainschangementsdesonenvironnementetdetransformer
son comportement en conséquence. Deuxièmement, un critère socio-fonctionnel, un appareil
capablede"travaillerànotreplace".Parcontre,cerobotdoitêtrecomplètementcontrôlablepar
9