Table Of ContentTable des Matières
Avant-Propos I
Commencement 3
Caresse 59
Action 79 Hommes 121 Distances 160
Amour 84 Intelligence 128 Russie 170
Art 101 Ironie 136 Solitude 174
Bien 111 Mot 143 Souffrance 180
Doute 115 Noblesse 153 Vérité 190
Index des Noms 197
Table des Matières 201
Avant-Propos
Le polyglotte comme le polygame est porté sur la cachotterie. J’ai
aimé, en même temps, et j’aime encore – plusieurs idiomes. Mes
compagnes sont jalouses ; en présence de l’une, j’occulte mes
aventures avec les autres. Par bonheur, leurs promesses se profèrent
aux heures différentes de l’âme et m’attirent vers des lieux de
rencontre ignorés des rivales.
Il y a tant de manières de posséder une langue, et le manque de
droiture dans certains recoins des mots peut ne faire qu’augmenter la
secrète jouissance.
Mon espoir est que l’arbre qui reçoit ma greffe n’est pas l’Arbre
endémique et vert de la poésie, mais plus modestement l’arbre
artificiel et pré-langagier de la méditation en miniature.
La poésie est la rencontre organique d’une émotion, d’une ouïe et
d’une intuition, rencontre interdite aux métèques de la langue, dont
l’esprit ne sera que rarement surpris en flagrant accord avec la lettre.
Visiblement, le sensible et l’intelligible avaient des commencements
différents ; si le premier s’y reposait sur la Caresse, le second, peut-
être, découlait du Nombre Naturel.
Les contraintes sont des méta-principes qui réduisent le champ de
mes intérêts. Dans ce champ, soit je développe une forêt de
principes, soit j’y plante des arbres, des principes solitaires – la fin ou
- I -
le commencement, la forteresse finale ou la caresse initiale, le
discours ou le chant. Aristote est dans la forêt, et Platon – dans
l’arbre ; développeur ou enveloppeur, raisonneur ou poète.
Le vrai commencement n’accompagne pas mais précède toute action.
La vie, comme un livre, est faite de proclamations initiales, de
déclamations et réclamations du parcours, de l’attente d’acclamations
finales. Aux actions, ou au fond des deux dernières étapes, je préfère
le regard, ou la forme, de la première. Aux confessions ou testaments
achevés – la caresse suspendue.
La liberté animale et la liberté humaine : la première décide si je
peux ou pas agir, la seconde – si je dois agir. Mais même la seconde
ne peut pas m’amener à vouloir ou à ne pas vouloir agir. Le désir
échappe à la volonté ; et puisque l’objet central du désir est la
caresse – au commencement était la Caresse !
La caresse est ce qui s’oppose à l’évidence, à l’adéquation, à la
droiture, à la cohérence ; elle serait de l’ordre de signification plutôt
que de signe ; elle serait le fond, dont le signe est la forme. Le signe
est aux formalistes ce que la caresse est aux idéalistes. Au
Commencement était le signe - D.Hilbert - Am Anfang war das
Zeichen.
La Caresse fut le commencement de l’homme angélique ; l’Angoisse –
celui de l’homme bestial ; nous sommes condamnés à les assumer
toutes les deux. Au Commencement était la peur, puis la résistance,
ensuite le Verbe, le secret - R.Char – l’Étrange, le mystère ou le
secret, n’apparurent qu’avec le poète, c’est-à-dire avec l’homme de
culture.
- II -
Les artistes, qui réussirent le mieux à produire de la majesté et de la
puissance, sont ceux qui comprirent que la meilleure école consiste à
commencer par maîtriser la caresse, comme l’outil le plus
monumental et tranchant, qu’il s’agisse de l’art plastique, verbal ou
mélodique.
Le monde est essentiellement visuel ; la photo, l’écran, l’action, c’est
ce qui le rend le plus précisément et fidèlement. Je dois en créer une
réplique musicale – par le Verbe, qui sera à mon Commencement. Et
pour qu’Il soit pénétrant, fertile et désiré, je l’accompagnerais de
caresses.
Le commencement, dans l’écriture, est le contraire de l’enfantement :
la caresse en est un aboutissement et non pas un prélude.
Hermann Iline,
Provence,
juin 2015
- III -
- IV -
- Commencement -
COMMENCEMENT
Au commencement était le couple l'Amour - la Haine (Empédocle), la
Monade (Pythagore ou W.Leibniz), l'Apparence (Pyrrhon), l'Idée (Platon),
le Verbe (le Christ), l'Action (Thomas l'Aquinate, Goethe, après avoir opté
pour le Sens et la Force, Valéry, avant de lui préférer l’Étrange,
P.J.Proudhon), la Violence ou la Lutte (Pascal ou Ch.Darwin), le Soupçon
(K.Marx et sa Classe, S.Freud et sa Perversion, Nietzsche et sa Musique,
Berdiaev et sa Liberté), la Donation (Gegebenheit de Heidegger),
l'Étrange (à partir des fantômes et spectres : Shakespeare genuit Marx,
Marx genuit Valéry - J.Derrida). Chacun au commencement de sa
discipline : l'Idée (le Nombre, la Monade, la Force) - pour représenter le
mystère, le Verbe (l'Amour, le Sens, la Donation) - pour formuler les
problèmes, l'Action (la Haine, la Lutte, le Soupçon) - pour tester les
solutions, la Perversion et l'Étrange - pour confondre ou embellir les
passages de l'un à l'autre de ces trois niveaux.
La pensée antique fut atemporelle, elle se tournait vers les
commencements – principes ou éléments – sans se soucier des fins,
consciente de l'inertie et du hasard des parcours. Le christianisme eut la
mauvaise idée de nous projeter vers l'au-delà - salut final ou piété de
parcours ; l'avenir radieux des communistes reprit la même eschatologie
déviante ; dans les deux cas – l'endormissement par de fausses
certitudes, l'hostilité face au doute et à l'ironie.
Athènes et Descartes doivent être remerciés pour avoir introduit deux
grands principes : la liberté dans la cité et le système dans la philosophie,
leurs valeurs sont indubitables. Ensuite, les héritiers épigones les mettent
en pratique : les politiciens fondent tout sur le commerce et les impôts, et
les philosophes – sur le savoir et la vérité. Le parcours est rarement
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- Commencement -
d'accord avec la source. Ne gardent un contact avec les commencements
que les adeptes de la grandeur ou de la poésie, de Gaulle ou Nietzsche.
Tout philosophe rêve d'écrire son propre Banquet, avec des invités de
marque et des discours élogieux. Mais peu comprennent, que, pour
satisfaire les plus exigeants des palais, il ne faille pas resservir des
breuvages des autres, issus des caves poussiéreuses, mais faire table-rase
de ses horizons et firmaments. La bonne ivresse fuit les lieux, où règnent
les volumes et les contre-façons ; il faut réinventer de nouvelles
étiquettes, pour les nouveaux cépages et millésimes.
L'an-archie – l'incapacité de trouver des commencements et d'y tenir, la
joie naïve de s'adonner au chaos des pas intermédiaires, le désintérêt
pour la hauteur des premiers et la profondeur des derniers. Le principe
d'absence de principes est des plus misérables.
Le nihiliste : être créateur de ses propres commencements. Les autres –
l'inertie des enchaînements.
L'espérance organique est dans la noblesse des commencements ; qui
veut la trouver au-delà, risque de la confondre avec l'inertie mécanique.
Le nihilisme : me méfier de l'inertie, chercher le rythme, le point zéro, la
source ou l'origine de mes sentiments et pensées. C'est la facette divine
de l'homme, la facette purement humaine se trouvant dans
l'enchaînement, la suite, l'accroissement du temporel, au détriment de
l'éternel. La définition médiévale du nihilisme, qui en affuble ceux qui
pensent, que l'hypostase humaine du Christ n'est rien, me paraît être
étonnamment percutante.
Le nihiliste n'a pas moins de points d'attache que les autres, mais de ses
attachements ne s'hérite pas mécaniquement son essence ; elle découle
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Description:Table des Matières. Avant-Propos. I. Commencement. 3. Caresse. 27. Action. 47. Amour. 52. Art. 65. Bien. 73. Doute. 76. Hommes. 82. Intelligence. 88.