Table Of ContentStephen Lawhead
ARTHUR
Cycle de Pendragon
Tome III
Traduit de l’anglais par Luc Carissimo
Titre original : Arthur
Éditions : BUCHET/CHASTEL
ISBN : 978-2-253-15270-5
Pour Alice,
dont la peine et l’amour
ne furent pas moindres que les miens
Dix sont les anneaux, et neuf torques d’or ornent le cou des seigneurs
d’antan ;
Il existe huit vertus cardinales, et sept péchés pour lesquels mettre son
âme à l’encan ;
Six est la somme de la terre et du ciel, de tous objets futiles ou
importants ;
Cinq est le nombre des nefs qui fuirent la froide Atlantide perdue dans
l’océan ;
Quatre rois se trouvèrent épargnés, et trois royaumes demeurent en
occident ;
Ils furent deux, dans le fort de Llyonesse, qui s’aimèrent
désespérément ;
Il est un monde, un Dieu, et un roi dont les étoiles prédirent au Druide
l’avènement.
SRL
PROLOGUE
Vortipor ! Premier dans la corruption, suprême dans l’ignominie ! Un porc qui
fouaille du groin les entrailles de son rival n’est pas plus prompt que toi à se
gorger d’iniquité. La vilenie ruisselle de ton palais enfumé pour submerger la
terre d’un infect torrent d’injustice.
Tu te dis noble. Tu te dis roi. Tu te dis grand. Grand dans le péché, peut-être.
Tu as ceint ton front d’une couronne de laurier, mais celle-là est usurpée… à
moins que l’on ne décerne maintenant les lauriers à l’immoralité, dont tu t’es fait
le champion parmi les hommes !
Urien Rheged ! Ton nom est un opprobre. Fornicateur ! Adultère ! Prince des
voleurs ! Monument d’impureté ! La plus infâme vermine de ta fosse à ordures
n’est pas plus vile que toi.
Prince des ivrognes ! Prince des gloutons ! Tu souilles tout ce que tu touches.
Tu possèdes la dépravation de dix, l’iniquité de cent, la perversion de mille ! Ton
corps rongé de chancres est boursouflé par la corruption. Tu es mort et tu ne le
sais pas, mais la puanteur de ton cadavre s’élève jusqu’aux cieux !
Maelgwn ! Grand Chien de Gwynedd ! Quelle déchéance, après ton père !
Maelgwn le Grand s’était acquis une réputation de droiture et de vertu, et tu en
spolies sa mémoire. Est-il possible que tu aies oublié tout ce tu as autrefois su ?
Tu t’es emparé du trône par le meurtre et la rapine. Pour cela, tu te fais appeler
Chef Dragon de l’île des Forts. Tu crois te draper dans la gloire d’un autre, mais
ce n’est pour toi qu’un linceul d’infamie. Pendragon ! Puisse une honte éternelle
te ronger pour ta présomption.
Il y eut pourtant jadis un roi digne de ce nom. Ce roi était Arthur.
C’est le suprême déshonneur de cette génération perverse qu’elle ne prononce
plus le nom de ce grand roi que pour le tourner en dérision. Arthur ! Il était la
plus fine fleur de sa race, le plus noble fils des Cymry, le Seigneur du Royaume
de l’Été, le Pendragon de Bretagne. Il portait la faveur de Dieu comme une robe
de pourpre.
Écoutez donc, s’il vous agrée, l’histoire d’un véritable roi.
LIVRE PREMIER
PELLÉAS
I
Arthur n’est pas digne d’être roi. Bâtard d’Uther, pion de Merlin, il est de
basse naissance. Il est inconstant, mesquin, cruel et stupide. Goinfre et ivrogne,
il ne connaît aucun des raffinements de la civilisation. Bref, c’est une brute
ignorante et bornée.
Les gens disent tout ceci, et bien pire, au sujet d’Arthur. Laissez-les faire.
Quand tout est dit, quand tous les arguments sont épuisés, ce simple fait
demeure : nous suivrions Arthur jusqu’aux portes de l’Enfer, et même au-delà,
s’il le demandait. Et c’est là la seule vérité.
Montrez-moi un autre homme qui puisse se prévaloir d’une telle loyauté.
« Cymbrogi », nous appelle-t-il : compagnons de cœur, compatriotes.
Cymbrogi ! Nous sommes son bras armé, sa lance et son bouclier, son casque
et son épée. Nous sommes le sang dans ses veines, le dur tendon de sa chair, l’os
sous sa peau. Nous sommes le souffle dans ses poumons, la lumière dans ses
yeux et la chanson qui monte à ses lèvres. Nous sommes la viande et la boisson
de sa table.
Cymbrogi ! Nous sommes pour lui le ciel et la terre. Et Arthur est pour nous
tout cela… et bien davantage.
Méditez cela. Réfléchissez-y longuement. Alors seulement, peut-être,
commencerez-vous à comprendre l’histoire que je vais vous narrer.
Et pourquoi pas ? Qui, en dehors de l’Emrys en personne, en sait autant que
moi ? Sans être barde, je suis digne de foi. Car je connais Arthur comme bien
peu le connaissent… nous nous ressemblons beaucoup, après tout. Nous sommes
tous deux de naissance incertaine, tous deux princes non reconnus par nos pères,
tous deux obligés de vivre en dehors de tout clan et de toute parentèle.
Mon père était Belyn, Seigneur du Llyonesse. Ma mère était une servante de
la maisonnée du roi. J’ai tôt compris que je ne recevrais rien de la main de mon
père et que je devrais faire tout seul mon chemin dans le monde.