Table Of ContentApproche sémantique de la chaîne de valeur ajoutée de
la création des connaissances: de la donnée a la
capabilité
Mahmoud Moradi, Stephane Brunel, Bruno Vallespir
To cite this version:
Mahmoud Moradi, Stephane Brunel, Bruno Vallespir. Approche sémantique de la chaîne de valeur
ajoutéedelacréationdesconnaissances: deladonnéealacapabilité. Informations, Savoirs, Décisions
et Médiations [Informations, Sciences for Decisions Making ] , 2008, ISDM 33-594 (NUMERO THE-
MATIQUE: CONNAISSANCE, INFORMATION & ENVIRONNEMENT SOCIO-ECONOMIQUE),
http://isdm.univ-tln.fr/PDF/isdm33/isdm33_Moradi.pdf. hal-00323187
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APPROCHE SEMANTIQUE DE LA CHAINE DE VALEUR AJOUTEE
DE LA CREATION DES CONNAISSANCES : DES DONNEES A LA
CAPABILITE
Mahmoud Moradi,
Doctorant en Productique
[email protected], +33 5 40 00 24 07
Stéphane Brunel,
Doctorant en Ingénierie de la conception de produit
[email protected] +33 5 40 00 24 05
Bruno Vallespir,
Professeur
[email protected] +33 5 40 00 24 08
Adresse professionnelle
IMS-LAPS, Université Bordeaux 1, 351 Cours de la Libération, 33405 Talence Cedex – France –
Résumé : le problématique de cet article interroge comment l'entreprise produit de la valeur par la
transformation des données, informations et connaissances. Notre but est de développer un cadre pour
la création de valeur ajoutée issue de la connaissance pour produire un avantage concurrentiel. Pour ce
faire, l’article développe une approche systématique de ces liens avec leurs aspects organisationnels.
Summary: The main objective of this paper is to answer how the enterprises create value from the
transformation of data to capability. Paper start by a short review of the theoretic context of knowledge
based theories and review of some models developing to explain the state on notion of KM in
organizations. Paper proceeds by developing a value chain of knowledge creation (VCKC). Finally it
will propose some applications and terminate by some perspectives.
Mots clés : Gestion des connaissances (KM), chaîne de valeur de génération des connaissances
(VCKC), modélisation des processus des connaissances.
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Approche sémantique de la chaîne de valeur ajoutée de la création des
connaissances : de la donnée a la capabilité
permettant une meilleure analyse du
1 – INTRODUCTION
comportement, de la structure et de la
fonctionnalité d'une structure comme
La gestion de la connaissance est considérée
l’entreprise soit l’approche centrée
comme un des avantages concurrentiels
« processus ». L'approche centrée
cruciaux pour l’entreprise qui développe des
« processus » tire ses fondamentaux des
nouveaux produits. Une littérature nombreuse,
travaux de [Bertalanffy, 69] et de [Forrester,
riche et variée en témoigne. Il nous suffit de
68]. Ces travaux théoriques ont appliqué
lire les travaux de [Grant, 96], [Hedlund, 93],
l'approche systémique pour analyser les
[Prahalad, 90], [Prusak, 96], [Roth, 96],
interdisciplinarités des organismes avec des
[Spender, 96], [Winter, 61] pour se rendre
points de vue sociologiques, psychologiques,
compte de l’importance du sujet et des théories
des points de vue issus de l’ingénierie et de la
qui en résultent. Ceci est d’autant plus vrai si
physique. Ainsi ces efforts importants ont été
les entreprises parviennent à accroître, à
récompensés par le déploiement de méthodes
diffuser, et à exploiter leurs connaissances
telles que SADT (Structured Analysis and
internes [Bierly, 00], [Szulanski, 96], et si elles
Design Technique) [Webster, 61] ou, plus
parviennent à protéger leurs connaissances de
récemment, des approches de « Business
l'imitation voire de la copie par leurs
Process Modelling ». Il convient alors
concurrents directs [Liebeskind, 96]. De plus,
maintenant de faire la distinction et de
si elles savent partager, transmettre leurs
discerner les différences autour de plusieurs
connaissances à des partenaires commerciaux
concepts employés et trouvés dans une
[Appeyard, 96], [Mowery, 96], et si enfin, elles
littérature abondante sur le sujet. Nous nous
sont en mesure d’utiliser différentes sources de
attarderons sur les différentes caractéristiques
connaissances provenant de sites différents les
qui constituent la gestion de la connaissance
uns des autres [Almeida, 96]. Les pionniers de
ainsi que celles qui constituent les
la question ont suivi différentes approches, en
informations, les connaissances elles-mêmes,
mettant l’accent sur les questions de
les compétences, et les capabilités. Nous
technologie, sur les questions culturelles,
emploierons alors le concept de « chaîne de
structurelles et gestionnaires. Dans la
valeur de la connaissance » pour développer
recherche et dans le milieu industriel, deux
une approche de ces concepts de base. Cette
stratégies principales ont été utilisées [Hansen,
contribution, à nos yeux, pourra servir de base
99], [Kühn, 97] :
à une meilleure définition, dans le futur, de
(1) Une approche, centrée « processus », utilise tous nouveaux concepts liés à la gestion des
la gestion des connaissances comme processus connaissances.
de transmission sociale. Dans cette approche,
la connaissance est liée spécifiquement à une 2 - LE CONTEXTE DE LA GESTION DES
personne qui l'a développée et est partagée par CONNAISSANCES
ses contacts proches. Cette approche permet
d’aider les personnes à communiquer entre On constate que la société s'est graduellement
elles mais ne permet pas de stocker des transformée en société de la connaissance
informations. Cette approche est aussi [Drucker, 92], [Toffler, 90]. La compétitivité
appelée : approche de « personnalisation ». des entreprises dépend de plus en plus de
l’habileté à produire, transférer, utiliser et
(2) l’autre approche, centrée sur le produit, fait
protéger la connaissance produite en interne
la part belle aux documents support de la
[Teece, 00]. Dans un monde ou les marchés,
connaissance, leur création, le stockage et la
les produits, les technologies, les concurrents,
réutilisation par des procédés informatisés.
les lois et souvent les constructions sociales
Cette approche est désignée par : approche
elles mêmes changent rapidement, une
centrée « contenu » ou « codification ». Il
innovation continue basée sur la connaissance
semble que la technique la plus intéressante
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devient une source très importante d’avantages parce qu’ils proposent une description explicite
concurrentiels majeurs. Par conséquent, dans pour capturer et organiser l’information.
une économie de plus en plus instable, la seule
Prescriptif. Ces modèles proposent une image
certitude réellement palpable au sein des
du monde réel tel qu’il pourrait être si certains
entreprises devient la connaissance [Nonaka,
postulats (prescriptions) ou règles formelles
94]. Cette vision de la compétitivité viable par
axiomatiques de comportement sont appliqués.
les entreprises incite à proposer que les
ressources intellectuelles deviennent des Une lecture attentive de la littérature permet de
éléments structurels actifs de la stratégie trouver beaucoup de modèles de gestion de la
globale de l’entreprise. Les sociétés capables connaissance descriptifs. Beaucoup de ces
de gérer le plus efficacement possible la modèles ont été développés par des consultants
connaissance proposeront à leurs clients des pour l’amélioration de la gestion des
services et produits de plus en plus connaissances interne ou externe de
performants, réduisant ainsi les coûts en l’entreprise. [Apostolou et Mentzas, 99]
personnel et infrastructure, améliorant aussi les distinguent quatre grands groupes de gestion
prises de décisions, l’innovation, améliorant la de la connaissance : ceux centrés sur la
réactivité des structures, permettant le génération de la connaissance, ceux centrés sur
développement rapide de nouvelles lignes de les procédés de la gestion de la connaissance,
produits, répondant plus rapidement et de ceux centrés sur la technologie, et ceux qui
façon plus efficiente à la résolution de sont holistiques au sens de [Smuts, 26]. Ils
problèmes, et assurant un transfert des proposent des modèles dans chaque groupe. Le
meilleures pratiques de façon plus efficace. La modèle développé par [Nonaka et Takeuchi,
littérature montre de multiples réussites basées 95] ainsi que le cadre proposé par [Leonard,
sur une gestion de la connaissance efficace 95] font partie du groupe dit « de la génération
[Alavi, 05]. Les multiples défis que les des connaissances ». Le groupe « processus de
entreprises ont à relever les conduisent à la connaissance » inclus les modèles [APQC,
développer différents cadres, méthodes, 2000] comme ceux de [Romhardt et Probst,
modèles, points de vue, stratégies et processus. 97]. Dans le cadre de la gestion des
connaissances chez IBM [Huang, 97], les
3 - LES MODELES DE LA GESTION DES objectifs premiers qui ont été mis en avant au
CONNAISSANCES ET LEURS CADRES travers de la gestion des connaissances sont :
l’innovation, la réactivité, la productivité et la
Un modèle est une représentation de la réalité. compétence. Les cadres holistiques mettent
[Casti, 97] définit une taxonomie de modèles l'accent sur la nature interdisciplinaire de la
qui inclut les modèles expérimentaux, gestion des connaissances et comprennent
logiques, mathématiques/computationnels, et expressément la technologie, les procédés, les
théoriques. La plupart des modèles de la structures, et les dimensions culturelles. En se
gestion des connaissances sont théoriques dans basant sur l’analyse et l’adaptation des cadres
le sens où ils observent des systèmes imaginés de formalisation, [Apostolou et Mentzas, 99]
ou des processus qui ont été développés pour ont adopté un système de gestion de la
observer des phénomènes. Les modèles connaissance composé de six éléments : le
théoriques sont basés sur des relations à base contexte, les objectifs, la stratégie, la culture,
d’hypothèses possédant de multiples facteurs. les processus de gestion de la connaissance, et
Dans cette taxonomie, les modèles sont classés les structures technologiques et
par catégories des buts à atteindre : organisationnelles. C’est à partir de ces études
que l’ensemble de la mise en œuvre de notre
Prédictif. Ces modèles nous permettent de
stratégie de gestion de la connaissance a été
prévoir ce que sera le comportement du
développé. Ce système peut ainsi être employé
système observé.
pour effectuer une analyse comparative des
Explicatif /descriptif. Ces modèles proposent efforts à produire en vue d’une meilleure
des cadres dans lesquels les observations gestion de la connaissance.
passées peuvent être comprises et interprétées
comme une partie d’un processus plus général.
Ces modèles sont aussi appelés « descriptifs »
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4 - CHAINE DE VALEUR DE LA 4.1 – Composants de base de la chaîne de
GENERATION DE LA CONNAISSANCE valeur
(VCKC) Nous tenons à montrer de façon plus précise,
l’introduction de trois facteurs caractérisant la
Une entreprise est bénéficiaire lorsque ces
décomposition des processus de génération des
ventes sont supérieures à ses dépenses [Porter,
connaissances. En effet dans la partie
85]. Produire de la valeur ajoutée qui dépasse
supérieure de la Figure 1, nous pouvons voir
le coût de fabrication est le but de n'importe
une différenciation en trois facteurs distincts
quelle stratégie de différenciation
des processus de génération de connaissance.
concurrentielle. La valeur ajoutée ne peut être
Les facteurs sémantiques, sociaux, et objectaux
envisagée essentiellement au niveau du coût.
montrent l’importance d’une différenciation
En utilisant l’approche de Porter sur la chaîne
systémique positionnée très tôt dans le
de valeur, nous proposons une chaîne de valeur
processus. Plusieurs auteurs ont essayé de
de la connaissance. La chaîne de valeur de la
différencier les caractéristiques, l'information
connaissance comprend les éléments
ou donnée brute, et la métacognition menant au
fondamentaux de la chaîne de Porter au niveau
concept de sagesse (au sens de savoir absolu
des valeurs sémantiques, des valeurs des
sur toute chose). Certains auteurs comme
activités, et la sortie en tant que marge finale
[Ackoff, 89] ont essayé de distinguer les
permettant d’envisager un rendement de la
caractéristiques, information, connaissance,
connaissance. Ces composantes et activités de
sagesse individuelle en tant que compétence
traitement sont les éléments par lesquels une
individuelle ou compétence collective, et la
société met à disposition un produit ou fournit
sagesse collective en tant que capabilité. Afin
un service à ses clients. Le rendement de la
d’être plus précis sur les concepts de base il est
connaissance peut être mesuré suivant deux
important de donner quelques définitions.
catégories distinctes. La première est le
rendement financier. Cependant, les Les Données. Une donnée peut être définie
estimations financières telles que les bénéfices comme « toute représentation à laquelle une
sont particulièrement difficiles à prendre en signification peut être attachée » [Boughzala,
compte dans une activité de gestion de la 2001]. [Mélèse, 90] explique la notion de
connaissance. La deuxième est la mesure du donnée en précisant qu’il s’agit de
rendement des bénéfices de l’apprentissage. La « l’enregistrement dans un code convenu par
mesure de rendement opérationnel comprend un groupe social, de la mesure ou du repérage
les délais, la satisfaction du client, et la de certains attributs d’un objet ou d’un
productivité des employés. La mesure de événement ». Une donnée peut être qualitative
l’apprentissage implique la prise en compte du ou quantitative. Elle ne contient pas d’intention
nombre des acteurs, des participants à une ou de projet, ce qui lui confère son caractère
communauté de pratiques, des employés d’objectivité. Mais, à la différence de
formés et des clients susceptibles d’intervenir l’information [Simon, 84], la donnée n’a pas
dans le processus de connaissance. Comme l’a de sens en elle-même. C’est seulement en
montré [Nonaka, 94], le résultat final du donnant un sens à cette donnée que l’individu
procédé de génération de la connaissance est possède une information qui lui permet de dire
l’innovation générale. Nous préférons « qu’il sait », « qu’il a retenu » quelque chose
employer la génération de la connaissance pour [Durand, 00]. Les données sont définies
l’impliquer dans un processus de valeur [Vernadat, 96] en tant qu’élément donné,
ajoutée. S’il existe un bon processus de accordé, ou admis par tous ; des éléments sur
génération des connaissances sans lien avec les lesquels quelque chose peut être discutée ou
processus de production et de conception les permettant une implication. D'autres ont argué
plus efficaces, ce sera un processus peu du fait que les données sont des faits « garantis
efficient. C'est la raison pour laquelle nous vrais » qui sont la matière première des
expliquons le processus de caractérisation éléments évolués [Davis, 85]. Les données sont
menant de l’extraction des données issues de la des représentations dont les significations
réalité à la métacognition collective en tant que dépendent du système de représentation (i.e.
caractérisation générale intégrée. Le Figure 1 symboles, langage, etc.) utilisé. Par exemple,
montre les différents éléments de la chaîne de les données « 1001 » sont sans signification à
valeur. moins que l'application de sa signification
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particulière soit impliquée ou connue. signification du mot « industrie » et de classer
Comparer ce concept à la taxonomie de les entreprises par catégorie d’industries. Par
Bloom, on montre très facilement que ces conséquent, nous définissons l'information
données sont de « Niveau 1 » (mémorisation) comme significative, utile, et permettant de
et qu’elles servent à augmenter les donner des explications (notre second niveau
performances d’une technique cognitive de l’apprentissage) en tant que processus de
[Bloom, 56]. Par exemple, posséder mise en forme des données [Bierly, 00]. Les
suffisamment de données pour être en mesure informations peuvent être envisagées sous
de définir le mot « industrie ». Par conséquent, deux aspects : syntaxique (en structure ou
nous définissons des données en tant que faits volume) et sémantique (signification ou sens)
validés et parfois crus, et capable d'accumuler [Nonaka, 94]. Une illustration de l'information
les faits [Bierly, 00]. syntaxique est trouvée dans l'analyse de
[Schannon et al, 49] concernant le flux
Les informations. L’information est donc une
d'information mesurée sans aucun respect de la
collection de données organisée pour donner
signification première. L'aspect sémantique de
forme à un message le plus souvent sous forme
l'information est plus important pour la
visible, imagée, écrite ou orale, pour réduire
génération de la connaissance, parce qu’il se
une incertitude et transmettre quelque chose
concentre sur la signification.
qui déclenche une action [Simon, 83]. Selon
Bateson [Bateson, 73] « L’information produit La connaissance. Le grand dictionnaire
un nouveau point de vue sur des événements terminologique définit le terme connaissance
ou des objets, qui rend visible ce qui était en Informatique comme l’« ensemble de faits,
invisible ». Pour distinguer l’information de la événements, règles d'inférence et heuristiques
donnée, Le Moigne [Le Moigne, 90] se fonde permettant à un programme de fonctionner
sur la notion de moment. Une information est intelligemment ». La connaissance implique
de « moment 1 » (information primaire) forcément l’homme « porteur » car elle est
lorsqu’elle n’a subi aucun traitement logique inséparable du sujet porteur. En Intelligence
ou arithmétique après sa création. Elle est de Artificielle, on distingue généralement la
« moment n » lorsqu’elle a subi « n connaissance et le raisonnement. Les questions
traitements » (consolidation, combinaison liées à la connaissance sont celles de son
associative ou corrélative). Le Moigne acquisition « apprentissage », de sa
considère que les données sont de « moment représentation et de son utilisation
1 » et les informations de « moment supérieur « raisonnement ». Contrairement à
à 1 ». L’information est définie par Vernadat l’information, la connaissance est à la fois
[Vernadat, 1996], comme une représentation, mémoire et processus de construction d’une
une esquisse, un croquis, pour donner une représentation résultant d’une acquisition
forme générale. Elle est composée des données d’information et d’une action. La connaissance
qui ont été transformées, et qui sont est définie [Webster, 61] comme une
significatives pour le bénéficiaire. Elle a une perception claire et certaine de quelque chose
valeur réelle ou perçue dans des actions ou des comme les actes, les faits ou l’état de la
décisions actuelles ou estimatives [Davis, 85]. compréhension. La connaissance concerne
La signification donnée est en partie deux notions, celle qui est issue généralement
déterminée par la connaissance existante du de la connaissance tacite et la connaissance
récepteur. Les bases de la signification issue d’un système explicite [Grant, 96].
transférée dans n’importe quelle acte de Acquérir des connaissances représente [Bloom,
transmission sont fonction du champ 56] le « niveau 4 » (analyse) et le « niveau 5 »
d’expérience commun entre l’émetteur et le (synthèse) dans un système d’augmentation du
récepteur. L’acquisition d’informations niveau de connaissance parce qu'il permet le
représente le « niveau 2 » [Bloom, 56] dépassement des niveaux précédents en étant
(signification) et le « niveau 3 » (application) en mesure de montrer la forme globale
dans l’augmentation de la connaissance parce structurelle d’une entité et en étant en mesure
qu'il est en mesure de saisir la signification de mettre en œuvre des nouvelles structures
d’une notion et de l'employer dans une basées sur lui-même. C’est un système qui est
nouvelle situation concrète. Par exemple, avoir à la fois créé et créatif. Par exemple, connaître
l'information pour être en mesure de décrire la et recenser les éléments principaux de
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l’isomorphisme industriel permet de préparer mais on peut éliminer une compétence si ce qui
ses implications dans une stratégie est nécessaire pour l’exécuter n’est pas réuni.
concurrentielle. La connaissance est définie L’expertise est une caractéristique individuelle
comme opinion justifiée qui augmente la et une conséquence de la capacité d’adaptation,
capacité d'une entité pour l'action effective de l’individu, à différents milieux physiques et
[Nonaka, 94]. La connaissance peut être vue de sociaux. [Prahalad et Hamel, 90] dans leurs
plusieurs points de vue (1) un état d'esprit, (2) travaux, définissent la compétence comme le
un objectif, (3) un procédé, (4) une condition fondement de la compétitivité. Alors, la
d’accès à l’information, ou (5) une capacité. compétence peut être définie en tant que
Une autre approche pose en principe que la mobilité, intégration et transfert individuels de
connaissance peut être vue de deux façons la connaissance et de la capacité afin d'obtenir
différentes : social/individuel et explicite/ les résultats escomptés.
implicite [Nonaka, 94], [Spender, 96].
Capabilité. La capabilité est l’habileté à
La sagesse ou méta-cognition. La méta- exécuter une action. En termes d’acteurs au
cognition est définie [Webster, 61] comme la sein de l’entreprise, la capabilité est la somme
faculté de mettre en œuvre la meilleure des compétences et des capacités
utilisation possible de la connaissance, de potentiellement sources de réalisation. Nous
l’expérience, et la compréhension par considérons la capabilité comme le plus haut
l’exercice d’un jugement cohérent. Aborder la niveau de compétence. [Grant, 96] voit la
sagesse représente [Bloom, 56] « le niveau 6 » capabilité organisationnelle comme le résultat
(évaluation) de l’augmentation cognitive parce de l'intégration de la connaissance dans des
qu'elle dépasse les niveaux précédents en étant activités productives. Rendre ainsi exécutable
en mesure d'effectuer des jugements de valeur et rentable la compétence, permettra une
conscients basés sur des critères bien définis. génération des compétences distinctives et des
La métacognition est un concept d’action capabilités dynamiques pour l'entreprise. La
orientée, adaptée à la connaissance structurelle capabilité est ainsi dotée d’une valeur
au cours d’une planification d’activités, de nettement supérieure à toutes les autres
prises de décisions et leurs implémentations. ressources possibles au sein de l’entreprise. Il
Par conséquent, nous définissons la sagesse n’est pas dans notre propos de dire que les
comme une habileté à la meilleure utilisation autres ressources sont défaillantes mais juste
de la connaissance pour établir et atteindre des de nommer de façon plus précise, celle, qui à
buts désirés. nos yeux est fondamentale au bon déroulement
des opérations. Dans un contexte théorique, la
Compétences / Expertise (méta-connaissance
capabilité organisationnelle est définie comme
individuelle). La compétence est une condition
une capacité d'absorption [Cohen, 90]
normalisée pour qu'une personne effectue
(l’habileté à assimiler des nouvelles
correctement une fonction particulière. Elle
connaissances extérieures), capabilité
englobe une combinaison de connaissances, de
combinatoire [Kogut, 92] (l’habileté à agréger
qualifications et de comportements, tous
les connaissances actuelles internes),
utilisés pour améliorer le rendement. Plus
capabilité dynamique [Teece, 97], la
généralement, la compétence est la condition
compétence distinctive [Prahalad, 90],
ou la qualité de devenir convenable ou
apprentissage organisationnel [Huber, 91], et
compétent en ayant une habileté dans
agilité [Michaels, 06].
l’exécution d’un rôle particulier. Par exemple,
la compétence de management met en 4.2 – Composants de la transformation /
évidence les capacités à penser les systèmes, traitement des données, des informations,
ainsi que des capacités dans la négociation. des connaissances
Une personne possède une compétence tant Le processus de transformation des activités de
que les qualifications, les habiletés, et la support dans la chaîne de valeur de la
connaissance qui constituent cette compétence génération de la connaissance est divisé en
font partie de lui, permettant à la personne deux catégories principales: la première
d'exécuter l'action effective demandée dans un catégorie est réelle et objective. Elle peut être
certain environnement de travail. Par réalisée par l'être humain et le raisonnement
conséquent, on ne peut pas éliminer une peut être automatisé. La deuxième catégorie,
connaissance, une technique, ou une habileté,
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va de l'information et de la connaissance sémantique identifié sont le plus haut niveau
explicite à la capabilité. Dans cette catégorie, de la connaissance. Dans cette perspective,
l'existence de l'être humain est primordiale et nous considérons la connaissance comme une
de par sa nature elle est intangible. Il n’en association entre les connaissances tacites et
demeure pas moins que le rôle de la explicites. Hélas, nous sommes en face de
technologie de l'information est un élément deux problèmes différents. Pour décrire
important. comment la connaissance est similaire ou
différente de l’information, [Nonaka et
De la réalité aux données. Comme nous
Takeuchi, 95] proposent trois observations.
l’avons expliqué plus haut, les données sont les
D'abord, la connaissance, à la différence de
matières premières accumulées par une
l'information, est un sujet d'opinion et
personne ou une observation automatisée. Ce
d'engagement. La connaissance est une
sont des entités syntaxiques comme les codes,
orientation, un point de vue, ou une intention
les faits, les images, les sons, les symboles
particulière. En second lieu, la connaissance, à
discrets ou déstructurés, les morceaux de
la différence de l'information, est un sujet
matières premières choisis parmi des
d'action. Troisièmement, la connaissance,
événements particuliers, des fragments de la
comme l'information, est sujet à interprétation.
réalité, ou des phénomènes perçus à travers des
Elle est dans contexte particulier. Alors, la
filtres, des observations hors du contexte, des
connaissance est constituée d’un sujet de
enregistrements et des stockages. La collation
contenu, de contexte, et d'intention.
de ces données permet la constitution de
banques de données. Ces différentes données De la connaissance à la compétence. Produire
font partie d’une énorme masse qui va dans un de la connaissance par la pratique, par une
futur proche permettre la résolution de action, est un procédé de réflexion qui mène
problèmes et la prise de décision adéquate. les acteurs vers plus de compétences. Si la
compétence est définie en tant que conseil
Des données à l’information. Il est maintenant
rapide, juste et précis, permettant de donner
accepté qu’une information soit une donnée
une explication et une justification de résultats
dans un contexte avec une signification.
par un raisonnement, elle permet aussi la prise
L’interprétation, la représentation, la
de décisions. Ainsi l'activité de transformation
manipulation, l’organisation et l’analyse des
permet une adaptation aux environnements
données donnent forme et fonction à ces
grâce à l'intuition et l'expérience,
mêmes données. Les filtres conceptuels, le
l’apprentissage et la mémorisation. Nous avons
contexte dans lequel se font la signification, la
établi trois chemins menant à la sagesse ou à la
pertinence, et le but sont les principales
méta-cognition individuelle : expérience,
transformations des données. Cela va aboutir à
spiritualité, et passion [Bierly, 00]. La sagesse
produire de l’information. Bien que la collecte
est en partie acquise au moyen de tests et
des données et leur positionnement dans un
d’erreurs journaliers. Nous tentons tous de
contexte significatif permette de réduire une
devenir plus sages mais nous n’y parvenons
incertitude dans la résolution des problèmes et
pas tous en même temps ni de la même façon.
la prise de décision, il est à noter que la
surcharge d’informations risque de perturber la De la compétence à la capabilité. La
compréhension de l’acteur. Il est alors conceptualisation, l'intégration, la conduite et
préférable de réduire cette complexité en la distribution des compétences et la
rendant le contexte plus simple. compétence des personnes dans l'entreprise
mènent à la capabilité. Pour faire cela, des
De l’information à la connaissance. La claire
outils de diffusion doivent être utilisés pour
compréhension d’une information est l’objectif
transférer des valeurs et buts recherchés à ceux
qui nous amène tout naturellement vers la
chargés de leur mise en œuvre. Trois points
connaissance. La compréhension, la
importants apparaissent pour permettre la
réalisation, la modélisation, la perspicacité,
transformation du potentiel des individus vers
l’authentification, l’application, le contrôle,
la capabilité. Posséder une idée de la
l’affinage et l’utilisation forment la base des
« direction transformationnelle » (but à
activités de transformation vers la génération
atteindre), posséder une culture et structure
des connaissances. L'information traitée, les
organisationnelle cohérente, et transférer la
expériences, et les théories dans un contexte
connaissance [Bierly, 00].
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De la Chaîne de Valeur vers le Résultat données, des informations, de la connaissance
attendu. Une gestion délibérée et consciente de et de la métacognition. C’est pour cela que
la chaîne de valeur de la connaissance mène nous l’appelons « système récursif ».
assurément vers une efficience plus grande de
Cadre : de la connaissance à l’information. Les
l’entreprise. Il en résulte une innovation plus
acteurs engagés dans la production de
rapide [Nonaka, 94], efficacité, rendement, et
connaissance doivent bâtir une transformation
performance de la société. Cette gestion
permettant la transformation de la
améliorera la réactivité de l’entreprise,
connaissance en information. De cette façon,
produira de l'avantage concurrentiel, aura pour
les organismes s'adaptent à leurs
conséquence une augmentation de la richesse
environnements politiques et stratégiques
économique pour le plus grand bénéfice des
[Michaels, 06]. Le développement des
actionnaires et des employés.
stratégies de génération des connaissances est
4.3 – Nature récursive de la chaîne de valeur mis en place par une communauté d’acteurs à
des connaissances condition que la mise en œuvre se produise
dans les différents secteurs. La mise en
La connaissance peut être transformée en
application effective aura lieu dans un
information par l'intermédiaire du processus de
développement collectif et cohérent des
transformation des données, sous la forme de
différentes stratégies des différents secteurs
pratiques ou de documents. L'information est
d’activités.
convertie en connaissance une fois qu'elle est
traitée et la connaissance devient information Systématiser : de l’information aux données.
lorsqu'elle est articulée et présentée sous forme La première activité de création des données
de texte, de dessins, de mots, ou d'autres provenant de l’information est de vérifier ce
formes symboliques [Alavi, 01]. Pour que ceci qui est compréhensible après analyse
ait une implication significative, il faut que les systématique. Ceci peut déboucher sur un
personnes possèdent la même compréhension reclassement de l'information, sur le
des données ou informations, et qu’elles développement d’une organisation de la
partagent une même base de connaissances gestion des données, sur la création d’un
minimales. Une autre implication importante système de maintenance des données produites
de cette définition de la connaissance est que qui pourront être centralisées ou décentralisées,
les systèmes conçus pour supporter la internalisées ou externalisées [Michaels, 06].
connaissance dans l’entreprise peuvent ne pas
sembler radicalement différents d'autres 5 - QUELQUES IMPLICATIONS
formes de systèmes d'information existants.
Ainsi il sera primordial d’adapter notre 5.1 – La gestion de la chaîne de valeur
système pour permettre à ses usagers une Quelle est la relation entre la gestion de la
bonne compréhension de la signification d’une connaissance et la gestion des données ?
information et de capter une partie de leurs
La gestion des données permet la
connaissances générées.
mémorisation, alors que le management de
Raisonnement inductif et déductif. Le l'information mène à la signification et à
raisonnement déductif est utilisé pour l’application. La gestion des connaissances
développer empiriquement de la connaissance aboutit à la compréhension des processus par
conceptuelle ainsi que de la capacité. Ceci est les acteurs dans l'entreprise, alors que le
montré, par exemple, dans la conservation de management des compétences a comme
la connaissance comme procédé conséquence l'innovation. Enfin le
d'externalisation [Nonaka, 95]. Le management des capabilités aboutit à
raisonnement inductif concerne l'analyse et les améliorer la performance pour l'entreprise et
procédés continus, dans lesquels la permet alors l’obtention d’un rendement
connaissance est dérivée de la création de supérieur et d’une richesse générale
modèles ainsi que de la simulation par augmentée. La Figure 2 récapitule les
ordinateur ou de l’expérimentation. En différents aspects de la chaîne de valeur de la
considérant la Chaîne de Valeur des connaissance et ses implications en termes de
connaissances comme inductive et déductive, gestion.
nous pouvons envisager une approche
hiérarchique ascendante et descendante des
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5.2 – La chaîne de valeur et la stratégie identifié une accumulation d’informations
parcellaires ; ce qui rend utile et impérieux le
Au regard de la stratégie de la création et de la
besoin de garder, de structurer, de mémoriser
gestion des connaissances, nous savons que les
afin de partager cette somme d’éléments tous
données, les informations sont des éléments
différents les uns des autres mais
facilement transférables et permettant une
complètement liés les uns aux autres.
appropriation facile. Au contraire la
connaissance tacite, les compétences et les Dans cet article, nous avons proposé une
capabilités peuvent seulement être observées chaîne de valeur épistémologique montrant le
au travers de leurs applications. Leur transfert processus de création de la connaissance. Ce
est lent, coûteux et incertain. Cette différence cadre montre le chemin menant des données
provoque différentes stratégies possibles. La réelles jusqu’à la capabilité et leur mise en
stratégie concurrentielle la plus appropriée est œuvre. L’un des résultats de ce travail est
la codification [Hansen, 99]. C’est ainsi que d’ouvrir une porte pour les chercheurs
l’on a vu le développement des systèmes de travaillant sur les concepts épistémologiques
codification des documents permettant leur de la gestion des connaissances. La trame
stockage, leur dissémination et leur proposée dans ce papier peut être utile ou
réutilisation. Cette stratégie est basée sur des servir à plusieurs choses. (A) Le
ressources existantes ainsi que l'exploitation développement d’une ontologie sémantique
[March, 91] des éléments dynamiques des concepts épistémologiques de la gestion
nouveaux entraînant une actualisation. Cette des connaissances et ressources intangibles de
exploitation permet la production de valeur par création de cette connaissance en permettant
la réutilisation des ressources. En entend en d’entrer dans l’organisation de la connaissance
matière de transparence [Russ, 06], la somme par un schéma articulé. (B) La bonne
des efforts pour que les connaissances soient gouvernance de la gestion des processus de la
rendues exploitables et publiques. Le processus connaissance. (C) La modélisation de l'activité
de gestion de la connaissance est une ayant pour résultat la création de valeur
combinaison et internalisation de la ajoutée, ainsi que la modélisation des
connaissance [Nonaka, 95]. Au contraire, la ressources de l’entreprise et la modélisation de
stratégie concurrentielle, la plus appropriée la connaissance. (D) La création d’une base
pour les connaissances tacites, consiste à une conceptuelle de la gestion des connaissances et
personnalisation par le développement des de l’ingénierie des connaissances.
réseaux interpersonnels permettant des
L’approche proposée pourra être la distinction
échanges naturels d’éléments tacites.
fondamentale à mettre sur pied dans une
Cependant, la nature même de cette stratégie
entreprise qui modélise sa collaboration en
explore de nouvelles connaissances et cela
incluant l'activité de gestion des connaissances.
mène à plus de créativité et d'innovation. Le
En effet, en faisant la distinction entre
processus de gestion de la connaissance est ici
plusieurs concepts et modèles pouvant être
une combinaison entre socialisation et
utilisés dans le domaine, il est important que
externalisation. La Figure 3 montre les
l’entreprise construise avec des bases solides et
relations entre ces différentes stratégies et la
vérifiées son propre processus de génération
génération de valeur à base des connaissances.
des connaissances. Il n’en reste pas moins que
la chaîne de valeur proposée dans cet article est
6 - CONCLUSION ET PERSPECTIVES
encore très théorique et qu’elle doit
Trois principaux points apparaissent. (1) impérativement être examinée, validée, et
Beaucoup d'importance est accordée à vérifiée.
comprendre la différence entre données,
informations, connaissances. Les implications BIBLIOGRAPHIE
ne sont pas les mêmes pour chacune de ces
Ackoff, R.L., (1989), From Data to Wisdom.
définitions. (2) La connaissance est
Journal of Applied Systems Analysis,
personnalisée : pour que la connaissance d’un
16: p. 3-9.
individu ou d’un groupe puisse être outil pour
les autres, elle a besoin d’être décodée dans
Alavi, M., Kayworth, T.R. and Leidner, D.E.
des langages perceptibles par une même
(2005), "An Empirical Examination
communauté identifiée. (3) Nous avons of the Influence of Organizational
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Description:APPROCHE SEMANTIQUE DE LA CHAINE DE VALEUR AJOUTEE. DE LA CREATION DES Ackoff, R.L., (1989), From Data to Wisdom. Journal of