août 2012 - Le nucléaire du futur

181 Pages·2012·5.94 MB·French

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UNE SÉRIE DES
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12 ISBN 978-2-7472-1980-8
-:HSMHOH=WV^]U]: FONDÉES EN 1794
Publiées avec le soutien
du ministère de l’Économie
et des Finances
É d i t o r i a l
Pierre COUVEINHES
C
e numéro de Réalités industrielles présente un état des lieux de l’industrie
nucléaire dans le monde, et de ses perspectives de développement technolo-
gique. Il ne prend pas parti sur la contribution que pourra avoir l’énergie
nucléaire dans le mix énergétique de demain. Le choix de ce mix, qui donnera lieu à un
grand débat national à l’automne prochain, résultera nécessairement d’une comparai-
son entre les avantages et les inconvénients des différentes énergies. En effet, comme
l’écrivent Jacques Percebois et Claude Mandil dans leur article, « il n’existe ni énergie
sans inconvénient ni scénario idéal ».
Comment l’industrie nucléaire se présente-t-elle à nous, un peu plus d’un an après l’ac-
cident de Fukushima, qui a profondément marqué les esprits ?
Tout d’abord, cet accident a rappelé que le risque zéro n’existait pas et il a replacé les
questions de sécurité au centre du débat. Cela semble être une évidence, mais n’ou-
blions pas que peu de temps auparavant, certains, en France, s’insurgeaient contre les
exigences de l’Agence de Sûreté Nucléaire (ASN), qu’ils estimaient excessives !
En ce qui concerne la perception du nucléaire en France, une étude menée pour l’ASN
par l’institut TNS Sofres laisse penser que Fukushima a eu un effet. , mais, comme l’in-
diquent Emmanuel Rivière et Alain Delmestre, « cet effet n’est pas considérable, et il
n’est pas sûr qu’il soit durable ». Globalement, il semble bien que les Français restent
majoritairement favorables au nucléaire, alors même que l’Allemagne, la Belgique, la
Suisse et l’Italie ont annoncé vouloir renoncer à cette énergie, à plus ou moins longue
échéance.
Mais cette attitude de nos voisins ne masque-t-elle pas en partie à nos yeux le fait que,
dans leur grande majorité, les pays européens ont confirmé au cours des derniers mois
leur choix en faveur du nucléaire ? C’est le cas notamment du Royaume-Uni, des Pays-
Bas, de la Suède, de la Finlande, de l’Espagne et de la plupart des pays d’Europe cen-
trale.
Et tous les pays dits BRICS, sans aucune exception, ont confirmé la poursuite de pro-
grammes nucléaires ambitieux, avec à leur tête la Chine, où un grand nombre de cen-
trales nucléaires sont en cours de construction ou en projet.
Dans ce contexte, la France dispose d’atouts importants, grâce à l’organisation remar-
quablement complète et cohérente de sa filière nucléaire. En matière de recherche et
développement, le CEA est présent sur toutes les technologies d’avenir avec, pour le
long terme, sa participation dans le programme ITER consacré à la fusion nucléaire,
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RÉALITÉS INDUSTRIELLES• AOÛT 2012
qui est implanté à Cadarache, en France. Avec EDF, notre pays dispose du plus impor-
tant exploitant de centrales nucléaires dans le monde.
Ce dispositif est complété par l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets
Radioactifs (ANDRA), qui est chargée de leur gestion à long terme, et par l’Institut de
Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), qui apporte son appui technique à
l’ASN, autorité de sûreté dont la compétence et l’indépendance font référence dans le
monde entier.
En matière d’offre industrielle proprement dite, AREVA est en mesure de faire des pro-
positions intégrées couvrant toutes les étapes du cycle du combustible, la conception et
la construction de réacteurs nucléaires et les services associés. Cette offre est complétée
non seulement par d’autres grandes entreprises françaises (telles qu’Alstom, pour les
groupes turbo-alternateurs, ou Bouygues, Vinci et Eiffage pour le génie civil), mais
aussi par plusieurs centaines de PME et ETI.
Il est souvent reproché aux grands groupes français de ne pas chercher à associer des
entreprises de plus petite taille à leur développement. On peut à juste titre considérer
que le secteur nucléaire français dément cette accusation. Ainsi, le « Pôle nucléaire
Bourgogne », que Gérard Kottmann présente dans ce numéro de Réalités Industrielles,
associe plus de cent-cinquante partenaires, entreprises de toute taille et établissements
d’enseignement.
L’organisation exemplaire du secteur du nucléaire de notre pays peut permettre à celui-
ci de conquérir une part substantielle des marchés à l’exportation, situés principalement
dans les pays émergents. Mais ces derniers ne restent pas inactifs : ils développent à un
rythme soutenu leurs compétences en matière nucléaire, y compris dans les technolo-
gies les plus avancées. Ainsi, aujourd’hui, l’Inde, la Russie et la Chine consacrent des
moyens importants au développement de réacteurs à neutrons rapides.
Il convient donc de ne pas perdre cette avance dont notre pays dispose encore aujour-
d’hui !
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AOÛT 2012 - 23,00 € ISSN 1148-7941
I NDU S T R I E L L E S
UNE SÉRIE DES
ANNALES
DES
MINES
FONDÉES EN 1794
Rédaction
120, rue de Bercy - Télédoc 797 S o m m a i r e
75572 Paris Cedex 12
Tél. : [phone]
Fax : [phone]
http://www.annales.org
Pierre Couveinhes, rédacteur en chef
Gérard Comby, secrétaire général de la série
«Réalités Industrielles»
Martine Huet, assistante de la rédaction
LE NUCLÉAIRE DU FUTUR
Marcel Charbonnier, lecteur
Comité de rédaction de la série
« Réalités industrielles » :
Michel Matheu, président,
1 Éditorial
Pierre Amouyel,
Grégoire Postel-Vinay, Pierre Couveinhes
Claude Trink,
Bruno Sauvalle
Jean-Pierre Dardayrol
Pierre Couveinhes 5 Avant-propos
Claude Trink
Maquette conçue par
Tribord Amure
Iconographe
Christine de Coninck
Des facteurs structurants pour l’avenir
Fabrication :
Marise Urbano - AGPA Editions
4, rue Camélinat
42000 Saint-Étienne
Tél. : [phone] La perception du risque nucléaire en France, en 2012 : « il y a un avant
Fax : [phone] Fukushima et un après Fukushima »
e-mail : [email protected]
Emmanuel Rivière et Alain Delmestre
Abonnements et ventes
Editions ESKA
12, rue du Quatre-Septembre 13 Les perspectives en matière de sûreté nucléaire
75002 Paris
Tél. : [phone] Sophie Mourlon
Fax : [phone]
21 Les programmes de recherche au CEA sur les systèmes nucléaires du futur
Directeur de la publication : Christophe Béhar
Serge Kebabtchieff
Editions ESKA SA
au capital de 40 000 €
Immatriculée au RC Paris 27 Le projet ASTRID
325 600 751 000 26
François Gauché
Un bulletin d’abonnement est encarté
dans ce numéro page 180
35 ITER : une étape clé pour inscrire la fusion dans le mix énergétique du futur
Vente au numéro par correspondance
et disponible dans les librairies suivantes : Jérôme Pamela et Sylvie André-Mitsialis
Presses Universitaires de France - PARIS ;
Guillaume - ROUEN ; Petit - LIMOGES ;
Marque-page - LE CREUSOT ;
Privat, Rive-gauche - PERPIGNAN ; 41 Des sciences fondamentales aux enjeux sociétaux : le rôle du Commissariat
Transparence Ginestet - ALBI ;
Forum - RENNES ; à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
Mollat, Italique - BORDEAUX. Daniel Iracane, Stanislas Pommeret et Elvire Leblanc
Publicité
J.-C. Michalon
directeur de la publicité 53 Les conclusions du rapport Energies 2050 sur les perspectives du nucléaire
Espace Conseil et Communication en France
2, rue Pierre de Ronsard
78200 Mantes-la-Jolie Jacques Percebois et Claude Mandil
Tél.: [phone]
Fax: [phone]
Table des annonceurs 59 Le mode de gouvernance envisagé pour la France
Annales des Mines : 2e, 3eet 4ede couverture Charles-Antoine Louët et Timothée Furois
Illustration de couverture:
Vue de l’enceinte plasma de Tore Supra – ITER
©CEA
La filière nucléaire :
une dynamique entre des marchés diversifiés
65 En amont de la filière nucléaire (mines d’uranium et préparation du combustible)
Philippe Knoche
71 Un an après Fukushima, panorama des marchés de nouveaux réacteurs
Luc Oursel et Pierre Landau
78 Les marchés des îlots conventionnels dans le monde
Olivier Mandement, Philippe Anglaret et Patrick Ledermann
86 Les enjeux de la gestion des déchets radioactifs
Fabrice Boissier
92 Le projet Cigéo
Thibaud Labalette
98 La gestion des déchets issus du démantèlement des installations nucléaires,
une activité en croissance qui reste à optimiser
Bruno Cahen
Quel modèle industriel dans l’avenir ?
113 Généralités sur les réacteurs nucléaires
Claude Jaouen et Pierre Béroux
128 Le réacteur ATMEA1
Philippe Namy
132 Les Small Modular Reactors (SMR)
Jean-Michel Delbecq
142 Le réacteur AP1000
François Harari et Carole Chauvin
146 Quelles sont, en France, les perspectives de la construction
de gros composants pour les centrales nucléaires ?
Claude Trink et Jean-Luc Vo Van Qui
151 Nucléaire : quelle approche industrielle pour préserver l’atout français ?
Hervé Machenaud
157 Le Pôle Nucléaire Bourgogne : une association d’énergies pour développer
l’industrie des composants nucléaires
Gérard Kottmann
163 Biographies des auteurs
170 Résumés étrangers
Le dossier est coordonné par Claude Trink
Av a n t - p r o p o s
Claude Trink
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a catastrophe nucléaire de Fukushima a été provoquée par un tsunami. Mais c’est
à un véritable tremblement de terre politique et industriel auquel nous avons
assisté dans le domaine de l’énergie, dans le monde entier. Les politiques
publiques afférentes ont été réorientées et les perspectives de développement de la filiè-
re du nucléaire civil sont passées de prometteuses à incertaines.
Face au risque de prises de positions hâtives ou irrationnelles, il est apparu d’autant plus
nécessaire de fournir au public une présentation des enjeux actuels et futurs de la filiè-
re nucléaire française.
Il ne s’agit pas ici de définir la place qu’occupera le nucléaire dans le futur mix énergé-
tique, ni de faire une prévision, mais plutôt de dégager les lignes de force des perspec-
tives d’avenir pour une filière d’activité industrielle qui occupe une place significative
en France et de présenter les enjeux techniques et économiques de son développement
futur.
L’exercice de prospective se traduit ici par la définition de l’enveloppe des forces en pré-
sence pour construire le futur : progrès technologique, exigences de sûreté, développe-
ment des activités industrielles, orientations des politiques publiques, avenir (utilisation
et maintenance) du parc d’installations actuellement en exploitation,…
Aussi, avons-nous choisi d’aborder la question sous trois angles, en nous demandant :
a) quels sont, après Fukushima, les facteurs structurants pour l’avenir, b) quels sont les
enjeux et stratégies des acteurs intervenant sur les différents marchés concernés et,
enfin, c) quelle est la dynamique d’organisation et de concurrence entre les différents
systèmes et modèles industriels en présence ?
Quatre facteurs structurants pour l’avenir ont été mis en exergue : la perception du
nucléaire par l’opinion (et c’est volontairement que nous commençons par cet aspect
immatériel), l’évolution des règles de sûreté, les progrès attendus des grands pro-
grammes de recherches et, enfin, les orientations de la politique publique en matière
d’électronucléaire.
Les stratégies des grands acteurs français sont présentées en passant en revue quatre
domaines : la production du combustible, la fabrication des équipements de centrales
* Ingénieur général des Mines.
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électriques, tant ceux concernant les ilôts nucléaires que ceux destinés aux ilôts conven-
tionnels, enfin le traitement des déchets.
Des enjeux concurrentiels apparaissent aussi bien au niveau des modèles de réacteurs
susceptibles de s’imposer dans le futur, qu’à celui de la concurrence internationale entre
les entreprises en charge de leur fabrication et de leur maintenance. Les perspectives
qu’offre leur fabrication en France sont ainsi analysées.
La réponse française à ces enjeux est à chercher à travers la structuration d’une filière
comportant plusieurs centaines d’entreprises, représentant 240 000 emplois en direct et
plus de 400 000 emplois induits : des groupes internationaux, tels EDF, Areva, Alstom ;
de grands organismes, comme le CEA, l’ASN, l’ANDRA ; une vingtaine d’entreprises
de taille intermédiaire, tel Valinox ; près de 200 PME/PMI spécialisées dans le nucléai-
re et environ 400 PME/PMI impliquées pour une partie de leur activité dans la filière.
Mais cette réponse doit aussi être recherchée à travers le succès des programmes enga-
gés, chacun dans son registre, par le CEA ou par le Pôle de compétitivité nucléaire de
Bourgogne, ou bien à travers une présence active dans des programmes de construction
de centrales en Chine ou au Royaume-Uni.
Mais au premier chef, le succès de la filière nucléaire française reposera sur le soutien et
la confiance dont elle pourra bénéficier tant de la part des autorités politiques que de
l’opinion publique, les consommateurs d’électricité que nous sommes.
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La perception du risque

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Pour l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), l’année 2011 a été mar-
quée par l’accident nucléaire de Fukushima. Cet accident majeur
rappelle qu’en dépit des précautions qui peuvent être prises, un
accident ne peut jamais être exclu. Clairement, il y a un « avant
Fukushima » et un « après Fukushima ». En effet, cet accident pose des
questions fondamentales qui vont bien au-delà de l’accident survenu sur
l’installation de la société Tepco, au Japon.
Dans ce contexte, l’ASN a un rôle de premier plan à jouer en faveur non
seulement du développement de la transparence en matière de sûreté
nucléaire et de radioprotection, mais aussi du développement d’une culture
du risque chez nos concitoyens.
Par Emmanuel RIVIÈRE* et Alain DELMESTRE**
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ès l’annonce de la catastrophe, l’Autorité de ment effectué « comme si cet accident était arrivé en
sûreté nucléaire s’est totalement mobilisée, en France », était en décalage avec celui, largement sous-
relation avec son appui technique, l’IRSN, évalué, opéré par les autorités japonaises. Pour l’ASN,
pour donner aux pouvoirs publics, aux médias et à l’accident était plus grave que celui de Three Mile
tous nos concitoyens une information réactive et une Island (niveau 5), mais moins grave que celui de
appréciation la plus juste possible de la réalité de l’ac- Tchernobyl (niveau 7).
cident. En dépit des difficultés pour comprendre
techniquement l’accident, l’ASN a décidé, dès les pre-
miers jours de la crise, de classer cet accident au * Institut TNS-Sofres, directeur du département Stratégies d’Opinion.
niveau 6 de l’échelle internationale INES de classe-
** Autorité de sûreté nucléaire (ASN), directeur général adjoint, direc-
ment des incidents et accidents nucléaires. Ce classe- teur de la communication et de l’information des publics.
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L’ASN a classé très rapidement l’accident au niveau 6 de l’échelle INES.
En l’occurrence, l’ASN a utilisé l’échelle INES pour acteur de premier plan dans le domaine de la produc-
ce qu’elle est réellement, un outil de communication tion électronucléaire.
conçu pour que les citoyens puissent avoir une com- En France, dès le printemps 2011, la campagne prési-
préhension claire des enjeux, dans une logique de cul- dentielle est venue amplifier l’écho de ce débat.
ture du risque, plus qu’une échelle à vocation exclusi- Jamais le nucléaire n’aura été aussi présent dans le
vement technique débat public. Pourtant, l’impact de ces événements
sur la manière dont les publics perçoivent le nucléaire
et son contrôle a été limité. C’est ce qui ressort de
LES PERCEPTIONS DU PUBLIC APRÈS L’ACCIDENT l’édition 2011 du baromètre d’opinion de l’ASN. Cet
DE FUKUSHIMA ET LES ENSEIGNEMENTS outil de suivi de l’opinion montre que Fukushima a
eu un impact sur les perceptions des risques. Mais cet
DU BAROMÈTRE D’OPINION DE L’ASN
impact n’est pas aussi spectaculaire que l’on aurait pu
l’imaginer.
Depuis 2005, l’ASN a mis en place un baromètre Certes, l’attitude des Français à l’égard du nucléaire a
d’opinion destiné à mieux comprendre les attentes du été affectée par les événements de 2011. Les « favo-
grand public, mais aussi celles d’un public « averti » rables au nucléaire » sont moins nombreux, les
constitué de professionnels. « opposants au nucléaire » voient leur nombre aug-
La dernière vague de cette étude d’opinion a été réali- menter. Mais le camp le plus nombreux reste celui des
sée entre octobre et décembre 2011. Nous livrons ici hésitants, qui représente, après comme avant l’acci-
les principaux enseignements retirés de l’attitude du dent, la moitié des interviewés. C’est là un point
public après l’accident de Fukushima. essentiel d’analyse de l’opinion à l’égard du nucléaire :
Le nucléaire civil a occupé une place inédite dans l’ac- la plupart des gens ne se situent pas dans une lecture
tualité de l’année 2011, en raison bien sûr de l’acci- binaire, « pour ou contre ». Comme souvent, lorsque
dent de Fukushima, qui a aggravé et prolongé le dra- les enjeux sont complexes, avec une forte dimension
matique séisme du 11 mars 2011 et le raz-de-marée technique, beaucoup estiment ne pas en savoir assez
qui a suivi. La répercussion de cet accident sur l’opi- pour pouvoir trancher. Quand on les interroge sur
nion publique a été immédiatement planétaire, moins l’avenir de cette énergie, ces hésitants sont séduits par
à cause des conséquences environnementales de la les options intermédiaires, qui consisteraient en l’es-
catastrophe qu’en raison des décisions immédiate- pèce à sortir progressivement du nucléaire, sur plu-
ment prises par plusieurs gouvernements, au premier sieurs décennies.
rang desquels la chancellerie allemande, qui décida la À côté de ces hésitants, il y a ceux qui prennent parti
fermeture immédiate de sept réacteurs et celle de et, parmi eux, les avis favorables étaient, avant
toutes les centrales nucléaires d’ici à 2020. Cet événe- Fukushima, bon an mal an, deux fois plus nombreux
ment ne pouvait manquer de susciter un débat majeur (un gros tiers) que les opposants (moins d’un sur six).
en France, pays partenaire et voisin de l’Allemagne et Au lendemain de la catastrophe, les lignes avaient
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On n’observe pas de changement radical d’état d’esprit à l’égard du nucléaire en France malgré l’accident de Fukushima.
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bougé significativement : entre novembre 2010 et fin travers les Evaluations complémentaires de sûreté
mars 2011, les partisans du nucléaire étaient passés de (ECS).
35 à 28 %, et les opposants au nucléaire de 14 à 24 %.
La fin de l’année 2011 semblait annoncer l’amorce
d’un retour à l’état antérieur, les opposants reculant à L’IMPACT DES ÉVÉNEMENTS « MÉDIATIQUES »
21 % et les partisans en restant à 28 %. Globalement,
il apparaît donc que Fukushima a eu un effet sur la Ainsi, l’impact de Fukushima sur l’opinion française
perception du nucléaire en France, mais cet effet n’est apparaît bien moindre que celui d’un fait infiniment
pas considérable, et il n’est pas sûr qu’il soit durable. moins grave survenu sur notre sol à l’été 2008 : une fuite
d’uranium, à l’usine Socatri (sur le site du Tricastin). Cet
événement, fortement médiatisé en pleine trêve estivale
LA PERCEPTION DU CONTRÔLE DE LA SÛRETÉ et suivi d’autres incidents remarqués dans la même
NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION région, avait fortement entamé la confiance placée par le
public dans le contrôle des installations nucléaires.
EN FRANCE
La proportion des Français jugeant ces contrôles satis-
faisants était ainsi passée de 63 % fin 2007 à 45 % en
Au-delà de la perception du nucléaire, Fukushima a septembre 2008. Au sein du public « professionnel »,
affecté la manière dont les Français jugent le contrôle la satisfaction avait chuté, passant de 88 à 75 %. Après
de la sûreté du nucléaire en France. Fin 2010, près de ces incidents de 2008, on note une brusque chute de
six Français sur dix (57 %) jugeaient efficace la maniè- la confiance dans le contrôle, puis une amélioration
re dont la sûreté des centrales nucléaires était contrô- progressive des perceptions. Mais jamais les niveaux
lée en France. de confiance antérieurs à 2008 n’ont été retrouvés (ni
Quelques jours après l’accident nucléaire, cette même approchés) par la suite. Que les incidents du
confiance chutait de dix points. Incontestablement, le Tricastin aient davantage altéré la confiance dans la
fait qu’un tel enchaînement de difficultés non maîtri- sûreté des installations nucléaires françaises que
sées se soit produit dans un pays développé a jeté un Fukushima est, somme toute, assez logique, étant
doute global sur la sûreté nucléaire. donné l’éloignement géographique de Fukushima. Il
Toutefois, là encore, cet effet de Fukushima et de ses n’est cependant pas anodin de constater que les évé-
suites peut (et doit) être relativisé. En effet, dès la fin nements de l’été 2008 ont durablement marqué la
de l’année 2011, la proportion des personnes interro- perception de la sûreté nucléaire par l’opinion, alors
gées qui jugeaient efficace le contrôle des centrales que très peu de gens les ont encore à l’esprit. Pourtant,
nucléaires redevenait majoritaire (53 %). Ce retour ils ont laissé une trace, comme si une présomption
progressif à la confiance peut être attribué à la fois à d’infaillibilité s’était alors évanouie. À l’inverse de
l’éloignement de l’événement, à sa médiatisation et à Fukushima, les incidents de 2008 n’ont pas eu d’im-
la mise en valeur des contrôles engagés en France à pact global sur la perception générale du nucléaire par
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