Table Of ContentANTHOLOGIE DE LA
FELLATION
L'éditeur tient à remercier l'ensemble des éditeurs,
auteurs et leurs ayants droit pour leur aide.
© Dynamite 2018
Conception graphique : Monique Plessis
ISBN : 978-2-36234-788-7
Dynamite, 122 rue du Chemin-Vert -75011 Paris
www.bd-adultes.com
ANTHOLOGIE DE LA
FELLATION
Sommaire
Autopsie d'une pratique universelle Le Parfum de l'invisible (Milo Manara)................118
(et mal-aimée)..........................................................7
Le retour des ménagères (Armas).......................120
ALraune (Toni Greis) .............................................22
L'Enquêteuse (Georges Pichard).......................... 122
Amabilia (Eloïse & Thomas Raven).........................28
Les Folles Nuits de Cryptée (Ardem)................... 124
Astaroth et Bernadette (Coax & Ensis)..................31
Les Petites Vicieuses (Monica & Beatriz)................128
Bang Bang (Jordi Bernet & Carlos Trillo).............. 35
L'Esclave sexuelle (Bruce Morgan).......................132
Beba, les 110 pipes (Roberto Baldazzini).............. 38
L'Espionne (Coq)..................................................134
Casino (Leone Frollo).............................................42
L'Institutrice (Bruce Morgan).................................137
Cent pudeurs (Joël Jurion)...................................... 47
Liz & Beth (G. Lévis).............................................. 139
Chantages (Ardem)................................................ 49
Lou, taxi de nuit (Jacobsen).................................141
Coup de frein sur la côte (Roxane Lumeret) . . .52
The Lust of Us (Hardlard & Dickman)................... 146
Curiosités perverses de Sophie (Erich von Gotha) 54
Ma tante adorée (Laura Bagliani
Druuna (Paolo Eleuteri Serpieri)............................62 & Alessandro Scalzo).............................................. 152
Erma Jaguar (Alex Varenne)...................................65 Madame (Jack-Henry Hopper)..............................156
Exposition (Ignacio Noé) ...................................... 67 Les Malheurs de Janice (Erich von Gotha) . . .160
Histoire d'O (Guido Crepax) ............................... 69 Norse (James Lemay)........................................... 163
Hot Moms(Rebecca).................................................72 Oh I Giovanna ! (Giovanna Casotto)................... 168
Julia (Oison) ...........................................................74 Vacances de rêve (Ardem).................................... 172
La Chambre de verre (Axel)...................................79 Ombre & Lumière : Films amateurs (Quinn) ..174
La Décharge mentale (Bastien Vivès)......................82 Peanut Butter (Cornnell Clarke)..............................180
La Mauvaise Elève (Ardem)...................................84 Poupée (Pitek).........................................................184
Ombre & Lumière : L'Arrangement (Quinn) . . .86 Premières fois (Sibylline)........................................190
La Pharmacienne (Igor & Boccère)........................ 90 Royal Gentlemen Club (Nicky)..............................193
La Revanche (Bruce Morgan)...................................93 Sabina (Paula Meadows)........................................197
La Survivante (Paul Gillon)...................................... 95 Sex in Italy (Luca Tarlazzi)....................................... 201
La Voie de Laura (Pylate)......................................... 97 Sexy Stories (Coax).............................................. 205
La Folle Nuit de Tina (Hodges ?)....................... 101 Sexy Symphonies (Francisco Solano Lopez) . . . 208
L'Accordeur (Ignacio Noé).................................... 106 Les Aventures de Timmy (Roscoe)...................... 212
L'Antre de la terreur (Francisco Solano Lôpez Vidéos privées (Ardem)....................................... 215
& Ricardo Barreiro)..................................................108
Ombre & Lumière : La Stagiaire (Quinn). . . .217
Le Carnet de Solange (Saxkal)............................. 111
Le Couvent infernal (Ignacio Noé &
Ricardo Barreiro..................................................... 114
Les lèvres rouges de Casotto. Giovanna ! Si ! par Giovanna Casotto.
Autopsie l me fait mettre à genoux, et
«
se collant à moi dans cette
posture, ses perfides pas
d'une pratique sions s'exercent en un lieu
qui m'interdit pendant le
sacrifice le pouvoir de me
universelle plaindre de son irrégularité. »
Ainsi le marquis de Sade évoque-t-il, dans une
langue toute d'euphémismes et, paradoxalement, de
(et mal-aimée) lubricités franches, la fellation qu'accepte docilement
Justine (Justine ou les Malheurs de la vertu, 1791). Si
cet écart entre la force érotique de la situation - la
jeune Justine est abusée par une bande de moines
pervers - et les mots employés pour la décrire tient
en partie de l'époque où est imaginé le texte (quoique
Sade, par ailleurs, sait se montrer direct), il nous
semble tout à fait symbolique de l'ambiguïté dans
laquelle baigne la fellation. Car, à dire vrai, rares
sont les pratiques sexuelles à diviser autant qu'elle.
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On trouverait probablement une majorité de témoins
pour regarder la sodomie avec crainte ou dégoût, ou
pour juger la position du missionnaire ennuyeuse,
mais interrogez-les sur la fellation, les avis aussitôt
divergent, hésitent, se contredisent. Les enquêtes
sur la sexualité de nos contemporains révèlent une
opposition nette (bien qu'elle ait tendance à s'ame
nuiser ces dernières décennies) entre les sexes :
la fellation serait la pratique préférée de ces mes
sieurs, mais elle serait encore largement rejetée par
les femmes. Contre-nature pour certains, au même
titre que la sodomie, en tant que dévoiement de la
pénétration procréatrice, naturelle et parfaitement
intégrée par d'autres, acte pervers et humiliant pour
les uns, préliminaire éculé et dispensable pour leurs
opposants, au point que les amateurs de vidéos X
sont nombreux à « zapper » ce passage obligé de
// A.' Kutr. /><r jri ,-M.
la pornographie pour entrer plus vite dans le vif du
sujet... La fellation s'invite jusque dans les débats sur
l'égalité femmes-hommes, et provoque là aussi des
réactions contraires : on la présente tantôt comme le
symbole du patriarcat -où l'homme égoïste soumet
la femme dans une position dégradante, et ce pour
son seul plaisir (et alors la fellation s'oppose au cun
nilingus, acte de bonté et d'ouverture d'esprit par
excellence)-, tantôt comme une prise de pouvoir
éclatante des femmes, qui par cette pratique sortent
Des conséquences supposées de la masturbation sur l'organisme..
Dans un traité anonyme daté de 1830. de la passivité et tiennent le plaisir des hommes
entre leurs mains. Un vieux et tenace cliché tend
À mi-chemin entre l'illustration et la bande dessinée :
d'ailleurs à faire de celles qui pratiquent la fellation
Griffes d'Anges, par Moebius.
des femmes faciles, lascives, ou au contraire, et pire
encore, de dangereuses séductrices - dans le roman
bourgeois des xixe et xxe siècles, les maris dont les
femmes leur refusent cette gâterie vont la chercher
auprès de prostituées ou d'amantes.
Au-delà des avis dictés par la morale, la fella
tion divise car elle est le lieu d'une lutte symbolique,
entre sexes et entre conceptions contraires de la
sexualité, comme si d'une fellation devaient néces
sairement se dégager un gagnant et un perdant
- et c'est peut-être là, justement, que se situe sa
force érotique, nourrie par les enjeux de pouvoir -
fussent-ils fantasmés. Qu'on l'aime ou non, la pra
tique n'en est pas moins ancrée depuis belle lurette
dans la culture populaire, et si, nouvelle preuve de
son infréquentabilité, le terme fellation n'est entré
dans le Petit Robert qu'en 1984, les artistes et les
fabricants de bons mots n'ont pas attendu cette
date pour ancrer la pratique dans notre imaginaire.
Depuis la petite phrase attribuée à Clémenceau
au sujet de Félix Faure, mort dans les bras de sa
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maîtresse en 1899 (« Il s'était cru César, et il est autre raison de l'ambiguïté où se débat la fella
mort Pompée »), jusqu'aux célèbres Sucettes à l'anis tion : parce qu'elle révèle une sexualité incontrôlée,
de France Gall et Serge Gainsbourg (1966) (elles- « débordante », elle fut très tôt suspecte aux yeux
mêmes inspirées par les équivoques sucres d'orge des moralistes, qui y virent une manifestation de la
d'Apollinaire) en passant par les scènes graveleuses bestialité dans le monde des hommes, où elle n'a
de la série «San Antonio», dans laquelle Thierry pas sa place. Rappelons qu'au xixe siècle, les « fel-
Leguay s'est amusé à dénombrer plus de cent méta latores » étaient pointés du doigt par les penseurs
phores à la fellation1, citant au passage ce délicieux réactionnaires, qui voyaient en eux les nouveaux
extrait, tiré de Ceci est bien une pipe (1999) : décadents, incapables de mesure. Ces suspicions,
« Baiser sans entrain est à la rigueur suppor nous allons le voir, ne datent pas d'hier...
table. Mais une turlute du bout des lèvres me semble
intolérable car c'est cette pratique qui donne la
pleine mesure de la passion. »
Une (très) brève histoire
Les histoires de fellation ne manquent pas et
ressurgissent dès que l'on creuse un peu dans sa
de la fellation
mémoire. Encore n'avons-nous cité là qu'une infime
série d'exemples, oubliant la célèbre Fille de joie
de Picasso, les poèmes outranciers de Maupassant
(«En ta bouche à chicots, pareille aux trous d'égout L'histoire et l'archéologie nous ont livré des
/ Prends mon braquemard dur et gros comme une témoignages attestant la pratique de la fellation
poutre» - sic !) ou, plus proche du présent ouvrage, dans de nombreuses civilisations, et à diverses
la fellation de Cosette et Jean Valjean par l'imperti époques. Si l'on trouve bien quelques scènes dès
nent Gotlib, dans les premiers temps de L'Écho des la préhistoire, sur les peintures rupestres, c'est chez
Savanes - nous y reviendrons. Toutes ces scènes les anciens Égyptiens que la fellation semble pour
nous donnent à voir une fellation joyeuse, souvent la première fois prendre un rôle important, au point
associée à la fougue des jeunes amants, à l'envie de passer dans le mythe et la théologie. Ainsi, un
de satisfaire, et c'est cet idéal dont a hérité la por célèbre mythe, représenté à de nombreuses reprises
nographie filmée, qui met en scène des fellations sur les hiéroglyphes et dans l'art égyptiens, fait le
baveuses en gros plan, dont le summum de l'éro récit de la mort et de la résurrection d'Osiris. Noyé
tisme s'exprime dans la gorge profonde, le deep dans le Nil par son frère Seth puis découpé en
throat américain. Et nous pointons ici du doigt une morceaux, le dieu le plus aimé du panthéon égyp
tien est ranimé par Isis, qui le remembre et, pour
1. La Fabuleuse histoire de la fellation, La Musardine, 2014
Un satyre et une nymphe sur une mosaïque
de La Maison du Faune, à Pompéi.
Isis rend vie
à Osiris sur le
papyrus d'Ani.
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insuffler la vie dans ce monstre de Frankenstein,
lui procure une fellation salvatrice. Cette histoire
accrédite les observations des historiens, selon les
Fellation à la romaine, ici illustrée par Édouard-Henri Avril.
quelles les Égyptiens étaient un peuple aux mœurs
sexuelles particulièrement impudiques : il n'y était
pas honteux d'exhiber un sexe en érection, symbole
de la genèse de toute vie. Par ailleurs, les prostituées
égyptiennes passaient pour les meilleures fellatrices
de Méditerranée dans l'Antiquité, et seraient les pre
mières femmes à avoir utilisé le rouge à lèvres, à des
fins qu'on imagine... Ces mœurs auraient perduré
un bon millier d'années, jusqu'à l'époque romaine
où la reine Cléopâtre VII, amante de Jules César puis
de Marc-Antoine, avait la réputation d'une experte
en la matière. Surnommée « Grande Bouche » par les
chroniqueurs, elle aurait acquis sa science dans les
bordels d'Alexandrie. Une rumeur de cour prétend
même que la reine des reines aurait, pour parfaire
son talent, sucé en une seule journée cent soldats
Scène érotique
de sa garde rapprochée ! Dès lors, on comprend que
sur un bas-relief
actuellement
ses contemporains, les Romains en premier lieu,
exposé à Cluny.
n'aient pas su résister à ses charmes.
Les Romains, parlons-en, partageaient avec les
Grecs la vision duale de la sexualité, qui au-delà
de l'opposition entre sexes divisait l'humanité
entre actifs d'un côté, passifs de l'autre. La virilité,
et donc le pouvoir, revenait à celui qui maîtrisait le
Le célèbre 69 d'Orissa, sculpté sur le pilier d'un temple.
jeu sexuel, tandis qu'étaient relégués du côté de
la passivité les femmes et les « efféminés ». Ainsi,
s'il n'était absolument pas méprisable d'être sucé,
celui qui pratiquait la fellation s'attirait le mépris de
ses concitoyens. Les Anciens faisaient un lien étroit
entre passivité et mollesse, or la mollesse entrait
en contradiction avec les qualités demandées à
l'homme de bien, rigueur, morale, courage, tous
traits constitutifs du bon citoyen. Au même titre que
la sodomie, la fellation avait un caractère dégra
dant pour qui la subissait, et on ne compte plus les
avertissements aux ennemis et voleurs (dans les
poèmes ou les graffiti antiques), qu'on menaçait de
« leur mettre dans la bouche », en guise de punition
humiliante. L'image pouvait aussi être utilisée pour
décrédibiliser un adversaire politique, que le peuple
regardait avec suspicion dès lors qu'il le soupçon
nait d'être un fellateur. Ainsi ce passage de VHistoire
d'Auguste, écrite par un opposant à Commode, qui
accuse ce dernier par ces mots sans appel :
« Il fut dépravé, méchant, cruel, libertin ; il se
laissa souiller et salir la bouche. »
Ou encore, côté grec, les accusations similaires
proférées en pleine assemblée du peuple contre des
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