Table Of ContentANNÉE
2015
THÈSE
/UNIVERSITÉ
DE
RENNES
1
sous
le
sceau
de
l’Université
Européenne
de
Bretagne
pour
le
grade
de
DOCTEUR
DE
L’UNIVERSITÉ
DE
RENNES
1
Mention
:
Droit
Ecole
doctorale
SHOS
présentée
par
Jacques
HEMON
Préparée
à
l’unité
de
recherche
IODE-‐CEDRE
UMR
CNRS
62-‐62
Institut
de
l’Ouest
:
Droit
et
Europe
IODE
Thèse
soutenue
à
Rennes
le
26
juin
2015
Intitulé
de
la
thèse
devant
le
jury
composé
de
:
Yves
PETIT
Le
rôle
de
la
Cour
de
Justice
de
Professeur,
Université
de
Lorraine,
rapporteur.
l’Union
Européenne
dans
le
Florence
AUBRY-‐CAILLAUD
Professeur,
Université
de
Bordeaux,
processus
de
constitution
et
rapporteur.
Danielle
CHARLES
LE
BIHAN
Professeur,
Université
de
Rennes
1,
d’évolution
du
marché
intérieur
membre.
Daniel
GADBIN
des
marchandises.
Directeur
de
thèse,
Université
de
Rennes
1
1
à
Viviane,
Maïwenn,
Sterenn
2
SOMMAIRE
Sommaire
3
Introduction
5
Première
partie
:
L’élaboration
d’un
mode
d’emploi
du
marché
intérieur
à
l’interface
du
traité
et
des
législations
communautaires
et
nationales
39
Titre
1
–
La
jurisprudence
constructive
de
la
Cour
de
Justice
41
Chapitre
1
–
L’effet
«
Big-‐Bang
»
de
«
l’arrêt
Cassis
de
Dijon
»
42
Chapitre
2
–
Une
jurisprudence
constructive
bornée
par
le
respect
des
compétences
étatiques
et
l’état
de
la
législation
de
l’Union
Européenne
60
Titre
2
:
Le
difficile
compromis
entre
l’efficacité
de
l’action
de
la
Cour
et
sa
légitimité
124
Chapitre 1- Un pouvoir d’influence de la CJCE/CJUE potentiellement défavorable
aux valeurs non économiques 126
Chapitre 2- Une conciliation nécessaire mais difficile entre l’objectif d’ un
marché unique et la nature complexe du marché et des mar-
chandises 164
Seconde
partie
:
La
recherche
laborieuse
d’une
cohérence
jurisprudentielle
pour
concilier
le
marché
intérieur
et
les
nouvelles
politiques
de
l’Union
235
Titre
1
–
Une
jurisprudence
soucieuse
d’adaptation
à
l’évolution
du
système
des
politiques
de
l’Union
236
Chapitre
1
–
Une
jurisprudence
pragmatique
illustrée,
en
amont,
par
une
interprétation
évolutive
du
champs
d’application
des
articles
34
et
36
TFUE
236
Chapitre
2-‐
Une
jurisprudence
pragmatique
illustrée,
en
aval,
par
une
interprétation
évolutive
des
conditions
et
des
motifs
de
dérogation
à
l’interdiction
des
entraves
aux
échanges
:
l’exemple
du
principe
de
précaution
292
Titre
2
:
Les
clés
d’une
jurisprudence
légitime
316
Chapitre
1
–
Une
jurisprudence
légitimée
grâce
aux
critères
combinés
des
compétences
étatiques
et
des
valeurs
non
économiques
317
Chapitre
2
–
Une
évolution
souhaitable
vers
l’unité
jurisprudentielle
fondée
sur
le
critère
revisité
de
l’accès
au
marché
348
3
Conclusion
générale
434
Bibliographie
455
Table
des
matières
466
4
LE RÔLE DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE DANS LE
PROCESSUS DE CONSTITUTION ET D’EVOLUTION DU MARCHE INTERIEUR
DES MARCHANDISES
Jacques HEMON
Introduction
Le 25 juillet 2012, le ministre français du Redressement Productif annonçait le lancement
d’une campagne de publicité financée par l’État et destinée à promouvoir le « made in
France ».1 On ne fera pas l’injure à un membre du gouvernement français, avocat de surcroit,
d’imaginer un instant qu’il ait pu ignorer un principe du droit communautaire aussi
fondamental que celui de la libre circulation des marchandises. En effet, la Cour de justice de
l’Union européenne (CJUE)2 condamne les mesures protectionnistes auxquelles il convient
sans équivoque d’associer les dispositions incitant au chauvinisme économique.3 Au delà de
son caractère politique,4 une telle déclaration provenant du gouvernement d’un État membre
fondateur de la CEE ne raisonne-t-il pas comme l’aveu d’un échec ? A tout le moins ne
révèle-t-il pas le caractère inachevé du marché intérieur (A) plus d’un demi siècle après la
signature du Traité de Rome, alors même que la réalisation dudit marché demeure l’une des
fondations du projet politique de l’Union européenne ? La réponse à cette question passe
inévitablement par l’observation du rôle fondamental exercé en ce domaine par l’organe
juridictionnel de l’UE qui se situe à l’interface du traité, du droit communautaire et des
1 « Le gouvernement engagera une campagne de mise en valeur du « Made in France » de l’automobile française et nous
avons demandé avec (la ministre de la Culture) Aurélie Filipetti, à des cinéastes engagés de signer grâce à leur rayonnment
international, leur talent, les publicités en faveur de l’automobile française et du fabriqué en France ». (Extrait du discours
de Monsieur Arnaud Montebourg, à l’issue du Conseil des ministres, le 25 juillet 2012). Les encouragements à acheter
français étaient repris par la ministre du Commerce extérieur, Madame Nicole Bricq lors d’une allocution en début d’année
2013.
2 Nouvelle dénomination de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) depuis le traité de Lisbonne.
3 Arrêt du 24 novembre 1982, « Commission des Communautés européennes contre Irlande », affaire 249/81, Rec. 1982, p.
4005.
Voir également les conclusions de l’avocat général M. M. Poiares Maduro dans l’arrêt du 14 septembre 2006, « Alfa Vita
Vassilopoulos et Carrefour-Mrinopoulos » affaires C-158/04 et C-159/04, Rec. 2006, p. I-8135, point 43 :
« Toute discrimination à raison de la nationalité, qu’elle soit directe ou indirecte est prohibée. Il est évident, par exemple
qu’un programme de campagne publicitaire faisant la promotion de l’achat de produits nationaux au détriment des échanges
intracommunautaires constitue une infraction aux règles du traité. »
4 …dont l’analyse se trouve en dehors du sujet de notre étude.
5
législations nationales (B) et contribue à l’élaboration d’un véritable mode d’emploi du
marché intérieur (C). Celui-ci se matérialise dans des arrêts fondateurs dont on appréciera le
caractère interventionniste et téléologique dans le domaine de la libre circulation des
marchandises (D). Notre introduction est également l’occasion de préciser l’objet de notre
réflexion et la méthodologie employée (E).
A- Le marché intérieur, une œuvre inachevée
Selon la lettre du traité, le marché intérieur est largement conditionné par une économie
compétitive gage d’un « développement harmonieux et équilibré des activités économiques
dans l’ensemble de la Communauté, d’une croissance durable … d’un niveau d’emploi et de
protection sociale élevé, d’un relèvement du niveau et de la qualité de la vie … ».5 C’est
pourquoi, l’article 2 du traité CE accorde à l’établissement du marché commun une place
prééminente, tandis que l’article 26-2 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
précise que « le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel
la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée
selon les dispositions du traité ». La première de ces libertés constitue l’ « un des fondements
de la Communauté »6 et correspond logiquement à la liberté économique la plus aboutie en
tant que « première étape du marché intérieur ».7
Les premières étapes de la construction du marché intérieur des marchandises sont inscrites
dans les traités originels.8 Cependant, grâce au nombre restreint des États fondateurs et à une
conjoncture économique favorable, l’Union douanière a été réalisée dès le mois de juillet
5 Ces vertus attribuées au marché unique sont soulignées par le Président de la Commission européenne, M. José Manuel
Barroso dans sa lettre de mission à M. Mario Monti, le 20 octobre 2009 : « Un affaiblissement du marché unique éroderait la
base de l’intégration économique et de la croissance et de l’emploi dans l’Union européenne à un moment où l’émergence de
nouvelles puissances mondiales et de grands défis environnementaux rendent la cohésion communautaire plus nécessaire
que jamais dans l’intérêt des citoyens européens et de la gouvernance mondiale. » Rapport au Président de la Commission
européenne José Manuel Barroso, présenté par M. Mario Monti le 9 mai 2010.
6
Voir
notamment
les
arrêts
du
9
décembre
1997,
«
Commission
contre
France
»,
Rec.
1997,
p.
I-‐6959,
point
24;
du
30
avril
1996,
«
CIA
Security
International
»,
affaire
C-‐194/94,
point
40;
du
12
juin
2003,
«
Schmidberger
»,
affaire
C-‐
112/00,
Rec.
2003,
p.
I-‐5659,
point
78
;
du
15
novembre
2005,
«
Commission
contre
République
d’Autriche
»,
affaire
C-‐320/03,
Rec.
2005,
p.
I-‐9871,
point
63
;
du
14
septembre
2006,
«
Alfa
Vita
Vassilopoulos
et
Carrefour-‐Marinopoulos
affaires
»,
C-‐158/04
et
C-‐159/04,
Rec.
p.
I-‐8135,
point
14.
7
Malcom
Jarvis,
“The
application
of
EC
Law
by
National
Courts
-‐
The
free
Movement
of
Goods”
Malcolm
Jarvis,
Clarendon
Press-‐Oxford,
1988,
p.
3.
A noter également la place particulière de la liberté de circulation des marchandises par rapport aux autres libertés dans le
traité sur le fonctionnement de l’UE. Le régime applicable à la première liberté figure dans le titre II de la troisième partie du
traité intitulé « Les politiques et actions internes de l’Union » tandis que les règles applicables aux secondes sont regroupées
dans le titre IV de la même partie. Les principales sources du droit primaire de la libre circulation des marchandises sont
inscrites dans les articles 34 et suivants du TFUE.
8 Article 12 et suivants du traité de Rome.
6
1968, soit avec 18 mois d’avance sur l’échéance fixée. Quant aux obstacles non tarifaires, ils
se sont alors révélés comme de redoutables instruments protectionnistes, plus encore que les
droits de douane. En effet, à l’importation ces derniers pénalisent le produit originaire des
autres États membres mais sans toutefois pouvoir l’exclure totalement du marché
d’importation. En revanche, des normes techniques imposées par l’État d’importation peuvent
conduire à en interdire l’accès à des produits provenant d’États membres plus « laxistes ». La
production à l’échelle de la Communauté requiert alors la mise aux normes des pays
d’exportation, avec pour conséquence une nécessaire diversification de cette production et un
coût unitaire plus élevé.9
Sans aller jusqu’à présenter la réalisation du marché intérieur comme une sorte d’idéal
inaccessible, il faut bien reconnaître que l’œuvre reste inachevée et le restera pour longtemps
encore,10 même si la lettre du traité pouvait laisser croire le contraire. L’article 7 A du traité
CE n’affichait-il pas la prétention d’établir progressivement le marché intérieur à l’échéance
du 31 décembre 1992 ?11 La réalité s’est cruellement révélée aux autorités communautaires.
La nature de la tâche n’est pas étrangère à cet état de fait. Le rapport Monti précité explique
cette situation par le constat que les produits évoluent constamment en fonction des goûts des
consommateurs et des nouvelles technologies. Il relève également que les obstacles liés aux
pratiques et aux réglementations nationales perdurent.12
Les décideurs et les acteurs de la réalisation du marché intérieur l’ont bien compris. La prise
de conscience des premiers apparaît à la lecture des modifications apportées par le traité de
Lisbonne. La version consolidée du traité sur l’Union européenne dispose en effet dans son
article 3 que « L’Union établit un marché intérieur » tandis qu’une version plus modeste et
réaliste dispose dans son article 26 que « l’Union adopte les mesures destinées à établir ou
assurer le fonctionnement du marché intérieur …». Face à la crise, le marché intérieur
9 Dans un tel contexte inégal de concurrence, les PME sont particulièrement pénalisées. Voir Nicolas Moussis, « Accès à
l’Union européenne : droit, économie, politique », Rixensart, European Study Service, 13ème édition révisée).
10 « Le marché unique est à l’origine une idée de l’Europe, il est aussi son œuvre inachevée. …Par chaînons manquants et
blocages, on entend que, dans de nombreux domaines, le marché unique existe en théorie, mais que, dans la pratique de
multiples barrières et obstacles réglementaires fragmentent les échanges commerciaux à l’intérieur de l’UE et
compromettent l’initiative économique et l’innovation. » (extrait du rapport Monti précité, p. 43).
Voir également les conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire du 9 février 1995, « Leclerc-Siplec », affaire C-
412/93, Rec. 1995, p. I-179.point 21 : « Dans des marchés qui, malgré le processus d’intégration économique amorcé par le
traité, sont toujours dans une large mesure divisés et cloisonnés en suivant le tracé des frontières nationales, il est probable
que les marques connues appartiennent de manière prédominante à des producteurs nationaux. »
11 « La communauté arrête les mesures destinées à établir progressivement le marché intérieur au cours d’une période
expirant le 31 décembre 1992… »
12 Rapport Monti : L’auteur du rapport explique que pour les raisons précitées, ce serait une erreur de croire que le processus
est achevé.
7
redevient pour l’exécutif communautaire un axe majeur qualifié d’« objectif stratégique ».
Nul doute que la Cour de justice de l’Union européenne se trouve au cœur du dispositif qui
doit conduire à sa réalisation.
B- La CJUE à l’interface du traité, du droit communautaire dérivé et des législations
nationales
Aux termes de l’article 4 du traité de Rome, la Cour devait contribuer à la réalisation des
tâches confiées à la Communauté.13 Cette phrase lapidaire traduit mal l’influence de sa
jurisprudence sur l’interprétation et la mise en œuvre du principe de libre circulation des
marchandises.
D’une manière générale, l’influence de la CJCE/CJUE s’explique d’abord par le cadre
original, pour ne pas dire exceptionnel dans lequel elle est appelée à intervenir. Le
renoncement par les États membres à une partie significative de leur souveraineté au profit de
la Communauté dans un processus d’intégration, impliquait l’existence de règles impératives
et la présence d’un organe juridictionnel de contrôle. Or, le niveau ou la qualité de
l’intégration d’un ensemble régional se reflète dans la nature et le fonctionnement de ses
institutions. Précisément, le rôle dévolu au juge communautaire constitue à cet égard un
révélateur du degré d’intégration institutionnelle et normative de l’Union européenne.
Naturellement, ce constat vaut également pour les autres ensembles régionaux, même si
l’observation de différents modèles d’intégration régionale révèle une grande diversité. En
effet, si la Cour de justice des communautés européennes a longtemps servi de modèle (au
point d’être parfois citée expressément dans les décisions d’autres juridictions),14 l’Union
européenne n’est plus aujourd’hui le seul ensemble régional disposant d’une juridiction
permanente et indépendante des États membres et soumis à son autorité. Observons le
continent africain qui compte une douzaine de juridictions régionales,15 mais aussi
l’Amérique latine,16 sans oublier l’Europe.17
13 Article 4 du traité de Rome : « La réalisation des tâches confiées à la Communauté est assurée par : un Parlement
européen ; un Conseil ; une Commission ; une Cour de justice... ».
14
Cour
de
justice
SICA,
du
27
novembre
2001,
Nicaragua
vs
Honduras
(La
Cour
SICA
se
réfère
expressément
aux
arrêts
Costa
/
Enel
(
CJCE,
15
juillet
1964,
«
Costat
contre
E.N.E.L.
»,
affaire
6/64,
Rec.
1964,
p.
1141)
et
Van
Gend
en
Loos
(5
février
1963,
«
Van
Gend
&
Loos
»,
affaire
26/62,
Rec.
1963,
p.
3)
de
la
CJCE.
Voir
Eric
Carpano,
«
Le
règlement
des
litiges
dans
les
intégrations
régionales
internationales
–
Essai
de
typologie,
in
«
Les
intégrations
régionales,
une
approche
comparative
»,
p.
45,
sous
la
direction
de
Jacques
Hémon,
Edition
Octares
(2013).
15 Cour africaine des droits de l’homme, Cour de l’Union africaine et de la Communauté économique africaine, Instance
judiciaire de l’Union du Magrheb Arabe (UMA), Cour de la Communauté d’Afrique de l’est (EAC), Cour du Marché
commun d’Afrique orientale et centrale (COMESA), Tribunal de la Communauté pour le développement de l’Afrique
8
De plus, une étude comparative des organes judiciaires ou juridictionnels des intégrations
régionales démontre que le modèle de la CJCE/CJUE est parfois dépassé par des juridictions
cumulant des fonctions internes et régionales.18
Ainsi le rôle et le fonctionnement de ces institutions permettent une distinction et un
classement parmi les juridictions « communautaires » ou les juridictions internationales
classiques. Les premières partagent plusieurs traits communs témoignant du degré
d’intégration des organisations auxquelles elles appartiennent.
Le premier de ces traits tient à la compétence obligatoire et exclusive de la Cour dans les cas
prévus par les traités. Sur ce dernier point, on reproche parfois à la CJCE/CJUE de dépasser
son rôle de juridiction en imposant des solutions aux États membres dans le cadre du recours
en constatation de manquement, concernant des domaines où les États membres ne disposent
que de pouvoirs limités.19 Peut-on craindre une forme de détournement de pouvoirs ? Il
appartient en réalité à la Cour d’encadrer l’exercice par les États membres de leur compétence
réservée, en veillant notamment à ce que les mesures nationales ne constituent pas des
restrictions déguisées à la libre circulation des marchandises. Cantonnée dans ce rôle, l’action
de la Cour ne peut être assimilée à l’exercice d’un pouvoir normatif.20
orientale (SADC), Cour de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Cour de l’Union économique et
monétaire Ouest Africaine (UEMOA), Cour de la Communauté économique des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC), Cour
commune de Justice et d’arbitrage de l’Organisation de l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA). Voir Eric
Carpano, « Le règlement des litiges dans les intégrations régionales internationales – Essai de typologie (précité).
16 La Cour de justice de la Caraïbe (CARICOM), la Cour de justice andine (SAI) ou la Cour de justice du marché commun
d’Amérique centrale (SICA).
17 Les Cours du BENELUX et de l’AELE et la Cour européenne des droits de l’homme.
18 Notamment en Amérique centrale et dans la Caraïbe. Voir Eric Carpano, « Le règlement des litiges dans les intégrations
régionales internationales – Essai de typologie (précité).
19 Conformément à l’article 258 TFUE, « Si la Commission estime qu’un Etat membre a manqué à une des obligations qui lui
incombent en vertu des traités, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet état en mesure de présenter ses
observations. Si l’Etat en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir
la Cour de justice de l’Union européenne. » L’article 259 du traité ajoute que « chacun des Etats membres peut saisir la
Cour de justice de l’Union européenne s’il estime qu’un autre Etat membre a manqué à une des obligations qui lui
incombent en vertu des traités. Avant qu’un Etat membre n’introduise, contre un autre Etat membre, un recours fondé sur
une prétendue violation des obligations qui lui incombent en vertu des traités, il doit en saisir la Commission. La
Commission émet un avis motivé après que les Etats intéressés ont été mis en mesure de présenter contradictoirement leurs
observations écrites et orales. Si la Commission n’a pas émis l’avis dans un délai de trois mois à compter de la demande,
l’absence d’avis ne fait pas obstacle à la saisine de la Cour. »
En cas d’inexécution de l’arrêt, la Cour peut en vertu de l’article 260 TFUE, infliger à l’Etat récalcitrant, le paiement d’une
somme forfaitaire ou d’une astreinte.
Ajoutons que le rapport Monti (précité) propose que la décision de la Commission constatant une infraction créée, pour l’Etat
membre destinataire, une obligation immédiate de se mettre en conformité, sans préjudice de son droit de contester la
décision devant la CJUE.
20 « Une telle action ne constitue pas un détournement de l’article 152 CE parce qu’elle ne permet pas à la Commission, ni à
la Cour de se substituer à l’Etat membre concerné et d’imposer à celui-ci, une solution plutôt qu’une autre. Elle n’est donc
pas assimilable à un pouvoir normatif. Elle a seulement pour effet d’encadrer l’exercice, par cet Etat membre, de sa
compétence réservée, …, en précisant les limites qui découlent des libertés de circulation que tous les Etats membres se sont
engagés à respecter, en concluant puis en ratifiant le traité. (Conclusions de l’Avocat général Yves Bot, point 91 dans l’
9
Le second trait se traduit par l’accessibilité des particuliers à la Cour (bien que ces derniers ne
soient pas considérés comme des requérants privilégiés devant la CJUE 21), soit directement,
soit indirectement en se prévalant de dispositions du droit primaire ou dérivé à effet direct
devant leurs juridictions nationales.22. Précisément, la Cour a reconnu l’effet direct des règles
du marché intérieur, facteur d’efficacité dans la lutte contre les obstacles aux échanges inter
étatiques, dans la mesure où elle permet une collaboration des agents économiques au
contrôle du respect des règles concernées.23 Toutefois la reconnaissance explicite de l’effet
direct de l’article 30 CE (article 34 TFUE) n’a été explicitement confirmée que tardivement.24
Quant au droit dérivé, l’applicabilité directe des règlements25 génère logiquement un effet
direct au profit des particuliers. Pour autant, la Cour n’exclut pas que les directives, alors
même qu’elles ne sont pas directement applicables, puissent également conférer aux
particuliers des droits dont ils peuvent se prévaloir devant les juridictions nationales. Un tel
effet suppose que le délai de transposition de la directive en question soit écoulé et qu’elle soit
suffisamment précise et inconditionnelle.26
Arrêt du 11 septembre 2008, « Commission des Communautés européennes contre République Fédérale d’Allemagne »,
affaire C-141/07, Rec. 2008 p. 6935).
21 Les possibilités de recours des particuliers devant la juridiction communautaire sont limitées.
Voir en ce sens l’arrêt du 5 mai 2011, « MSD Sharp & Dohme GmbH contre Merckle GmbH », affaire C-316/09, Rec. 2011,
p. I-3249 dans lequel la Cour précise que « l’article 267 TFUE n’ouvre pas de voie de recours aux parties à un litige pendant
devant le juge national de sorte que la Cour ne saurait être tenue d’apprécier la validité du droit de l’Union pour le seul
motif que cette question a été invoquée devant elle par l’une des parties dans ses observations écrites» ( point 23).
Dans l’arrêt du 12 juillet 2012, « Association Kokopelli contre Graines Baumaux SAS », affaire C-59/11 (non encore
publiée), la Cour rappelle que si « des personnes physiques ou morales ne peuvent pas, en raison des conditions de
recevabilité visées au quatrième alinéa de l’article 263 TFUE, attaquer directement des actes de l’Union de portée générale,
ils ont néanmoins la possibilité, selon les cas, de faire valoir l’invalidité de tels actes soit, de manière incidente en vertu de
l’article 277 TFUE, devant le juge de l’Union, soit devant les juridictions nationales et d’amener celles-ci, qui ne sont pas
compétentes pour constater elles-mêmes l’invalidité desdits actes, à interroger à cet égard la Cour par la voie de questions
préjudicielles » (point 34).
22 Une disposition du droit communautaire primaire ou dérivé produit des effets directs lorsqu’elle confère aux particuliers
des droits dont ils peuvent se prévaloir devant leurs juridictions nationales.
23 Arrêt du 24 mars 2009, « Danske Slagterier contre Bundesrepublik Deutschland », affaire C-445/06, Rec.2009, p. I-2119,
La Cour en déduit que « les particuliers qui ont été lésés par la transposition et l’application incorrectes des directives
peuvent se prévaloir du droit à la libre circulation des marchandises afin de pouvoir engager la responsabilité de l’Etat en
raison de la violation du droit communautaire » (point 26).
24 Timmerman Chistian W.A., « La libre circulation des marchandises », in « Trente ans de droit communautaire »,
Collection Perspectives européennes, Bruxelles, Commission des Communautés européennes, 1982, p. 280.
Voir l’arrêt du 22 mars 1977, « Ianelli contre Meroni », affaire 74/76, Rec. 1977, p. 557, point 13 : « Attendu que
l’interdiction des restrictions quantitatives et des MEERQ édictée à l’article 30 du traité…ne nécessite, pour sa mise en
œuvre, aucune intervention ultérieure des Etats membres ou des institutions. Qu’elle a, dès lors, un effet direct et engendre
pour les particuliers des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder… ».
Voir également les arrêts du 29 novembre 1978, « Pigs Marketing Board contre Raymond Redmond », affaire 83/78, Rec.
1978, p.2347, point 66 et du 8 novembre 1979, « Denkavit », affaire 251/78, Rec. 1979, p. 3369, point 3.
25 Les dispositions communautaires directement applicables dans les Etats membres ne nécessitent aucune mesure de
transposition dans les droits nationaux.
26 Arrêt du 5 avril 1979, « Ministère public contre Tullio Ratti », affaire 148/78, Rec. 1979, p. 1629, points 23 et 24.
Le rapport Monti précise que 80% des règles du marché unique sont établies au moyen de directives qui présentent
l’avantage de favoriser un meilleur « ajustement » de son contenu aux situations locales. En revanche les règlements
présentent de meilleures garanties en terme de clarté, de prévisibilité et d’efficacité. Ils garantissent également une plus
grande égalité des citoyens et des entreprises auxquels ils offrent également de plus grandes possibilités de recours (p. 112).
A cet égard, M. Monti relève également que 55% des directives ne sont pas transposées dans les délais requis.
10
Description:d'exécution d'un arrêt constatant un manquement, elle peut directement saisir la Cour après avoir mis cet Etat en demeure de présenter ses observations. Ainsi, l'étape de l'émission d'un avis motivé disparait. (Voir Van Raepenbusch Sean, Chronique de jurisprudence relative au contentieurx de