Table Of ContentN. BOURBAKI
N. BOURBAKI
ALGÈBRE
COMMUTATIVE
Chapitres 5 à 7
Réimpression inchangée de l'édition originale de 1975
O Hennan, Paris, 1975
O N. Bourbaki, 1981
O Masson, Paris, 1990
O N. Bourbaki et Springer-Verlag Berlin Heidelberg 2006
ISBN-10 3-540-33939-6 Springer Berlin Heidelberg New York
ISBN-13 978-3-540-33939-7 Springer Berlin Heidelberg New York
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CHAPITRE V
ENTIERS
Sauf mention expresse du contraire, tous les anneaux et toutes les
algèbres considérés dans ce chapitre sont supposés être commutatifs
et avoir un élément unité; tous les homomorphismes d'anneaux
sont supposés transformer l'élément unité en l'élément unité. Par un
sous-anneau d'un anneau A, on entend un sous-anneau contenant
l'élément unité de A.
5
1. Notion d'élément entier.
1. Eléments entiers sur un anneau
THÉORÈME 1. - Soient A un anneau (commutatif), R
une algèbre sur A (non nécessairement commutative), x un
élément de R. Les propriétés suivantes sont équivalentes:
(E,) x est racine d'un polynôme unitaire de l'anneau de polynômes A[X].
(E,,) La sous-algèbre A[$] de R est un A-module de type fini.
(EIII)I l existe un module fidèle sur l'anneau A[x]q ui est un A-module
de type fini.
Montrons d'abord que (E,) entraîne (E,,). Soit
un polynôme unitaire de A[X] ayant x pour racine; pour tout
entier q ), O, soit M, le sous-A-module de R engendré par
l,x, ..., xn+Q. On a
6 ENTIERS
pour tout q ), 1, d'où, par récurrence sur q,
M, = Mq-l = . . . = Mo.
On en conclut que A[x] est égal à Mo et est donc un A-module
de type fini.
Comme l'anneau commutatif A[x] est un module fidèle sur
lui-même, ( E ) entraîne (EIII).
Enfin, le fait que (E,) entraîne (E,) résultera du lemme
plus précis suivant :
Lemme 1. - Soient A un anneau, R une algèbre (non néces-
sairement commutative) sur A, x un élément de R. Soit M
un module fidèle sur A[x] qui soit un A-module de type fini. Si
q est un idéal de A tel que XM c qM, alors x est racine d'un poly-
nôme unitaire à coeficients dans A, dont tous les coefficients autres
que le coeficient dominant appartiennent à q.
En effet, soit (u;),~;~u, ne famille finie d'éléments de M
n
telle que M = Au;. Pour tout i, il existe par hypothèse une
i=l
famille finie (qij),GjGn d'éléments de q telle que
Par suite (Alg., chap. III, 3e éd., 3 B), si d est le déter-
minant de la matrice , (qij- 4,x) à éléments dans A[x] ($,
désignant l'indice de Kronecker), on a dui = O pour tout i,
donc dM = O; comme M est supposé être un A[x]-module
fidèle, on a nécessairement d = O. Cela signifie que x est racine
du polynôme det(qij - SijX) de A[X] qui, au signe près, est un
polynôme unitaire dont les coefficients autres que le coefficient
dominant appartiennent à q.
DÉPINITION1. - Soient A un anneau, R une A-algèbre (non
nécessairement commutative). On dit qu'un élément x cz R est
entier sur A s'il vérifie les propriétés équivalentes (E,), (El,),
(E,,,) du th. 1.
Une relation de la forme P(x) = O, où P est un polynôme
unitaire de A[X], est encore appelée équation de dépendance
intégrale à coefficients dans A.
Exemples. - 1) Soient K un corps (commutatif), R une
K-algèbre; dire qu'un élément x R est entier sur K équivaut
E
à dire que x est racine d'un polynôme non constant de l'anneau
K[X]; généralisant la terminologie introduite lorsque R est une
extension de K (Alg., chap. V, 5 3, no 3), on dit aussi que les élé-
ments z e R entiers sur K sont les éléments de R algébriques
sur K.
*
2) Les éléments de Q(i) entiers sur l'anneau Z sont les
+
éléments de la forme a ib avec a E Z et b e Z (« entiers de
Gauss N); les éléments de ~(\/5) entiers sur Z sont les éléments
+
de la forme (a b\/5)/2, où a et b appartiennent à Z et sont
tous deux pairs ou tous deux impairs (pour ces deux exemples,
voir exerc. l).,
3) Les nombres complexes entiers sur Z sont encore appelés
entiers algébriques.
Remarques. - 1) Soit A' le sous-anneau de R (contenu
dans le centre de R) image de A par l'homomorphisme d'an-
neaux A -+ R qui définit la structure de A-algèbre de R. Il
est clair qu'il est équivalent de dire qu'un élément de R est entier
sur A ou qu'il est entier sur A'.
2) Soit R' une sous-A-algèbre de R;. les éléments de R'
qui sont entiers sur A ne sont autres que les éléments de R qui
sont entiers sur A et appartiennent à RI; ceci permet souvent
de ne pas spécifier l'algèbre à laquelle appartient un élément
entier sur A, lorsqu'il n'en résulte pas de confusion.
PROPOSITI1O. N- Soient A un anneau, R une algèbre
sur A (non nécessairement commutative), x un élément de R. Pour
que x soit entier sur A, il faut et il suffit que A[x] soit contenu
dans une sous-algèbre R' de R qui soit un A-module de type fini.
La condition est évidemment nécessaire en vertu de la
propriété (E,,); elle est suffisante en vertu de (E,,,), car R'
est un A[x]-module fidèle (puisqu'il contient l'élément unité de R).
COROLLAIR-E. Soient A un anneau noethérien, R une
A-algèbre (non nécessairement commutative), x un élément de R.
Pour que x soit entier sur A, il faut et il suf it qu'il existe un sous-A-
module de type fini de R contenant A[x].
En effet, la condition est nécessaire en vertu de (E,,); elle
est suEsante, car si A[x] est un sous-A-module d'un A-module de
type fini, il est lui-même un A-module de type fini (Alg., chap.
VIII, $ 2, no 3, prop. 7).
8 ENTIERS 8 1
2 On ne peut dans cet énoncé omettre l'hypothèse que A est
noethérien (exerc. 2).
DÉFINITION 2. -Soit A un anneau. On dit qu'une A-algèbre R
(non nécessairement commutative) est entière sur A si tout élément
de R est entier sur A. On dit que R est finie sur A si R est un
A-module de type fini.
Il résulte de la prop. 1 que toute A-algèbre finie est entière;
lorsque R est commutative et est une A-algèbre finie, R est
évidemment une A-algèbre de type fini, la réciproque étant inexacte.
Exemple 4. - Si M est un A-module de type fini, l'algèbre
End,(M) des endomorphismes de M est entière sur A en vertu
de (E,,); en particulier, pour tout entier n, 17algèbre de matrices
Mn(A) = End,(An) est entière (et même finie) sur A.
PROPOSITIO2.N - Soient A, A' deux anneaux, R une
A-algèbre, R' une A'-algèbre (non nécessairement commutatives),
f : A -+ A' et g : R --+ R' deux homomorphismes d'anneaux tels
que le diagramme
f
A-A'
soit commutatif. Si un élément XE R est entier sur A, alors g(x)
est entier sur A'.
+ + +
En effet, si l'on a xn alxn-1 -.- a, = O avec ai a A
pour l ,< i ,( n, on en déduit que
COROLLAIRE1. - Soient A un anneau, B une 14-algèbre
(commutative), C une B-algèbre (non nécessairement commutative).
Alors tout élément x e C qui est entier sur A est entier sur B.
COROLLAIR2E. - Soient K un corps, L une extension de K,
x, x' deux éléments de L conjugués sur K (Alg., chap. V, 5 6,
no 2). Si A est un sous-anneau de K et si x est entier sur A,
x' est aussi entier sur A.
En effet, il existe un K-isomorphisme f de K(x) sur K(xl)
tel que f(x) = x', et les éléments de A sont invariants par f.
no 1 NOTION D'ELÉMENT ENTIER 9
COROLLAIR3.E - Soient A un anneau, B une A-algèbre
(commutative), C une B-algèbre (non nécessairement commutative).
Si C est entière sur A, C est entière sur B.
PROPOSITIO3.N - Soit (Ri)1siGnu ne famille finie de A-al-
n
gèbres (non nécessairement commutatives) et soit R = Ri
i=1
leur produit. Pour qu'un élément x = (xi)1GiGnde R soit entier
sur A, il faut et il sufit que chacun des xi soit entier sur A. Pour
que R soit entière sur A, il faut et il suffit que chacune des Ri
soit entière sur A.
Il suffit évidemment de prouver la première assertion. La
condition est nécessaire en vertu de la prop. 2. Inversement, si
chacun des xi est entier sur A, la sous-algèbre A[xi] de Ri
est un A-module de type fini, donc il en est de même de la sous-
n
algèbre HA[^] de R; comme A[x] est contenue dans cette
i=i
sous-algèbre, x est entier sur A en vertu de la prop. 1.
PROPOSITIO4. N- Soient A un anneau, R une A-algèbre
(non nécessairement commutative), (xi)lGisn une famille finie
d'éléments de R, deux à deux permutables. Si, pour tout i, xi
est entier sur A[x,, . . . , xi-l] (et en particulier si tous les xi sont
entiers sur A), alors la sous-algèbre A[xl, . . . , x,] de R est
un A-module de type fini.
Raisonnons par récurrence sur n, la proposition n'étant
autre que (E,,) pour n = 1. L'hypothèse de récurrence entraîne
que B = A[xl, . . . , x,,-,] est un A-module de type fini; comme xn
est entier sur B, B[xn].= A[x,, . . . , x,] est un B-module de
type fini, donc aussi un A-module de type fini (Alg., chap. II, 3e éd.,
$ 1, no 13, prop. 25).
COROLLAIR1.E - Soient A un anneau, R une A-algèbre
(commutative). L'ensemble des éléments de R entiers sur A est
une sous-algèbre de R.
En effet, si x, y sont deux éléments de R entiers sur A, il
résulte de la prop. 4 que A[z, y] est un A-module de type fini;
+
comme il contient x y et xy, le corollaire résulte de la prop. I.
Dans une algèbre non commutative, la somme et le produit de
deux éléments entiers sur A ne sont pas nécessairement entiers
sur A (exerc. 4).
10 ENTIERS 9 1
COROLLAIR2E. - Soient A un anneau, R une A-algèbre
(non nécessairement commutative), E un ensemble d'éléments de R,
deux à deux permutables et entiers sur A. Alors la sous-A-algèbre B
de R engendrée par E est entière sur A.
En effet, tout élément de B appartient a une sous-A-algèbre
de B engendrée par une partie finie de E.
Remarque 3. - Il résulte de la prop. 4 que toute A-algèbre
commutative entière sur A est réunion d'une famille filtrante
croissante de sous-algèbres finies sur A.
PROPOSITI5O. N- Soient A un anneau, A' et R deux
A-algèbres (commutatives). Si R est entière sur A, R @,A1
est entière sur A'.
R
2
Considérons en effet un élément quelconque XI = xi @ af
i =l
de R @,A', où les xi appartiennent a R et les af a A';
comme xi IB al = (xi @ 1)al, et que les xi IB 1 sont entiers sur A'
(prop. 2), il en est de même de x.
COROLLAIRE-. Soient R un anneau, A, B, C des sous-
anneaux de R tels que A c B . Si B est entier sur A, C[B] est
entier sur C[A].
En effet, B @,C[A] est entier sur C[A] en vertu de la prop. 5,
donc il en est de même de l'image canonique C[B] de B @,C[A]
dans R (considéré comme A-algèbre) en vertu de la prop. 2.
PROPOSITI6O. N- Soient A un anneau, B une A-algèbre
(commutative), C une B-algèbre (non nécessairement commutative).
Si B est entière sur A et si C est entière sur B, alors C est
entière sur A.
Il suffit de voir que tout x c C est entier sur A. Par hypo-
+ + +
thèse, il existe un polynôme unitaire Xn b,xn-' -.. bn
à coefficients dans B, ayant x pour racine; alors x est entier
sur B' = A[b,, . . . , b,] et B'[x] est donc un Br-module de type
fini. Mais comme B est entière sur A, Br est un A-module de
type fini (prop. 4); on en conclut que Br[x] est aussi un A-module
de type fini (Alg., chap. II, 3e éd., $ 1, no 13, prop. 25), et par
suite x est entier sur A.
COROLLAIR-E. Soient A un anneau, R, R' deux A-algèbres
(commutatives) entières sur A. Alors R mAR' est entière sur A.
no 2 NOTION D'ÉLEMENT ENTIER 11
En effet, R 8,R' est entière sur R' (prop. 5), donc la
conclusion résulte de la prop. 6.
2. Fermeture intégrale d'un anneau. Anneaux inté-
gralement clos
DÉFINITION3 . - Soient A un anneau, R une A-algèbre
(commutative). La sous-A-algèbre A' de R formée des éléments
de R entiers sur A (no 1, cor. 1 de la prop. 4) est appelée la ferme-
ture intégrale de A dans R. Si A' est égale à l'image canonique
de A dans R, on dit que A est intégralement fermé dans R.
Remarques. - 1) Si h : A -+ R est 17homomorphisme d'an-
neaux définissant la structure de A-algèbre de R, la fermeture
intégrale de A dans R est aussi celle de h(A) dans R. D'autre
part, si R' est une sous-algèbre de R, la fermeture intégrale de A
dans R' est A' n R'.
2) Si A est un corps, la fermeture intégrale A' de A dans R
est formée des éléments de R algébriques sur A (no 1, Exemple 1);
généralisant la terminologie en usage pour les extensions de corps
(Alg., chap. V, 5 3, no 3)' on dit, encore alors que A' est la fermeture
algébrique du corps A dans l'algèbre R, et que A est algébrique-
ment fermé dans R si A' = A.
DÉFINITION4 . - Si A est un anneau intègre, on appelle
clôture intégrale de A la fermeture intégrale de A dans son corps
des fractions. On dit qu'un anneau est intégralement clos s'il est
intégre et égal à sa clôture intégrale.
2 On notera qu'un anneau intégralement clos n'est pas nécessaire-
ment intégralement fermé dans un anneau qui le contient, comme
le montre l'exemple d'un corps non algébriquement clos.
PROPOSITIO7N. - Soient A un anneau, R une A-algèbre.
La fermeture intégrale A' de A dans R est un sous-anneau
intégralement fermé dans R.
En effet, la fermeture intégrale de A' dans R est entière sur
A en vertu du no 1, prop. 6; elle est donc égale à A'.
COROLLAIRE-. La clôture intégrale d'un anneau intègre A
est un anneau intégralement clos.
Description:Les Éléments de mathématique de Nicolas Bourbaki ont pour objet une présentation rigoureuse, systématique et sans prérequis des mathématiques depuis leurs fondements. Ce deuxième volume du Livre d Algèbre commutative, septième Livre du traité, introduit deux notions