Alexandre le Grand à la lumière des manuscrits et des premiers imprimés en Europe (XIIe-XVIe siècle): Matérialité des textes, contextes et paratextes: des lectures originales

608 Pages·2015·5.75 MB·French

by  Catherine Gaullier-Bougassas

ALEXANDRE LE GRAND À LA LUMIÈRE
DES MANUSCRITS ET DES PREMIERS IMPRIMÉS
EN EUROPE (XIIe - XVIe SIÈCLE)
ALEXANDER REDIVIVUS
Collection dirigée par
Catherine Gaullier-Bougassas
Margaret Bridges
Corinne Jouanno
Jean-Yves Tilliette
Alexandre le Grand à la
lumière des manuscrits et des
premiers imprimés en Europe
(XIIe - XVIe siècle)
Matérialité des textes, contextes et
paratextes : des lectures originales
Sous la direction de
Catherine Gaullier-Bougassas
F
Cet ouvrage a bénéficié d’une aide de l’Agence Nationale de la Recherche
portant la référence ANR-O9-BLANC-0307-01 et s’inscrit à l’intérieur du
programme de recherches sur la création d’un mythe d’Alexandre le Grand
dans les littératures européennes que Catherine Gaullier-Bougassas, profes-
seur à l’Université de Lille 3 et membre de l’Institut universitaire de France,
dirige et qui est hébergé à la MESHS –Maison européenne des Sciences de
l’Homme et de la Société (CPER 2009-2010, ANR 2009-2014).
© 2015, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium.
All rights reserved. No part of this publication may be reproduced stored in a retrieval
system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying,
recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher.
ISBN 978-2-503-55414-3
D/2015/0095/104
Printed in the EU on acid-free paper
Les livres d’Alexandre
Les articles réunis dans ce volume constituent les actes d’un colloque qui
s’est tenu les 12, 13 et 14 juin 2013 à la Maison européenne des Sciences de
l’Homme et de la Société (MESHS) de Lille. Ce colloque a été organisé au
terme d’un programme de recherche de cinq ans qui a réuni dix-sept cher-
cheurs, littéraires et historiens, des universités françaises (Universités de
Lille 3, Catherine Gaullier-Bougassas et Émilie Picherot ; de Picardie, Marie-
Sophie Masse ; de Caen-Basse Normandie, Corinne Jouanno ; de Lyon 2,
Christophe Thierry ; de Paris-Sorbonne, Giusto Traina ; de Toulouse-Le
Mirail, Amaia Arizaleta) et européennes (Universités de Berne, Margaret
Bridges ; de Fribourg, Hugo Bizzarri ; de Genève, Jean-Yves Tilliette et Hélène
Bellon-Méguelle ; de Saint-Tikhon à Moscou, Elena Koroleva ; de Münster,
Alexandru Cizek ; de York, Michele Campopiano ; d’Amsterdam, Janet
van der Meulen ; du Luxembourg, Éloïse Adde-Vomácka; d’Islande, Torfi
Tulinius), spécialistes des domaines médio-latin, français, italien, hispanique
et aljamiado, hébraïque, anglais, allemand, néerlandais, scandinave, byzan-
tin, arménien, tchèque et russe. Ce programme, qui a reçu le soutien de la
MESHS et de l’Université de Lille 3, a été financé par le CPER-Contrat Plan-
État-Région et par l’ANR Agence nationale de la recherche (2009-2014, pro-
gramme blanc 2009, « CREAMYTHALEX », ANR-09-BLAN-0307-01).
Nous remercions toutes ces instances d’avoir rendu possible sa réalisation.
L’objectif central de nos travaux a été la conception et l’écriture d’un
ouvrage d’analyses sur la re-création du mythe d’Alexandre le Grand dans
les littératures européennes du xe au xvie siècle. Cet ouvrage de quatre
tomes est paru en 2014 aux éditions Brepols sous le titre La fascination
pour Alexandre le Grand dans les littératures européennes (xe-xvie siècle).
Réinventions d’un mythe, direction Catherine Gaullier-Bougassas, dans la
collection « Alexander redivivus », créée en 2010 pour le projet ANR. Nous
y avons analysé la transmission et la réception des récits sur le conquérant
macédonien dans toute l’Europe, occidentale et orientale, du xe jusqu’au
début du xvie siècle, leurs adaptations dans chacune des zones linguistiques,
ainsi que la composition d’œuvres inédites. Sans doute plus qu’aucun autre
héros antique, le souvenir d’Alexandre a joué un rôle important dans les
échanges culturels entre les peuples européens, pour l’évolution des littéra-
tures et les transferts de modèles esthétiques, culturels, politiques, éthiques et
aussi scientifiques. L’actualisation du portrait d’une figure aussi polymorphe
6 Catherine GAULLIER-BOUGASSAS
et souple, qui permettait de s’interroger à la fois sur le pouvoir politique et le
savoir, sur l’affirmation de la raison et de la liberté humaines ainsi que sur le
sacré, a permis des réinventions du mythe et la création d’images spécifiques
d’Alexandre. Il s’est agi de mettre au jour, d’analyser et de comparer les cou-
leurs de chacune des littératures européennes et d’examiner leurs interactions,
en lien avec la naissance d’un vaste espace littéraire européen, de l’Espagne
à la Russie, de la Grande-Bretagne à la Grèce byzantine. Après un panorama
des littératures européennes sur Alexandre, nous avons consacré le volume 1 à
« la traduction et l’adaptation, aux sources de la création sur Alexandre dans
les littératures européennes », le volume 2 au « pouvoir royal d’Alexandre :
littérature et politique ; les auteurs, leurs mécènes et leurs publics », le volume
3 à « l’Alexandre scientifique et aventurier : un imaginaire de la connaissance
savante et des lointains exotiques » et au rôle des écrits sur Alexandre dans
la formation d’un espace littéraire européen. Le volume 4 contient enfin un
répertoire des textes du corpus européen sur Alexandre le Grand.
Nous avons fait précéder cet ouvrage de trois publications collectives,
qui, à l’intérieur du corpus médiéval relatif à Alexandre, ont porté sur un
champ d’écriture, puis une période et enfin une légende spécifiques. Le champ
littéraire a été celui des écritures historiques médiévales sur Alexandre, très
peu exploité par la critique bien que très abondant et divers, et jusqu’à pré-
sent sous-estimé quant à son importance et son inventivité (L’historiographie
médiévale d’Alexandre, dir. Catherine Gaullier-Bougassas, 2011, Brepols,
« Alexander redivivus », 1). Quant à la période spécifique, il s’agit du seizième
siècle, lui aussi largement victime de l’oubli dans les études sur la réception
de la figure d’Alexandre (Figures d’Alexandre à la Renaissance, dir. Corinne
Jouanno, 2012, Brepols, « Alexander redivivus », 2). Enfin l’aventure par-
ticulière que nous avons choisie est celle des voyages d’Alexandre au para-
dis, qui nous a permis de nous ouvrir davantage aux littératures hébraïque,
arabe et perse (Les voyages d’Alexandre au paradis : Orient et Occident, regards
croisés, dir. Catherine Gaullier-Bougassas et Margaret Bridges, 2013, Brepols,
« Alexander redivivus », 3).
Parallèlement, nous avons mené des recherches sur le Secretum secretorum
et sa diffusion européenne dans les littératures vernaculaires, qui ont abouti à
la publication en 2015 du volume intitulé Trajectoires européennes du Secretum
secretorum du Pseudo-Aristote (xiiie-xvie siècle), dir. Catherine Gaullier-
Bougassas, Margaret Bridges et Jean-Yves Tilliette (Brepols, « Alexander
redivivus », 6).
La problématique de la réécriture, de la traduction et de l’adaptation créa-
trice a ainsi été au centre de nos recherches, avec tous ses enjeux esthétiques,
Les livres d’Alexandre 7
littéraires, culturels et politiques. Dans la continuité, mais aussi un peu à la
marge de ces questions et surtout avec un regard décalé, l’objectif du colloque
de juin 2013 a été d’examiner les cas singuliers de certains manuscrits ou impri-
més qui, dans les différentes littératures européennes, portent les témoignages
textuels et aussi matériels d’une réception particulière des œuvres au Moyen
Âge ou au xvie siècle. Depuis plusieurs décennies, nous le savons, les études
sur la matérialité des textes manuscrits et imprimés et les effets de sens des
mises en page et mises en texte choisies se sont multipliées1, et, en lien avec
tant celles sur les pratiques de lecture et leurs évolutions, les groupes de lecto-
rat et les bibliothèques, sur les usages culturels et sociaux des livres manuscrits
puis imprimés2, que celles sur les fonctions des images et le dialogue entre texte
et illustrations, ou sur la conception des manuscrits-recueils3.
1. Nous citerons, sans prétendre à l’exhaustivité et en ayant conscience combien ces réfé-
rences bibliographiques sont orientées vers le domaine français, les volumes dirigés respecti-
vement par H.-J. Martin et R. Chartier, H.-J. Martin et J. Vezin, et H.-J. Martin, Histoire de
l’édition française, Paris, 1982-1986, 4 t., Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, Paris,
1990, et Mise en page et mise en texte du livre français : la naissance du livre moderne, xive-xviie
siècle, Paris, 2000 ; M. Careri, F. Fery-Hue, F. Gasparri, G. Hasenohr, G. Labory, S. Lefèvre, A.-
F. Leurquin et C. Ruby, Album de manuscrits français du xiiie siècle. Mise en page et mise en texte,
Rome, 2001 ; Lire le manuscrit médiéval, dir. P. Géhin, Paris, 2005 ; L’écrit et le manuscrit à la
fin du Moyen Âge, dir. T. Van Hemelryck et C. Van Hoorebeeck, Turnhout, 2006 ; J.-P. Pittion,
Le livre à la Renaissance. Introduction à la bibliographie historique et matérielle, Turnhout, 2014,
ainsi que les essais récents de L. Canfora, Le copiste comme auteur, Toulouse, 2012 et A. Grafton,
La page, de l’Antiquité à l’ère du numérique. Histoire, usages, esthétiques, Paris, 2012.
2. Sur la lecture et les lectorats, voir Les usages de l’imprimé (xve-xixe siècle), dir. R. Chartier,
Paris, 1987 ; R. Chartier, L’ordre des livres. Lecteurs, auteurs, bibliothèques en Europe entre xive
et xviiie siècle, Aix-en-Provence, 1992 ; Histoire de la lecture dans le monde occidental, dir.
G. Cavallo et R. Chartier, Paris, 1997 (1ère édition, Rome, 1995) ; Histoire des bibliothèques
françaises, t. 1, Les bibliothèques médiévales, du vie siècle à 1530, dir. A. Vernet, Paris, 2008 (2ème
édition) et t. 2, Les bibliothèques sous l’Ancien Régime (1530-1789), dir. C. Jolly, Paris, 2008
(2ème édition). Enfin citons Lecteurs, lectures et groupes sociaux au Moyen Âge, dir. X. Hermand,
E. Renard et C. Van Hoorebeeck, Turnhout, 2014, et comme exemples d’études spécialisées
sur un ou des mécénats et lectorats très précis, en l’occurrence la cour de Bourgogne de la fin
du Moyen Âge, H. Wijsman, Luxury Bound. Illustrated Manuscript Production and Noble
and Princely Book Ownership in the Burgundian Netherlands (1400-1550), Turnhout, 2010 et
C. Van Hoorebeeck, Livres et lectures des fonctionnaires des ducs de Bourgogne (ca. 1420-1520),
Turnhout, 2014.
3. Sur les images et les fonctions de l’iconographie, voir des études aussi diverses que
F. Garnier, Le langage de l’image au Moyen Âge, t. 1, Signification et symbolique, Paris, 1982 et t.
2, Grammaire des gestes, 1989 ; M. Schapiro, Les mots et les images. Sémiotique du langage visuel,
Paris, 2000 ; J.-C. Schmitt, Le corps des images. Essais sur la culture visuelle au Moyen Âge, Paris,
2002 ; J. Baschet, L’iconographie médiévale, Paris, 2008 ; J. Wirth, L’image à l’époque gothique
(1140-1280), Paris, 2008 ; Au-delà de l’illustration : texte et image au Moyen Âge, approches
8 Catherine GAULLIER-BOUGASSAS
L’étude des manuscrits et des imprimés comme objets, dans la matérialité
de leur support et de leur format, de leur mise en page, leur écriture et leur
illustration, ne nous renseigne en effet pas seulement sur la circulation des
textes, mais aussi sur l’interprétation dont ils ont fait l’objet et sur leurs trans-
formations. Ainsi s’est-il agi d’analyser les lectures particulières d’œuvres sur
Alexandre, écrites à la fin de l’Antiquité ou durant le Moyen Âge, qu’offrent, à
l’intérieur de leur tradition textuelle, un ou plusieurs manuscrits ou imprimés.
Des lectures qui émanent tant de copistes que d’auteurs remanieurs, même
s’il est justement bien difficile souvent d’établir le départ entre eux, et aussi
d’illustrateurs ou bien de relecteurs-correcteurs.
Les recherches de notre équipe nous ont permis de découvrir, d’explorer,
parfois d’éditer le texte de manuscrits et d’imprimés singuliers4. Bien après les
ouvrages de D. J. A. Ross5, plusieurs études récentes ont par ailleurs porté sur
des manuscrits de récits médiévaux de la vie d’Alexandre, leurs illustrations
et / ou leur lectorat : nous pensons, pour le domaine français, aux analyses de
K. Busby, aux livres de M. Cruse et de D. Leo sur les enluminures du manus-
crit d’Oxford, Bodleian Library, Bodley 264, du Roman d’Alexandre en vers
français et sur celles du manuscrit de New York, Pierpont Morgan Library,
G24, des Vœux du Paon, à la thèse de M. Pérez-Simon sur les manuscrits de
l’Alexandre en prose du xiiie siècle, à l’étude de C. Blondeau sur les manuscrits
méthodologiques et pratiques, dir. R. Wetzel et F. Flückiger, Zurich, 2009, ainsi que S. Hériché-
Pradeau et M. Pérez-Simon dans l’introduction de l’ouvrage qu’elles ont dirigé, Quand l’image
relit le texte. Regards croisés sur les manuscrits médiévaux, Paris, 2013, p. 11-38 ; sur les recueils,
Le recueil au Moyen Âge. Le Moyen Âge central, dir. Y. Foehr-Janssens et O. Collet, Turnhout,
2010, et Le recueil au Moyen Âge. La fin du Moyen Âge, dir. T. Van Hemelryck et S. Marzano,
Turnhout, 2010.
4. C’est notamment le manuscrit de Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, 2576, avec
l’édition de la section sur la Macédoine et Alexandre par C. Gaullier-Bougassas, L’Histoire an-
cienne jusqu’à César ou Histoires pour Roger, châtelain de Lille, de Wauchier de Denain, l’histoire
de la Macédoine et d’Alexandre le Grand, édition critique du texte de Wauchier de Denain et
du remaniement franco-italien du codex 2576 de Vienne ; Le Premier Volume d’Orose, Antoine
Vérard, 1491, Turnhout, 2012 (Alexander redivivus, 4), et l’édition de la section sur la Perse par
Anne Rochebouet, L’Histoire ancienne jusqu’à César ou Histoires pour Roger, châtelain de Lille,
de Wauchier de Denain, l’histoire de la Perse de Cyrus à Assuérus, édition critique du texte de
Wauchier de Denain et du remaniement franco-italien du codex 2576 de Vienne ; Le Premier
Volume d’Orose, Antoine Vérard, 1491, à paraître chez Brepols en 2015 (Alexander redivivus, 8).
5. D. J. A. Ross : Illustrated Medieval Alexander-Books in Germany and the Netherlands :
A Study in Comparative Iconography, Cambridge, 1971 ; Studies in Alexander Romance, Londres,
1985 ; Alexander Historiatus. A Guide to Medieval Illustrated Alexander Literature, Francfort-
sur-le-Main, 1988 (1ère édition, 1963).
Les livres d’Alexandre 9
de la bibliothèque des ducs de Bourgogne qui ont trait à Alexandre6. Citons
aussi l’édition et l’analyse par R. Schnell du texte très particulier de la Nativitas
et victoria Alexandri Magni regis de Léon de Naples que contient le manus-
crit de Paris, BnF, nouvelles acquisitions latines 310, les études des textes du
manuscrit-recueil qui conservait le Straßburger Alexander par C. Thierry, des
manuscrits et des imprimés du Puech des grozzen Alexander de Hartlieb par
E. Gossart, du manuscrit de Venise, Istituto di Studi Bizantini, gr. 5, du Roman
d’Alexandre grec par N. Trahoulia, et du manuscrit de Venise, Biblioteca dei
Padri Mekhitaristi (San Lazzaro degli Armeni) 424, du Roman d’Alexandre
arménien par G. Traina7.
Dans la large production textuelle sur Alexandre, les témoins singuliers
à étudier sont encore très nombreux, d’autant qu’un ensemble considérable
d’œuvres attendent toujours une édition. Nous avons donc souhaité rassem-
bler les chercheurs autour d’études de « cas » de manuscrits qui portent
en eux des signes textuels et / ou matériels d’une réception particulière
à l’intérieur de la tradition manuscrite et / ou imprimée de l’œuvre qu’ils
contiennent. Ces signes peuvent montrer que l’exemplaire s’offre à un lectorat
précis, en fonction duquel la présentation matérielle, la mise en page et en
image ainsi que le texte peuvent être modifiés, et parfois ils portent la marque
de l’identité des commanditaires ou des acheteurs. Leur finalité est souvent de
souligner les éléments qu’un copiste, un imprimeur, un correcteur et /ou un
illustrateur ont jugés importants, de faciliter la lecture en offrant des points
de repère, des explications, des compléments – un « surplus » de sens –, que
6. K. Busby, Codex and Context : Reading Old French Verse Narrative in Manuscripts, Rodopi,
2002, t. 1, p. 278-328 ; M. Cruse, Illuminating the Roman d’Alexandre : Oxford, Bodleian
Library, MS Bodley 264, The Manuscript as Monument, Cambridge, 2011 ; D. Leo, Images,
Texts, and Marginalia in a Vows of the Peacok Manuscript (New York, Pierpont Morgan Library
MS G24), Leyde et Boston, 2013 ; M. Pérez-Simon, Mise en roman et mise en image. Les manus-
crits du Roman d’Alexandre en prose, Paris, 2015 ; C. Blondeau, Un conquérant pour quatre ducs.
L’image d’Alexandre le Grand à la cour de Bourgogne (1363-1477), Paris, 2009.
7. R. Schnell, Liber Alexandri Magni. Die Alexandergeschichte der Handschrift Paris,
Bibliothèque Nationale, n.a.l. 310. Untersuchungen und Textausgabe, Munich, 1989 ; C. Thierry,
L’Alexandre de Strasbourg. De la convoitise à la charité, à paraître chez Brepols ; E. Gossart,
Johann Hartliebs Histori von dem grossen Alexander. Zur Rezeption des Werkes am Beispiel der
bebilderten Handschriften und Inkunabeln, Korb, 2010 ; G. Traina, La Storia di Alessandro il
Macedone. Codice armeno miniato del XIV secolo (Venezia, San Lazzaro, 424), Padoue, 2003 ;
N. S. Trahoulia, The Venice Alexander Romance, Hellenic Institute Codex Gr. 5 : A Study of
Alexander the Great as an Imperial Paradigm in Byzantine Art and Literature, Ann Arbor,
1997. Voir aussi sur l’iconographie d’un épisode particulier, l’ascension céleste : V. M. Schmidt,
A Legend and its Image : The Aerial Flight of Alexander the Great in Medieval Art, Groningue,
1995.
10 Catherine GAULLIER-BOUGASSAS
ce soit par l’ajout d’un paratexte et d’illustrations ou le remaniement du texte
lui-même. Ils expriment alors la liberté que les concepteurs du manuscrit ou
de l’imprimé s’accordent dans l’interprétation de l’œuvre.
Par conséquent, notre dessein n’a pas été d’offrir dans ce volume un pa-
norama et une étude d’ensemble de la littérature européenne sur Alexandre
– nous avons eu cette ambition dans notre autre ouvrage intitulé La fascina-
tion pour Alexandre le Grand dans les littératures européennes (xe-xvie siècle).
Réinventions d’un mythe –, mais au gré des découvertes des chercheurs réunis,
de faire jouer entre elles des analyses précises de manuscrits et d’imprimés, à
la fois pour montrer l’importance des témoignages textuels et matériels de
lectures spécifiques programmées par certains exemplaires des œuvres, et pour
confronter, sur cette question, des études tirées des différentes littératures
européennes et faire ressortir points de convergence et spécificités. C’est
ainsi que, dans les articles, nous avons choisi d’emblée de limiter les rappels
sur les traditions littéraires européennes sur Alexandre pour nous concentrer
sur l’objet « manuscrit » ou « imprimé », dans sa singularité, son unicité,
quand il offre des particularités qui reflètent la subjectivité de ses concepteurs,
copistes, imprimeurs, illustrateurs, glossateurs ou correcteurs.
Pour ces études de « cas », nous avons ouvert les analyses et les débats
aux éléments suivants, sans exclusive, parmi les différentes formes possibles
de lecture et de relecture :
– Les questions de format, de mise en page et d’écriture et ce qu’elles
peuvent réfléter de la réception d’un texte et du statut qui lui est donné.
Pour prendre un exemple dans la littérature française, les plus anciens
manuscrits du Roman d’Alexandre en vers français (notamment Paris,
BnF, fr. 15095 et fr. 15094) sont conçus sur le modèle des manuscrits
dits de jongleurs : ce sont des manuscrits de petit format, écrits sur une
seule colonne, avec une alternance d’initiales rouges et bleues à chaque
changement de laisse, comme dans les manuscrits de chansons de geste.
Dépourvus de rubriques, ils le sont aussi d’illustrations. Cette présenta-
tion matérielle est le signe d’une transmission sans doute essentiellement
orale – le manuscrit offre un support au récitant – et de la conscience
d’un lien du texte avec le genre des chansons de geste. Deux manus-
crits de prestige, eux-mêmes très différents l’un de l’autre, tranchent
avec ces plus anciens témoins : les manuscrits de Venise, Museo Correr,
Correr, 1493, et d’Oxford, Bodleian Library, Bodley 264, de grande
taille et avec de très nombreuses enluminures, ne sont plus des outils
de travail pour un récitant, mais des œuvres d’art achetées par de riches