A l'âge de la lumière

352 Pages·2006·51.164 MB·French

by  Marie-Dominique Philippe

Marie-Dominique Philippe, o.p.
Michel-Marie Zanotti-Sorkine
À l’âge
de la lumière
Dialogues avec la pensée des hommes
Ad Solem

À l’âge de la lumière
ISBN 2-88482-056-6
© 2006, Ad Solem Éditions SA,
2, rue des Voisins, CH-1205 Genève
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Imprimé en France
Marie-Dominique Philippe, o.p.
avec Michel-Marie Zanotti-Sorkine
À Fâge de la lumière
Dialogues avec la pensée des hommes
Ad Solem

Vous êtes la lumière du monde
Mt 5,14

Préface
L’idée s’est imposée, comme elle le fait toujours, navi­
guant dans le désir, d’un angle à l’autre de l’esprit, avec
cette insistance intemporelle qui vous laisse croire que vous
n’y êtes pour rien, ou pour si peu, et que « plus-haut» est
responsable. Cette intrusion délicieuse qui raye le mental à
grands traits de plans, de chapitres, de pages et de virgules -
quand il s’agit d’un livre -, il faut à tout prix qu’elle sorte,
au risque de tuer le sujet lui-même, tandis qu’elle supplie,
vibrante et silencieuse, de venir à la lumière. C’est ainsi que
tout a commencé. Et dans le train, quelques jours plus tard,
en allant vers Rimont où réside, en vagabond de Dieu, trois
jours sur sept, le père Marie-Dominique Philippe, je la tenais
- croyez-moi - mon idée, comme un cerf-volant sous les capri­
ces du vent dont on ne saura jamais - Dieu merci - « d’où il
vient, ni où il va».
Au frôlement du train, en vitesse inhumaine, des arbres
en torche défilent avec des vaches, entrecoupés de tunnels -
quarts de seconde dans la nuit intense où le livre s’éclaire et
reste debout le long de la voie et dans l’âme créatrice, bouchant
fixement la vue aux paysages qui s’enfuient. Et sur la vitre du
wagon, j’entrevois le père : l’image est nette, comme il sera,
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j’en suis sûr, visage en rides radieuses, penché jusqu’au plus
près d’une audition parfaite, donné jusqu’à la corde où l’intel­
ligence foudroyante, remontant de la contemplation, d’un
seul trait continu de lumière, percera ses lunettes à l’épaisse
monture, descendra me chercher au plus bas de mes ombres et
de mes propos embrouillés. C’est là qu’il recueillera «l’idée»,
refaisant le voyage avec moi. Et il dira « oui », c’est son mot,
c’est certain, il est tellement en Marie! Nous verrons bien. En
attendant, un ange me sourit sur le siège d’en face, jeune fille,
attirée, sans doute, par la clarté de ma soutane noire. C’est
pour toi, si tu savais, et pour ceux qui te ressemblent, bienveil­
lante jeunesse - perdue, peut-être -, que ce livre est pensé.
En arrivant, sur le quai, envoyé de sa part, l’un de ses fils,
un autre ange, cette fois-ci de saint Jean, ami de l’Époux, en­
fant du Sénégal aux dents immaculées, le rosaire sonnant à la
taille comme le sabre au ceinturon des soldats. Une accolade à
la saint Paul sous un baiser de paix, et nous voilà « frères » dans
une vieille guimbarde, pauvre comme sa communauté. Je les
aime, ces apôtres à l’habit médiéval, gris par le travail, grisés
par le don de soi, simples et volontaires pour les vendanges de
la grande Vigne. Cent mètres de route, et c’est plus fort que
moi, une seule question :
- Comment va le père ?
- Fort bien, me répond-il, avec la voix conquise des enfants
qui ne pensent pas à conjurer la mort. Vous savez, malgré ses
93 ans, si son corps ralenti, l’esprit, lui, ne flanche pas !
Et le bon frère fonce dans les virages ; et je prie le Père, Celui
du Ciel, de garder en vie le nôtre, celui de la terre, et nous avec.
En longeant l’interminable et lente Saône, pendant que
frère Marie-Lucas m’explique son programme d’année, je re­
pense, je repense aux millions d’heures de cours, aux centai­
nes de conférences que le père a données dans le monde, dès
1939, au couvent d’études du Saulchoir où se formaient les
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