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RECHERCHES
S UR L’ ORIGINE
DU LANGAGE ET
_
DE LA CONSCIENCE
'Editiéns Sociales
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146, du Faubonrg—Poissonnière (10°)
me
Service de vente : 24, rue Racine, Paris (6°)
sLnlloi du 11 mars 195? n‘autorisent, aux termes des alinéas 2
et 3 de l‘article 41. d'une partL que les e copies ou reproductions
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Paris. '
©1913. Éditions sociales,
En bref?" histoire de la
Hiéteire
de la
connaissance; général
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philosophie“, erga .-
'to'ut le domaine du savoir
des sciences 'sin—
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LÉNINEç Cahiers phflosophiques‘
‘1.' Œuvres; Editionà sociales; 1971, 'r. 33.
première recherche
le mouvement.
de
l’indication
comme
forme originaire
_
de le censcience
.
Une des difficultés principales du problème de l’ori-
gine de la conscience-lest de savoir où placer exacte-
ment ses débutsn'Oü'faut-il tracer précisément la
ligne de partage-entre le psychisme sensori-moteur
:des. animaux et le psychisme conscient que 'nous'
voyons se développer chez l’homme?
Il semblerait naturel de faire dater la conscience du
début même de l’humanité, avec l‘apparitiondes pro;
rniers outils dont la prodùction impliqué idéjà la
-
représentation préalable de leur forme dans la tête
du sujet qui'les' a‘produits. s Ce qui distingue dès
l’abord, dit Mars, 1e plus mauvais architecte—de
_
l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la “cei-
'lule dans sa-tête avant de 1a;construire avec de l'a
cire. Le résultat auquel le travail aboutit, préexiste
idéalement dans l’imagination 'dn travailleur ä. '_ s
li. Matez: Le Capital, in Marx—Engels Wèrlée;'Ùiet2'Vérlag; Ber-
lin. tome23, p. 193. Cf. Éditions sociales, L.'1", t. 1, p. '181.
1l
Recherches sari’origine du langage et de la conscience
‘
<< Ainsi; les premiers hommes qui surgirent au pré:
chelléén, possédaient déjà avec l’activité de produc—
tion une forme élémentaire de conscience.» Mais
est-ce là la forme la plus élémentaire? Si l’ad-
nous
mettons, nous devons l’expliqùer directement par le
développement de l’activité instrumentale telle
qu’elle commence à apparaître chez les singes. Or,
c’est ce qui ne semble guère possible, car l’utilisa—
tion comme instruments des' objets trouvés dans'la
nature n’est qu’un travail d’adaptation à la situation
présente. La forme de l’instrument naturel peut
changer à chaque fois, pourvu qu'il permette de sa-
tisfaire, d’une manière ou d’une autre, le besoin
immédiat. La représentation de l’outil au contraire
implique l’image d’une forme stable, fixée en elle—
même une fois pour toutes. L’habitude de l’activité
instrumentale dans les conditions naturelles rendra
évidemment le sujet animal plus adroit, mais on ne
voit pas du tout comment elle pourrait par elle-
méme l’amener à dépasser les exigences immédiates
de la situation présente et à s’élever à la représenta-
tion idéale d’une forme typique,“ qui lui permettrait
de à la production de l’outil.
passer
Il est évident qu’entre le travail d‘adaptation tel que
nous le trouvons à l’état sporadique chez les anthro-
p'oïdes, et l’image idéale de l’outil que le Pithécan—
thrope devait déjà avoir dans la tête pour pouvoir
.
se livrer au travail de production, la distance est
beaucoup trop grande pour être franchie d’un seul
coup. Il nous faut donc chercher le début de la
conscience dans un stade intermédiaire, antérieur à.
l’apparition de l’homme le plus ancien. Or; les Ire.-
cherches de l’anthropologie marxiste ont établi l’exis-
tence d’un stade préhominieu, représenté notamment
par les restes de l’Australopithèque :I s Les Austra—
Iopitheques étaient des primates hautement dévelop-
pés, marchant les deux pieds sur le sol, et arrivés,-
12
Le mouvement de l'indication-
.dans le processus évolutif d’adaptation aux condi-
tions difficiles du milieu environnant, à l’utilisation
systématique de divers objets naturels en“ qualité
d’instruments 2. a Il s’agit ici d’un stade où le singe.
s’est déjà élevé au—dessus de l’animalité proprement
dite, en prenant l’habitude du travail d’adaptation,
sans avoir encore atteint'cependant la forme de la
production caractéristique de la société humaine.
C’est donc à ce niveau que nous devons chercher la
forme originaire de la conscience, telle qu’elle surgit
dans le cours du développement de l’activité instru-
racines dans l’évolution
mentale, qui, prenant ses
animale, opère le passage à l’humanité.
15:
La conscience doit être étudiée tout d’abord dans sa
«r' réalité immédiate a : le langage, entendu“ naturel-
lement en son sens général, comme langage gestuel
et langage verbal. Le langage se constitue originaire—
ment sur le mouvement même du travail d’adapta-
tion._à partir du niveau anthropoïde: e D’abord 1e
travail, dit Engels: après lui, puis en même temps
que lui, le langage: tels sont les deux stimulants
essentiels sous l’influence desquels le cerveau“ d’un
singe s’est peu à peu. transformé en un cerveau
d’homme 3;»
_
Les-singes que“ nous connaissons n’ont'pas à propre-
ment parler-de langage. Leurs 'r‘nultiples moyens
d’expression, — gestes, Cris, etcÿ- —— se rapportent
surtout au; côté émotionnel, essentiellement biolo;
giqule,_ de la, situation. Ils peuvent également servir
2; V.P. IAKILÏOV: Les Origines de l'humanité, Mo'scou, 1964.
3.11E’.NGELs: Dialectique de la nature. Éditions sociales, 1971.
.p.‘ 75.
13
' ‘u.
-_Rcchercltes sur l'origine. du langage—aide la conscience
de "signaux pour Ï des comportements déterminés,
mais n’ont pas de ' signification proprement“ dite;
connne’ 'signification- d’objet, ce- qui démontre - l’ab—Î
sence chez 'le singe du rapport conscient ä l’objet
tel qu’il s’exprime préCisérnentÎ dans le langage;
Îl'urlême les: anthropoïdes ne possèdent 'pas le 'signe-
' linguistique le plus élémentaire: le 'geste de l’indica-
-tion.I:C’est ce que l’on peut voir par le récit suivant
,fait-‘pa'r la propriétaire d’un gorille:
'«lLe boucher venait de m’apporter un beefstealr,-_et
comme parfois je lui donnais une bouchée de viande-
çrue, je coupai un morceau dezdëchet sur le bord
du beefsteak et le lui tendis." Il le gOûta et 'mejle
rendit d’un air solennel. Puis, prenantnla main, il-
la posa sur la. meilleure-partie de 1a fiande. l’en
coupai donc un petit morceau, je le lui donnai,’ et il.
le 4. '
mangea s
Il s’agit évidement ici d’un animal très intelIlgent'."
Mais l’histoire montre précisément que l’intelligence
animale n’atteint le niveau de la conscience. Si
pas
le gorille'avait eu la perception consciente du beefé-Ï
steak, “il aurait simplement indiqué la partie delà.
viande qu’il désirait, en y tendant,_'non past'Sans."
doute le doigt, maisdu moins la main. Le geste de
l’indication marque le rapport le plus élémentaire"
de la conscience à l’objet comme objet extérieur. Na'fi
turellement l’animal perçoit bien l’objet .exterieur,l._'
mais l’extérioritë de l’objet ne se détache pas pour.
lui de sa propre organisation sensori-rnotrice..Aütre_—_.
ment'dit, l’image que sa perceptionilui.donne;de-l
l’objet définit qu’en fonction des possibilités.«
ne se
d’actionde son corps propre -— plus ou moins pro-
longé par d’autres corps qu’il peut manipuler; L’objet t_
est donc pour lui ce qu’il peut effectivement'roitcherrlï'.
4. Cite-dans BDULENGER: Les Singes, Payer, Paris, .p.‘4_1.
14'
.' _ - .. -‘ l . _' l Le m'ouvemem'h'e l’indication
directement on par 'un- intermédiaire : c’est là'.préci-'
sément fait 'le gorille avec le morceau Ïde
ce que
l’intermédiaire de la main de sa .maî-
viandejpar
Étresse, qui prolonge en quelque sorte le mouvement
-,
-de sa: propre -ma.in.. e Et c’est justement parce'que
l’image psychique “de l’objet se présente ainsi‘en
'coritiguïté avec les mouvements potentiels déjà plus
ou mains esquissés dans le corps propre de l’animal,
“que celui-ci se trouve incapable d’indiquer l’objet là
distance; cette distance ne fût—elle qu’infime'. En d’au—
tres termes,_il_ n’a pas l’image de la distance en tant
que telle,fde sorte qu’il perçoit bien l’objet extérieur,
mais. ne le perçoit pas comme extérieur dans son
Extériorité objectivc.- Or,’ le caractère le plus essentiel
de la perception. humaine comme perception “cons.
dents; est précisément de viser l’objet eXtérieur
comme extérieur, dans son extériorité _objective, ce
'qui implique l’image de la distance en tant que telle,
l’image du'rapportd’extériorité de l’objet par rap-
port au sujet. 2- C’est là évidemment le fondement
de réalisme naïf.» de tout homme sain d’esprit,
ce e
dont. parle Lénine,_ à savoir la conviction que <1: les
“choses, le milieu, lemonde existent indépendamment
de notre sensation, de‘ notre conscience, de notre
Moiet de l’hommeen général s 5. Et la signification
glu gestede l’indication'est justement d’exprimer ce
rapport d’extériorité objective, en quoi consiste Fin--
'tentionalité fondamentale de la conscience ' comme
psychisme“
conscience de l’objet, par opposition au
'
simplement sensori-moteur de l’animal. r
Ici que nous le voyons chez 1’homme,' le geste de
'l’indicatitjn se présente sous une deuble forme. L’en—
fant'qui montre'un pot de confiture à sa mère; peut
soit pointer directement l’index sur l’objet, soit faire
Suiséuma: Œuvres, Éditions sociales. t; 1-4,; 65:?
15
Recherche: sur-"l’origine du langage et de la conscience
..
un mouvement en arc. de cercle, la main .se levant
d’abord vers la mère pour se porter ensuite du côté
de l’objet. Chez l’adulte, le geste se réalise presque
exclusivement dans la forme en ligne droite, mais la
forme en arc de cercle peut également se montrer
dans les instants d’émotion. Ainsi, si je montre-la
porte à quelqu’un, mon doigt pointera naturellement
sur'la porte. Mais si je suis vraiment en colère, il
peut m’arriver de commencer par lever le doigt sur
la personne en question pour le diriger ensuite vers;
la porte; Comme nous saveus que les formes primi-
tives du comportement reparaissent dans l’émotion,
nous pouvons penser que c’est ce mouvement 'en
arc de cercle qui est apparu en premier lieu dans la
phylogénèse. D’autre part cette forme continue à
jouer son rôle conjointement avec le geste en ligne
droite. Quand je pointe directement l’index un"
“sur
objet, mon regard se porte normalement su: la pers
sonne à laquelle je donne cette indication. Or si l’on
prend le mouvement dans sa forme achevée, les yeux‘
doivent se reporter en balayant l’espace sur l’objet
indiqué. C’est précisément ce qu'on appelle s indi—_
quer du regard a. '
U
Nous pouvons donc considérer cette forme en arc
de cercle comme la forme fondamentale. Or elle pré-_
sente une analogie frappante avec le mouvementdufl
gorille dans le récit rapporté plus haut: e Prenant
,mn main, il la posa sur la meilleure partie de la'
viande.» Il s’agit ici d’un acte de guidage, dont-la
seule difiérence avec le geste de l’indication en arc
de cercle est que le sujet humain se tient à distance,_
alors que pour l’anthropoïde la contigui'té est néces:
seire le gorille prend la main qu’il guide vers le“
_:
morceau désiré. Le mouvement de l’indication peut
donc se définir dans sa forme‘originaire comme un
.
guidage à distance. En tant que tel, il dérive évidem—.
ruent du guidage par contignïté chez les anthropoïdes. -
16
