Les thérapies familiales systémiques

324 Pages·2014·2.044 MB·French

by  Thierry Albernhe, Karine Albernhe, Karine Albernhe and Thierry Albernhe (Auth.)

Les thérapies familiales systémiques
Chez le même éditeur
Applications en thérapie familiale systémique, par Karine et Thierry
Albernhe, coll. « Pratiques en psychothérapie », 2e édition, 2013, 248 pages.
Adolescence et psychopathologie, par D. Marcelli, A. Braconnier, L. Gicquel,
coll. « Les Âges de la vie », 8e édition, 2013, 784 pages.
Thérapies brèves : principes et outils pratiques, par Y. Doutrelugne,
O. Cottencin, J. Betbèze, coll. « Pratiques en psychothérapie », 3e édition,
2013, 248 pages.
Art-thérapie, par A.-M. Dubois, coll. « Psychologie », 2013, 168 pages.
Enfance et psychopathologie, par D. Marcelli, D. Cohen, coll. « Les Âges de la
vie », 9e édition, 2012, 688 pages.
Manuel de psychiatrie, par J.-D. Guelfi, F. Rouillon, 2e édition, 2012,
888 pages.
Cas cliniques en thérapies comportementales et cognitives, par J. Palazzolo,
coll. « Pratiques en psychothérapie », 3e édition, 2012, 288 pages.
Psychothérapie de soutien, par L. Schmitt, coll. « Pratiques
en psychothérapie », 2012, 256 pages.
Psychopathologie de la scolarité, par N. Catheline, coll. « Les Âges de la vie »,
3e édition, 2012, 432 pages.
Les psychothérapies comportementales et cognitives, par J. Cottraux, coll.
« Médecine et Psychothérapie », 5e édition, 2011, 384 pages.
L’approche thérapeutique de la famille, par G. Salem, coll. « Pratiques
en psychothérapie », 5e édition, 2009, 304 pages.
Questionnaires et échelles d’évaluation de la personnalité, par M. Bouvard,
coll. « Pratiques en psychothérapie », 3e édition, 2009, 352 pages.
Les psychothérapies : approche plurielle, par A. Deneux, F.-X. Poudat, T.
Servillat, J.-L. Venisse, coll. « Pratiques en psychothérapie », 2009, 464 pages.
Le développement affectif et intellectuel de l’enfant, par B. Golse, coll.
« Médecine et Psychothérapie », 4e édition, 2008, 400 pages.
Collection Médecine et psychothérapie
Les thérapies familiales
systémiques
Karine et Thierry ALBERNHE
Préface de Mony ELKAÏM
4e édition
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le domaine universitaire, le développement massif du « photo-
copillage ». Cette pratique qui s’est généralisée, notamment dans
les établissements d’enseignement, provoque une baisse brutale
des achats de livres, au point que la possibilité même pour les
auteurs de créer des oeuvres nouvelles et de les faire éditer correc-
tement est aujourd’hui menacée.
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ISBN : 978-2-294-73529-5
ISBN ebook : 978-2-294-74231-6
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Préface à la première
édition
Les thérapies familiales systémiques, qui ont pris naissance aux États-Unis
dans les années cinquante, n’ont cessé de se développer au-delà des fron-
tières de ce pays. Elles jouent aujourd’hui un rôle de premier plan dans le
domaine des psychothérapies en Europe.
La diversité des mouvances qui se réclament de cette approche ne facilite
pas, pour l’étranger au domaine ou pour l’étudiant, une compréhension
aisée des spécificités propres aux écoles qui constituent ce champ.
Cet ouvrage de Karine et Thierry Albernhe permet non seulement de se
retrouver dans le dédale des différentes tendances des thérapies familiales
systémiques, mais présente aussi avec clarté nombre d’autres aspects qui
aident à mieux comprendre la richesse de cette forme de psychothérapie.
Commençant leur livre par la description des différents mouvements
qui ont participé à l’élaboration du modèle systémique, les auteurs ne se
contentent pas d’exposer les éléments qui ont constitué le terreau d’où a
jailli l’approche systémique en psychothérapie. Ils nous donnent également
un aperçu des nouveaux domaines de connaissance tels ceux de l’autopoïèse
ou de la cybernétique de second ordre grâce auxquels les psychothérapies
systémiques continuent à croître et à se déployer.
J’ai été particulièrement sensible au chapitre intitulé « Les différents
niveaux du modèle » ; Karine et Thierry Albernhe y décrivent d’une manière
originale les relations circulaires qui lient le niveau individuel, celui du
couple, de la famille et du réseau. Leur lecture permet au thérapeute de
penser l’intervention à un niveau spécifique sans se laisser paralyser par la
complexité des paramètres en jeu. Cette intervention, bien que ne s’exer-
çant qu’à un seul niveau, n’en ignore pas pour autant les inter-relations des
différents systèmes humains en présence.
Qu’il s’agisse de la présentation des multiples écoles de thérapies fami-
liales ou de celle des techniques de base du champ systémique, les auteurs
ont réussi le tour de force de présenter succinctement et avec clarté des
notions souvent ardues et de ce fait parfois mal comprises.
Cet ouvrage se clôt sur l’approche systémique de la schizophrénie et des
troubles alimentaires. Là encore, Karine et Thierry Albernhe font preuve
d’érudition et de concision en nous résumant en quelques pages les nom-
breux travaux menés par des systémiciens spécialistes de ces domaines.
Le monde des thérapies familiales est encore en pleine effervescence ;
remercions Karine et Thierry Albernhe de nous offrir les outils pour mieux
comprendre les enjeux des changements à venir.
Mony Elkaïm
Avant-propos
à la quatrième édition
Cette quatrième édition est une nouvelle étape sur le chemin de l’évolution
de l’ouvrage, en insistant désormais davantage sur les deux extrêmes – si
l’on peut dire – que constituent d’une part l’apport de la philosophie et de
la logique à la construction contemporaine des théories sur les thérapies
familiales systémiques, et d’autre part l’apport de l’expérience de terrain et
des mises en situation, en référence cette fois-ci au deuxième livre que nous
rééditons presque simultanément à celui-ci : Applications en thérapie fami-
liale systémique. Comme l’indique son titre, il s’agit d’illustrer la théorie du
présent ouvrage par des méthodes pratiques d’entraînement, avec des pro-
blèmes concrets à résoudre, des protocoles de formation à développer, des
exercices de style à réaliser autour d’analyses systémiques de cas cliniques
ou institutionnels. Pour tout soignant passionné par sa vocation, s’assou-
plir, s’entraîner, développer ses outils thérapeutiques pour mieux travailler
sur soi-même, n’est-ce pas là se donner les moyens de mieux servir la pra-
tique, et ainsi de mieux travailler avec les autres ? Faire vivre ensemble ces
deux ouvrages permet d’améliorer le service rendu au lecteur : la théorie
ne nous enseigne-t-elle pas que « un et un font trois » (en référence au titre
d’une œuvre de notre ami Philippe Caillé, préfacier du deuxième livre) ?
Qu’ils soient médecins, psychologues, infirmiers, éducateurs, assistants
socio-éducatifs, travailleurs sociaux, voire tout simplement – mais n’est-ce
pas le plus difficile ? – parents, tous ces acteurs disposeront ainsi de deux
documents de travail complémentaires que, par boutade, il nous plairait
d’appeler « boussole », car il est parfois difficile de ne pas « perdre le Nord »
quand de profonds remaniements sociétaux (de ceux qui ébranlent stéréo-
types et manières de penser) ont cours. L’enjeu est en effet de s’y adapter,
sans perdre le recul nécessaire, notamment sur les puissants diktats actuels,
dont le paradigme est devenu celui de ceux dits économiques. Car si un sys-
tème peut évoluer jusqu’à changer d’état pour être plus fonctionnel, il doit
garder comme cadre le sens qui en fait la valeur et qui en donne à ceux qui
y fonctionnent (cadre sans lequel disparaissent aussi bien la raison d’être
que la reconnaissance d’exister). De cela, chacun en est comptable envers
ses « enfants » (réels ou symboliques). Si l’on voulait en effet paraphraser le
trop fameux « Nul n’est censé ignorer la loi », ne pourrait-on avancer que,
dorénavant, avec les outils modernes de communication de ce xxie siècle,
« Nul n’est plus censé ignorer le monde » dont il est un acteur à part entière,
quels que soient sa place et son rôle dans la société ?
Finalement, s’il fallait ne retenir qu’une idée fondamentale de ces ouvrages,
ne pourrait-elle pas être celle-ci : chaque observateur ne participe- t-il pas
pleinement au contexte avec lequel il interagit en permanence, à l’instar du
lecteur « raisonnant et résonant », c’est-à-dire faisant vivre à mesure le livre
VIII
qu’il a sous les yeux et qui lui donne du plaisir à mettre du sens sur sa pra-
tique ? Les réactions des lecteurs sont comme toujours les bienvenues pour
contribuer, de leurs apports, à nourrir, au-delà de ces lignes, des échanges de
relations humaines. C’est pourquoi les lecteurs peuvent communiquer avec
les auteurs à l’adresse suivante : thierry.albernhe@ch- montfavet.fr.
Karine et Thierry Albernhe
Introduction
Qu’est-ce qu’une thérapie familiale systémique ?
Laissons la parole à Virginia Satir pour préciser d’abord ce que ce n’est
pas : « Plusieurs méthodes de traitement sont appelées “thérapie fami-
liale”, mais différentes de la définition que nous présentons ici, car elles
sont surtout orientées vers les membres de la famille en tant qu’individus
plutôt que vers la famille comme unité. Par exemple : chaque membre de
la famille peut avoir son thérapeute propre ; ou les membres d’une famille
peuvent partager le même thérapeute, mais celui-ci voit chaque individu
séparément ; ou le patient peut avoir un thérapeute qui, à l’occasion, voit
les autres membres de la famille pour le bénéfice du patient. Un nombre
croissant d’observations cliniques a conduit à la conclusion que la thérapie
familiale doit être orientée vers la famille comme unité »1.
Ce n’est donc pas parce qu’un psychothérapeute rencontre une famille
qu’il fait, pour autant, de la « thérapie familiale ». La pratique d’entretiens –
à condition qu’ils soient centrés sur les aspects interrelationnels – avec
plusieurs membres de la famille peuvent être considérés comme dérivés
des thérapies familiales systémiques proprement dites : préparatoires, ou au
contraire de suivi, ils peuvent encadrer une thérapie et faire partie des outils
techniques du thérapeute.
Il convient d’ailleurs de faire clairement la différence entre une famille
saine, temporairement en crise parce qu’elle est en proie à des dysfonc-
tionnements internes normaux, liés à des événements inéluctables du cycle
vital familial, et une famille pour laquelle les dysfonctionnements sont
durables et représentent une véritable façon d’être.
La thérapie systémique est à entendre au sens d’une prise en charge psy-
chologique globale de la famille, à partir de la demande de soins formulée
par – ou le plus souvent pour – un membre du « système familial ». Car c’est
la conception de la famille en tant que système qui fonde, non la prise en
charge globale de celle-ci, mais la manière particulière dont l’équipe soi-
gnante va aborder cette demande, la replacer dans un contexte plus large,
s’intéresser au réseau tissé par la famille, formuler des hypothèses théra-
peutiques à partir de références théoriques précises, proposer un rythme de
séances, utiliser des techniques de soins originales et évaluer les résultats du
travail psychothérapeutique.
Ainsi conçu, le symptôme présenté par un des membres du groupe fami-
lial n’a de sens, et de fonction, que s’il est replacé dans une perspective
globalisante et circulaire : il témoigne de dysfonctionnements relationnels
plus ou moins graves, dont n’ont pas nécessairement conscience les prota-
gonistes qui, seuls, n’arrivent pas à trouver une solution. Cette dernière sera
1 Satir V. (1964) Conjoint Family Therapy. Trad. : A. Destandau-Denisov, Thérapie du couple
et de la famille, Epi éd., Paris, 1982.
Les thérapies familiales systémiques
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ici coconstruite par le patient-désigné, sa famille ou son environnement
proche, et l’équipe soignante. La thérapie consistera à amener le patient et
sa famille à une autre vision des choses, quitte à ce qu’elle soit surprenante,
pour engendrer des changements. Dans une telle démarche, les thérapeutes
se garderont de proposer à la famille quelque solution que ce soit : ils l’amè-
neront à développer au contraire ses propres compétences, si besoin à les lui
« révéler », en tout cas à faire en sorte qu’elle croie en elles ; si changement
positif il y a, ce sera celui trouvé par la famille elle-même.
La perspective systémique comprend donc la thérapie comme induisant
« la création de contextes facilitant la traversée des seuils de constriction
et l’élargissement des horizons », écrit Dora Fried Schnitman2. Et Mony
Elkaïm ajouterait que « l’augmentation du champ des possibles », selon
sa formule favorite, est la pierre angulaire de la coconstruction de l’édifice
thérapeutique.
Une telle philosophie du soin, particulièrement opérante en psychiatrie
infanto-juvénile, a toutefois ses limites et n’ambitionne pas de devenir
une panacée. Mais l’importance grandissante qu’elle prend actuellement
en pratique quotidienne parmi les « travailleurs de terrain » (infirmiers et
assistants socio-éducatifs par exemple), ainsi que la séduction qu’elle génère
au niveau théorique chez un nombre croissant de psychiatres et de psy-
chologues, mérite que l’on fasse plus que s’y intéresser : son étude, sérieuse,
et sa pratique, encadrée par une éthique rigoureuse, requièrent un travail à
la mesure des objectifs qu’il se fixe : il n’est pas toujours très facile d’aider
les autres de manière adéquate…
Par chance, nous avons eu l’occasion de rencontrer Mony Elkaïm, de
bénéficier de son savoir encyclopédique, de son expérience multiple dans
des contextes variés, et de sa gentillesse à bien vouloir donner à ses élèves
une partie de ce qu’il avait réussi à engranger pour lui-même. Ce livre est
en quelque sorte une « restitution » de son enseignement – bien qu’il n’ait
nullement besoin de nous pour cela – à travers notre grille de lecture per-
sonnelle, qui se trouve être à la fois partagée et complémentaire, puisque
nous constituons un couple, au sens familial du terme ainsi qu’au sens
professionnel.
Que cet ouvrage puisse transmettre à ses futurs lecteurs le goût de la
recherche clinique et les initier à la pratique familiale systémique serait
pour nous un encouragement très gratifiant à persévérer dans le chemin
de vie que nous nous sommes tracés, et faisons ici partager le temps d’une
lecture…
Karine et Thierry Albernhe
2 Fried Schnitman D., Fuks S.I. Paradigme et crise : entre risque et possibilité. Thérapie
familiale, 16, 2, 145-162, 1995.
1 L’élaboration du modèle
systémique
Che, non men che saper, dubbiar m’aggrada
[Car, non moins que savoir, douter me plaît]
Dante, Enfer, XI
Le présent chapitre se propose d’étudier l’élaboration du modèle systémique,
c’est-à-dire comment les applications de la pensée systémique contem-
poraine se sont progressivement édifiées, à partir de l’assemblage de
connaissances scientifiques émanant à l’origine de disciplines apparemment
éloignées les unes des autres. Dans le verbe « élaborer », s’entendent les mots
« labeur », « élan », et l’action qui va avec : une construction sur un temps
certain. Quant au terme de « modèle », il sous-entend « représentation », et
comprend « mode » qui, on le sait, évolue avec le temps. L’élaboration d’un
modèle est donc liée au temps : avec lui elle progresse, et son résultat évolue
(la situation du départ – moment de son émergence – génère sa concep-
tion et donne tout son sens au développement de cette transmission). Un
modèle doit répondre à un questionnement, lequel peut être interrogé en
retour (comme celui du mythe des hommes de la caverne élaboré par Platon).
L’exemplaire démarche du philosophe grec mérite un rappel, tant sa
nature (c’est-à-dire la relation sujette à question) croise celle du thérapeute
systémicien :
Compare notre nature, telle que notre éducation nous la rapporte,
à celle en la situation d’êtres humains nés, élevés et éduqués dans
les conditions suivantes : imagine qu’ils n’aient, pour habitation,
qu’une grotte, souterrain de largeur réduite, longue profondeur
avec l’entrée pour seule ouverture ; laquelle, par un muret, est sépa-
rée de l’extérieur où passe une route en surplomb ; imagine qu’ils
soient tous dos à l’entrée, immobiles, fixés à leur place, attachés
aux autres, reliés ensemble du même lien qui les bloque chacun de
la tête aux pieds, les empêchant de regarder ailleurs que droit devant
eux, et d’utiliser les jambes pour marcher. Imagine que pour tout
éclairage, ils n’aient que la lumière d’un feu qui brûle en haut et au
loin, derrière eux, projetée sur la paroi qui est devant eux, incapables
qu’ils sont, à cause du lien, de tourner la tête. Vois aussi, entre la
lumière du feu et les hommes enchaînés, une route en surplomb sur
laquelle passent des hommes, se parlant ou pas, chargés de statues
d’hommes et d’autres êtres vivants, façonnées en toutes matières
Les thérapies familiales systémiques
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