L’allégorie dans l’art du Moyen Age. Formes et fonctions. Héritages, créations, mutations

408 Pages·2011·116.84 MB·French

by  Cristian Heck (ed.)

L’ALLÉGORIE DANS L’ART DU MOYEN ÂGE.
FORMES ET FONCTIONS.
HÉRITAGES, CRÉATIONS, MUTATIONS
etrilma_2.indd 1 25/08/11 08:30
RÉPERTOIRE ICONOGRAPHIQUE
DE LA LITTÉRATURE DU MOYEN ÂGE
LES ÉTUDES DU RILMA
2
Collection dirigée par Christian Heck
etrilma_2.indd 2 25/08/11 08:30
L’allégorie dans l’art
du Moyen Âge.
Formes et fonctions.
Héritages, créations, mutations
Actes du colloque du RILMA,
Institut Universitaire de France
(Paris, INHA, 27-29 mai 2010)
édités par Christian HECK
F
etrilma_2.indd 3 25/08/11 08:30
L’organisation et la publication de ce colloque ont été rendues possibles grâce à l’aide majeure de l’Ins-
titut Universitaire de France, qui a retenu notre programme de recherche, Les cycles iconographiques comme
réseau du savoir et espace encyclopédique dans le livre au Moyen Âge ; qui le supporte activement pour les
années 2007-2012 dans le cadre de la chaire d’iconographie médiévale ; et à qui nous renouvelons
l’expression de notre profonde gratitude. Le programme est rattaché au Centre de Recherches IRHIS
(UMR 8529) de l’Université de Lille 3. Les travaux réalisés sont publiés dans le RILMA, à travers ses
deux collections : les volumes du Corpus, et la série des Etudes.
Le colloque L’allégorie dans l’art du Moyen Âge. Formes et fonctions. Héritages, créations, mutations, s’est tenu
les 27, 28 et 29 mai 2010 dans les locaux que l’Institut National d’Histoire de l’Art a généreusement
mis à notre disposition. Nous sommes très heureux que Herbert L. Kessler, qui n’avait pu être présent,
ait pu rédiger sa contribution à ce volume.
Comité scientifique du colloque :
Christian Heck (Institut Universitaire de France et Université de Lille 3)
Colum Hourihane (Université de Princeton)
Daniel Russo (Institut Universitaire de France et Université de Bourgogne)
Armand Strubel (Université de Montpellier).
Le suivi éditorial de la publication des Actes a été assuré par Audrey Ségard,
doctorante en histoire de l’art à l’Université de Lille 3.
Illustration de couverture :
Somme le Roi, Paris, 1295 (Paris, Bibl. Mazarine, ms 870), folio 61v, le Jardin des vertus.
Selon le texte du traité : « Ceci est le jardin des vertus. Les sept arbres signifient les vertus dont parle
ce livre ; l’arbre du milieu signifie Jésus-Christ, sous qui croissent les vertus ; les sept fontaines de ce
jardin sont les sept dons du Saint Esprit qui arrosent le jardin ; les sept demoiselles qui puisent en ces
sept fontaines sont les sept requêtes du Notre Père qui demandent l’obtention des sept dons ». Frère
Laurent, La Somme le Roi, éd. E. Brayer et A.-F. Leurquin-Labie, Paris, 2008 (Société des Anciens
Textes Français), p. 201.
© 2011, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium.
All rights reserved. No part of this book may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted in any form or by any
means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise without the prior permission of the publisher.
D/2011/0095/190
ISBN 978-2-503-53674-3
Printed in the E.U. on acid-free paper
etrilma_2.indd 4 25/08/11 14:13
Table des matières
Christian Heck,
L’allégorie dans l’art médiéval : entre l’exégèse visuelle et la rhétorique de l’image 7
Formes, richesses et enjeux de l’allégorie
Gilbert Dahan,
Les usages de l’allégorie dans l’exégèse médiévale de la Bible :
exégèse monastique, exégèse universitaire 25
Armand Strubel,
L’allégorie en littérature : une fatalité ? 37
Herbert L. Kessler,
The Eloquence of Silver : More on the Allegorization of Matter 49
Entre l’église et l’Église
Peter Kurmann,
L’allégorie de la Jérusalem céleste et le dessin architectural à l’époque
du gothique rayonnant 67
Daniel Russo,
Allégorie, analogie, paradigme. Étude sur la peinture de l’Église dominicaine
par Andrea di Bonaiuto, à Florence, 1365/1367 79
Cécile Voyer,
L’allégorie de la Synagogue, une représentation ambivalente du judaïsme 95
Brigitte D’Hainaut-Zveny,
L’interprétation allégorique du rituel de la messe. Raisons, modalités d’action et efficacités. 111
Alfred Acres,
What Happens When Christ Sleeps ? 125
Entre sacré et profane
Jacqueline Leclercq-Marx,
L’illustration du Physiologus grec et latin, entre littéralité et réinterprétation
de l’allégorie textuelle. Le cas des manuscrits Bruxellensis 10.066-77 et Smyrneus B.8 141
Rémy Cordonnier,
L’illustration du Bestiaire (XIe – XIIIe siècle). Identité allégorique et allégorie identitaire 157
Catherine Jolivet-Lévy,
Formes et fonctions de l’allégorie dans l’art médiobyzantin 171
Colum Hourihane,
Judge or Judged, Notes on The Dog in The Medieval Passion 191
Typologies, parallèles, comparaisons
Marc Gil,
L’art sigillaire se prête-t-il à la production d’images allégoriques ? 205
Maria Alessandra Bilotta,
Formes et fonctions de l’allégorie dans l’illustration des manuscrits juridiques
au XIVe siècle : quelques observations en partant des exemples italiens 223
etrilma_2.indd 5 25/08/11 08:30
Alejandro García Avilés,
The Philosopher and the Magician. On some medieval Allegories of Magic 241
Martine Clouzot,
Les allégories de la musique dans les livres peints (XIe - XVe siècle) :
mouvements, musicalités et temporalités d’une herméneutique 253
Allégories et créations littéraires
Julia Drobinsky,
L’Amour dans l’arbre et l’Amour au cœur ouvert.
Deux allégories sous influence visuelle dans les manuscrits de Guillaume de Machaut 273
Anne-Marie Barbier,
Dessein avoué et intentions voilées dans les représentations allégoriques
de l’Épistre Othea de Christine de Pizan 289
La fin du Moyen Âge : un temps de l’allégorie ?
Laurent Hablot,
Emblématique et discours allégorique à la fin du Moyen Âge 307
Rose-Marie Ferré,
Des effets littéraires à la création monumentale : « Dire et voir autrement »
la mort de soi. Le tombeau de corps du roi René à la cathédrale d’Angers 321
Pascale Charron,
Les Arts libéraux dans la tapisserie à la fin du Moyen Âge :
entre iconographie savante et pratiques d’atelier 331
Hervé Boëdec,
Allégorie et spiritualité monastique au début du XVIe siècle :
le Triptyque du Bain mystique de Jean Bellegambe 345
Antonella Fenech Kroke,
Continuité ou rupture ? Le langage de la personnification dans les arts à l’aube
des Temps Modernes 371
Présentation des auteurs 387
Index général 395
6 TABLE DES MATIÈRES
etrilma_2.indd 6 25/08/11 08:30
L’allégorie dans l’art médiéval :
entre l’exégèse visuelle
et la rhétorique de l’image
Christian Heck
« L’impossibilité d’accorder entre elles certaines expressions de la lettre nous montre
qu’il faut y chercher autre chose. C’est leur manière de nous dire : lorsque vous
voyez que dans notre sens apparent nous perdons toute signification, cherchez donc
en nous un sens qui, sous l’écorce, puisse être découvert logique et cohérent.
Quelquefois cependant, négliger de prendre à la lettre les expressions de l’histoire,
c’est voiler la lumière de vérité qui s’offre […] Vouloir à toute force ne voir dans
ces paroles qu’une allégorie, c’est les vider de toute la réalité de ces œuvre de misé-
ricorde ».
Grégoire le Grand, Morales sur Job, Lettre dédicace, 3-41.
« Puisque l’intelligence du sens mystique a pour fondement ce que nous présente
la lettre, je m’étonne de la témérité de ceux qui prétendent être maîtres dans l’ex-
plication allégorique, alors qu’ils ignorent le sens premier de la lettre ».
Hugues de Saint-Victor, De Scripturis et scriptoribus sacris2.
Ni Grégoire le Grand, ni Hugues de Saint- médiévales, une attention excessive à un savoir
Victor, bien des siècles plus tard, n’ont écrit caché, un symbolisme trop systématique et
pour les historiens de l’art que nous sommes, surtout nourri de la projection de ce que nous
mais ces deux citations peuvent nous aider à espérons y trouver. Les formes que prend l’al-
situer les problématiques qui sont au cœur de légorie dans l’art du Moyen Age appellent des
notre colloque dans une perspective plus large analyses renouvelées, mais elles ne seront
et plus complète. Qu’elle soit considérée à tra- valables que si elles s’inscrivent dans une
vers son acception médiévale fondamentale, approche non restrictive, et se fondant d’abord
celle d’un des quatre sens de l’Ecriture, ou sur une bonne connaissance matérielle, for-
qu’on la prenne dans son sens courant pour melle et stylistique des œuvres, insérées éga-
l’histoire de l’art, l’allégorie est bien entendu lement dans leurs contextes. C’est pour cela
massivement présente dans l’art, comme dans que notre rencontre prend place dans une pre-
la pensée du Moyen Age. Elle a fait l’objet mière série de trois colloques, dans lesquels j’ai
d’études essentielles dans les domaines de la souhaité que le programme du RILMA soit
vie religieuse, de l’histoire de la littérature et abordé sous les angles respectifs de la périodi-
de la culture3, mais je crois que l’histoire de sation, de la typologie des genres, et du rap-
l’art du Moyen Age a besoin, aujourd’hui, de port des champs du savoir. Pour la question de
renouveler son approche4. Le fait même que la périodisation, nous avons abordé, en octobre
ce procédé de lecture comme d’écriture – et 2008, la question de l’image légendée, à par-
j’emploie ici le mot procédé de manière abso- tir de l’inclusion du texte court dans la page
lument non péjorative – se fonde sur l’imagi- enluminée, de la première moitié du XIIe à la
nation, sur l’autre chose, sur l’ailleurs, sur ce fin du XIIIe siècle5. La typologie des genres
qui n’est pas montré au premier abord mais est nous réunit aujourd’hui autour de l’allégorie.
à chercher sous la réalité des apparences, a pu Enfin, pour la question du rapport des champs
parfois développer, dans le regard que le XIXe du savoir, un troisième colloque, les 23 et 24
et le XXe siècles ont porté sur les œuvres d’art mai 2011, aura pour sujet Thèmes religieux et
L’ALLÉGORIE DANS L’ART MÉDIÉVAL 7
etrilma_2.indd 7 25/08/11 08:30
Fig. 1. René d’Anjou, Le Mortifiement de Vaine Plaisance, Loyset Liédet, anciens Pays-
Bas méridionaux, vers 1470-1475 (Cambridge, Fitzwilliam Museum, ms 165), folio
46, Allégorie du charretier emmenant l’âme épouse de Dieu.
thèmes profanes dans l’image médiévale : transferts, dans différentes disciplines, mais pour nous
emprunts, oppositions. A partir d’études de cas, entendre sur le sens des mots quand nous les
les modalités du glissement des formes devront utilisons. Les points de vue ne peuvent que
permettre de saisir des notions majeures de la s’accorder si la réalité observée – l’œuvre d’art
pensée médiévale. – est la même, à condition d’accepter que ce
Ma seconde remarque introductive sera plus sont des points de vue : non pas de simples
brève, et concerne les conventions, bien opinions, aléatoires, mais des observations
entendu indispensables, qui sont attachées à faites à partir d’un certain angle. Notre objet
notre usage des mots. L’allégorie n’y échappe ne pourra que s’enrichir de ces regards qui en
pas, et ce terme fait référence, pour l’historien font apparaître toutes les faces.
de l’exégèse, à une réalité qui n’est sans doute Je partirai de deux enluminures. La pre-
pas la même que celle à laquelle pense l’histo- mière (Fig. 1) illustre un chapitre du Mortifie-
rien de la littérature, elle-même différente de ment de Vaine Plaisance, de René d’Anjou. De
la réalité de l’allégorie pour l’historien de l’art. ce texte, écrit en 1455, on connaît aujourd’hui
Ce n’est absolument pas un problème, car nous une douzaine de manuscrits, dont plusieurs
ne sommes pas là pour faire coïncider à tout ont été récemment visibles dans la belle expo-
prix ce que peut signifier un même concept sition d’Angers6. J’en retiens un, un peu moins
8 L’ALLÉGORIE DANS L’ART MÉDIÉVAL
etrilma_2.indd 8 25/08/11 08:30
connu, conservé à Cambridge, réalisé dans les
anciens Pays-Bas vers 1470-1475, et enluminé
par Loyset Liédet pour le Mortifiement7. Dans
cette « similitude », pour reprendre le terme
de René d’Anjou, le procédé est à l’image du
fonctionnement général de ce récit allégo-
rique. Dans cette scène, le charretier doit
mener dans son véhicule l’épouse d’un sei-
gneur d’un lieu à un autre, en maîtrisant deux
chevaux peu obéissants. L’épouse représente
l’Âme, et la charrette est la Volonté, que les
deux chevaux, l’Oeil et l’Oreille, c’est-à-dire
deux des cinq sens, toujours avides de nou-
velles sensations, veulent tirer vers le bas-côté.
Le charretier, l’Entendement, doit faire réson-
ner son fouet, qui représente « les saintes doc-
trines des prêcheurs », et a bandé les yeux d’un
cheval, les oreilles de l’autre8.
Mon second exemple (Fig. 2) est tiré du
Speculum Virginum, ce fameux traité composé
vers 1140 dans le milieu bénédictin de la
région du Rhin moyen, l’attribution à Conrad
de Hirsau restant hypothétique. Un des cha-
pitres est illustré par la Victoire de l’Humilité sur
l’orgueil, composition que je reprends dans un
des deux plus anciens manuscrits, vers 1150,
ici celui des Archives de Cologne9. Nous
Fig. 2. Speculum Virginum, Allemagne, vers 1150
avons ici trois femmes victorieuses chacune de
(Cologne, Historisches Archiv, ms W 276 a ; détruit en
leur ennemi, chacun des six personnages étant
mars 2009 ?), folio 19v, Victoire de l’Humilité sur l’orgueil.
identifié par une inscription portée sur le des-
sin10. A gauche Sisera, le chef de l’armée de
Yabîn, roi de Canaan qui opprime Israël, a été
tué par Yaël qui lui a enfoncé un piquet dans
la tempe à l’aide d’un marteau (selon Juges 4,
17-22). A droite Judith est elle aussi debout sur deux personnes dont l’action en est le plus bel
le corps de son ennemi mort, Holopherne, exemple, mais de plus la représentation en est
chef des armées de Nabuchodonosor, et elle comme inversée. Les deux femmes dont on
tient l’épée par laquelle elle l’a décapité (selon célèbre l’action sont montrées hors de tout
Judith 10-13). Mais entre ces deux éléments récit, comme des saintes tenant leurs doubles
narratifs figure l’allégorie de l’Humilité qui attributs (l’un générique, la palme de la vic-
vainc l’Orgueil. toire, l’autre particulier, l’instrument du com-
Nous pouvons déjà dégager quelques bat), la position debout sur l’ennemi vaincu,
remarques de ces premiers exemples. Tout sans lien avec le récit, faisant office d’un troi-
d’abord, l’allégorie peut constituer une com- sième attribut. Au contraire, l’Humilité, qui
position en elle-même, ainsi pour cette char- est l’abstraction correspondant à la narration,
rette de l’Âme selon le Mortifiement ; ici, est la seule des trois à être engagée dans l’ac-
l’image présente un récit qu’il faut com- tion. Tout se passe comme si l’on avait voulu
prendre, soit la lettre, à considérer selon l’es- nous dire que la vraie réalité de ces récits n’est
prit. Mais l’allégorie peut se présenter comme pas l’épisode vécu par ces deux héroïnes. A
l’exégèse de la narration, l’esprit visible à côté travers elles, c’est en fait la Vertu qui s’est
de la lettre. C’est ce que nous avons pour cette manifestée, de même que c’est l’Orgueil qu’il
scène tirée du Speculum Virginum. Non seule- faut discerner derrière les personnages de
ment la Vertu allégorisée est au milieu des Sisera et d’Holopherne.
L’ALLÉGORIE DANS L’ART MÉDIÉVAL 9
etrilma_2.indd 9 25/08/11 08:30
Fig. 3 a. Speculum Humanae Salvationis, Rhin supérieur, Fig. 3 b. Folio 36, moitié droite de l’illustration du
vers 1325-1330 (Kremsmünster, Autriche, abbaye béné- même chapitre, Yaël tue Sisera ; La reine Thamar tue
dictine, ms 243), folios 35v-36. Folio 35v, moitié Cyrus.
gauche de l’illustration du chapitre 30, La Vierge vainc le
diable ; Judith tue Holopherne.
Seconde remarque, les mêmes thèmes n’ap- – le nom du concept inscrit sur l’œuvre,
pellent pas les mêmes allégories, et de fortes comme ici Humilitas et Superbia, dans le
variations s’observent, selon la nature et le Speculum Virginum. Cet usage est d’une
contexte des images. Prenons la Somme le Roi, grande fréquence, qui montre bien à quel
ou Livre des Vices et des Vertus, ce manuel d’ins- point artistes et commanditaires le ressen-
truction morale et religieuse, composé en taient souvent comme une nécessité pour
1279, à la demande du roi Philippe III le que l’identification soit assurée
Hardi, par son confesseur le dominicain frère – l’attribut tenu par une figure, ainsi la balance
Laurent. Dans la quatorzième image du cycle pour la Justice
iconographique, Judith et Holopherne, et – la place dans une composition, ce qui joue
Joseph et la femme de Potiphar, sont bien asso- un rôle, utile mais non suffisant, dans notre
ciés à l’opposition d’une Vertu et d’un Vice. exemple du Speculum Virginum
Mais il ne s’agit pas de l’Humilité et de l’Or- – un procédé qui se rapproche des deux pré-
gueil, mais de la Chasteté et de la Luxure11. cédents, tout en étant plus global : l’inscrip-
Un peu plus tard, vers 1325-1330, dans le tion d’une image dans une série d’œuvres
Speculum Humanae Salvationis, ici dans le analogues, ce qui permet d’y reconnaître un
superbe manuscrit de Kremsmünster (Fig. 3, type iconographique, notion à la fois plus
a et b), la série de trois préfigures, dans le ouverte et plus complète que l’attribut. Dans
trentième chapitre, associe bien Judith tuant le type iconographique peuvent ainsi entrer
Holopherne à Yaël tuant Sisera, ainsi qu’à la la situation dans un lieu naturel ou construit,
reine Thamar tuant Cyrus (selon l’Histoire sco- les caractéristiques physiques, les actions en
lastique), mais la figure en est Marie couron- cours…
née, entourée des instruments de la Passion, – enfin la connaissance d’un texte, que celui-
tenant plusieurs d’entre eux en mains, debout ci soit à l’origine directe de l’image, ou que
sur le démon, et qui apparaît comme une allé- le lien entre les deux ne soit que lointain et
gorie de l’Eglise12. En un mouvement que l’on partiel. Dans le cas de la charrette de l’Âme
peut sans doute comparer à la diversité des dans le Mortifiement, il nous faut remarquer
exégèses des théologiens à partir d’un passage que seuls les bandeaux sur les yeux d’un che-
biblique, le même récit de Judith et Holopherne val, les oreilles de l’autre, nous avertissent
est le support, dans l’art, d’allégories très dif- qu’il ne s’agit pas d’une scène narrative
férentes. banale ; que nous passons à côté de certains
Notre troisième remarque porte sur les éléments allégoriques, comme le fouet du
moyens par lesquels l’image nous permet ou cocher, si nous ne connaissons pas le texte ;
non d’identifier une allégorie. Nous en voyons et qu’au contraire d’autres éléments, comme
au moins cinq : la structure en arceaux qui couvre la char-
10 L’ALLÉGORIE DANS L’ART MÉDIÉVAL
etrilma_2.indd 10 25/08/11 08:30