La crise de l'humanisme. Écrits politiques v.3, 1982-2005

276 Pages·2011·3.816 MB·French

by  Charles Gagnon

CHARLES GAGNON
LA CRISE DE
LHUMANISME
ÉCRITS POLÏTIQUES
VOLUME III (1982-2005)
Textes réunis et présentés par Ivan Carel
Du même auteur :
- Charles Gagnon, Feu sur l'Amérique. Écrits politiques, volume I (1966-1972)
- Charles Gagnon, En Lutte! Écrits politiques, volume II (1972-1982)
© Lux Éditeur, 2011
www.luxediteur.com
Dépôt légal : IER trimestre 2011
Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN 978-2-89596-084-3
Ouvrage publié avec le concours Conseil des arts du Canada, du Programme de
crédit d'impôt du gouvernement du Québec et de la SODEC. Nous
reconnaissons l'aide financière du gouvernement du Canada par l'entremise du
Programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition (PADIÉ) pour
nos activités d'édition.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Juin 1982, 4e congrès de l'organisation marxiste-léniniste du
Canada En Lutte ! Depuis plusieurs mois déjà, la colère gronde
dans les rangs. Démotivation, crise économique, échec à rassem-
bler un grand nombre de travailleurs, dénonciation des abus,
du centralisme, du machisme... ; des facteurs internes comme
externes à l'organisation contribuent à son éclatement et, fina-
lement, à sa dissolution officielle. Du jour au lendemain, les
biens sont vendus, redistribués, cédés à des organisations amies.
Le groupe se sépare sans grand regret et désormais le militan-
tisme, s'il survit, se fera autrement. Quelques mois plus tard,
l'éternel rival, le Parti communiste ouvrier (PCO) subit le même
sort, tout comme la plupart des groupes marxistes-léninistes de
par le monde, qui éprouvent de grandes difficultés à survivre au
tournant des années 1980. Charles Gagnon encaisse le coup ; car
bien qu'étant sceptique depuis quelques années quant à la perti-
nence théorique et pratique d'une telle organisation fondée sur
le prétendu centralisme démocratique, il souhaitait son maintien
sur la scène politique et idéologique québécoise et canadienne.
Presque 20 ans après ses premiers textes dans Cité libre, le secré-
taire général redevient donc le citoyen Charles Gagnon et fait
face à un écroulement général du militantisme politique tel qu'il
le concevait, c'est-à-dire celui devant mener à la création d'une
organisation destinée à la lutte idéologique et, inéluctablement,
politique.
DU RÉVISIONNISME À L'HUMANISME EN CRISE
En Lutte ! disparu, Gagnon ne s'arrête pas de réfléchir, mais il le
fera cependant seul, par d'autres moyens que l'organisation qu'il
II - LA CRISE DE L'HUMANISME
avait contribué à créer. Dans les dernières années d'En Lutte !, il
avait commencé à penser à différents sujets de fond, notamment
celui du révisionnisme, jugé responsable des difficultés à mettre en
place le socialisme. Le marxisme-léninisme des années 1960-1970
en Occident est né essentiellement du schisme sino-soviétique1
au cours duquel Mao dénonce l'évolution de l'URSS et notam-
ment de ses dirigeants vers un abandon du « vrai » léninisme2.
Pour les jeunes contestataires occidentaux, la cause est entendue :
ils n'avaient jamais pu supporter la vieille gauche communiste,
stalinienne, et refusaient d'assimiler leur combat à celui du Bloc
soviétique. Cuba, la Chine, leur offrent un modèle répondant
mieux aux valeurs qui sont les leurs et à leur forme de militan-
tisme, davantage axé sur une dénonciation de l'impérialisme et
de l'aliénation culturelle que sur la nécessité de regrouper les tra-
vailleurs derrière une avant-garde devant mener à un parti et à la
prise du pouvoir. Puis vient la radicalisation et au Québec une
crise d'Octobre 1970 qui change la donne et provoque un choc
psychologique très fort dans toute la gauche. La violence révolu-
tionnaire est désormais unanimement décriée comme menant
à une impasse; le réformisme et le nationalisme ne peuvent
pas conduire à la révolution espérée. Reste donc la nécessité
d'une structure qui reprendra les credo exacts des origines du
marxisme : la science marxiste peut certainement apporter la
solution. En Lutte ! fait alors partie de ces groupes qui, dans les
années 1970, se rapprochent idéologiquement du maoïsme pour
promouvoir la création d'un parti politique regroupant les tra-
vailleurs comme les intellectuels afin de mener la révolution à
l'échelle canadienne. Et à travers les réflexions de cette période,
surnage l'idée que le révisionnisme est la cause de la transfor-
mation de la révolution soviétique en un nouvel impérialisme
1 Charles Gagnon rédige en mai 1984 un travail de fin de session, « Le mouvement
marxiste-léniniste et le conflit sino-soviétique - essai d'interprétation », dans
lequel il revient sur cette question.
2 « [Mao] avait trouvé la faille qui expliquait l'échec de la construction du
socialisme en Union soviétique : le révisionnisme. Et voilà que [...] les jeunes
révoltés, qui refusaient de prendre place dans la caravane des partis traditionnels,
allaient pouvoir se réconcilier pleinement avec le marxisme [...]. » Charles
Gagnon, Il était une fois... Conte à l'adresse de la jeunesse de mon pays, Montréal,
Lux, 2006, p. 20.
INTRODUCTION GÉNÉRALE - III
tout aussi néfaste que celui des États-Unis. Or, justement, dès
1980, Charles Gagnon commence à remettre en question cette
interprétation.
Tout d'abord, il estime (comme il le faisait dans ses textes
felquistes), que l'on ne peut, à la fin du xxe siècle, continuer à
tenter d'appliquer strictement une analyse héritée de l'époque
des houillères allemandes et britanniques. Il faut considérer, si
on veut mener une lutte efficace, les conditions objectives et
subjectives de cette lutte, ce qui est la méthode préconisée par
Lénine, et qu'il n'abandonnera jamais. D'autre part, il refuse de
faire systématiquement porter l'échec des révolutions socialistes
de par le monde uniquement par quelques dirigeants corrompus
par la politique1. Ne serait-ce point le mode de production
originel de ces sociétés qui a empêché leur avancement vers
le libéralisme, le socialisme, le communisme véritable ? Charles
Gagnon va également étudier le mode de production asiatique
(MPA), forme économique prémoderne décrite par Marx comme
étant caractérisée par une caste dominante contrôlant tous les
pans de l'agir social (ex. : les mandarins chinois). Se pourrait-il
que les révolutions du XXE siècle, qui ont lieu essentiellement dans
des sociétés agraires, soient incapables d'accoucher de systèmes
réellement socialistes justement parce que ces sociétés ne sont pas
encore passées par le stade du capitalisme, et que, finalement, la
bourgeoisie n'y a pas encore joué son rôle historique ? Au-dessus
de ces interrogations, un nuage noir : un parti est-il nécessaire,
serait-ce prématuré d'en créer un ?
Au cours des années 1980 jusqu'à sa mort, ce seront des
questions qui vont continuer à être au centre de sa réflexion.
Après la fin des groupes de guérilla et de libération nationale,
après l'échec des groupes marxistes et maoïstes, reste chez lui
la volonté d'étudier de plus près les conditions de naissance
et de mort de cette forme de militantisme caractéristique des
années 1960-1970. Il se rend au Mexique et au Guatemala en
1982 et 1983 pour étudier le mode de production asiatique tel
1 Voir notamment le texte « Bulletin spécial n° 40 », reproduit dans le deuxième
volume des textes politiques de Charles Gagnon, En Lutte!, Montréal, Lux,
2008.
IV - LA CRISE DE L'HUMANISME
qu'il a pu, selon certains auteurs marxistes, se mettre en place
chez les Aztèques. Puis, de retour au Québec en 1983, il décide
d'entreprendre un doctorat en science politique à l'UQAM. Sa
thèse porte sur la Nouvelle Gauche des années i960 au Québec.
L'originalité dç sa réflexion repose sur l'idée que les mouvements
de jeunes contestataires de la Révolution tranquille doivent être
rattachés, dans leurs inspirations plus ou moins conscientes, à
deux sphères d'influence : géographique d'une part, et idéologique
et historique d'autre part.
La première sphère d'influence est exercée par la New Left telle
qu'elle se déploie depuis le début des années i960, notamment
sur les campus universitaires. Pendant ces années, cette mouvance
était communément appelée le Movement aux États-Unis. Plus
largement, cette « nouvelle gauche » avait commencé à se déve-
lopper à la fois en Angleterre, aux États-Unis et en France dans
les années 1950, à la suite d'un rejet de la gauche traditionnelle.
L'argument était que cette dernière s'appuyait sur la seule opposi-
tion de classes et était jugée complice - sinon responsable - de la
dérive révisionniste et totalitaire du bloc de l'Est. On l'accusait
aussi d'être incapable de répondre aux défis des sociétés occi-
dentales modernes. Tout en continuant de s'inspirer des thèses
marxistes, les intellectuels de la New Left insistaient davantage sur
les concepts d'oppression, d'aliénation, et faisaient la promotion
de la libération tant de l'individu que de telle ou telle classe sociale.
Les universités occidentales, et notamment étasuniennes, sont
ainsi devenues au cours des années i960 des foyers de réflexion
intense où les thèses de la New Left ont pu se déployer et s'ex-
primer, avec violence parfois. La version la plus complète qui
nous soit restée de la thèse de Gagnon insiste d'ailleurs sur ce
point, puisqu'il y fait l'historique de la New Left états-unienne,
en démontrant comment ce mouvement fait la promotion à la
fois de la responsabilité sociale et de l'épanouissement indivi-
duel, ce qui mènera inéluctablement à son éclatement à la fin des
années i960 entre les groupes marxistes et la contre-culture.
La deuxième sphère d'influence qui s'exerce sur le mouvement
de jeunesse québécois est idéologique et historique, et s'inscrit
dans le long terme. Elle s'exerce également sur les autres mou-
vements contestataires de par le monde : il s'agit de la crise de
l'humanisme. Définissant l'humanisme comme étant le para-
digme de conception du monde faisant suite au théisme lors
INTRODUCTION GÉNÉRALE - V
de la Renaissance et posant l'homme comme la mesure de tout,
Charles Gagnon rappelle que cet idéal des Lumières et du progrès
est mis à mal par les erreurs et les horreurs commises parfois en
son nom depuis la Première Guerre mondiale. Mais c'est surtout
la Seconde Guerre, l'Holocauste, la bombe atomique, la menace
d'autodestruction, le sentiment d'échec idéologique de la gauche,
la mauvaise conscience générale des pays occidentaux, qui a mis à
mal l'idéal humaniste. Sans compter l'inadéquation plus qu'appa-
rente entre ces idéaux et les pratiques quotidiennes. Cette crise
de l'humanisme va se manifester notamment chez les écrivains
et philosophes qui, comme Jean-Paul Sartre ou André Malraux,
vont en proposer un renouveau basé sur une dénonciation de
l'aliénation de l'homme. Cette dénonciation s'accompagne d'une
ouverture manifeste aux théoriciens de la décolonisation et au
tiers-mondisme1.
Selon Charles Gagnon, les mouvements de jeunesse des
années 1960 se rattachent directement à cette pensée, qui est
plus morale que pragmatique, et réfère aux mouvements « chré-
tiens de gauche » (notamment les groupes de jeunesse catholique)
des années 1940 et 1950. Cette posture morale est sans doute une
des raisons qui expliquent que les manifestants de Mai 68, par
exemple, n'aient pas eu l'ambition de conquérir le pouvoir, au
moment même où ils auraient pu tenter de le faire, mais ont axé
leurs revendications sur des mots d'ordre critiquant un état des
choses, et annonçant un autre monde. Posture utopique et coupée
des réalités des rapports de force que Charles Gagnon dénonce
d'ailleurs dans ses travaux portant sur cette Nouvelle Gauche,
puisqu'il estime que l'angélisme dont ont fait preuve les jeunes de
cette époque a provoqué le phagocytage de leurs revendications
par le système lui-même.
1 II est à noter que certains militantismes actuels réfèrent également à l'idéal des
Lumières - perverti par le système politique et économique, et qui ne s'est donc
jamais réalisé — afin de légitimer leurs discours et leurs pratiques. Voir entre
autres Pascal Lebrun et Marco Silvestro, « La révolution à l'échelle humaine :
une radicalité actuelle concrète », Argument, vol. 12, n° 2, printemps-été 2010,
p. 67-76.
VI - LA CRISE DE L'HUMANISME
DIFFICILES ANNÉES 1980-1990
Alors même qu'il travaille sur sa thèse, Charles Gagnon écrit plu-
sieurs textes dans lesquels il se montre très critique à l'endroit de
sa génération, en dénonçant le moralisme ambiant auquel la crise
économique semble fournir des armes, le retour à une posture
politiquement correcte qui ne tient pas compte des rapports de
force et des conditions objectives ; en dénonçant également le fait
que la divergence d'idées soit si mal acceptée : son « hérésie » fel-
quiste puis maoïste est trop embarrassante. Les anciens militants
eux-mêmes se sont empressés d'effacer ces épisodes dérangeants
de leur mémoire. Cependant, Charles Gagnon ne manque pas lui-
même de se montrer critique à l'endroit de sa propre expérience
au sein d'En Lutte ! Il n'est pas question pour lui de réhabiliter
un courant de la gauche qui, manifestement, n'a pas fonctionné,
et s'est montré à bien des égards trop dogmatique. Par contre,
il affirme qu'il faut étudier le « cas » maoïste québécois de façon
détachée et ne pas jeter nécessairement l'anathème sur tous ceux
qui y auraient participé.
Ne parvenant pas à trouver de poste universitaire tout en
rédigeant sa thèse, Charles Gagnon doit l'abandonner au profit
de travaux rémunérés, notamment de traduction. Au cours des
années 1990, il travaille également pour Infocroissance, organisme
d'information sur les sectes et nouvelles religions, ainsi qu'à
l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec
(ASRSQ), qui oeuvre notamment dans le système carcéral. Il est
coordinateur de la revue de l'association, L'informel, entre 1991 et
1993. Il continue pendant ce temps à écrire plusieurs chroniques
au ton parfois désabusé1, ainsi que des lettres aux journaux. Il
travaille également au sein de divers organismes communautaires
comme le Centre de formation populaire.
Au cours des années 1990, il poursuit le travail commencé avec
sa thèse et entame les démarches destinées à publier un essai inti-
tulé La grande torpeur, qui retrace l'historique des mouvements
de gauche au Québec depuis la « grande noirceur » jusqu'aux
1 Dont certaines publiées notamment dans le recueil Ne dites pas à mon pire que je
suis Québécois. Il me croit Canadien dans un Québec libre. Chroniques perdues et
retrouvées d'une décennie morose, Candiac, Balzac, 1992. Les archives de l'UQAM
contiennent également d'autres textes inachevés.
INTRODUCTION GÉNÉRALE - VII
années 1980. Ce travail sera parachevé plus tard par un essai
inédit, dont nous reproduisons ici quelques extraits : La crise
de l'humanisme. Cet ouvrage resté inachevé contient cependant
des réflexions très intéressantes sur l'histoire du Québec contem-
porain, et notamment de la gauche. En l'inscrivant dans une
perspective à la fois internationale et de continuité avec l'huma-
nisme chrétien, Charles Gagnon opère une distance entre ces
mouvements de gauche des années i960 et le nationalisme de la
Révolution tranquille auquel ils sont habituellement associés.
UNE PENSÉE COHÉRENTE MALGRÉ DES AMBIVALENCES
Depuis le milieu des années i960, la pensée de Charles Gagnon a
suivi une trajectoire qui, bien que fluctuante selon les périodes
et le contexte, recèle malgré tout certaines lignes directrices qui
en assurent la cohérence. Durant le « repli » du politique qu'il
opère de gré ou de force au cours des dernières décennies de sa
vie, Gagnon s'attarde à analyser la nature de cet engagement qui
l'a mené de Cité libre à En Lutte !, en passant par le FLQ. En
somme, c'est l'histoire et l'évolution de la gauche qui a le plus
accaparé ses réflexions au cours de ces années. Pour aboutir parfois
à une attitude ambivalente à l'endroit de deux problématiques
essentielles de cette gauche au Québec : les nouveaux mouvements
sociaux et groupes communautaires d'une part, et la question
nationale d'autre part.
Nous avons pu remarquer dans ses textes des années 1970
que Charles Gagnon a dénoncé les pratiques « réformistes » des
groupes dont l'action ne s'intégrait pas à une politique et à une
idéologie globale de contestation de l'ordre établi. Selon lui,
l'objectif de la lutte était de conscientiser les Québécois et les
Canadiens sur leur situation de dominés afin qu'ils prennent
parti pour la révolution, et non leur faire croire que quelques
réformes du capitalisme pourraient améliorer leur sort. C'est l'at-
titude qu'adopte également En Lutte! face au féminisme : la
libération doit être globale, et ne pas se perdre en considérations
secondaires Or, dans les années 2000, comme on peut le voir
entre autres dans sa « Lettre à un ami » (que nous reproduisons
r
1 Avant de fonder En Lutte!, Charles Gagnon participe également, en 1970,
au groupe Partisans du Québec libre. Formé d'anciens militants du comité
VIII - LA CRISE DE L'HUMANISME
dans ce livre), il adopte une posture beaucoup moins radicale.
Il a lui-même déjà travaillé dans les chantiers de Saint-Henri
dans les années i960 et dans divers groupes communautaires
depuis, et envisage désormais la possibilité que le changement
social véritable ne se fasse plus à travers un parti politique (d'où
son hésitation à appuyer les divers regroupements et partis de
gauche des années 2000), mais bien par des initiatives décentrali-
sées et inscrites sur le « terrain ». Ces groupes militants présentent
l'énorme avantage d'être moins déconnectés des conditions de vie
réelles et quotidiennes. Cela dit, et il s'agit là d'une constante de la
pensée de Charles Gagnon, la lutte pour de meilleures conditions
de vie doit s'accompagner d'un travail de fond, doit être l'instru-
ment, et non la fin en soi, permettant à terme de bouleverser le
système actuel dominé par une économie néo-libérale sapant les
avancées sociales conquises au cours des décennies précédentes.
La nécessité de l'engagement au quotidien va donc de pair avec
l'étude des conditions objectives et subjectives du changement
social, la discussion, l'argumentation et la conscientisation de la
population.
Autre caractéristique de la gauche québécoise depuis la
Révolution tranquille, son lien avec la question nationale. Ne
se reconnaissant pas dans le nationalisme, qu'il considère être
un outil au service de la bourgeoisie1, Charles Gagnon a déve-
loppé une critique parfois acerbe des partis et groupes qui se
sont faits les défenseurs de l'indépendance. En 1995, il publie Le
référendum : un syndrome québécois, dans lequel il réaffirme cette
position. Et toute sa recherche de doctorat mise sur l'idée que
les mouvements de gauche des années i960 ne doivent pas être
réduits à un appui nationaliste au processus de modernisation
qui caractérise la Révolution tranquille. Cependant, le 26 octobre
1995, quelques jours avant le référendum, il envoie une lettre
au Devoir dans laquelle il affirme qu'il votera OUI2. Il explique
VaJJières-Gagnon, ce mouvement cherche à réunir différents groupes de gauche
pour favoriser l'organisation du mouvement révolutionnaire québécois, mais
n'invite ni les CAP ni le FRAP, jugés trop réformistes.
1 On peut lire ces critiques dès les textes felquiste de Charles Gagnon, notamment
dans son analyse de la rébellion de 1837-1838. Voir le vol. 1 de cette anthologie :
Feu sur l'Amérique, Montréal, Lux, 2006.
1 « L'ex-felquiste Charles Gagnon vote OUI », Le Devoir, 26 octobre 1995, p. A7.