Algèbre M1 [Lecture notes]

37 Pages·2016·0.49 MB·French

by  Laurent Berger

ALGÈBRE M1
par
Laurent Berger
Table des matières
1. Anneaux et modules................................................. 2
1.1. Modules et suites exactes........................................ 2
1.2. Modules noethériens............................................. 4
1.3. Modules libres de type fini et matrices........................... 6
2. Modules de type fini sur un anneau principal......................... 8
2.1. Facteurs invariants pour un anneau principal..................... 8
2.2. Modules de type fini sur un anneau principal..................... 10
2.3. Groupes abéliens de type fini et réduction des endomorphismes... 12
2.4. Modules projectifs............................................... 14
3. Produits tensoriels................................................... 15
3.1. Produits tensoriels de modules................................... 15
3.2. Produits tensoriels et homomorphismes.......................... 18
3.3. Extension des scalaires........................................... 19
3.4. Produits tensoriels d’algèbres.................................... 19
3.5. Platitude........................................................ 20
3.6. Produits symétriques............................................. 21
3.7. Produits alternés................................................. 22
4. Localisation.......................................................... 24
4.1. Anneaux locaux.................................................. 24
4.2. Localisation d’anneaux........................................... 25
4.3. Localisation de modules.......................................... 26
4.4. Localisation d’idéaux............................................. 27
4.5. Localisation de morphismes...................................... 28
5. Entiers............................................................... 29
5.1. Éléments entiers................................................. 29
5.2. Finitude des invariants........................................... 31
5.3. Normalisation de Noether........................................ 31
5.4. Le théorème des zéros de Hilbert................................. 33
5.5. Ensembles algébriques affines..................................... 33
2 LAURENT BERGER
6. Anneaux de Dedekind................................................ 34
6.1. Anneaux de Dedekind............................................ 34
6.2. Factorisation des idéaux.......................................... 35
1. Anneaux et modules
On considère des anneaux commutatifs et pour lesquels 0 6= 1.
1.1. Modules et suites exactes. — Un module sur un anneau A est l’analogue d’un
espace vectoriel sur un corps K, c’est-à-dire que c’est un ensemble M muni d’une loi +
telle que (M,+) est un groupe abélien et d’une loi A×M → M qui à (a,m) associe am
et vérifie :
1. (a+b)m = am+bm et a(m+n) = am+an;
2. a(bm) = abm et 1·m = m.
Contrairement au cas des espaces vectoriels, le fait que am = 0 n’implique pas que
a = 0 ou que m = 0, et les A-modules n’admettent pas de bases en général. La théorie
des A-modules est beaucoup plus riche que celle des espaces vectoriels sur un corps.
Sous-modules; si A est un anneau intègre, et M est un A-module, alors l’ensemble
M des éléments de torsion est un sous-module de M.
tors
Si M et N sont deux modules, alors on définit M ⊕N. Un morphisme f : M → N est
une application additive et A-linéaire. L’ensemble des morphismes de M dans N est noté
Hom (M,N) ou plus simplement Hom(M,N) et c’est un A-module. Le module dual de
A
M est M∗ ou M∨ et est défini par M∨ = Hom(M,A). C’est donc l’ensemble des formes
linéaires sur M.
Étant donnée une application f : M → N, on note ker(f) = {m ∈ M | f(m) = 0} et
im(f) = {f(m),m ∈ M}. Ce sont des sous-modules de M et N respectivement. Si l’on a
trois modules L, M et N et f : L → M et g : M → N, alors on écrit plutôt la suite :
f g
L →− M →− N,
etonditquecettesuiteestexacte enM siim(f) = ker(g).Cettedéfinitionestabsolument
fondamentale. Si on a une suite :
M −f→1 M −f→2 M → ··· ,
1 2 3
alors on dit que cette suite est exacte en M si im(f ) = ker(f ) et on dit que la suite
i i−1 i
est exacte si elle est exacte en M pour tout i.
i
f g
Par exemple, la suite 0 → L →− M →− N → 0 est exacte si et seulement si :
ALGÈBRE M1 3
1. f est injective;
2. im(f) = ker(g);
3. g est surjective.
Un diagramme est une collection de modules {M } et de morphismes f entre eux,
i i ij
par exemple :
M −−f−12→ M
1 2
 
 
f13 f24
y y
M −−f−34→ M .
3 4
On dit qu’un diagramme est commutatif si quels que soient i et j et le chemin que l’on
choisit de M à M en suivant les flèches, on obtient le même résultat. Par exemple, le
i j
diagramme ci-dessus est commutatif si et seulement si f ◦f = f ◦f .
24 12 34 13
Si M est un sous-module de N, alors on définit une relation d’équivalence sur N
par n ∼ n si et seulement si n − n ∈ M et on note N/M l’ensemble des classes
1 2 1 2
d’équivalence de ∼. On munit cet ensemble des lois n +n = n +n et a·n = an. C’est
1 2 1 2
un exercice de vérifier que les lois ne dépendent pas des choix faits, et qu’elles font de
N/M un A-module. On a alors une suite exacte :
n7→n
0 → M → N −−−→ N/M → 0.
Théorème 1.1. — Si f : M → N est un morphisme, il existe un unique isomorphisme
˜
f : M/ker(f) → im(f) tel que le diagramme
f
M −−−→ N
 x
 
 
y 
f˜
M/ker(f) −−−→ im(f)
est commutatif.
˜
Démonstration. — Si m ∈ M/ker(f), on pose f(m) = f(m). Ceci ne dépend pas du
˜
choix de m, l’application f : M/ker(f) → im(f) est un isomorphisme, et on voit qu’il
˜
n’y a pas d’autre choix pour f.
f g
Corollaire 1.2. — Si l’on a une suite exacte 0 → M →− N →− Q → 0, alors Q ’
N/f(M).
Démonstration. — On applique le théorème 1.1 à g : N → Q en se souvenant que
ker(g) = im(f).
4 LAURENT BERGER
Dans le même ordre d’idée : si f : N → P est nulle sur M ⊂ N, alors f se factorise
pas N/M.
Si l’on a f : M → N, on note coker(f) = N/im(f) le conoyau de f et on a alors une
suite exacte :
f
0 → ker(f) → M →− N → coker(f) → 0.
Enfin, f est injective si et seulement si ker(f) = 0 et f est surjective si et seulement si
coker(f) = 0.
Notons que si l’on se donne f : M → N et X ⊂ M et Y ⊂ N deux sous-modules de
M et N tels que f(X) ⊂ Y, alors l’application f : M/X → N/Y est bien définie.
Nous allons énoncer le lemme du serpent. Considérons un diagramme commutatif :
u v
0 −−−→ A −−−→ B −−−→ C −−−→ 0
  
  
a b c
y y y
0 −−−→ A0 −−u−0→ B0 −−v−0→ C0 −−−→ 0
Construisons une application δ : ker(c) → coker(a). Si z ∈ ker(c), alors on peut écrire
z = v(y) avec y ∈ B et on a 0 = cv(y) = v0b(y) ce qui fait que b(y) ∈ ker(v0) = im(u0) et
il existe donc un (et un seul) x0 ∈ A tel que b(y) = u0(x0). Si on avait choisi un y différent,
disons y˜ tel que z = v(y˜), alors y − y˜ ∈ ker(v) = im(u) et donc b(y − y˜) ∈ b(im(u)) =
u0(im(a)) ce qui fait que x˜0−x0 ∈ im(a). L’application δ : y 7→ x0 de ker(c) dans coker(a)
est donc bien définie.
Théorème 1.3. — La suite :
u v δ u0 v0
0 → ker(a) →− ker(b) →− ker(c) →− coker(a) −→ coker(b) −→ coker(c) → 0
est exacte.
1.2. Modules noethériens. — On dit qu’un module M est de type fini s’il existe
m ,...,m ∈ M tels que M = {Pr a m , a ∈ A} (on écrit alors M = (m ,...,m )),
1 r i=1 i i i 1 r
ce qui revient à dire qu’il existe un morphisme surjectif Ar → M.
On dit qu’un A-module M est noethérien (d’après Emmy Noether) si tout sous-A-
module de M est de type fini (en particulier M lui-même). On dit que A est un anneau
noethérien si tout idéal I de A est de type fini, c’est-à-dire si A est un A-module noethé-
rien. En particulier, un anneau principal est noethérien (tout idéal étant engendré par un
seul élément).
ALGÈBRE M1 5
Proposition 1.4. — Un A-module M est noethérien si et seulement si toute suite crois-
sante M ⊂ M ⊂ ··· de sous-modules de M est stationnaire (constante après un certain
1 2
rang).
Démonstration. — Si M est noethérien et si M ⊂ M ⊂ ··· est une telle suite, alors
1 2
N = ∪ M est un sous-module de M et est donc de type fini, engendré par m ,...,m .
i≥1 i 1 r
Il existe alors n (cid:29) 0 tel que m ∈ M ce qui fait que M = M = ··· = N.
i n n n+1
Réciproquement, soit M vérifiant la condition sur les suites de sous-modules et N un
sous-module de M. Soit m ∈ N et M = (m ). Pour i ≥ 1, on choisit m ∈ N \ M
1 1 1 i+1 i
si N 6= M (sinon on prend m = 0) et on pose M = (m ,M ). Par hypothèse,
i i+1 i+1 i+1 i
la suite des M doit être constante à partir d’un certain rang r ce qui fait que N =
i
(m ,··· ,m ).
1 r
Lemme 1.5. — Si L, M et N sont trois A-modules et si on a une suite exacte :
f g
0 → L →− M →− N → 0,
alors M est noethérien si et seulement si L et N le sont.
Démonstration. — Si M est noethérien, alors un sous-module de L est via f un sous-
module de M et est donc de type fini ce qui fait que L est noethérien. Si P est un
sous-module de N, alors g−1(P) est un sous-module de M qui est donc de type fini et si
l’on note m ,...,m des éléments qui l’engendrent, alors g(m ),...,g(m ) engendrent P
1 r 1 r
et donc N est noethérien.
Si L et N sont noethériens, soit P un sous-module de M, soient ‘ ,...,‘ des éléments
1 r
de L tels que f(‘ ),...,f(‘ ) engendrent f(L)∩P et soient p ,...,p des éléments de P
1 r 1 s
dont les images dans N engendrent g(P). Si p ∈ P, alors il existe des a ∈ A tels que
i
g(p) = Ps a g(p ) ce qui fait que p−Ps a p ∈ ker(g) = im(f) et donc qu’il existe des
i=1 i i i=1 i i
b tels que p = Ps a p +Pr b f(‘ ) ce qui fait que P est de type fini engendré par les
i i=1 i i j=1 j j
f(‘ ) et les p .
j i
Théorème 1.6. — Si A est un anneau noethérien, alors tout A-module M de type fini
est noethérien.
Démonstration. — Si r ≥ 1, alors on a une suite exacte 0 → A → Ar → Ar−1 → 0 d’où
l’on déduit par récurrence (par le lemme 1.5) que Ar est noethérien pour tout r ≥ 1.
Si M est un A-module de type fini, alors il existe un morphisme surjectif g : Ar → M
et cela nous donne une suite exacte 0 → ker(g) → Ar →−g M → 0 d’où l’on déduit (par le
lemme 1.5) que M est noethérien.
6 LAURENT BERGER
Les anneaux de polynômes K[X ,...,X ] sont noethériens. En fait, beaucoup des
1 n
anneaux que l’on rencontre le sont. En voici un qui ne l’est pas : soit K un corps et A
l’ensemble des suites (x ) d’éléments de K (l’addition et la mutliplication étant terme
n n≥1
à terme). L’idéal I des suites nulles à partir d’un certain rang n’est alors pas de type fini.
1.3. Modules libres de type fini et matrices. — SoitAunanneauetJ unensemble.
On note ⊕ A l’ensemble des suites x = (x ) telles que x = 0 pour tout j sauf un
j∈J j j∈J j
nombre fini. Si M est un A-module, on dit qu’une famille {m } d’éléments de M est
j j∈J
une base de M si l’application ⊕ A → M donnée par (x ) 7→ P x m est un
j∈J j j∈J j∈J j j
isomorphisme (l’application est bien définie puisque pour chaque x, x = 0 pour tout j
j
sauf un nombre fini). On dit qu’un A-module M est libre s’il admet une base.
Proposition 1.7. — Si M est un A-module libre, alors deux bases de M ont même
cardinal.
Démonstration. — Soit {m } une base de M et I un idéal maximal de A. Le module
j j∈J
quotient M/IM est un A/I-espace vectoriel et les {m } en forment une base, ce qui
j j∈J
fait que card(J) = dim M/IM.
A/I
On dit qu’un A-module M est libre de type fini s’il admet une base finie, ce qui revient
à dire qu’il existe r ≥ 1 et un isomorphisme f : Ar → M.
Si M est un A-module libre de type fini, alors par la proposition 1.7, l’entier r tel que
M ’ Ar est bien défini et on l’appelle le rang de M. Si M et N sont deux A-modules
libres de rang r et s, dont on choisit des bases {m } et {n }, et si f : M → N est un
i j
morphisme, alors la matrice de f dans les bases {m } et {n } est Mat(f) = (f ) où
i j i,j
f(m ) = Ps f n . Les règles habituelles de l’algèbre linéaire s’appliquent toujours; en
j i=1 i,j i
particulier, on a Mat(fg) = Mat(f)Mat(g). On note M (A) et M (A) les matrices à
m×n n
m lignes et n colonnes et les matrices carrées n×n.
Si P = (p ) ∈ M (A), on définit det(P) = P ε(σ)p ···p et on a alors
i,j n σ∈Sn 1,σ(1) n,σ(n)
det(PQ) = det(P)det(Q) et si tco(P) désigne la transposée de la comatrice de P, alors
tco(P) · P = det(P)Id. En particulier, la matrice P est inversible dans M (A) si et
n
seulement si det(P) ∈ A×; on note GL (A) l’ensemble de ces matrices.
n
Proposition 1.8. — Soit M un A-module libre de rang r et f : M → M linéaire et
P = Mat(f) dans une base {m } de M.
i i
1. L’application f est surjective si et seulement si det(P) ∈ A×;
2. L’application f est injective si et seulement si det(P) n’est pas un diviseur de zéro
dans A.
ALGÈBRE M1 7
Démonstration. — Si f est surjective, il existe Q ∈ GL (A) telle que QP = Id et donc
r
det(P) ∈ A×. Si det(P) ∈ A×, alors det(P)−1 ·tco(P)·P = Id et f(M) engendre donc
M. Ceci montre le (1).
Si f n’est pas injective, alors il existe v ∈ Ar tel que Pv = 0 et tco(P) · Pv =
det(P)v = 0 ce qui fait que det(P) divise zéro. Supposons enfin que det(P) divise zéro,
c’est-à-dire qu’il existe h non nul tel que h · det(P) = 0. Parmi tous les mineurs de
P, il en existe un µ = minj1...jnP de taille maximale n < r tel que h · µ 6= 0 (sinon
i1...in
hP = 0 et donc P(h,0,...,0) = 0). Soit i 6= i et x = (x ...x ) où x = 0 si i 6= i et
0 k 1 r i k
x = (−1)kh·minj1...jn P. On a alors x 6= 0 et Px = y = 0, car y = h·minj,j1...jnP,
ik i0...ibk...in j i0...in
ce qui fait que f n’est pas injective.
Corollaire 1.9. — Si f : Ar → Ar est surjective, alors elle est injective.
Corollaire 1.10. — Si f : Ar → As est injective, alors r ≤ s.
Démonstration. — Si s < r, alors on voit f comme une fonction f : Ar → As ⊕ Ar−s.
Cette nouvelle fonction est injective si f l’est, mais det(f) = 0 ce qui contredit le (2) de
la proposition 1.8.
Si P ∈ M (A), alors on définit le polynôme caractéristique Π (X) = det(X ·Id−P) ∈
n P
A[X] et le théorème de Cayley-Hamilton est toujours vrai.
Théorème 1.11. — Si M est un A-module engendré par n éléments m ,...,m , si f :
1 n
M → M est un endormorphisme de M, et si P ∈ M (A) est telle que f(m ) = P p m ,
n i j ij j
alors Π (f) est nul sur M.
P
Démonstration. — Considérons M comme un module sur A[X] en posant X·m = f(m).
On a alors :
   
m 0
1
(X ·Id−P) ...  = ...,
   
m 0
n
et donc :
       
0 m m m
1 1 1
... = (X·Id−P) ...  = tco(X·Id−P)·(X·Id−P) ...  = det(X·Id−P)·Id ... ,
       
0 m m m
n n n
ce qui fait que det(X ·Id−P)m = 0 pour tout i et donc que Π (f) = 0 sur M.
i P
Corollaire 1.12. — Si M est un A-module de type fini et I est un idéal de A tel que
M ⊂ I ·M, alors il existe x ≡ 1 mod I tel que xM = 0.
Démonstration. — Appliquer le théorème 1.11 à f = Id.
8 LAURENT BERGER
Rappelons qu’un anneau A est dit local s’il admet un unique idéal maximal. Un anneau
est donc local si et seulement si l’ensemble de ses non-inversibles en est un idéal. Si A est
local d’idéal maximal I, et M est un A-module, alors M/IM est un A/I-espace vectoriel.
Proposition 1.13. — Soit A un anneau local et I son idéal maximal. Si M est un A-
module et si m ,...,m sont tels que leurs images engendrent le A/I-espace vectoriel
1 n
M/IM, alors M est engendré par m ,...,m .
1 n
Démonstration. — Soit N = P A·m . On a M = IM +N et donc I(M/N) = (IM +
i i
N)/N = M/N ce qui fait qu’il existe x ≡ 1 mod I tel que x(M/N) = 0. Comme x ∈ A×,
on a M/N = 0 et donc M = N = P A·m .
i i
2. Modules de type fini sur un anneau principal
2.1. Facteurs invariants pour un anneau principal. — Iln’estpasvrai,engénéral,
qu’un sous-module d’un module libre est lui-même libre (par exemple (X,Y) ⊂ K[X,Y])
mais sur un anneau principal, c’est vrai.
Théorème 2.1. — Si A est un anneau principal, si M est un A-module libre de rang r
et si N est un sous-A-module de M, alors N est libre de rang ≤ r.
Démonstration. — Soit {m } une base de M et N = N ∩ (m ,...,m ). Nous allons
i i 1 i
montrer par récurrence sur i que N est libre de rang ≤ i. Comme N ⊂ (m ) ’ A et
i 1 1
que A est principal, N est de la forme (a m ) avec a ∈ A et il est donc libre de rang
1 1 1 1
≤ 1. Soit i ≥ 1 et I l’ensemble des a ∈ A tels qu’il existe x ∈ N qui peut s’écrire
i+1
x = b m +···+b m +am . C’est un idéal de A et il est donc engendré par un élément
1 1 i i i+1
a ∈ A. Si a = 0, alors N = N et N est bien libre de rang ≤ i+1. Sinon, soit
i+1 i+1 i+1 i i+1
x ∈ N tel que x = b m +···+b m +a m . Si y ∈ N , alors il existe b ∈ A tel
i+1 1 1 i i i+1 i+1 i+1
que y −bx ∈ N et comme N ∩(x) = {0}, on a N = N ⊕(x) qui est donc libre de
i i i+1 i
rang ≤ i+1.
Contrairement à ce qui se passe pour les espaces vectoriels sur un corps, il n’existe
pas nécessairement P ⊂ M tel que M = N ⊕ P, par exemple N = 2Z n’a pas de
« supplémentaire » dans M = Z.
ALGÈBRE M1 9
Le résultat ci-dessous précise le théorème 2.1 et est fondamental.
Théorème 2.2. — Si A est un anneau principal, si M est un A-module libre de rang r
et si N est un sous-A-module de M de rang s, alors il existe une base m ,...,m de M
1 r
et des éléments d ,...,d de A\{0} tels que :
1 s
1. les d m ,...,d m forment une base de N ;
1 1 s s
2. on a d | d | ··· | d .
1 2 s
Démonstration. — Pour que la démonstration soit aussi claire que possible, nous mon-
trons le théorème dans le cas où A est un anneau euclidien (c’est le cas dans les deux
applications les plus importantes, A = Z et A = K[X]). La démonstration dans le cas
général est assez semblable mais l’une des étapes est plus technique.
Montrons donc le théorème sous l’hypothèse supplémentaire que A est un anneau
euclidien. Si l’on choisit des bases de M et N, alors la matrice de la base de N selon
celle de M est une matrice P ∈ M (A) et si l’on change les bases de M ou de N, cela
r×s
revient à remplacer P par XPY avec X ∈ GL (A) et Y ∈ GL (A). Pour montrer le
r s
théorème, il faut donc montrer qu’il existe X ∈ GL (A) et Y ∈ GL (A) telles que XPY
r s
a tous ses termes nuls sauf ses s premiers termes diagonaux, et que ceux-ci satisfont la
condition (2). Nous allons montrer que l’on peut faire cela en ne modifiant P que par
des opérations élémentaires sur les lignes et les colonnes (si A n’est que principal, alors
ce n’est justement pas toujours possible).
Si P = 0, alors il n’y a rien à faire. Sinon, posons N(P) = min{N(p ), p 6= 0}.
i,j i,j
Quitte à permuter les lignes et les colonnes, on peut supposer que N(P) = N(p ).
1,1
Supposons alors qu’il existe i ou j tels que p ne divise pas p ou p . Dans ce cas,
1,1 i,1 1,j
considérons les opérations suivantes :
(L) si c’est p , alors on fait une division euclidienne de p par p : p = qp +r
i,1 i,1 1,1 i,1 1,1
et on remplace la ligne L par L −qL puis on réordonne les lignes et les colonnes
i i 1
pour que N(P0) = N(p0 );
1,1
(C) si c’est p , alors on fait une division euclidienne de p par p : p = qp +r et
1,j 1,j 1,1 1,j 1,1
on remplace la colonne C par C −qC puis on réordonne les lignes et les colonnes
j j 1
pour que N(P0) = N(p0 ).
1,1
A chaque fois que l’on fait l’une des opérations ci-dessus, on remplace la matrice P par
une matrice P0 telle que N(P0) ≤ N(P)−1 ce qui fait qu’après au plus N(P) opérations,
on se retrouve forcément avec une matrice qui a la propriété que p divise tous les
1,1
éléments de la ligne L et de la colonne C . Quitte à remplacer L par L −(p /p )L
1 1 i i i,1 1,1 1
10 LAURENT BERGER
et C par C −(p /p )C , on est alors dans la situation où P est de la forme :
j j 1,j 1,1 1
!
p 0
1,1 .
0 Q
S’il existe i et j tels que p ne divise pas q , alors on remplace L par L + L et
1,1 i,j 1 1 i
on recommence les opérations (L) et (C) ci-dessus, chacune étant forcée de faire baisser
N(P) d’au moins 1. On finit donc par arriver dans la situation où P est de la forme :
!
p 0
1,1 .
0 Q
avec p | Q ce qui permet de démontrer le théorème par récurrence en l’appliquant à la
1,1
matrice Q/p .
1,1
Nous verrons plus loin que les idéaux (d ), (d ),...,(d ) sont déterminés par le module
1 2 s
quotient M/N. Ces idéaux s’appellent les facteurs invariants de M/N. Si l’anneau A
a la propriété que pour tous les modules N ⊂ M avec M et N libres de rang fini, les
conclusions du théorème 2.2 sont satisfaites, alors on dit que A est un anneau à diviseurs
élémentaires. Dans un tel anneau, tout idéal de type fini est nécessairement principal.
Réciproquement, on conjecture que si A est un anneau intègre dans lequel tout idéal de
type fini est principal, alors A est un anneau à diviseurs élémentaires. Un exemple d’un
tel anneau qui n’est pas principal est l’anneau des fonctions holomorphes sur le disque
unité ouvert.
Remarquons pour terminer que la démonstration du théorème 2.2 fournit une classi-
fication des matrices à coefficients dans un anneau principal A à équivalence près. Une
matrice dont tous les termes sont nuls sauf les s premiers termes diagonaux d ,...,d et
1 s
telle que d | ··· | d est dite être en forme normale et on dit alors aussi que les d sont
1 s i
les facteurs invariants de la matrice.
2.2. Modules de type fini sur un anneau principal. — Commençonsparappliquer
directement le théorème 2.2.
Proposition 2.3. — Si A est un anneau principal, et si M est un A-module de type fini,
alors il existe n ≥ 0 et des éléments non nuls d ,...,d de A\A× tels que d | ··· | d
1 m 1 m
et M ’ An ⊕(⊕m A/d A).
i=1 i
Démonstration. — Si M est de type fini, il existe un morphisme surjectif f : Ar → M et
on note N = ker(f). Par le théorème 2.1, N est libre de rang s ≤ r et la proposition suit
alors du théorème 2.2 appliqué à N ⊂ Ar, étant donné que si d ∈ A×, alors d A = A.
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