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Déita
LA LEGENDE DES LOA
DU VODOU HAIÏTIEN
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RE
PREFACE
Dans la complexité des choses de ce monde, dans
sa course folle et irrésistible vers des rives inconnues
et pleines de mystères, l'homme, pauvre atome égaré
dans l'Univers, cherche souvent à s accrocher à tout ce
qui l'entoure afin d'élucider quelques-unes de ces ques-
tions devant lesquelles on recule, affolé, devant lesquel-
les la raison chancelle. Depuis la plus haute Antiquité
trois d'entre elles ne cessent de bouleverser la conscience
humaine. ‘Que sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où
allons-nous ?”
Tous les peuples de la terre, de la préhistoire à nos
jours ont proposé des solutions. Evidemment, chacun à
sa façon, chacun suivant le degré de son développement
spirituel. Dans l'Afrique noire toujours clouée au pilori,
traînée aux gémonies, et pourtant, initiatrice de Moise
par son beau-père le Grand-Prêtre Jétro, Raquel de
Madian en Ethiopie; dans le Continent austral, berceau
de la Race rouge, que Platon appelle l'Atlantide, dans
l'Asie mystérieuse des Fils jaunes du Ciel, venus on ne
sait d'où, si vera est fama; dans l'Europe des blanches
druidesses, on parla, à des époques successives, des
dieux, des déesses, des loa, et aussi de Dieu.
Et c'est la raison pour laquelle nous devons tous vou-
loir monter le plus possible, dans la Connaissance, dans
la Compréhension, afin que nous puissions déployer nos
âmes, enseigner à nos frères moins fortunés et attein-
dre enfin à ces hauteurs d'où l'on aperçoit au loin, ces
Promontoirs Radieux vers lesquels se dirigent, à pas très
lents, l'Humanité entière, depuis des millénaires. Le peu-
ple noir d'Haïti qui trébuche depuis près de deux siè-
cles sur une route semée d'obstacles, très souvent mis
sur la sellette par ses contempteurs impénitents dont
la mauvaise foi congénitale n'a d'égale que leur igno-
rance abyssale, sortira, à l'heure marquée par le Des-
tin, la tête haute, de ces terribles épreuves inhérentes
à tous les peuples qui vivent sur notre terre d'exil. D'ail-
leurs, n'a-t-il pas déjà donné au monde étonné, une
III
grande leçon de courage dont il supporte encore Jes
conséquences.
Profondément imprégnée de toutes ces considérations.
Déita, déesse ou mortelle privilégiée d'une enviable ima-
gination créatrice alliée à une culture générale fort remar-
quable, dont on connaît l'amour profond pour sa mal-
heureuse patrie, vient, encore une fois, prendre sa
défense sur un plan très élevé, dans ‘La Légende des
Loa
Avec une rare aisance elle nous amène, des profon-
deurs sous-marines aux espaces infinis dont le silence
effrayait Pascal. Et nous entendons, grâce à un bien-
veillant et savant interprète, ici et là, les dieux et les
déesses eux-mêmes nous parler de leur vie, de leurs
ascendants, de leur progéniture, de leurs amours, comme
autrefois leurs frères et sœurs de Thèbes et de Mem-
phis, d'Eleusis et de Delphes. Il importe, d'autre part,
de savoir gré à l'auteur d'avoir établi une nette distinc-
tion entre Vodou, Magie et Sorcellerie contrairement à
l'opinion erronée de certains en mal de célébrité qui veu-
lent, à tout prix, prendre les vodouisants pour des pes-
tiférés et des suppôts de Satan alors que les milliers et
les milliers d'ouvrages écrits sur la Magie et la Sorcelle-
rie sont l'œuvre de leurs confrères d'outre-mer, hommes
civilisés par excellence.
Mais fort heureusement, il y a aussi, parmi eux des
hommes admirables. Lors de son premier voyage chez
nous, un Secrétaire Général de l'Organisation des Etats-
Américains alla rendre visite au Directeur d'un grand
quotidien. En partant il laissa tomber ces mots qui sont
restés gravés dans ma mémoïre: ‘On dit, mon cher
Directeur, que votre pays est pauvre, Mais, ce qui Ma
le plus étonné en Haïti c'est cette chaleur humaine à
base de spiritualité que j'ai pu voir sur tous les visages.
Il y a une richesse qui se dégage du regard de l'Haïîtien
que l'on ne rencontre nulle part." Honneur à ce grand
homme qui a su nous regarder, non pas avec des pré-
jugés mesquins, non pas avec des yeux physiques, mais
avec les yeux de l'Esprit ! Honneur à ce Vir Bonus qui
Sait que la vraie valeur des nations ne dépend pas de
IV
l'étendue de ses ressources matérielles, de l'ampleur de
ses moyens financiers. Voici, pour clore ce paragraphe,
l'opinion d'un prêtre catholique, très cultivé et, de sur-
croît ethnologue, dans une étude sur le Vodou qu'il étu-
die depuis plusieurs années, intitulée : ‘RIT RADA —
ASPE SOSIO-KILTIREL‘ .
‘“Mwen ale nan seremoni pliziè foua an Lavilokan.
Koake Grankay la an dekadans, paske prèske tout dekan
yo fin mouri, se Lavilokan mwen ouë vrèman aspê
relijyon Vodou à.
‘‘Relijyon Vodou a gen anpil lot bèl aspè enteresan.
Li gen dekoua geri moun, li gen dekoua droge timoun
yo pou fidèl li yo pa al nan ne. (on Ÿ)
“RONKLIZYON : Lè you moun ap pale de Vodou an
Ayiti, {dk li fè atansyon, Vodou gen wa rit men se sèl
rit Rada a ki fome relijyon pèp la. E lè ouap pale de
rit Rada a fok ou veye zo ou tou. Gen anpil bagay nou
poko prèt pou nou konprann ladan 1 Menm moun ki
ladan nannan Vodou a pa fin konnen tout richès yap
pcte. Donk kenbe provèb sa à byen nan tèt ou le ou
ap pale de relijyon Vodou :
“Sa ou pa konnen pi gran pase ou p”
Nan preche sou Vodou san yo pa konnen, nou
melanje relijyon Vodou ak maji, anpil pè, anpil paste,
anpil grandizè-tifèzè prèske retire tout nanm pèp-AyIsyen.
Relijyon sa a tèlman mare ak tout longè kdd lonbrit pèp
la ke si yon moun ta rive detwi li ak tout dans, tout
rit, tout ritm, tout sajès li genyen ladan 1 se pèp Ayisyen
moun sa ä ta detwi. (p. 25).
Il nous faut maintenant mettre l'accent sur la ver-
sion inédite du récit de la cérémonie du Bois-Caïman.
Boukman y a mis en lumière de façon vraiment très
émouvante la Doctrine terrifiante du Sacrifice. Il ne s’agit
pas ici de l'offrande perpétuelle dont on parle dans
l'Exode (V, 38, 39, 40, 41 et 42), ni d'holocauste de gros
et menu bétail comme cela se faisait chaque jour dans
le l'emple de Jérusalem, d'après le Lévitique, mais de
la décision prise par un être conscient de l'acte volon-
taire par lui posé, qui offre sa vie, qui verse lui-même
son sang pour le salut de ses frères. C'est là, à nen
V
pas douter, le dernier degré de l'héroïsme humain. Le
soir, aux heures des méditations, lorsque, un scalpel à
la main, on essaie de mettre à nu les réalités profondes
cachées sous les apparences extérieures des choses, l'on
se sent souvent en proie à une souffrance indicible, à
une angoisse infinie en songeant que tant quil y aura
un monde et qui sent et qui pense, il semble néces-
saire qu'il y ait aussi des victimes. Pensée troublante,
pensée navrante, pensée révoltante. Et si jamais l'on se
demande pourquoi, recherchant même le pourquoi du
pourquoi, Causae causarum on se heurte, hélas contre
un gigantesque bloc de granit, et la mort dans l'âme,
l'on S en va, répétant a satiété, énigme, cruelle énigme,
mystère insondable.
À cette hauteur, une question vient naturellement
à l'esprit : où est la vérité dans le problème social, dans
le problème moral, dans le problème religieux? Il y a
environ un demi-siècle, dans la Revue ‘Le Temps'’’ de
Port-au-Prince, le Docteur en philosophie, l'Abbé Gin-
gras, d'origine canadienne avait ainsi opiné : ‘l'homme,
le demi-dieu qui pourrait répondre à cette question, y
répondre préremptoirement en provoquant l'universelle
persuasion et la mort de tout doute, il aurait résolu
l'énigme de la vie et guéri le mal de ce monde ”
Or, comme il l'avait suggéré lui-même, il n y a qu'un
seul remède susceptible de guérir tous les maux de
l'Humanité. Il prend sa source dans le grand principe
de la tolérance qui débouche infailliblement sur la Doc-
trine du Cœur, sur la Doctrine de l'Amour, de l'Amour
Universel. Tant que les hommes ne prendront pas la
sage détermination de s'abreuver à cette eau mystérieuse
qui étanche définitivement la soif, le souffle des révolu-
tions emportera bien des gouvernements, les ruines
amoncelées sur tous les chemins du monde deviendront
des Himalayas à jamais infranchissables et des fleuves
de sang continueront de couler. Et on entendra partout
des pleurs et des grincements de dents.
Laissez moi maintenant livrer à votre méditation Ces
mots du grand psychologue allemand Konrad Lorenz PU
sés dans le dernier chapitre de son livre ‘“L'AgressiOn
VI
intitulé “Profession d'optismisme”": ‘Nous savons que
dans l'évolution des vertébrés, le lien d'amour et d'ami-
tié personnel fut l'invention mémorable que créèrent les
Grands Constructeurs lorsqu'il devint nécessaire que deux
ou plusieurs individus d'une espèce agressive vivent pai-
siblement ensemble et collaborent à un but commun...
La conclusion évidente est que l'amour et l'amitié doi-
vent comprendre l'humanité tout entière et que nous
devons aimer tous nos frères humains sans discrimina-
tion. Ce commandement n'est point nouveau.
Mais il est vraiment temps de conclure pour permet-
tre au lecteur de savourer les passages vraiment fasci-
nants de cet ouvrage unique en son genïe. Il plaira cer-
tainement à beaucoup de jeunes qui, en le lisant pen-
seront aux récits merveilleux de la ‘’Belle au bois dor-
mant,’ ’ de la ‘‘Belle aux cheveux d'orvde la epelleret
la Bête’’ ou des ‘Mille et une nuits. D'autres le bou-
deront peut-être, pour une raison ou pour une autre.
Quelques soi-disant guides, bornés et aveugles travail-
lant sous la férule de maîtres cupides qui s'engraissent
sur le dos du pauvre peuple haïtien pour lequel ils vont
quémander ailleurs afin de remplir leurs propres coffre-
forts, crieront, qui sait, au scandale ou même au blas-
phème, ceux qui, hélas, ne peuvent offrir à leurs ouail-
les que des oripeaux et des friperies sur les plans maté-
riel, moral, intellectuel et spirituel. À ceux-là nous nous
contentons de dire, comme les Anciens : “Eskato Bébé-
loi”. Des lecteurs impartiaux et cultivés ne manqueront
certes pas de présenter des critiques constructives, mar-
quées au coin de la sagesse dont l'auteur tiendra sans
doute compte dans une prochaine édition. Mais seuls
ceux-là qui ont en leur possession, la Lampe de Trismé-
giste, le Manteau d ‘Appolonius et le Bâton des Patriar-
ches, pourront casser les os pour en sucel ‘la substan-
tifique moëlle”.
Ce livre est écrit. Il ira où il doit aller. Libri sua fata
habent.
Juin 1988
Maître Emile Jonassaint
VII
Présentation
Le peuple haïtien, comme tous les peuples de la terre,
a son propre univers spuituel, peuplé d'entités dont
l'essence ne se laisse pas connaître avec autant de faci-
lité que les réalités matérielles. En effet, les Loa, dans
le vodou haïtien, ont fait l'objet de nombreuses études,
parfois savantes, parfois d'inspiration sentimen tale. Les
titres de ces ouvrages révèlent ou annoncent l'intuition
de leur auteur.
Déita a préféré intitulé son étude sur les esprits
vodous : La légende des Loa. Est-ce par hasard ou par
préméditation ? En tout cas, l'expression : Légende des
Loa va être interprétée de façon différente par les lec-
teurs. Pour les uns, les Loa ne sont rien d'autres que
des êtres légendaires, des mythes, des créations de l'ima-
gination populaire. Pour d'autres ils sont des êtres réels
avec lesquels on peut entrer en communication Si On
connaît non seulement leur nom, mais aussi leur his-
toire, leur code rituel, leur règlement.
L'Haïtien vodouisant lui, sait ce qu'il fait quand il
sert ses loa, et s'il le veut bien, il vous dira franche-
ment ce qu'il pense de Papa Dambala, de Papa Ogoun,
de Papa Guédé, de Grann Aloumandia, de Maître Agoue
et de Maîtresse Erzulie.
Le mérite de Déita sera de nous introduire à cet un!i-
vers inconnu des uns et mal connu des autres, et que
nous tous avons intérêt à connaître mieux, puisqu'il s agit
bien d'une réalité qui fait partie de notre monde global.
On ne regrettera sûrement pas d'avoir lu la Légende
des Loa. On y apprendra des choses inconnues jusque
là, on aura aussi l'occasion de corriger certaines idées
fausses que l'on se faisait au sujet de tel loa, de tel
garde etc.
La Légende des Loa est un livre que doit lire tout
Haïtien qui s'intéresse aux choses de chez lui.
IX