Table Of ContentRéfugiés et pionniers
Installation de réfugiés
burundais en Tanzanie
Institut de Recherche des Nations Unies
pour le Développement Social
Réfugiés
. .
et pIonnIers
Installation de réfugiés
burundais en Tanzanie
H anne Christensen
UNRISD L'Harmattan
Genève Paris
TRANSFORMA nONS
" Sur la terre,
jusque là commune à tous
aussi bien que l'air
ou la lumière du soleil,
l'arpenteur défiant
traça de longs sillons
pour limiter les champs."*
* Ovide, Métamorphoses, Texte de l'Association
Guillaume Budé traduit par Georges Lafaye, Paris, 1931.
PREFACE
La violence et la paix furent de tous temps les jalons
de l'histoire. Nombreux furent les pays ~aintes fois balayés
par des tourmentes politiques. Une partie de leur population
devait alors s'enfuir. Puis la paix était rétablie. Mais si la
violence s'estompait, il en restait des traces: un brassage crois-
sant de tous ces peuples contraints de quitter leur lieu d'origine
pour s'installer à l'étranger.
Les dramatiques répercussions sociales de ces déplacements
de population constituent l'un des plus graves problèmes que
la communauté internationale soit appelée à résoudre. Comment
assurer la survie des réfugiés? Comment les aider à donner
un sens à leur vie? Comment les intégrer au pays dans lequel
ils se sont réfugiés? Pourront-ils jamais retourner chez eux?
Seules des recherches spécifiques permettent de répondre à
ces questions.
L'UNRISD centre ses recherches sur les moyens d'existence,
la participation et les politiques de développement, c'est-à-dire
sur le développement social; il se doit donc d'étudier la question
des réfugiés.
Le présent rapport retrace l'installation en Tanzanie
des réfugiés originaires du Burundi. Il ne porte que sur la période
pendant laquelle les réfugiés d'Afrique s'installèrent sur des
terres inhabitées, soit de leur propre initiative au sein des popula-
tions locales des pays d'accueil, soit dans des zones prévues
à cet effet, où ils reçurent des parcelles destinées à leur fournir
de quoi se nourrir. Depuis lors, en Afrique comme ailleurs,
diverses méthodes ont été appliquées pour résoudre la question
des réfugiés, comme celle consistant à les maintenir pendant
des années dans des camps bénéficiant d'un financement extérieur.
L'étude révèle qu'il a toujours existé des réfugiés. Elle montre
que les "zones d'installation" créées à leur intention, aussi dé-
favorisées soient-elles, peuvent leur offrir la sécurité tout en
leur permettant de pourvoir eux-mêmes à leurs besoins.
Cette étude porte sur la création, dans une région rurale,
d'une "zone d'installation" destinée aux réfugiés burundais;
les observations ont commencé le jour du premier relevé
v
topographique de ces terres alors inhabitées pour s'achever
le jour où la communauté internationale transmit au gouverne-,
ment tanzanien la responsabilité de cette zone alors composee
de onze villages dotés d'une infrastructure sociale complète.
Elle révèle que lors de la suppression de l'aide extérieure,
les réfugiés de cette zone constituaient une société très strati-
fiée tant sur le plan économique que sur celui de l'attachement
au pays d'accueil.
Cette étude fournit des renseignements d'ordre général
sur la situation des réfugiés et sur la réalisation de "zones
d'installation de réfugiés". Elle ne formule pas de recommanda-
tions quant aux mesures à prendre pour améliorer la situation
des réfugiés, mais nous pensons qu'elle devrait permettre de
mieux appréhender les problèmes qu'ils affrontent.
Enrique Oteiza
Directeur
Vi
TABLE DES MA TIERES
Page
PREFACE
v
I. INTRODUCTION 1
1. Nature du problème 1
2. Les agents 3
3. Cadre de l'étude 4
4. Méthodologie et portée de l'étude 5
PREMIERE PAR TIE: LES REFUGIES D'AFRIQUE 9
II. QU'EST-CE QU'UN REFUGIE? Il
1. Généralités 11
2. Concepts juridiques Il
3. Clauses de ces instruments juridiques 14
4. Commentaires sur les concepts 17
III. LE PHENOMENE DES REFUGIES EN AFRIQUE 23
1. Causes du phénomène: nombre et répartition
des réfugiés 23
2. L'aide aux réfugiés 29
3. L'installation en zone rurale 33
DEUXIEME PARTIE: ERUPTIONS SOCIALES DANS
UN PAYS D'ORIGINE 39
IV. LA STRUCTURE SOCIALE DU BURUNDI ET
L'EXODE DES REFUGIES 41
1. Généralités 41
2. Situation du Burundi 41
3. Histoire de l'époque pré-coloniale 43
4. La société à l'époque de l'arrivéedes Européens 47
5. La société sous la domination coloniale 52
6. L'indépendance - L'exacerbation du conflit 54
7. Evènements postérieurs au conflit 59
8. Répercussions du conflit 60
9. Commentaire 62
Vll
Page
TROISIEME PAR TIE: INSTALLA TION ET
TRANSFORMA TION 71
V. L'ARRIVEE ET L'INSTALLATION DES REFUGIES 73
1. Rwanda et Zaire 73
2. Tanzanie 81
3. L'arrivée en Tanzanie 83
/.j.. Le transfert à Ulyankulu 85
5. La transformation d'Ulyankulu 88
6. L'administration de la zone d'installation
de réfugiés 91
7. Moyens d'existence des réfugiés pendant
la phase d'installation 92
8. Commentaire 98
VI. PROFIL DES REFUGIES 103
1. La vie quotidienne dans la zone d'installa-
tion de réfugiés d'Ulyankulu 103
2. Conditions de vie et caractéristiques
générales des réfugiés 109
QUATRIEME PARTIE: COMPRENDRE LES ZONES
D'INST ALLA TION DES REFUGIES 125
VII. L'ORIENT ATION ET L'A VENIR DES REFUGIES 127
1. Attitude des réfugiés face à l'avenir 127
2. Le réseau social 132
3. L'engagement moral des réfugiés 13/.j.
/.j.. Commentaire 136
VIII. RESUME ET CONCLUSIONS 139
IX. DOCUMENTATION PHOTOGRAPHIQUE 1/.j.5
VIll
I. INTRODUCTION
1. Nature du problème
Au cours de la dernière décennie, le triste sort des réfugiés
du tiers monde a monopolisé l'attention de la communauté inter-
nationale. Les réfugiés sont souvent considérés comme les vic-
times d'une action destructrice toujours plus sophistiquée, ou
comme le symbole des êtres humains privés de foyer et de
ressources, proies innocentes de déchaînements de violence.
Vers la fin des années soixante-dix, il est apparu que
l'opinion publique internationale était excessivement focalisée
sur la situation d'une certaine catégorie de réfugiés, au détriment
des autres. Elle avait tendance à privilégier les aspects politiques
de la situation des réfugiés, quelle que soit l'ampleur des pro-
blèmes de base responsables de cette situation. Elle manifesta
par exemple un grand intérêt pour les réfugiés originaires de
pays dont l'état guerre était considéré comme une répercussion
de la guerre froide, parfois aggravée par les conséquences de
la décolonisation; elle ne prêta en revanche guère attention
aux guerres résultant de toute évidence de conflits tribaux,
généralement considérées comme moins graves et moins destruc-
trices, comme la manifestation de conflits locaux sans grande
signification sur la scène internationale. En conséquence, le
drame des réfugiés asiatiques eut tendance à éclipser celui
des réfugiés d'autres continents, alors que tous les réfugiés,
quels qu'ils soient, sont en proie à la terreur, au désespoir et
à la crainte de l'avenir, et affrontent les mêmes problèmes
matériels, tels que la nécessité de trouver les moyens de survivre
et de mener une existence tolérable.
La communauté internationale, bien que très préoccupée
à l'époque par la situation des réfugiés d'Afrique, n'attachait
que très peu d'importance à leur situation matérielle; rares
étaient les chercheurs qui interrogeaient les réfugiés à ce sujet.
On se contentait des diverses solutions déjà appliquées alors
que l'Afrique abritait plus de réfugiés que le reste du monde.
Afin d'attirer l'attention de l'opinion sur la situation
1
des réfugiés d'Afrique, on décida donc d'étudier le processus
d'installation d'une des plus importantes colonies de réfugiés
formées en Afrique au cours de la dernière décennie, celle
des réfugiés originaires du Burundi. Ces recherches devaient
porter sur l'ensemble du processus d'installation des réfugiés
- depuis leur arrivée dans le pays hôte jusqu'au lancement et
à la réalisation - jusqu'à leur terme - de programmes d'aide
internationaux. On sélectionna la Tanzanie car elle constitue
le principal pays d'accueil de ces réfugiés. Pour faciliter la
compréhension de ce processus d'installation, on l'a replacé
au fur et à mesure dans son contexte historique. Le but de
cette étude était de collecter des données générales dans ce
domaine, les recommandations relatives aux politiques à adopter
à l'égard des réfugiés et aux mesures à prendre pour améliorer
les programmes d'aide devant faire l'objet d'études spécifiques.
Nous avons cherché à répondre aux cinq questions suivantes:
(a) Quelles furent les conditions d'existence offertes aux
réfugiés au cours de leur période d'installation?
(b) Existe-t-il parmi les réfugiés des groupes vulnérables
qui ont des difficultés à faire face aux problèmes quotidiens?
(c) Que pensent les réfugiés de leur séjour dans le pays
d'accueil?
(d) Les réfugiés et la population locale ont-ils noué des
relations sociales?
,
(e) Le processus d'accession a l'autosuffisance est-il en
bonne voie? 1/
Les réponses à ces questions dépendent des politiques
adoptées pour favoriser l'intégration des réfugiés et leur accès
à l'auto-suffisance. Tout pays d'accueil doit répartir les res-
sources dont il dispose entre ses ressortissants et les réfugiés.
L'installation de réfugiés engendre inévitablement bien des
questions: dans quelle mesure peut-on offrir gratuitement des
terres et de l'aide aux réfugiés démunis si l'on ne fait de même
pour les ressortissants défavorisés du pays hôte qui ne par-
viennent qu'à grand peine à pourvoir à leurs besoins? Les réfugiés
doivent-ils être autorisés à vivre librement au sein de la popula-
tion locale et faut-il leur accorder tous leurs droits civils?
2
Les réfugiés doivent-ils être autorisés à travailler exclusivement
pour leur propre bénéfice, ou faut-il mettre la main-d'oeuvre
qu'ils représentent à la disposition du pays hôte? Les programmes
d'assistance doivent-ils profiter exclusivement aux commu-
nautés de réfugiés ou également aux habitants des localités
voisines? Les réponses apportées à ces questions dépendent
des politiques adoptées simultanément ou successivement-
par le pays hôte à l'égard des réfugiés: c'est d'elles que dé-
pendra l'intégration ou l'isolation des réfugiés. Il est évident
qu'il est parfois difficile d'appliquer une politique de ségrégation
qui présente à la fois des avantages et des inconvénients. Il
est tout aussi évident que l'intégration des réfugiés peut égale-
ment avoir des répercussions positives et négatives tant sur
les réfugiés que sur la société d'accueil. Nous espérons que
les résultats de cette étude jetteront une lumière nouvelle sur
ces questions.
2. Les agents
Le fait d'être réfugié peut constituer pour les personnes
concernées une régression ou un progrès. Il arrive qu'un réfugié
se voit contraint à la passivité alors que dans son pays d'origine
il participait activement à la vie de la société; il est du reste
susceptible de retrouver ultérieurement ce rôle actif soit en
exil, soit une fois de retour chez lui. 2/
Ces processus de régression ou de progrès dépendent
des corrélations entre les quatre éléments fondamentaux du
problème des réfugiés: les "forces coercitives" (c'est-à-dire
la situation dans le pays d'origine); le "réfugié" lui-même; l"'hôte"
(le pays d'accueil); et le "parrain" (l'institution octroyant une
aide financière ou humanitaire). Les forces coercitives sont
ce qui contraint les habitants à s'enfuir: il peut s'agir de persécu-
tions systématiques perçues comme intolérables, ou encore
de l'agitation croissante qui règne dans le pays. La réaction
des habitants est de se réfugier à l'étranger, afin de protéger
leur propre vie ou celle de leurs proches. Le pays hôte accueille
les réfugiés et leur offre la sécurité. Le parrain garantit la
survie des réfugiés en leur offrant une aide matérielle et morale
pendant une période initiale parfois relativement longue.
Ces éléments peuvent intervenir successivement, en com-
mençant par l'action des forces coercitives, pour se poursuivre
par la réaction du réfugié ou du pays hôte et s'achever par
3