Notre beau métier : manuel de pédagogie appliquée

46 Pages·2016·14.51 MB·French

NOTRE BEAU MÉTIER

F. MACAIRE
avec la collaboration de F. GAUTIER et J. SABIN
NOTRE BEAU MÉTIER
MANUEL DE PÉDAGOGIE APPLIQUÉE
Pédagogie générale
Disciplines scolaires
Psychologie éducative
Nouvelle édition
L e s c l a s s i q u e s a f r i c a i n s
184, avenue de Verdun
92130 Issy les Moulineaux
N° 801
REMARQUE
Tout au long de cet ouvrage, l'auteur emploie habituellement le genre
masculin, qu'il s'agisse d'éducateur, d'instituteur ou d'enseignant. Cela faci-
lite l'expression écrite en évitant des répétitions et des lourdeurs fatigantes.
Mais il va sans dire que, dans ces pages, il s'adresse tout autant aux édu-
catrices et institutrices dont le talent pédagogique rivalise hautement avec
celui de leurs collègues masculins, et dont le rôle et l'influence auprès des
enfants s'avèrent parfois même plus efficaces, par suite du tact féminin qui
entre en jeu dans les situations les plus délicates.
Photographie de couverture : A J. Kovaleff
@ Editions Saint-Paul, 1979 ISBN 2.85049.162.4
Première partie
Pédagogie générale
Chapitre premier
L'ÉDUCATION
«Eduquer un enfant c'est essentielle-
ment, lui apprendre à se passer de nous »
(A. Bergé)
1. Les tâches de l'éducation
1. Qu'est-ce que l'éducation?
L'éducation est l'art d'élever les enfants. Elle les prépare à devenir des hom-
mes complets, instruits, consciencieux, utiles à la société. Elle vise à former des
caractères trempés, des âmes fortes. Développer la personnalité de l'enfant, tel
est son premier objectif.
Son point de départ, c'est l'enfant lui-même, avec ses dispositions, ses incli-
nations : « L'éducation consiste à guider les tendances héréditaires de l'enfant
afin de produire un développement harmonieux. Son but est de tirer le meilleur
parti possible de chaque individu, c'est-à-dire de permettre l'actualisation de
potentialités innées, dans la mesure où elles contribuent à la perfection de
l'ensemble. L'éducation a un second but, c'est de développer des individus qui
soient en harmonie avec leur milieu » (Carrel).
On a encore défini l'éducation « l'art d'apprendre aux enfants à se passer de
nous ». On peut dire qu'un enfant est vraiment éduqué si, au sortir de l'école, il
trouve dans sa conscience une force assez puissante pour assurer dorénavant
la pratique de tous des devoirs.
2. Les domaines de l'éducation
L'éducation complète d'un enfant concerne cinq secteurs essentiels de sa
personnalité.
L'éducation physique a pour but de surveiller le développement du corps qui,
pendant toute la scolarité de l'enfant, est en période de croissance. L'enseigne-
ment et la pratique de l'hygiène, les exercices physiques, le contrôle médical y
sont spécialement intéressés.
L'éducation intellectuelle consiste à éduquer et affiner les sens, ouvrir et déve-
lopper l'intelligence, former le jugement, exercer et meubler la mémoire, diriger
l'imagination. Toutes les activités scolaires concourent plus ou moins à cette
formation.
L'éducation sociale et civique se propose de donner à l'enfant l'amour de son
village, de sa ville, de son pays, de lui apprendre ses devoirs envers les autres,
envers sa patrie, envers la société.
L'éducation morale cherche à faire de l'enfant un citoyen honnête, travailleur,
loyal, consciencieux; elle lui inculque le sens du devoir.
L'éducation religieuse lui fait connaître ses devoirs envers Dieu et l'entraîne à
la pratique de sa volonté.
3. Instruction et éducation
On dit d'une personne qu'elle est instruite quand elle a fait des études et
acquis des connaissances étendues. On la dit bien éduquée quand, en plus de
l'instruction, elle a reçu une formation morale et sociale, et qu'elle a du savoir-
vivre.
L'instruction s'intéresse à la formation intellectuelle, elle ne constitue qu'une
partie de l'éducation. L'éducation tend à la formation totale de l'enfant : intelli-
gence, sensibilité et volonté.
« Tout être humain, au cours de son existence, peut parfaire ses connaissan-
ces, s'il en a la volonté; mais les mauvaises habitudes, les défauts de caractère
que l'éducation n'a pas réussi à corriger, compromettent gravement l'intégra-
tion à la vie sociale et pèsent sur le cours de la destinée. Le premier devoir de
l'éducation est donc de développer chez les élèves des attitudes, des habitudes,
des qualités de caractère. Le sens de l'ordre, le goût au travail, la véracité, la poli-
tesse, la loyauté, la moralité sont des valeurs plus importantes dans la vie que
l'acquis fragmentaire que le maître a enseigné» (R. Dottrens).
4. Le dressage
De prime abord, le mot choque, mais il convient de voir ce.qu'il recouvre avant
de le condamner. Le dressage est la formation lente et progressive d 'automa-
tismes, une laborieuse acquisition de réflexes qui se déclenchent à I insu de la
volonté et même de la pensée consciente. Le dressage a recours aux procédés
mécaniques, empiriques.
Il serait maladroit d'exclure tout dressage. Pour rendre le tout jeune enfant
apte à recevoir l'éducation, il est nécessaire de lui faire contracter des habitudes
qu'il ne pourra acquérir que par le dressage - son intelligence n'étant pas encore
assez développée ni sa volonté assez forte pour lui servir de guides. Par exem-
ple, les exigences d'une politesse régulièrement pratiquée conduisent peu à peu
au respect; le règlement scolaire habitue à la ponctualité, au bon ordre; certai-
nes notions scolaires (opérations, règles de grammaire, etc.) doivent pratique-
ment obéir à un déclic spontané. Dans le triple domaine physique, intellectuel,
moral, le dressage joue un rôle non négligeable.
Les abus sont à craindre. Il y a abus, par exemple, quand le maître donne à
apprendre par cœur des notions inutiles pour l'esprit; quand il adopte un sys-
tème d'interrogation ne comportant qu'une suite de demandes et de réponses
sans la moindre variante ; quand il fait reposer la discipline sur des coups de sif-
flet incessants.
5. Les clés de l'éducation : confiance et amour
Il n'y a pas de véritable éducation sans un climat de compréhension, de
confiance, et sans amour. Si la confiance fait défaut, on en arrive très vite aux
mesures d'autorité, à la contrainte. L'enfant devient alors un être passif qui subit
l'action de son maître.
Ce climat de confiance s'établira de lui-même si l'enfant sent qu'on l'estime
et qu'on l'aime, ce qui ne signifie pas être faible avec lui, lui passer tous ses
caprices. Le maître est là pour conseiller, diriger et parfois imposer. L'enfant
l'admet et le comprend, mais il a vite fait de discerner dans le comportement
du maître les mobiles qui le font agir : autoritarisme, caprice, humeur, fantaisie,
ou véritable affection.
6. Education et internat
La famille est assurément le milieu naturel dans lequel se développe norma-
lement l'enfant. A moins de nécessités impérieuses, il est donc préférable de ne
pas enlever l'enfant au cadre de vie qui semble le plus apte à assurer son édu-
cation. Cependant, il faut bien reconnaître que parfois l'internat est une néces-
sité et, pour certains, un avantage.
Pour les ruraux qui habitent des villages ou des petites localités écartés et qui
désirent faire suivre à leurs enfants un cycle d'études, l'internat reste souvent
la seule possibilité. En outre, les enfants auxquels manque l'atmosphère fami-
liale normale, par suite du décès prématuré de l'un des conjoints, ou à cause
d une mésentente qui a abouti au divorce, trouvent dans l'internat une
ambiance qui, dans la plupart des cas, s'avère bénéfique.
« Par ailleurs, si l'on reproche à l'internat sa formation en série, son manque
d ouverture à la vie réelle, le nivellement des individus par l'anéantissement des
personnalités, reconnaissons aussi que le régime de l'internat a ses exigences
formatrices, si elles ne sont pas marquées d'un esprit aveugle et tracassier.
L horaire précis, le règlement, s'ils savent ne pas être immuables, s'adapter aux
circonstances et aux besoins présents, constituent un cadre de vie, générateur
d efficacité pour l immédiat et d habitudes précieuses pour l'avenir » (L. Firmin).
LECTURE
UNE TÂCHE MAGNIFIQUE
Trois mots de la langue française, également riches de sens, précisent le but à poursuivre par les
éducateurs. Ils doivent former les enfants, les éduquer, les élever.
Les former
« Former quelqu'un », c'est, d'après le langage commun, cultiver une de ses aptitudes, en utilisant
les méthodes les mieux appropriées et les plus efficaces. Nous appelons « maîtres » et « maîtresses »
ceux qui nous initient à ce savoir-faire. Tout métier, toute profession exige cet apprentissage.
Nul homme, même exceptionnellement doué, ne s'est passé impunément de l'expérience des
autres. Former l'enfant, c'est lui apprendre son premier, son plus essentiel métier : son métier
d'homme. Seul, laissé à lui-même, il ne connaîtra jamais à fond son premier métier.
Les éduquer
Cette formation à donner aux enfants est une éducation. Eduquer signifie « faire sortir », « expli-
citer ». Il s'agit de dégager, de mettre en valeur, en pleine lumière, toutes les beautés, toutes les puis-
sances de vie que l'enfant recèle en son âme et dans son cœur. Le noyau de mangue que vous plan-
tez en terre est déjà le manguier de demain. Pour devenir cet arbre majestueux qui résiste victorieu-
sement aux tornades, il suffit que, sous l'action des sucs, du soleil et de l'air, se développent les puis-
sances vitales encloses dans ce corpuscule de quelques grammes. Le manguier « sort », se «tire»
du noyau. Ainsi l'homme fait est déjà tout entier, mais en germe, dans l'enfant. L'éducation doit
« sortir », «tirer» peu à peu les trésors cachés dans l'âme de l'enfant.
Les élever
Une formation, une éducation, entendues de la manière dont nous venons de les expliquer, ont
nécessairement comme résultat de « grandir », d'« élever» l'enfant.
L'éducation doit s'effectuer par le dedans, par l'intérieur; pression et direction extérieures n'y suf-
fisent pas. Tout l'art de l'éducation consiste à provoquer chez l'enfant le désir et l'ambition de se
grandir, de se perfectionner lui-même.
Grande et noble tâche! Il n'en existe pas de plus haute ni de plus essentielle.
D'après J. Dhur, Eduquer un enfant (Salvator).
SUJETS D'EXAMEN
1. « C'est quand l'élève, enfin, n'a plus besoin de son maître, que l'éducateur a gagné.» Ainsi
s'exprime un pédagogue contemporain.
Vous expliquerez cette pensée en disant comment à votre avis, l'école primaire peut essayer
d'atteindre le but ainsi défini. (Côte-d'Ivoire).
2. « L'enseignement n'a pas pour objet de préparer à un examen, mais de préparer à la vie.»
Expliquez et commentez. Dites comment l'enseignement que vous donnez à l'école primaire
doit être organisé pour préparer à la vie. (Gabon).
3. « On dira qu'il n'est pas d'instruction sans une éducation; qu'apprendre à lire, c'est déjà
apprendre à se dominer... Cela est vrai, certes, mais le fait subsiste d'un écart que la dualité
des mots manifeste assez... Dans nombre de nations où l'on a réduit l'enseignement à l'ins-
truction la plus pure, on constate aujourd'hui la faillite du système. Et inversement il est de
vieilles cultures, survivances d'âges archaïques, qui parviennent, sans instruire, par la force
des traditions et des rites, à assurer une éducation certaine...» (J. Chateau).
Analysez les principales idées contenues dans ce texte et donnez votre opinion (Niger).
2. Par quels moyens éduquer?
1. D'abord, comprendre l'enfant
Un enfant souffre terriblement de se sentir incompris de ses parents ou de
ses maîtres. Là est souvent l'origine des révoltes, des «btocages» dont les
conséquences s'étendent parfois sur toute une vie. Nous devons être attentifs
à nos élèves, attentifs à ce qu'ils sont, à ce qui se passe en eux, sinon, entre
eux et nous, tout dialogue devient impossible.
Et pour comprendre, il faut savoir observer. Observer comment se comporte
au fil des jours et des mois ce petit monde dont on a la charge. Il faut s'efforcer
de discerner les qualités et les défauts de chacun. On verra alors se profiler
peu à peu les caractères et se manifester les tempéraments. On peut alors agir
en conséquence. Cependant, ne jugeons pas trop vite, et n'hésitons pas à
revenir sur une première impression, pour la contrôler, la modifier au besoin.
Il faut aussi savoir écouter. Pas pour être indiscrets, mais pour recueillir les
confidences spontanées. L'enfant a besoin de s'exprimer, de faire partager ce
qu'il éprouve, ce qu'il ressent, ne serait-ce que pour avoir la confirmation de
la justesse de ses impressions. Beaucoup se replient sur eux-mêmes parce
qu'ils n'ont personne à qui se confier. Il y aurait sans doute moins d'enfants
difficiles, si les parents et les maîtres se donnaient la peine de les écouter.
Savoir deviner est aussi un don du véritable éducateur. Visiblement, certains
jours, «ça ne va pas», l'enfant est triste, bizarre, déroutant. Le brusquer, se
répandre en reproches n'est pas la bonne solution. Il faut savoir attendre, pro-
fiter du bon moment, pour parler avec tact et douceur. Cette attitude, qui
demande beaucoup de patience et de délicatesse, s'avère généralement effi-
cace, car elle sauvegarde la confiance de l'enfant et laisse la porte ouverte au
dialogue.
Il faut enfin connaître ses élèves. Un minimum de connaissance de chaque
élève est indispensable pour être à même de l'orienter, de le guider avec
sûreté. Connaissance de l'enfant, mais aussi de son milieu, de sa famille. Si
vous avez observé son comportement, écouté ses confidences, deviné ses
besoins, c'est beaucoup, mais c'est insuffisant. Il faut encore se documenter
dans les livres sur l'enfant et les revues spécialisées. Dans certains cas, on
n'hésitera pas à recourir au médecin ou au psychologue.
2. Ensuite, respecter l'enfant
L éducateur doit respecter la diversité des caractères, c'est-à-dire ce qui,
dans chaque individu, constitue sa personnalité, son originalité propres.
Est-il besoin de le dire ? La psychologie du garçon n'est pas la même que
celle de la fille. L éducateur devra tenir compte de cette différenciation qui
marque profondément les enfants.